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Contrevérités sur la FM sous l’Occupation

 

Je veux revenir sur l’intervention d’une Sœur visiteur entendue à notre dernière Tenue du 3 février.  Échangeant sur les valeurs de la Franc-maçonnerie suite à la Question à l'Etude des Loges, la Sœur a tenu des propos qui se voulaient rassurants quant au combat actuel des francs-maçons dans la société française qui se cherche. Son intervention a traité partiellement de la Franc-maçonnerie sous l’Occupation. Elle comportait deux contrevérités.

La première parlait de la zone Libre en 1943 alors que celle-ci est envahie le 11 novembre 1942 par les Allemands et les Italiens à la suite du débarquement allié en Afrique du Nord le 8, et prend le nom de « zone Sud » qui est partagée entre les deux envahisseurs.  En 1943, si deux zones, Nord et Sud existent, ces deux zones sont administrées communément par la Wehrmacht. Les juifs ou les républicains espagnols par exemple, réfugiés en zone « Libre » puis « Sud » furent alors persécutés comme en zone « occupée » puis « Nord ».

La seconde contre vérité tient aux propos concernant Pierre Laval, chef du gouvernement du Maréchal Pétain, qui  (je la cite) "a levé en 1943 l’interdiction  de la Franc-maçonnerie française".

C’est faux ! Le régime de Vichy va se venger des francs-maçons porteurs -comme les juifs- de tous les maux par une répression sans précédent dans l’histoire nationale. Une première loi, le 13 août 1940, dissout les sociétés abusivement qualifiées de secrètes et oblige les fonctionnaires et assimilés qui en ont été membres à le faire savoir. Les locaux sont placés sous séquestres et une loi complémentaire du 5 octobre confie à l’Enregistrement l’administration et la liquidation de leurs biens. Les nazis en zone Nord, la police de Vichy dans les deux zones procèdent à des perquisitions et à des arrestations. Des archives, des objets d’art sont transportés en Allemagne (Tours ne fait pas exception). Bernard Faÿ, avec l’autorisation de la Gestapo, s’installe rue Cadet dans les locaux du Grand Orient de France et commence un travail de fichage qui va se poursuivre durant toute la guerre. Une seconde loi, le 11 août 1941, révoque de la fonction publique et prive de leurs mandats électifs les dignitaires ou soi-disant tels dont les noms sont publiés au Journal Officiel puis relayés par la presse de province. Des hommes et des femmes se voient ainsi privés de leur rémunération. La répression antimaçonnique se trouve facilitée.

Plusieurs organismes vichyssois coopèrent entre eux et avec la Gestapo. Le SSS en 1941, Service des sociétés secrètes, complété par le SPSS, Service de police des sociétés secrètes, qui doit soumettre ses informations aux autorités allemandes, et le SPAD, Service de police des associations dissoutes, agissant à Paris. L’unique action « en faveur » des maçons qu’on peut attribuer à Pierre Laval est celle qui fait passer le SSS sous le contrôle du ministère de la Justice le 21 avril 1943 afin d’atténuer la rigueur des mesures prises. Serait-ce l'incertitude pour la Collaboration de l'avenir radieux d’une Europe aryenne depuis la défaite allemande à Stalingrad en janvier 1943 ? Ou bien est-ce le constat d’une propagande antimaçonnique contreproductive auprès de la population ? Ou bien est-ce le relent du lointain passé de maçon et de socialiste de Pierre Laval, ou les trois raisons à la fois qui fondent sa décision ? (Le SSS relevait à l’origine du cabinet civil de Pétain, puis du ministre de l’Intérieur, le fanatique vice-amiral Platon). Tous les services de perquisition, de répression, de persécution et de propagande séviront jusqu’à la fin de la guerre. Pierre Laval est condamné à mort par la Haute Cour de la République le 9 octobre 1945 et fusillé le 15.

En France libre à Alger, c’est le Général de Gaulle qui rétablit la maçonnerie dans ses droits par ordonnance du 15 décembre 1943. Elle mettra 40 ans pour retrouver le nombre d’adhérents d’avant guerre. Si nous pouvons identifier 800 maçons victimes de la barbarie nazie (dont les noms d’une quinzaine sont gravés dans le marbre du Grand Temple de Tours), faute d’archives perdues ou détruites pendant l’Occupation, il est à craindre que l’activité de nombreux maçons dans la Résistance restera méconnue.

Pour leur rendre hommage d’une part et, d’autre part, pour que nos mémoires ne fassent pas table rase du passé, je souhaitais rétablir la vérité historique.

Amitiés et Frat     

Avec l'aimable autorisation  de : Jean-Philippe Marcovici                                              

 

NB. A lire sur le sujet le livre d’André Combes « La Franc-maçonnerie sous l’Occupation » aux Editions du Rocher, 2005.  La dernière phrase de son livre est-elle prémonitoire ? Or, elle (la Franc-maçonnerie) est à nouveau l’objet d’attaques sordides, avec parfois des sous-entendus antisémites, de la part d’extrémistes et de journalistes en mal de copie. Un devoir de vigilance s’impose à nouveau.


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