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Quelques minutes de Brassens

Vénérable maître et vous tous mes frères et mes sœurs en vos grades et qualités…

Quelques minutes de Brassens, c’est le sujet de ce midi. Mon interprétation est peut être toute personnelle. Mon objectif est de lever un coin du voile sur une œuvre, tourner autour de la pierre pour tenter de l’approcher, comprendre quels sont les éclats qui illuminent et ceux qui brillent moins…

J’attirerai l’attention sur quelques textes. Je ne prémâcherai pas le travail afin de laisser à chacun l’intégrité de son libre arbitrage.

Musique 1 Sidney Bechet Brave Margot…00.25

Quant Margot dégrafait son corsage,
Pour donner la gougoutte à son chat,
Tous les gars, tous les gars du village
étaient-là, la la la la et la.

Peut-être, y avait-il parmi eux, des frères, ce que faisaient les sœurs en ce moment n’est pas dit dans cette chanson. Tout ce que j’en sais c’est que les filles bien iront au paradis, et les autres font ce qu’elles veulent. Pour vous parler de l’homme de Sète, j’ai voyagé dans ses poèmes et dans ses interviews.

J’aurais pu le paraphraser, ce qui aurais donné quelque chose comme :

Elles sont à toi ces quelques phrases,
Toi le Sétois qui sans façon, à la manière d’un frangin.
M’a donné un bout d’espoir
Quand dans ma vie il faisait faim de savoir et de partage,
Toi qui m’a d’abords appris à crier gare…au gorille
Et souvent fait sourire
Toi qui exprime si bien mes sentiments.
Elles sont à toi ces quelques phrases,
Toi le grand Sétois qui sans façon,
M’a donné un plus que du pain
Quand dans ma vie il faisait faim.

Abordons tout de suite le sujet qui titille : Brassens était-il un frère ?

Musique 2. Les deux oncles…00.39

Un p'tit forget me not pour mon oncle Martin
Un p'tit « vergiss mein nicht » pour mon oncle Gaston
Pauvre ami des Tommies, pauvre ami des Teutons...

Parlant ainsi du myosotis, signe de reconnaissance porté par nos frères dans certains camps de concentration.

(Ce qui reste à me prouver)

Doit-on écouter la chanson « Les deux oncles » comme un aveu ?
Certains le croient ?
D’autres diront qu’il n’est pas un enfant de la veuve car il a écrit « à partir de deux, on est déjà une bande de cons ».

J’aurais pu m’informer, demander à mon vénérable maître d’écrire au Grand Orient de France… Et répondre à la question : Qui de lui ou de son père était F\ M\ ? Ou aucun des deux. Cette idée m’a effleuré. Mais avons-nous besoin de la lumières des stars ou des politiques en vue, ou juste de la lumière des Humains libres penseurs ?

J’aurais pu moi aussi créer des amalgames, Jeanne avait une canne, Jeanne faisait bon accueil à l’étranger voyageur, donc Jeanne faisait partie de la grande famille. Je n’ai rien fait de tout cela et c’est bien ainsi.

Musique 3 Jeanne - 00.33

Jeanne, la Jeanne,
On est n’importe qui, on vient n’importe quand
Et comme par miracle, par enchantement,
On fait partie de la famille
Dans son cœur, en se poussant un peu,
Reste encore une petite place
La Jeanne, la Jeanne
Elle est pauvre et sa table est souvent mal servie,
Mais le pauvre qu’on y trouve assouvit pour la vie
Par la façon qu’elle le donne,
Son pain ressemble à du gâteau
Et son eau à du vin comme deux gouttes d’eau.

Aujourd’hui, si on me demande de me définir je répondrais que ce sont les autres qui définissent l’Homme.

Je pourrais me qualifier comme probe et libre mais c’est mon atelier qui a décidé un jour que j’étais suffisamment probe et libre à ses yeux.

Cet exercice je vais y jouer avec Georges, et fouiller dans ses interviews et les paroles de quelques chansons. Fils d’une mère catholique d’une grande dévotion et d’un père libre penseur, anticlérical et doté d’une grande indépendance d’esprit…

On a souvent traité Brassens de catholique masqué… Deux de ses chansons en disent bien autre chose « Le mécréan » et « Dieu s’il existe » (repris dans les inédites par Jean Bertola).

J'aimerais citer le poète, en cet extrait de l'enregistrement mythique du 6 janvier 1969 qui réunissait Georges Brassens, Jacques Brel et Léo Ferré chez Cristiani, jeune journaliste Français.

« Ne croyant pas, il m'est difficile de parler de dieu [...] Moi, je ne peux pas en parler...parce que j'en parle beaucoup dans mes chansons : mais uniquement pour qu'on comprenne ce que je veux dire. On chante pour des gens qui y croient ».

Musique 4 Le mécréant 00.26

Le mécréant

Est-il en notre temps rien de plus odieux
De plus désespérant que de n’pas croire en Dieu ?
J’voudrais avoir la foi d’mon charbonnier
Qui est heureux comme un pape et con comme un panier.

Mon voisin du dessus, un certain Blais Pascal
M’a gentiment donné ce conseil amical
Mettez-vous à genoux, priez et implorez
Faites semblant de croire, et bientôt vous croirez.

J’me mis à débiter, les rotules à terre
Tous les AveMaria, tous les Pater Noster
Dans les rues, les cafés, les trains, les autobus
Tous les De profundis, tous les Morpionibus.

Sur ces entrfait’s-là, trouvant dans les orties
Un’soutane à ma taill’, je m’en suis travesti
Et, tonsuré de frais, ma guitare à la main
Vers la foi salvatric’je me mis en chemin.

J’tombai sur un boisseau d’punais’s de sacristie
Me prenant pour un autre, en chœur, elles m’ont dit
« Mon pèr’, chantez-nous donc quelque refrain sacré
Quelque sainte chanson dont vous avez l’secret ».

Grattant avec ferveur les cordes sous mes doigts
J’entonnai « le Gorille » avec « Putain de toi »
Criant à l’imposteur, au traitre, au papelard
Ell’s veul’nt me fair’subir le supplic’d’Abélard.

Je vais grossir les rangs des muets du sérail
Les bell’s ne viendront plus se pendre à mon poitrail
Grâce à ma voix coupée j’aurais la plac’de choix
Au milieu des petits chanteurs à la croix d’bois.

Attirée par le bruit, un’dam’de Charité
Leur dit : Que faites-vous ? Malheureuse arrêtez
Y a tant d’hommes aujourd’hui qui ont un penchant pervers
A prendre obstinément Cupidon à l’envers
Tant d’hommes dépourvus de leurs virils appas
A ceux qu’en ont encor’ne les enlevons pas’.

Ces arguments massue firent un’grosse impression
On me laissa partir avec des ovations
Mais, su’l’chemin du ciel, je n’ferai plus un pas
La foi viendra d’ell’-même ou ell’ne viendra pas.

Je n’ai jamais tué, jamais violé non plus
Y a déjà quelque temps que je ne vole plus
Si l’Eternel existe, en fin de compte, il voit
Qu’je m’conduis guèr’plus mal que si j’avais la foi.

Laïcs est un terme utilisé par les catholiques pour distinguer les fidèles des ministres du culte. Brassens, lui préférais celui de mécréant Tout comme lui, Je préfère le mot mécréant, à celui de laïque ou d’athée.

Ses histoires avec l’Eglise ne sont pas terminées :

Le 27 novembre 2011, le Midi libre édition Bagnol titrait : « Georges Brassens n’a pas droit de cité dans l’église ».

En sous-titre :

« Société / Le torchon brûle entre l’office de tourisme de Saint-Laurent-des-arbres et le comité paroissial du village autour d’un concert en hommage au Sétois dans l’église ».

Tout proche de nous et loin du bon vieux temps des guerres scolaires, l’Eglise de Sète ne fait toujours pas bon accueil à Georges.

On a dis qu’il était un anarchiste borné,
Bouffeur de flics
Et de curés,
C’est vrai…
Si l’on prend la chanson qui suit au premier degré :

Musique 5 : L’hécatombe 1.30

On trouve à cette affirmation beaucoup plus de subtilité en se penchant sur des textes comme « la marguerite », « la messe du pendu » et « l’épave ».

La messe au pendu

Anticlérical fanatique
Gros mangeur d’écclésiastiques,
Cet aveu me coûte beaucoup,
Mais ces hommes d’Eglise, hélas !
Ne sont pas tous des dégueulasses,
Témoin le curé de chez nous.

Quand la foule qui se déchaîne
Pendit un homme au bout d’un chêne
Sans forme aucune de remords,
Ce ratichon fit scandale
Et rugit à travers les stalles,
« Mort à toutes peine de mort ! »

Puis, on le vit, étrange rite,
Qui baptisait les marguerites
Avec l’eau de son bénitier
Et qui prodiguait les hosties,
Le pain bénit, l’Eucharistie,
Aux petits oiseaux du moutier.

Ensuite, il retroussa ses manches,
Prit son goupillon des dimanches
Et, plein d’une sainte colère, Il partit à l’offensive
Dire une grand’messe exclusive
A celui qui dansait en l’air.

C’est à du gibier de potence
Qu’en cette triste circonstance
L’Hommage sacré fut rendu.
Ce jour là, le rôle du Christe,
Bonne aubaine pour le touriste
Eté joué par un pendu.

Et maintenant quand on croasse,
Nous, les païens de sa paroisse,
C’est pas lui qu’on veut dépriser.
Quand on crie « A bas la calotte »
A s’en faire péter la glotte,
La sienne n’est jamais visée.

Anticléricaux fanatiques
Gros mangeurs d’écclésiastiques,
Quand vous vous goinfrerez un plat
De cureton, je vous exhorte,
Camarades, à faire en sorte
Que ce ne soit pas celui-là.

L’homme a des traits biens caractéristiques, la dégaine d’un ours mal léché, la pipe et les moustaches, le verbe libre, imagé et frondeur. Dans ses chansons, pourtant, il est étroitement soumis au carcan d’une métrique et d’un classicisme scrupuleux. Il a le goût des tournures anciennes, le culte des copains et un besoin de solitude. Sa culture littéraire et chansonnière est pointue, sa philosophie, sur un vieux fond libertaire, est sortie de toute doctrine établie, étayée par un individualisme aigu, un antimilitarisme viscéral et un athéisme profond.

D’aucuns le jugent superficiel, a trop chanter l’amour sans pudeur et jouer de l’altruisme avec les gens « de petite vertu ». Je pense que c’est mal le juger. Quelle profondeur dans des textes comme « Saturne », « les quat’z arts », « mourir pour des idées », « la guerre de 14-18 », « le grand Pan ». Ecoutons plutôt.

Musique 6 : Saturne en entier. 02.45

Le grand Pan est cependant celle que je préfère parce qu’on y retrouve le grand tout, des allusions à Nietzsche, Dionysos (un des avatars de Pan), Noé, Silène, Bacchus, Archimède, Socrate, …et même le professeur Nimbus…

Pan est le Dieu des cultes pastoraux, à moitié humain, à moitié animal ; barbu, cornu, velu, vif, agile, rapide et dissimulé.

Il exprime la ruse bestiale. Son nom, Pan, signifie « Tout » et lui fut donné par les dieux, parce que tous lui ressemblent dans leur avidité ; mais aussi parce qu’il incarne une tendance propre à l’univers. Il est le dieu du Tout. Indiquant l’énergie génésique de ce Tout. Le tout de Dieu. Le Tout de la vie.

Plutarque rapporte une légende :

Des voix mystérieuses, entendues par un navigateur, annonçaient en pleine mer : la mort du Grand Pan.

C'était sans doute la mort des dieux païens, résumés dans sa personne, que les plaintes de la mer faisaient présager, à l’avènement de l’ère nouvelle qui glaçait d’épouvante le monde gréco-romain.

Le grand Pan

Du temps que régnait le grand Pan
Les dieux protégeaient les ivrognes :
Un tas de génies titubants
Au nez rouge, à la rouge trogne.
Dès qu’un homme vidait les cruchons,
Qu’un sac à vin faisait carousse,
Ils venaient en bande à ses trousses,
Compter les bouchons.

La plus humble piquette était alors bénie,
Distillée par Noé, Silène, et compagnie,
Le vin donnait un lustre au pire des minus,
Et le moindre pochard avait tout de Bacchus.
Mais se touchant le crâne, en criant « J'ai trouvé ! »
La bande au professeur Nimbus est arrivée
Qui s'est mise à frapper les cieux d'alignement,
Chasser les dieux du firmament.

Aujourd'hui, çà et là, les gens boivent encore,
Et le feu du nectar fait toujours luire les trognes,
Mais les dieux ne répondent plus pour les ivrognes :
Bacchus est alcoolique, et le grand Pan est mort.

Quand deux imbéciles heureux
S'amusaient à des bagatelles,
Un tas de génies amoureux
Venaient leur tenir la chandelle.
Du fin fond des Champs Élysées
Dès qu'ils entendaient un « Je t'aime »,
Ils accouraient à l'instant même
Compter les baisers.

La plus humble amourette était alors bénie
Sacrée par Aphrodite, Éros, et compagnie,
L'amour donnait un lustre au pire des minus,
Et la moindre amoureuse avait tout de Vénus.
Mais se touchant le crâne, en criant « J'ai trouvé ! »
La bande au professeur Nimbus est arrivée
Qui s'est mise à frapper les cieux d'alignement,
Chasser les dieux du firmament.

Aujourd'hui ça et là, les cœurs battent encore,
Et la règle du jeu de l'amour est la même,
Mais les dieux ne répondent plus de ceux qui s'aiment :
Vénus s'est faite femme, et le grand Pan est mort.

Et quand, fatale, sonnait l'heure
De prendre un linceul pour costume,
Un tas de génies, l'œil en pleur,
Vous offraient des honneurs posthumes.
Pour aller au céleste empire,
Dans leur barque ils venaient vous prendre,
C'était presque un plaisir de rendre le dernier soupir.

La plus humble dépouille était alors bénie,
Embarquée par Caron, Pluton et compagnie,
Au pire des minus, l'âme était accordée,
Et le moindre mortel avait l'éternité.

Mais se touchant le crâne, en criant « j'ai trouvé »
La bande au professeur Nimbus est arrivée
Qui s'est mise à frapper les cieux d'alignement,
Chasser les dieux du firmament.

Aujourd'hui ça et là, les gens passent encor,
Mais la tombe est, hélas ! La dernière demeure,
Les dieux ne répondent plus de ceux qui meurent :
La mort est naturelle, et le grand Pan est mort.

Et l'un des derniers dieux, l'un des derniers suprêmes,
Ne doit plus se sentir tellement bien lui-même.
Un beau jour on va voir le Christ
Descendre du Calvaire en disant dans sa lippe :
« Merde ! Je ne joue plus pour tous ces pauvres types ! »
J'ai bien peur que la fin du monde soit bien triste.

Il a mis en musique Verlaine, Villon, Hugo, Aragon, Alfred de Musset, …Mais sa muse à lui il l’a rencontrée en 1947, surnommée un premier temps blonde chenille puis Püpchen… On lui doit certainement une partie de « J’ai rendez-vous avec vous », « je me suis fait tout petit », « la non demande en mariage » et « Saturne » qui est un magnifique poème d’amour à une femme qui l’accompagne à l’AUTOMNE de l’âge. Ils ont toujours vécu séparément, mais seule la mort a pu les écarter.

Brassens aimait les femmes, il faisait souvent des éloges à leur patience. En chantant ne tirez pas sur la femme adultère, je suis derrière, il finit par prendre la place du baby sitter pour lui permettre de perpétrer ses désirs…

Quatre-vingt-quinze fois sur cent

La femme qui possède tout en elle
Pour donner le goût des fêtes charnelles
La femme qui suscite en nous tant de passion brutale
La femme est avant tout sentimentale
Mais dans la main les longues promenades
Les fleurs, les billets doux, les sérénades
Les crimes, les folies que pour ses beaux yeux l'on commet
La transporte, mais...

Quatre-vingt-quinze fois sur cent
La femme s'emmerde en baisant
Qu'elle le taise ou qu'elle le confesse
C'est pas tous les jours qu'on lui déride les fesses
Les pauvres bougres convaincus
Du contraire sont des cocus
A l'heure de l'œuvre de chair
Elle est souvent triste, peu chère
S'il n'entend le cœur qui bat
Le corps non plus ne bronche pas.

Sauf quand elle aime un homme avec tendresse
Toujours sensible alors à ses caresses
Toujours bien disposée, toujours encline à s'émouvoir
Ell’s'emmerd’sans s'en apercevoir
Ou quand elle a des besoins tyranniques
Qu'elle souffre de nymphomanie chronique
C'est ell’qui fait alors passer à ses adorateurs
De fichus quarts d'heure.

Les « encore », les « c'est bon », les « continue »
Qu'ell’crie pour simuler qu'ell’monte aux nues
C'est pure charité, les soupirs des anges ne sont
En général que de pieux menson(ges)
C'est à seule fin que son partenaire
Se croie un amant extraordinaire
Que le coq imbécile et prétentieux perché dessus
Ne soit pas déçu.

J'entends aller de bon train les commentaires
De ceux qui font des châteaux à Cythère
« C'est parce que tu n'es qu'un malhabile, un maladroit
Qu'elle conserve toujours son sang-froid »
Peut-être, mais les assauts vous pèsent
De ces petits m'as-tu-vu-quand-je-baise
Mesdam's, en vous laissant manger le plaisir sur le dos
Chantez in petto...

Petit détail amusant, cette chanson a été écrite l’année de ma naissance. Il m’a fallu trente années pour la comprendre et vraiment l’écouter. Et si nos salles humides sont parfois grivoises. Je constate surtout que ces moments sont très forts. Lorsque les frères qui craignent d’être perturbés par ces Lilith en tabliers sont présents. Pour ma part, je ressens cette chanson comme une fabuleuse ode à l’écoute mutuelle et à l’évolution de l’acte amoureux. Hélas ou tant mieux, minuit arrive bientôt, et avec cette heure pleine de promesses, il est temps de ne pas conclure…

Brassens a été actif de 1951 à 1981, auteur compositeur interprète de la chanson française, accompagné d’une guitare…

C’est Jacques Grello chansonnier et pilier du « Caveau de la république » qui lui a offert sa propre guitare en 1951 et prodigué le conseil de ne jamais s’en séparer.

Des centaines de chansons, un rôle au cinéma en 1957 dans « porte des lilas ».

Il endossera le rôle de l’artiste et composera la bande originale du film avec les chansons « l’amandier », « le vin » et « au bois de mon cœur ».

« Heureux qui comme Ulysse », chanson et titre du film éponyme a été écrite par Henri Colpi pour les paroles, Georges Delerue Au chant et à la musique Georges Brassens.

Brassens est décédé le 29 octobre 1981 à Saint Gély du Fesc.

Trompe la mort

Avec cette neige à foison
Qui coiffe, coiffe ma toison
On peut me croire à vue de nez
Blanchi sous le harnais
Eh bien, Mesdames et Messieurs
C'est rien que de la poudre aux yeux
C'est rien que de la comédie
Que de la parodie.

C'est pour tenter de couper court
A l'avance du temps qui court
De persuader ce vieux goujat
Que tout le mal est fait déjà
Mais dessous la perruque j'ai
Mes vrais cheveux couleur de jais
C'est pas demain la veille, bon Dieu
De mes adieux.

Et si j'ai l'air moins guilleret
Moins solide sur mes jarrets
Si je chemine avec lenteur
D'un train de sénateur
N'allez pas dire « Il est perclus »
N'allez pas dire « Il n'en peut plus »
C'est rien que de la comédie
Que de la parodie.

Histoire d'endormir le temps
Calculateur impénitent
De tout brouiller, tout embrouiller
Dans le fatidique sablier
En fait, à l'envers du décor
Comme à vingt ans, je trotte encore
C'est pas demain la veille, bon Dieu
De mes adieux.

Et si mon cœur bat moins souvent
Et moins vite qu'auparavant
Si je chasse avec moins de zèle
Les gentes demoiselles
Pensez pas que je sois blasé
De leurs caresses, leurs baisers
C'est rien que de la comédie
Que de la parodie.

Pour convaincre le temps berné
Qu'mes fêtes galantes sont terminées
Que je me retire en coulisse
Que je n'entrerai plus en lice
Mais je reste un sacré gaillard
Toujours actif, toujours paillard
C'est pas demain la veille, bon Dieu
De mes adieux.

Et si jamais au cimetière
Un de ces quatre, on porte en terre
Me ressemblant à s'y tromper
Un genre de macchabée
N'allez pas noyer le souffleur
En lâchant la bonde à vos pleurs
Ce sera rien que comédie
Rien que fausse sortie.

Et puis, coup de théâtre, quand
Le temps aura levé le camp
Estimant que la farce est jouée
Moi tout heureux, tout enjoué
J'm'exhumerai du caveau
Pour saluer sous les bravos
C'est pas demain la veille, bon Dieu
De mes adieux.

Musique 7 Les amoureux des bancs publics (Japon) 00.50

J’ai dis Vénérable Maître

A\ B\


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