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L’oeuvre de Viollet-le-Duc a-t’elle une inspiration maçonnique ?

Le mois de Janvier 2014 a été l’occasion de fêter pour les esthètes de l’architecture du patrimoine, le 200ème anniversaire de la naissance de l’architecte français, Eugène Viollet-le-Duc.

Cet inconditionnel de la restauration des édifices médiévaux, est néanmoins à l’origine des fondements de l’architecture moderne et cité plus tard par de nombreux acteurs de l’Art Nouveau comme source d’inspiration. Dans la lignée de ses aïeuls, et au contact d’un environnement moral et matériel propice à ce destin professionnel de l’appartement familial du Palais des Tuileries, l’adolescence de Viollet-le-Duc s’est construite, ballotée entre révolution des « Trois Glorieuses » et pandémie de choléra.

Jeune père de famille, il s’essaye au professorat dans les murs de la future Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs et il décide d’étoffer ses connaissances par un exil nécessaire au coeur de la culture et du patrimoine architectural italien.

D’une importance majeure dans son parcours, il façonne grâce à ce voyage un profil atypique pour son époque, teinté de rationalisme aux reflets baignés d’imaginaire romantique et scientifique.

C’est au contact de Mérimée qu’il fait ses preuves de restaurateur et grave dans l’histoire son nom comme L’Architecte incontesté des monuments historiques. Lui qui a permis par son intervention dans un siècle en plein changement et en réaction à l’église avec le Culte de la Raison, de redonner une vie laïque aux monuments et édifices voués à une fin misérable et à l’oubli.

Je ne vous referais pas ici le détail de l’ensemble de son oeuvre, l’espace temps dédié à cette planche n’y suffirait pas, mais il est sûr que son intervention sur des chefs d’oeuvres comme la basilique de Vézelay ou la cathédrale Notre Dame de Paris, lui ont permis d’appuyer ses activités
de théoricien, dessinateur ou naturaliste amateur, bien au-delà de nos frontières et de son époque.

Bien que foisonnante, il est néanmoins important que nous nous arrêtions sur la symbolique maçonnique de ce siècle pour entrevoir ou non un soupçon d’inspiration dans son oeuvre. Le XIXème siècle est porteur en France de la révolution industrielle et du plein essor de la Franc maçonnerie dans les milieux politiques, culturels, artistiques, et scientifiques. Rappelons que la première loge à s’installer rue des Boucheries à Paris, date de 1720, et que la naissance du Grand Orient de France n’est que toute récente, à peine un demi-siècle lorsqu’il débute sa carrière professionnelle.

Notons que le Paris de la fin du XVIIIème et du XIXème siècle voit fleurir nombre de projets d’inspiration maçonnique, comme l’école nationale des Beaux Arts, le Panthéon, le Lycée Louis Le Grand, le Palais Royal, ou encore la Tour Eiffel.

A l’heure des grands changements urbains avec Haussmann, un tracé de plus grande envergure a marqué de façon indélébile l’urbanisme de Paris, c’est l’axe symbolique actuel de la Pyramide du Louvre à La Grande Arche de la Fraternité, qui a vu sa naissance par l’édification de l’obélisque de la Concorde en 1836. Cette colonne ornait jadis l’entrée du temple de Louxor à Thèbes, et fut offerte par le vice roi Méhémet Ali à Louis-Philippe grâce à l’instigation du baron Taylor, franc-maçon et futur inspecteur général des Beaux Arts. Elle marque la reconnaissance au Français Champollion dans son rôle majeur pour la traduction des hiéroglyphes.

En hommage à l’astre masculin, l’obélisque sert aussi de gnomon à un cadran solaire dont les chiffres romains et les lignes sont tracés au sol par des incrustations de métal dans le revêtement du centre de la place. On connait la forte influence de l’architecture égyptienne et de l’astre solaire dans la symbolique maçonnique, ceci explique certainement cela.

Il semble évident qu’au retour d’Italie, Eugène Viollet-le-Duc fut interloqué par cet obélisque qui se trouvait dans la perspective de sa chambre du Palais des Tuileries. Son amour naissant des vieilles pierres et du patrimoine national, a semble t’il vacillé ce jour là, à cause, entre autre de la
modification apportée au dessin originel de l’architecte Gabriel lorsqu’il conçu la Place Louis XV en 1748, avec les 2 hôtels et l’emplacement des huit statues.

Cette édification fut le point de départ d’oeuvres architecturales majeures en relation à la pensée maçonnique, comme l’ensemble du Palais Bourbon de l’autre côté de la Seine, la façade principale étant au Nord et représentant l’astre lunaire et l’eau. Il fut aménagé par d’illustres franc-maçons tels que les architectes Poyet et De Joly, et les artistes Cortot pour le fronton, et Verney pour les fresques.

A l’opposé de l’assemblée nationale et en symétrie par rapport à l’obélisque, face à l’astre solaire et sous les rayons irradiants, se trouve l’église de la Madeleine, de style néo-classique et voulu par Napoléon 1er, comme représentatif d’un temple maçonnique.

L’axe symbolique qui prend son origine au centre du tétrapyle de l’arc de triomphe du Carrousel du Louvre construit en 1809 par Napoléon en hommage à la Grande Armée, et parcours symétriquement le Jardin des Tuileries, prend comme trajectoire l’obélisque de la Place de la
Concorde, et fini sa course par l’arc de triomphe sur le promontoire naturel de l’Etoile.

Près d’un siècle et demi plus tard, les architectes Pei et Otto termineront le projet symbolisant le parcours initiatique du franc-maçon, de la naissance au coeur de la pyramide du Louvre vers le passage à l’orient éternel par la porte de la Grande Arche de la Fraternité.

La société des Lumières et les témoignages historiques de cette époque, nous laisse à penser qu’Eugène Viollet-le-Duc, s’il n’a pas été initié, à en tout état de cause, côtoyé et travaillé avec des francs-maçons comme Etienne Garnier-Pagés, initié à la loge Saint-Louis de France et affilié
par la suite à la loge des Neuf Soeurs, ou encore à la fin de sa vie avec Gustave Eiffel et Auguste Bartholdi initiés tous les 2 à la Loge Alsace-Lorraine à Paris.

De plus, son travail titanesque sur la science de la géométrie et la restauration de l’architecture gothique, l’ont rapproché de la maçonnerie opérative. Sa collaboration avec les corporations de tailleurs de pierre, et de charpentiers sur de nombreux ouvrages comme la flèche de Notre Dame de Paris, lui a certainement permis de faire un parallèle équivoque entre nos outils symboliques et ceux des bâtisseurs de cathédrales, entre le spéculatif et l’opératif.

Viollet-le-Duc convaincu que « la géométrie est la lecture humaine des méthodes mises en oeuvre par la nature », précise avec ambigüité dans ses écrits que « la rigidité de ce système, est certainement la cause du déclin du Gothique ». Son nationalisme architectural l’entrainera
également sur des terrains tout aussi ambigus, comme le fera également plus tard, Le Corbusier sous le régime de Vichy, tel un paradigme du système qui déclenche la controverse. L’architecture de Viollet-le-Duc, tout en étant fondée sur des rapports de proportions calculés, est toujours dissymétrique. Elle reflète les hésitations de son auteur dans un siècle qui se cherche, et miné par trois révolutions.

Est-ce pour cette raison, qu’il s’est représenté en statues sur Notre Dame de Paris ? Tout d’abord en Saint-Thomas, le patron des Architectes, au pied de la flèche reconstruite, regardant son oeuvre, en opposition aux autres apôtres regardant le monde à ses pieds, et au côté des rois
représentant les générations des rois de Judée qui ont précédé le Christ sur le fronton principal. Ne faut-il pas y voir plutôt un pied de nez aux Franc-maçons connus et reconnus de cette époque, et à leur étroite participation dans une société en plein changement ? Aucune trace
d’initiation d’Eugène Viollet-le-Duc ne permet d’affirmer son appartenance à telle ou telle obédience, même si le Baron Taylor tenta à plusieurs reprises de l’approcher. Dans « l’imaginaire scientifique de Viollet-le-Duc », Laurent Baridon précise que « les formes évoluent sous l’influence de leur contexte sociaux, politiques, nationaux, climatiques, géologiques, et anthropologiques »et d’ajouter « Si l’imaginaire de Viollet-le-Duc est aussi riche, c’est sans doute parce qu’il a cherché à expliquer l’art par la notion de milieu. Il s’agit bien d’un des centres nerveux de sa pensée historique ».

Faut-il alors penser qu’Eugène Viollet-le-Duc ait voulu marquer son temps face à la société préindustrielle des libres-penseurs, et comme le disait Blaise Pascal repositionner « L’homme dans la nature comme milieu entre rien et tout ».On peut le supposer.

J’ai dit.

P\ B\ O\


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