Obédience : NC Loge : NC 11/11/2015

 

Intériorité et devoir être

« Noli foras ire, in te ipsum redi; in interiore homine habitat veritas». (De vera religione. 39,72). Ne vas pas au-dehors. Ne te disperse pas à l'extérieur. Rentre en toi-même. C'est en l'homme intérieur qu'habite la vérité. Cet avertissement de saint Augustin est très certainement plus actuel et plus urgent que jamais.

Intérioriser c’est ramener vers l’intérieur au Moi et traduire en activité psychologique des phénomènes physique actifs perçus pour les rendre spirituels. Qu’est-il ce monde intérieur chez nous qui vivons dans une société ô combien vulnérable par ses côtés pervers que constitue l’agitation fébrile qui nous empêche de vraiment réfléchir notre quotidien ? Qu’est-il en face des soucis de la vie matérielle qui nous saisit à peine sommes-nous sorti de ce Temple où il y a encore quelques instant nous nous engagions à porter au-dehors les acquis du dedans ? Qu’est-il enfin quand, réussissant à s’eloigner du tumulte extérieur l’homme s’arrache aux passions qui l’animent et aux désirs multiples qui le tentent et trouve le calme nécessaire à sa liberté de pensée ?

Et bien ce monde intérieur est inhabité, vide, cruel et désespérément vide !

O bien sûr, aucun parmi nous, ni même moi, ne se sent visé par cette angoisse du vide intérieur quand enfin seul, l’heure de la méditation arrive. Pourtant le vieil homme qui a fait son testament philosophique dans le cabinet de réflexion, au soir de son initiation, avant de devenir cet « homme nouveau » entouré par ses Frères, ce vieil homme-là, dans certaines circonstances n’est pas mort ! A peine éloigné de son envie initiale de « chercher » il plonge hardiment dans son moi profane dont il a voulu s’extraire pour y trouver ou poursuivre son ouvrage terrestre matériel ! Certes avons-nous exprimé notre volonté d’être au repos avec nos besoins essentiels et nécessaires pour passer au registre supérieur et spiritualiser nos actes et paroles à l’autre. Mais, que dire de le faire jusqu’au superflu, jusqu’au point d’oublier ce que nous rappelle le Rituel « rentre dans le monde, on reconnaisse toujours à leur sagesse les vrais enfants de la lumières ! »

La démarche intérieure, base de notre construction personnelle ne peut s’accomplir qu’avec une rigueur extrême. Cette démarche suit le chemin initiatique de notre Tradition Maçonnique. Mais, sans pour autant abandonner cette voie, il sera normal d’en explorer d’autres, car, par des apports différents s’ils restent spirituels et Fraternels, un enrichissement se fera dans l’échange qui élargira la Connaissance de Soi.

Or pour cela il faut travailler pour soi et en soi ! Chose réputée facile pour nous Francs-maçons, prédisposés à le faire puisque nous avons manifesté cette volonté par notre présence ici. Et pourtant combien d’entre nous défaillons au nom de nos comportements profanes.

Triste constat de raisons imbéciles qui nous empêchent d’êtres nous-mêmes ! Il n’est pas question de moraliser les uns et de culpabiliser les autres. Là n’est pas le dessein de ce propos. Ce travail vient en fait après ce temps de prise de conscience exprimée lors d’un tout récent « évènement » Qui m’a fait dire des mots et par la voie intuitive exprimer ma souffrance. Il est en effet nécessaire de comprendre que le message symbolique, dans une tradition initiatique ne peut se passer que si l’initié, est en phase d’intériorisation spirituelle. Sinon, il risque de ne pas avoir conscience d’une telle dimension symbolique de la Fraternité et se priver ainsi de l’essence même de celle-ci.

Fort heureusement il est rare que l’homme, fusse-t-il englué dans le monde extérieur, nait pas une vision fugitive d’un autre espace, d’une autre dimension en rapport à son engagement ! Il lui faut souvent attendre la souffrance pour saisir la précarité de sa situation d’être et jeter enfin un regard effaré sur l’infini et l’absolu travail qu’il reste à accomplir.

Il y a cette balance permanente entre monde corporel, matériel et corruptible et le monde incorporel, psychologique et incorruptible. L’homme est à son fléau, conscient dans son coeur et son esprit, des deux mondes, uni par son corps et ses besoins à la nature sensible tel un animal, et par son esprit et son âme à la nature divine. Il est artisan de son destin, penchant d’un côté ou de l’autre, écartelé entre le monde sensible et le monde intelligible.

Alors nous qui sommes-nous si faute d’alimenter notre intelligence et le respect de notre Serment, notre faim de Fraternité s’émousse ? Si nous ne penchons pas notre balance vers la recherche intellectuel et spirituelle pour prendre chaque instant partagé avec nos Frères comme instant de sacralité Fraternelle, qu’elle séparation existe entre le temps présent retrouvé loin du tumulte et celui accéléré du monde profane ?

Regarder en soi et y trouver le vide, bien entendu ceci est vecteur d’angoisse véritable ! Surtout si la compensation par une activité fébrile dans le travail permet d’oublier celle-ci ! Pourtant pour ma part, je ne crois pas qu’il n’y ait la matière a s’inquiéter car ce désert intérieur est une étape utile et nécessaire par une remise en question des fausses apparences du savoir, des notions erronées ou déformées avant d’atteindre la rive du bien-être de l’homme conscient de sa place dans l’espace Fraternel, actif et raisonnable dans notre Fraternité d’aujourd’hui et irradiant sa foi.

La vraie demeure est au-dedans de soi et l’important est de la bien construire. Avec Sagesse nous nous devons de prendre du recul par rapport à ces fantomes profanes qui dans l’ombre resurgissent dès que l’occasion se présente. Avec force nous devons nous arracher de nos chaines induites seulement par nos passions. Avec beauté nous nous devons de choisir dans le respect de l’autre, la voie du coeur qui conduit au chemin de la liberté. Ne sommes-nous pas des Maçons Francs et Libres ? C’est trois piliers de notre être intime sont invoqués dans notre rituel écossais, très utiles si nous voulons rester en harmonie avec notre engagement initiatique. Tous nos symboles intériorisés, nous amènent à construire. Ils sont autant de lumières pour éclairer notre temple intérieur, pour peu que le vieil homme ait réellement disparu au fond de nous-mêmes, vraiment et sincèrement.

Dans ce monde où nous vivons, deux tendances cohabitent, celle du serf et celle de l’homme franc. Le premier asservi par ses chaînes et se vices, le second émancipé et solitaire. Le premier assisté matériel, le second autodidacte spirituelle. Car l’enseignement de la Sagesse, la maîtrise de la Force et l’appréhension de la Beauté restent un acte volontaire qui passe par la solitude et le retour sur soi.

Intérioriser appelle à un sentiment quasi religieux au sens étymologique du mot c’est-à-dire au sens de religare ; relier, relier l’homme, le Frère conscient de son Soi et assez fort pour le rester, au monde de ses Frères pour tenter non pas de s’y noyer dans une suprême indifférence égocentrée emprunte de supériorité, mais pour y resplendir de SA profondeur secrète et Fraternelle.

Mais faire le vide pour intérioriser après s’être arraché à sa profanité vécue nécessite un effort qui est vite oublié une fois le discours fini. Il est difficile de s’éloigner de tout ce qui peut retenir l’attention. Car le dépouillement est indispensable pour laisser les métaux à la porte du Temple Maçonnique, comme il est dit dans le rituel.

Notre amour à la Sagesse repris comme définition de la philosophie par saint Augustin laisse entendre qu’elle a ses racines dans le vécu même des monastères, lieu privilégié du retour sur Soi. En est-il encore de même dans nos Temples ?

Pour finir Platon comme Plotin prônent que le Soi peut se déployer à l’infini grâce à une démarche progressive et Maîtrisée fait de contemplation, d’écoute du monde intelligible. Et ce à la façon d’un oeil en attente du coucher du soleil où soudain l’âme voit Dieu. Ce n’est pas dans nos Temple, lieu privilégié de notre ressourcement collectif mais dans notre Temple intérieur que le Soi s’abreuve lui aussi à la source de la Connaissance. Il s’agit là d’une volonté qui passe par l’ascèse où, jeûne des pensées dispersantes, combat contre les passions, travail sur Soi peuvent, dans notre Miroir, Favoriser l’éveil à la dimension spirituel venu chercher en Maçonnerie.

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