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Où se trouve le maître quand il est perdu ?

Tout d’abord je vais vous faire part des supports écrits qui m’ont aidé à réaliser ce travail.

Il s’agit de :

La mythologie égyptienne de Nadine Guilhou et Janice Peyré,  Le rituel du 1er, du 2d et du 3ème degré,  Le rituel d’initiation, d’élévation et d’exaltation. L’encyclopédie de l’Egypte aux Editions Atlas.

Je vais articuler mon travail autour de 3 parties. La première traitera de la place de cette question dans le rituel du troisième degré. J’en donnerai les détails, les acteurs, et je décrirai la scène communément représentée. La seconde s’articulera autour de 2 axes, le 1er étant la représentation symbolique de l’équerre et sa place dans notre rituel à tous les degrés. Le second axe étant la représentation symbolique du compas et sa place dans notre rituel à tous les degrés. Quant à la troisième partie, elle consistera à ouvrir le débat sur le sujet en tentant de répondre à cette question en rapport avec l’association de l’équerre et du compas et avec mon parcours maçonnique d’homme libre.

Enfin j’apporterai une conclusion à ce travail.

Où se trouve le maître quand il est perdu ?

C’est dans le rituel d’exaltation au grade de maître que le sujet qui m’a été confié se situe. En effet, la réponse à cette question est donnée par le vénérable premier surveillant lors de cette cérémonie. Suite à la première partie de l’initiation donnée au frère compagnon, le très respectable maître déclare qu’il va lui être expliqué le haut symbolisme qui se dégage de la légende d’Hiram. Le vénérable premier surveillant indique alors que le rituel nous apprend que lorsqu’un Maître est perdu, on le retrouve entre le Compas et L’équerre. Le premier sens de cet axiome est que le Maître Maçon digne de ce nom ne peut s’égarer, puisqu’il est toujours sur le chemin du Devoir (l’équerre) et de la Raison ou de l’Intelligence (le compas).

Le second sens, nous est laissé à notre méditation, nous rappelant seulement que le Compas, dans l’ancienne symbolique de notre ordre, signifiait le ciel et que l’Equerre signifiait la Terre. Il semble donc que le Maître qui s’égare, au sens pneumatologique du mot, soit amené à errer entre deux Mondes.

Voila, la question de ce sujet semble avoir trouvé sa réponse, une réponse simple mais dans son premier sens, le second me paraît immédiatement moins évident. Il va donc falloir revenir à l’essentiel, c'est-à-dire dans un premier temps à l’observation et à la description de ces outils.

L’observation de cette scène est très importante, en effet le compagnon n’a franchi qu’une partie de cette cérémonie d’exaltation, il n’a pas encore donné sa promesse à la Formule sacramentelle d’engagement, il n’est donc pas encore Maître et le vénérable expert ne lui a pas encore livré les secrets du grade. Cette mise en garde est alors d’autant plus importante.

D’autant que, pendant ce rituel, il a vécu la légende d’Hiram et a vu comment par fainéantise et par envie des frères compagnons ont assassiné Hiram pour obtenir par la force les mots et secrets caractérisant la maîtrise. De cet acte tragique en a résulté une perte inestimable, notamment la vie d’un Maître a été perdu, mais au-delà de ça, les mots sacrés de la maîtrise on également été perdu. En effet pour moi, c’est toute la symbolique de la transmission qui est remise en cause par des désirs profanes, d’ambition, de vanités et autres métaux envers lesquels nous devons tous lutter. Tuer Hiram, au sens symbolique de cette histoire, cela nous est tous possible si nous ne faisons pas attention à freiner nos ambitions personnelles ?

Par là, c’est toute la maçonnerie qui risque de s’effondrer. Car bien que Maîtres, nous sommes éternellement des apprentis, et chercher à s’améliorer et à progresser est une chose, mais vouloir le faire sans efforts, sans souffrance et sans laisser de côté son ego est impossible.

Alors il nous est donné des clés, des messages forts qu’il nous faut comprendre et analyser sur des plans de consciences différents pour en retirer une énergie créatrice. Car au-delà de la transmission de nos acquis, il s’agit d’avancer sur son chemin initiatique propre, mais en corrélation avec un tout, avec nos Frères, avec la loge et avec notre rite.

Pour se faire, revenons sur la symbolique du compas et de l’équerre et de leur place l’un par rapport à l’autre au cours des différents degrés.

L’équerre et le compas avec la règle se situent au centre du naos, une foi disposée par le frère expert nous disons que les joyaux rayonnent de nouveau. Ils sont également présents à l’orient sur le plateau du vénérable Maître où la règle est symbolisée par le livre sacré qui, à notre rite, est représenté par le livre des morts.

Mais intéressons-nous plus précisément au compas et à l’équerre.

Le mot compas, vient du latin : « compassare » qui signifie mesurer avec le pas. Très tôt, le besoin de mesure, de quantifier les espaces, les surfaces et les points fut ressenti comme une nécessité. L’invention de cet instrument de mesure est attribuée, par les Anciens, à Talaüs, neveu de Dédale. C’est l’un des outils de tracé et instrument de géométrie parmi les plus anciens inventé par l’homme pour comparer, conserver et reporter, déterminer les mesures et les proportions.

Le compas exprime ce qui est essentiellement mouvant, il symbolise à la fois la rigueur mathématique, le dynamisme constructeur de la pensée, les activités créatrices, les cycles spatio-temporels, le temps, le champ des connaissances, l’esprit et la mesure en toute chose.

Le compas est un outil actif qui s’ouvre au maximum à 180° où il n’agit plus, et à 45°, il devient aussi équerre. Le compas permet de décrire des cercles, c’est-à-dire des circonférences où peut agir la pensée. Ces cercles sont les différents modes de la pensée et de ses raisonnements. Ils symbolisent la pensée juste qui explore différentes possibilités clairement et précisément. Le compas qui sert à la mesure du cercle dévolu au maître est pour l’apprenti la sincérité et la confiance qu’il porte à ses compagnons et à son apprentissage. C’est aussi le respect des autres, de leur langage et de leur maîtrise. L’apprenti ignore l’usage du compas.

L’équerre se dit en latin : « norma », mot qui signifie : règle, modèle ou exemple, il tire son origine du bas - latin : « exquadra » dérivé du verbe : « exquadrare » signifiant équarrir, rendre carré. L’équerre permet de délimiter l’espace terrestre en le divisant en quatre régions selon les quatre directions (les quatre points cardinaux). Elle est non seulement le symbole du carré, mais aussi du nombre 4 tous deux représentant la solidification et la densification.

L’équerre symbolique implique l’idée de rectitude, de rigueur, de précision. Le maçon se doit « d’être à l’équerre », c'est-à-dire droit, rigoureux et ferme dans ses pensées, ses actes et ses paroles. Elle sert à tracer des angles droits et réunit l’horizontale et la verticale pour obtenir l’aplomb. L’équerre donne la rectitude dans l’action et symbolise la justice. Dans le raisonnement, l’équerre donne de l’ordonnancement dans les idées, afin que l’édifice tienne en place.

Emblème de la Franc-maçonnerie, l’association de l’équerre et du compas symbolise une conjonction d’opposés : masculin et féminin, terrestre et céleste, matériel et spirituel. Ils représentent, l’un par rapport à l’autre, un équilibre nécessaire à construire ou à maintenir. Le compas représente le ciel, alors que l’équerre représente la terre, rappel, lorsque les deux symboles sont entrecroisés, de l’étroite imbrication entre microcosme et macrocosme.

L’équerre est aussi l’attribut du Vénérable Maître qui dirige la loge, bijou porté en sautoir qui désigne sa fonction, alors que le compas est l’attribut du Grand-maître d’une obédience.

Au premier degré, l’équerre sur le compas est la matière que ne domine pas encore l’esprit.

En effet l’apprenti a pour objectif de descendre et de remonter sans cesse en lui-même à l’aide du fil à plomb. Aller chercher la pierre brute et la rectifier. A ce grade, la matière recouvre complètement l’esprit.

Pour le compagnon, l’équerre étant croisée avec le compas, il y a équilibre entre la matière et l’esprit. Le compagnon n’est plus dans les ténèbres et il s’achemine vers la sincérité et le discernement. Lors du second voyage durant la réception d’un apprenti au grade de compagnon, l’apprenti apprend à se servir du compas avec lequel il trace un cercle dans lequel il figure un triangle. Par cet acte, il apprend la mesure liée au compas et la concentration et la canalisation de son énergie pour renforcer l’édifice, qui doivent le conduire à la découverte réfléchie de la vérité. Et donc l’accès à un autre plan de conscience donnée par le grade de compagnon. Lors du quatrième voyage à l’aide de l’équerre et de la règle, il va apprendre pour la première fois à édifier une oeuvre, à l’aide du carré magique. Mais se sont seulement l’application, le zèle et l’intelligence qui peuvent l’élever, alors qu’il lui est recommandé de ne pas choisir les forces présentes devant lui mais de les équilibrer pour que l’édifice qu’il vient de monter est une base solide, des fondations stables.

Ainsi, au second degré, une branche du compas recouvre l’équerre. L’esprit gagne sur la matière, et là j’ai diverses interprétations. A savoir que l’esprit, contenu dans la matière, donc venant d’en bas, se dégage et traverse cette même matière pour apparaître, alors qu’on peut développer le fait que, venant d’en-haut, l’esprit recouvre la matière et peut s’y reposer car celle-ci, densifiée par le travail lié à l’apprentissage, est quelque part plus solide, plus stable donc plus ferme pour ne plus laisser passer l’esprit qui a trouvé un socle, une base où il va pouvoir grandir et se développer au grade de compagnon. Avec son âge de 5 ans et ses 5 pas, il s'approche de la lumière plus que ne peut le faire l'apprenti.

Le compagnon est en constante pérégrination. Le 4ème pas du compagnon marque l'action exploratrice de celui qui va dans les différentes directions de l'espace pour mieux se connaître lui-même ainsi que le monde qui l'entoure.

Il trace avec ses pas une surface. Par le 5ème pas, il retourne dans l'axe des 3 1ers pas de l’apprenti et souligne ainsi que le chemin de la recherche de la Lumière passe par le plus court chemin, celui de la voie droite...

Le Compagnon a voyagé, il a appris, il est entré dans les voies qui lui sont ouvertes, mais il n’est pas Maître.

Il veut se rapprocher de la Lumière, mais les épreuves l’attendent.

Le Maître, par sa marche, explore les trois dimensions: ligne, plan, volume. Il s’élève au- dessus de la Terre par deux pas qui dessinent un compas, puis se replace à nouveau sur la ligne par un troisième pas, face à l’Orient. Il montre ainsi les progrès qu’il a faits pour se rapprocher de la Lumière, de la Connaissance. Il réalise ainsi le passage de l’équerre au compas, du tangible au monde des idées. En enjambant le cercueil, le Maître poursuivra l’oeuvre, sans souci des pièges mortels que tendront sous ses pas les meurtriers d’Hiram.

Tous ces aspects symboliques étant pour moi de l’ordre aussi bien du macrocosme que du microcosme. Le Frère maître maçon, en tant qu’Homme doit pouvoir s’attribuer ces symboles, se les approprier pour réaliser aussi bien le chemin qu’il a déjà parcouru que le chemin qu’il lui reste à parcourir.

Ainsi au grade de Maître, les branches du compas sont sur l’équerre. La matière est dominée par l’esprit, elle sert de fondement au développement de l’édifice intérieur qui va pouvoir s’élever vers le ciel, vers la lumière.

Equerre et compas : deux fonctions distinctes, mais convergentes ; des symboles différents, mais indissociables, car complémentaires, qu’il apparaît même comme irréaliste de séparer. En effet, dans presque toutes les traditions, l’équerre est associée au carré, à la terre, à la matière, et le compas est associé, lui, au ciel et à l’esprit…

Alors pourquoi, quand un maître est perdu, dit-on qu’il est entre l’équerre et le compas ?

Je peux, à ce stade de mon exposé, avancer une réponse très personnelle, et pour cela je vais m’appuyer sur la mythologie égyptienne.

En effet dans la cosmogonie d’Héliopolis, le démiurge est Atoum, dont le nom est particulièrement intéressant. Atoum signifie en effet « celui qui est complet », la totalité et « Ce qui n’est pas ». L’être est le néant en quelque sorte. Atoum émerge alors de l’océan primordial, le Noun, il engendre alors le premier couple divin, Shou (l’air) et Tefnout (l’ardeur du soleil). Shou et Tefnout s’unissent pour engendrer le dieu Geb (la terre) et la
déesse Nout (le ciel).

Au premier temps, Geb et Nout étaient unis en un mariage sacré, permanent, le ciel et la terre ne faisaient qu’un. Ainsi, l’esprit et la matière étaient liés. Sur ordre, Shou sépara Geb et Nout pour mettre fin à leurs étreintes. De plus, après cette séparation et par un adroit stratagème, Geb et Nout s’unirent encore un fois et eurent comme enfants Osiris, Isis, Seth, Nephthis et Horus l’ancien. La création procède, ici comme ailleurs, par différenciation et par multiplications successives. L’ennéade est alors composée de 9 dieux plus le démiurge (Atoum) soit 10 divinités au total, et ainsi un retour à l’unité.

Ce qui nous intéresse, c’est la représentation de Nout qui est très importante pour le sujet que je traite ce soir, en effet elle est représentée comme une vache ou comme une femme allongée au-dessus de la terre qu’elle touche seulement des pieds et des mains.

Matérialisant ainsi les 4 points cardinaux qui servent de repère pour se diriger sur terre et donc éviter de se perdre physiquement. Mais là, le ciel s’appuie sur la matière pour exister, pour se matérialiser. Le ciel a besoin de la matière pour trouver un appui.

Or si, comme nous le précise le vénérable premier surveillant, le Maître qui s’égare est amené à errer entre deux Mondes, c'est-à-dire pour moi qu’il ne s’appuie pas sur la matière, représentée par l’équerre pour s’élever vers la lumière, vers l’esprit représenté par le compas, c’est que ce Maître perdu a oublié comment se servir de ces outils, leurs significations et ce qu’ils représentent. En fait, tout ce qui lui a été donné depuis son initiation, pour avancer sur le chemin lumineux de la vérité, et ainsi pouvoir pratiquer la Beauté avec force et sagesse.

Cette planche est for à-propos. En effet, c’est mon Frère Jean-François Sanchez qui est venu à moi cet été pour me demander si cela m’intéressait de participer aux travaux des ateliers supérieurs. Bien évidemment, ma réponse fut positive et enthousiaste. Mais ce sujet qu’il me demanda de traiter au troisième degré est alors d’importance, car au fond, nous ne sommes que des hommes et rapidement l’ego profane (donc mes métaux), peut venir prendre le dessus et bousculer l’équilibre de mon équerre et de mon compas.

Pour éviter, en somme, que j’attrape la grosse tête, traiter de ce sujet et une très bonne introduction et une mise en garde sur la suite, s’il y a une suite. De plus, par ce sujet, et son travail au troisième degré je m’aperçois que tous les rituels sont étroitement liés les uns aux autres, qu’ils constituent un tout indissociable, comme le compas et l’équerre. L’un sans l’autre, cela n’a pas de sens, et la position du compas nous indique alors le chemin parcouru vers cette lumière, vers la prise de conscience de l’esprit dominant la matière. Ce sont des plans de consciences différents et qui se succèdent les uns aux autres, mais pour que le compas domine de ses deux branches l’équerre, il a d’abord fallu qu’il soit totalement en dessous puis qu’il passe une de ses branches, celle du midi, celle de la colonne des compagnons, au-dessus de l’équerre, avant de passer la deuxième branche, celle du nord au grade de Maître, au troisième degré symbolique. Et tout cela dans cet ordre, pour que le Maçon que nous sommes, puisse transmettre à nouveau la lumière à un profane, qui sera reçu apprenti et pour qui ce chemin et ces étapes commencent par la matière qu’il lui faut explorer et travailler. Cette même matière qui lui servira d’appui quand l’esprit s’en dégagera comme la déesse Geb qui repose sur Nout.

Ainsi donc, à notre grade, c’est donc les errements entre deux mondes, entre la matière et l’esprit, qui signifie qu’un Maître est perdu.

Soit, mais je me pose la question suivante : et si un Maître s’appuyait uniquement sur l’équerre, donc sur la matière, sans référence à l’esprit, donc sans élever son édifice intérieur avec cette prise de conscience. Ou au contraire, si un maître ne faisait appel qu’à l’esprit sans référence se reposant sur la matière, donc sans fondation solide pour son évolution. Que pourrait-on dire ? Ne serait-il pas perdu également ? Une réponse immédiate pourrait être que non, car il serait déjà dans un monde, certes pas en connexion avec l’autre mais il serait dans un monde et donc pas perdu. Mais pour moi, il le serait à terme, car un bon maçon doit pouvoir élever son édifice en conscience de ces 2 mondes et avec tous les outils qui lui ont été donné au cours de sa vie maçonnique. Nous permettant ainsi de poursuivre l’oeuvre de notre Maître Hiram, qui renait en nous. Cette oeuvre que nous devons perfectionner afin de la léguer à notre tour. Pour réaliser notre devoir maçonnique c'est-à-dire transmettre la lumière dans la tradition de notre loge et en totale adéquation avec ses valeurs.

Il faut cependant se méfier de perdre son chemin initiatique, pour cela j’ai donc mes rituels, les outils qui m’ont été transmis et surtout mes Frères composant les deux Loges que je fréquente. Je compte sur eux pour me dire si je m’égare entre le compas et l’équerre comme ils peuvent compter sur moi pour les mettre en garde au cas où cela leur arriverait.

Maintenant, je terminerais en me posant une simple question : où est-ce que je me situe actuellement ? A cela, peut-être que le travail que je viens d’effectuer me donne et vous donne un début de réponse…mais ce travail doit continuer bien au-delà.

Vénérable maître et vous tous mes frères, j’ai dit.


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