Obédience : NC Loge : NC 18/01/2012


Maria Deraismes

Maria Deraismes, déclarée sur les prénoms de Marie Adélaïde est née le 17 août 1828 à Paris dans une famille de bourgeois libéraux.

Son Père avait fait de sérieuses études, il en avait conservé l’amour des belles lettres et de Voltaire en particulier.

Il se peut qu’une erreur sur l'année exacte de sa naissance subsiste, compte tenu que tous les registres de l'État civil furent brûlés pendant l'incendie de l'hôtel de ville, à l'époque de la commune de Paris. Cette erreur ne peut excéder, un an ou deux, d’après les historiens et les biographes de notre protégée…

Enfance heureuse dans une famille bourgeoise où les soucis financiers n’étaient pas à l’ordre du jour. Elle avait une santé fragile, ce qui n’a pas interféré dans sa capacité à apprendre. Elève talentueuse, elle a reçu son enseignement par sa sœur de sept ans son ainée. Sa soif d’apprendre la pousse à étudier le latin, le grec, les philosophes ainsi que les textes fondateurs. Dans le cocon familial, la religion est peu évoquée.

Son savoir est supérieur à celui des jeunes filles de son époque, son érudition est grande. Afin de compléter l’étendue de sa culture, elle s’adonne aux études artistiques, elle pratique le piano et s’exerce à la peinture et à l’écriture théâtrale. Pour mémoire la scolarité secondaire laïque pour jeune fille a été officialisée en 1880 par Camille Sée.

Trois garçons décédèrent en bas âge. Anne, sa sœur, est devenue veuve Q.Q. temps après son mariage. Anne est vite devenue sa protectrice et l’a entourée d’une grande sollicitude, elles ont partagé une vie fusionnelle.

Maria resta célibataire trop occupée par ce qui devint sa vie publique et elle avait une aversion pour la servitude que la loi civile faisait peser sur la Femme. Cependant je vais vous citer une déclaration faite lors du mariage d’un de ses amis afin de commencer à comprendre le caractère trempé de notre personnage, « C’est un tort de croire que le mariage est une invention religieuse ; il est d’origine humaine. Il satisfait nos intérêts physiques et moraux, il est conforme à la loi économique de l’être, la loi de développement de progrès et de conservation ».

A dater de 1886 les conférences publiques sont tolérées.

Messieurs Labbe et Léon Richer organisent celles du Erreur ! Source du renvoi introuvable et font naturellement appel à Maria connaissant ses convictions humaines, ses réflexions reposant sur quatre directions : la première concernant la morale la femme et l’enfant ; la seconde, l’anticléricalisme et l’adhésion à la Libre Pensée ; puis la lutte pour le droit de vote des Femmes, et son engagement politique aux cotés des Républicains ; sans oublier la séparation des Églises et de l’État.

Elle hésite à se produire en public, peut être par timidité. Elle finit par donner son accord et rencontre un grand succès. Elle est rapidement soutenue par des hommes politiques, qui sont séduits par ses qualités d’oratrice et ses idées progressistes.

La presse parle d’elle, l’interviewe et rapidement lui demande des articles.

Vu le succès grandissant de notre protégée, elle fonde en 1869 avec Léon Richer, le journal le Droit des Femmes, qui devient l’Avenir des Femmes dans lequel elle écrit de nombreux articles.

En 1876 elle crée, La société pour l’amélioration du sort de la femme et la revendication de ses droits.
En 1870 la guerre éclate entre la France et les prussiens, nous connaissons tous le désastre de ce conflit.
Les sœurs Deraimes, financent une ambulance et mettent un de leurs immeubles de Saint Denis à disposition du corps médical.
Les deux sœurs décident de partir à Saint Malo chez un oncle, et elles ne participent pas à la Commune de Paris.

Dans le journal « L’Union Malouine et Dinannaise » Maria lit un article qui l’a fait bondir. Mais qui sont les sont les francs-maçons ? Ses ennemis jurés du catholicisme, ils amoindrissent l'État et encourage l'agrandissement de la Prusse. (Une idée était peut être en gestation).

Quelques années plus tard, le rédacteur en chef du Voltaire, l’agresse dans la presse, sur sa fuite au début de la Commune. Elle reconnaît n'avoir jamais pris part à la commune de Paris.

Doit-on s'interroger sur le départ de Paris de cette femme de terrain, qui préféra rejoindre la protection d'un oncle à Saint-Malo, plutôt que de défendre ses valeurs Républicaines. Les différents biographes, soulignent que sa santé précaire, son aversion à toutes formes de violence, sont les principales raisons de cette forme de fuite.

Néanmoins, il existe un courrier envoyé au rédacteur en chef du « Voltaire » dont voici un résumé. Vous fûtes membre de la Commune ; moi je n’en ai jamais fait parti, estimant que ce mouvement était aussi maladroit que coupable. Ce qui ne m’a pas empêchée depuis de tendre la main à quelques uns de ceux qui y étaient entrés inconsidérément, mais sincèrement.

Cela a le mérite d’être clair comme prise de position, malgré les services rendus pendant la guerre et son engagement vis avis du peuple.

A son retour elle adhère à la libre pensée, elle milite activement, fonde la  section de Seine et Oise ayant pour siège la propriété familiale « Les Mathurins » à Pontoise et crée le journal la libre pensé de Seine et Oise.

En 1878 avec Léon Richer, elle organise le 1e congrès international du droit des femmes, puis en 1881, le 1e congrès anticlérical qui se tient rue Cadet.

Des discussions sont engagées concernant la séparation des églises et de l'État, les conditions de l'éducation. Maria Deraismes, fait adopter le vœu suivant « le congrès émet le vœu et surtout les libres penseurs, fassent que leurs femmes, leurs compagnes dans leurs réunions, cercles, comices, travaillent à les faire reconnaître légalement comme leurs égales ».

Ce congrès est un triomphe pour notre protégée et son aura dépasse nos frontières.

Le 14 janvier 1882, elle s’engage dans une nouvelle voie. Dans ses relations, elle fréquente beaucoup de F\ M\ de la Grande Loge Symbolique Écossaise et elle est régulièrement initiée à la loge les « Libres Penseurs » à l’orient du Pecq dont le V\ M\ D’Honneur, n’est autre que Louis Blanc.

La transgression aux principes était hardie, la mixité n’était pas à l’ordre du jour et ses FF\, décidèrent de ne plus la recevoir en Loge.

Pendant de nombreuses années, elle continue e se battre pour ouvrir à toutes personnes de bonne volonté la voie de la F\ M\ mixte.

Elle est réduite au silence maçonnique jusqu’au 4 avril 1893, date à laquelle elle fonde en collaboration avec le Docteur Georges Martin, La Grande Loge Symbolique de France « Le Droit Humain ».

Philosophe, savante, moraliste ; à tout cela notre S\ allia encore quelques dons artistiques. Ses écrits pour le théâtre, pièces, ne dépasseront le théâtre amateur.

Elle est aussi critique littéraire, pertinente dans le journal l’avenir des Femmes. Bon nombre de ses articles font bondir, les auteurs confirmés, comme « Alexandre Dumas fils qui traitait les féministes de femelles qui ressemblent à des femmes que lorsque qu’elle sont mortes ».

En réponse Maria écrit un article publié par l’avenir des femmes dont j’ai fait un résumé.

Saint Paul engendra les Pères de l’Église, les pères de l’église engendrèrent Proudhon, lequel engendra Alexandre Dumas fils, tous les misogynes se suivent et se ressemblent. Tous, sans exception ont une fissure à l’appareil intellectuel.

Elle écrit aussi contre lui un pamphlet « Eve contre Dumas fils » qui eut un grand retentissement.

Elle pense que le théâtre trouvera sa renaissance ou son épanouissement, dans la démocratie grâce à laquelle le succès et la réputation des artistes ne dépendront plus de l’État mais d’un public mieux instruit. Toute éclosion artistique, affirme-t-elle, correspond nécessairement aux grands mouvements scientifiques, politiques et sociaux. Toute œuvre d’art ou de littérature doit être conçue en vue d’une idée ou d’un objet principal. Tout ce qui l’entoure doit contribuer à le faire valoir. Ce n’est pas un parti pris d’école, mais le parti pris du bon sens.

Elle se battît aussi pour les droits des enfants.

La base de son combat, fut de lutter contre le pouvoir du Père qui malgré les décrets de 1790 du code de la convention qui stipulaient : qu’il n’y avait plus de puissance paternelle, surveillance et protection étant les droits des parents.

Les enfants de classe modeste travaillaient très jeunes dans des conditions déplorables d’hygiène et faisaient des journées de 12 et 14 heures, le travail de nuit, le travail du dimanche, les travaux à risque ou ceux excédant la force des enfants.

Dans un article qu’elle fit paraître en 1883 que je vous résume : « toutes ces résistances ont pour racine le respect traditionnel de la puissance paternelle, parents et patron les premiers pour défendre l’autorité, les seconds pour défendre leurs intérêts ».

L’opinion publique a tendance à considérer la protection de l’enfant comme vexatoire pour les parents car, diminuant « la légitime autorité » consacrée par eux.

Elle pense que la République a un grand rôle à jouer pour se mettre en valeur, réaliser ce que ni la monarchie, ni la religion n’ont pu ou voulu faire. L’État doit avant tout lutter contre ce fléau qui représente pour le présent, la menace la plus redoutable et qui fait entrevoir pour l’avenir une légion d’enfants livrés aux privations, à l’ignorance, au vagabondage, à la mendicité, par manque de scolarisation. Ce fléau n’est autre que le paupérisme affamé.

Si les parents ne peuvent pas assumer une éducation même à minima, l’État doit se substituer aux défaillances parentales et donner un métier à cette jeunesse déshéritée. Le citoyen doit pouvoir vivre décemment du fruit de son travail.

Elle fut une ardente féministe, elle proclamait d’ailleurs ouvertement se consacrer à l’affranchissement de la femme qui depuis le mouvement socialiste de 1848, aussitôt étouffé, était tombé dans l’oubli.

Changer le comportement et les mentalités, n’était pas chose facile.

Mais grâce ou à cause de ses conférences le mouvement féministe commençait à prendre forme, aidé dans cette lourde tache par Louise Michel, André Léo, Nathalie Le Mel pour ne citer que les plus connus.

Pour mémoire, la femme mariée ne peut ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de son mari que depuis 1965 !

Je ne peux m’empêcher de vous citer notre F\ Jules Simon, ministre de l’instruction publique, « l’aiguille n’est-elle pas, l’outil féminin par excellence et le tissu, par sa mollesse, la matière même du sexe faible. Pensant que la femme était faite pour s’occuper de l’intérieur familial ».

A cette époque deux hommes, utopistes, Fourrier et Saint Simon imaginaient une société idéale ou la femme serait l’égale de l’homme. Comment lutter contre l’influence de Proudhon.

En ce qui concerne le suffrage des femmes, le sujet fut écarté prétextant que sur onze millions de femmes seules quelques milliers voteraient librement, les autres écouteraient les conseils de leur confesseur, cette raison arrangeait tous les politiques.

Juste quelques mots sur l’adultère. Il était considéré comme un délit de droit pénal, passible d’emprisonnement, situation d’autant plus sexiste qu’une femme qui commettait un adultère était systématiquement poursuivie alors que l’homme, n’était inquiété que si la faute avait lieu sous le toit conjugal. Cette loi fut abolie en 1975.

Pour information Maria était proche de Fourrier dans l’organisation des phalanstères. Elle pensait que c’était une excellente solution pour résoudre le problème du prolétariat.

Cet intérêt pour les doctrines de Fourrier est profond.

Son engagement sans limite a été matériellement facilité, par l’aisance financière familiale. Elle n’attend ni gain ni avantage.

Elle a de réelles qualités naturelles et une grande culture littéraire qui lui permettent une argumentation solide, mais souvent livresque.

Finalement qui est-elle ? Une féministe d’avant garde, une républicaine convaincue, une anticléricale farouche et la première femme Franc-maçon. Son engagement dans le mouvement féministe repose sur une idée essentielle, la justice. Elle demande que les femmes s’instruisent, qu’elles aient le droit à la parole dans la famille, dans l’éducation des enfants, dans le débat politique. Elle se situe hors du cercle de ceux qui ne peuvent imaginer l’égalité des sexes ni concevoir la possibilité d’un régime républicain en France. C’est pour cela qu’elle mène une campagne régulière et forte contre l’Eglise catholique et tout particulièrement contre le clergé français auquel elle refuse la qualification de « national », tant il est inféodé à Rome. Pour elle il est évident qu’il faut séparer le politique du religieux. Elle ne souhaite pas la disparition du fait religieux, simplement sa transformation radicale et la séparation des Églises et de l’État.

Alors on ne peut pas être étonné de son engagement sans retenue à La Libre Pensée.

En conclusion lors de son décès le 6 février 1894 le Figaro la qualifie d’apôtre du droit des femmes ; la Croix évoque les excentricités servies par la fortune et raille son entrée en F\ M\.

Le Parisien lui accorde plusieurs colonnes, rappelle sa vie mais regrette qu’elle ait manqué de sentiments religieux dans ses innombrables intentions louables.

Ma conclusion : Elle avait pris à cœur l’accession à la République laïque et la libre pensée des masses rurales et ouvrières. Nous F\ M\ du GODF nous pouvons être fiers de notre S\ Maria Deraismes.

J’ai dit V\ M\

P\ Le M\


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