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Les apprentis F\ M\ sont à leur place et à leur office

En introduction je souhaiterai reprendre une phrase de Talleyrand : Sachez Monsieur que lorsqu’une place est vacante elle est déjà donnée. Cette phrase me semble très intéressante car peut-on considérer qu’il y a dans nos loges des places vacantes ?

Ainsi que je vais essayer de le démontrer dans les lignes qui suivent, je suis persuadé qu’il n’en existe pas de vacantes et qu’ainsi toutes les places sont occupées. Toutefois, si jamais une place (au sens d’office) devient vacante, elle est tout de suite pourvue et dans ce cas, l’affirmation de Talleyrand est juste.

Le thème de cette planche, nous le connaissons tous pour l’entendre presque tel quel à chaque rituel d’ouverture des travaux, lorsque le surveillant rend compte au V\ M\ de la présence des assistant qui décorent les colonnes. Mais nous sommes-nous déjà interrogés sur la signification de cette phrase, avons-nous déjà cherché à voir ce qui se cache derrière ces mots à priori simples à comprendre ? Il me semble intéressant de voir à quoi ils peuvent correspondre, à quelle symbolique ils se rapportent et je vais essayer d’éclaircir ces notions.

Avant de voir la phrase dans son ensemble, je vous propose de décortiquer chaque terme indépendamment des autres tant sur le plan profane que sur le plan maçonnique. Dans le langage profane il y a de nombreuses définitions pour chacun de ces termes et en les prenant un par un, nous pouvons déjà avoir une première approche de cette phrase.

L’Apprenti est, selon la terminologie courante de nos dictionnaires, une personne peu habile, inexpérimentée qui apprend. Il s’agit d’une personne en perpétuelle évolution pour qui rien n’est acquis et qui construit au quotidien son avenir.

Le F\ M\ est lui un membre d’un ordre initiatique.

La Place est habituellement un espace occupé par quelqu’un ou quelque chose, un emplacement réservé, un rang dans un classement ou un espace public découvert sur lequel on peut se rassembler et se retrouver. Il s’agit souvent d’un lieu mais ce terme peut être aussi entendu au sens d’un emploi rémunéré.

L’Office est avant tout la charge ou la fonction exercée, mais c’est aussi un ensemble de prières et de cérémonies dans nos religions, un lieu qui accueille une activité déterminée, ou encore une pièce attenante à la cuisine.

Dans le langage maçonnique, on se rend compte que la signification de ces termes reste à peu près la même si ce n’est qu’ils vont plus loin dans la réflexion et dans la démarche initiatique engagée.

L’apprenti travaille sur la pierre brute pour la dégrossir et, au travers de cette image, pour se dégrossir lui-même. Il apprend les bases de son évolution personnelle et forge lui-même sa propre expérience.

La terminologie profane se rapproche de la symbolique maçonnique dans le sens ou, considérant que rien n’est jamais acquis, l’apprenti se construit au quotidien. Cela voudrait-il dire que l’apprenti est un apprenant ? Oui, je le pense mais les apprenants ne sont pas que des apprentis. Ce serait un peu trop réducteur de ramener ces termes en les limitant l’un à l’autre.

En effet, ne sommes-nous pas tous des apprentis perpétuels et donc des apprenants en puissance ? Je crois que tout au long de notre parcours initiatique nous devons conserver ce désir de construire et de se perfectionner, car nous devons rester et resterons de perpétuels cherchants.

Nous avons toujours quelque chose à apprendre et à comprendre et nous devons sans cesse rechercher la vérité en refusant les évidences qui se profilent devant nous. En considérant que rien n’est jamais acquis nous devenons capables de nous remettre en question, de nous interroger et donc d’apprendre.

A la lecture des Constitutions d’Anderson nous pouvons trouver dans l’article 1 une phrase qui se termine ainsi : « Il est impossible de dépeindre ces choses par écrit, chaque Frère doit rester à sa propre place et les étudier selon les méthodes particulières de cette Confrérie ».

Cela fait référence à notre progression individuelle et fait suite à l’évocation de la « promotion » maçonnique qui se fait au mérite et non à l’ancienneté en tenant compte de l’évolution de chacun, selon sa valeur réelle.

Etre à sa place, ne veut pas forcément dire rester à sa place au sens littéral que nous connaissons habituellement quoi que parfois cela vaudrait mieux. En effet, il faut surtout savoir prendre le temps et progresser à son rythme, en respectant certaines étapes nécessaires à notre évolution et en conservant une certaine humilité.

Nous ne devons pas oublier que nous ne devons pas les brûler si nous voulons continuer à apprendre.

La place maçonnique se rapproche de l’espace que chacun occupe dans le temple, emplacement qui n’est pas réservé mais défini, emplacement qui n’est ni découvert ni public. Mais nous trouvons aussi référence à la place quand nous évoquons l’initiation qui permet le passage symbolique des ténèbres à la lumière. Elle a pour principe de faire descendre l’homme en lui-même, afin qu’il découvre les dimensions de sa vie intérieure, sa place dans le cosmos, le sens de son destin.

Cette quête de la vérité est le propre de l’initiation que nous avons vécue, c’est un des sens de cette démarche initiatique qui guide nos pas de franc-maçons. Une fois encore nous sommes renvoyés à nous-même et vers nous-même.

On voit donc de nouveau que la place des frères dans une loge n’est pas due au hasard et que chacun doit trouver sa place non seulement dans ce cosmos mais aussi dans la loge. Chacun à notre niveau nous participons à la construction du temple et nous avons tous notre rôle à jouer. Dans une loge, chacun est installé selon un rituel qui évoque toute une symbolique sur laquelle nous ne reviendrons pas car je l’ai abordée il y a quelques temps dans une planche qui s’intitulait Midi Minuit, Orient Occident, et car il suffit de bien écouter l’ouverture des travaux au 1er degré pour se rappeler que la place de chacun n’est pas due au hasard.

Je rappellerai simplement les 4 grandes orientations du temple.

Le Midi est une localisation géographique qui, dans la loge est l’emplacement du 2nd surveillant et des compagnons. Il représente le sud, le moment de pleine lumière où sont dispensés les enseignements et où la vérité peut voir le jour. Le Midi correspond au pilier beauté qui doit orner notre temple et d’où le 2nd surveillant appelle les ouvriers du travail à la récréation.

A l’Orient se trouve le Vénérable Maître, à la naissance de la lumière, au lever du soleil pour diriger et éclairer nos travaux. C’est l’autorité de la loge ou l’homme prend son origine, c’est de cet emplacement que sont répartis et autorisés les exposés et interventions de chacun. Placé sous le delta rayonnant afin que nos yeux se tournent vers la lumière le Vénérable Maître nous accompagne dans notre parcours. Lors de l’ouverture des travaux, le pilier sagesse est allumé en premier et l’Orient s’illumine.

A l’Occident le soleil se couche et disparaît jusqu’au lendemain, c’est le début de la nuit. C’est l’entrée et la sortie du Temple gardée par notre frère couvreur. L’Occident est le lieu du visible, du concret, de l’évident par complémentarité avec l’Orient qui lui est plus axé sur l’abstrait et sur l’esprit. C’est de l’Occident que part le profane pour se diriger vers l’Orient qui lui donnera la lumière et de l’Orient qu’il en repartira avec cette lumière pour la communiquer à l’extérieur. Il symbolise aussi, par le 1er surveillant et lors de l’ouverture des travaux, la force de notre édifice. Il aide à la fermeture des travaux à Minuit car il siège à proximité du Nord mais aussi à l’Occident.

En ce qui concerne le Septentrion (ou le Nord), il s’agit simplement de la place symbolique des apprentis, région la moins éclairée, qui n’ont encore reçu qu’une instruction élémentaire et donc ne peuvent pas supporter un trop grand jour ainsi que nous l’affirme le rituel de tuilage.

Etre à sa place signifie plus pour moi que nous avons chacun notre rôle à jouer dans la construction du temple et dans celle de notre temple intérieur. Nous sommes acteurs de cette édification en participant aux travaux. Cela pourrait aussi renvoyer à un débat sur l’assiduité car, en étant présent et installé dans le temple de manière régulière, nous continuons à apprendre et donc à nous perfectionner. Notre présence en tenue, notre place dans l’atelier est aussi un des liens qui nous unit, la fraternité, elle la nourrit et la fait vivre afin que chacun de nous la ressente au plus profond de soi.

Ainsi, maintenant que nous sommes tous à notre place puisque nous sommes tous des apprentis, nous pouvons réfléchir afin de savoir si nous sommes tous à notre office. Au sens d’office je pense que nous pouvons nous baser sur la définition qui présente l’office comme la charge ou la fonction exercée et non pas sur la pièce attenante à la cuisine.

Selon moi, cette partie de la phrase concerne plus les officiers de la loge que les autres frères présents. L’office est la charge propre à chaque officier de la loge. C’est à la fois sa fonction et son rôle, qui tous deux prennent leur place dans la vie de l’atelier.

En effet, n’est-ce pas eux qui nous permettent d’ouvrir nos travaux en étant présent à leur plateau d’officier ? N’est-ce pas eux qui nous permettent de nous réunir ? Cela est selon moi la face visible de l’iceberg, celle que l’on remarque tout d’abord mais qui va plus loin et profond dans les mystères que nous découvrons.

Bien sur, être à son office signifie aussi que nous avons tous notre rôle à jouer dans la loge. Nous avons notre place mais nous avons aussi une charge, celle de progresser et peut être de faire progresser la loge. Chacun nous apportons notre pierre à l’édifice que nous construisons et chacun nous travaillons vers cet objectif.

Si effectivement sans les officiers nous ne pouvons tenir nos travaux, sans eux nous serions aussi dans une certaine incapacité d’évoluer et de progresser.

Je crois pertinemment qu’avec cette idée nous nous approchons d’un des mystères maçonnique les plus complexe à appréhender, celui de la place symbolique des officiers et de leur rôle premier dans une loge. Si les plateaux ne sont pas pourvus, nous ne pouvons pas entrer dans les voies qui nous sont tracées. Et nous pouvons ainsi constater : à chaque fois qu’un officier doit se déplacer en loge il est remplacé à son plateau par un autre frère. Donc, la présence des officiers n’est pas seulement nécessaire, elle devient indispensable.

La question qu’il me paraît nécessaire de se poser devient la suivante, quel est le lien avec le triptyque : 3 la dirigent, 5 l’illuminent et 7 la rendent juste et parfaite ? Nous voilà peut-être au cœur d’un débat propre à un tel sujet. Pourquoi faut-il que 7 la rendent juste et parfaite, que signifie juste et parfaite ? Sans rentrer dans les détails car je pense que cela ferait l’objet d’une planche à part entière je souhaiterais simplement évoquer quelques éléments qui ont guidé ma réflexion.

Le V\ M\, les 2 surveillants, le secrétaire et l’orateur sont les 5 lumières de la loge qui lui permettent de s’illuminer et de former une loge juste, compétente en matière d’instruction mais c’est seulement à 7 que cette loge devient parfaite dans le sens où les travaux peuvent s’ouvrir. En règle générale, il est nécessaire de compléter les 5 cités ci-dessus par l’expert et le couvreur qui ont leur importance et leur rôle dans le rituel d’ouverture des travaux.

Sans révéler de secret particulier on peut tout d’abord rappeler que ces nombres symbolisent les trois premiers grades de la Franc-maçonnerie : apprenti, compagnon et maître et qu’ils y sont étroitement liés.

Afin d’approfondir cette question je pense qu’il faut aller chercher dans la symbolique des nombres à quoi ils peuvent faire référence.

Le chiffre trois est le premier nombre impair (masculin) et représente, dans la science expérimentale de base la synthèse. Le chiffre cinq est selon moi lié à l’homme en tant qu’être au centre du cosmos ainsi que l’a dessiné Léonard de Vinci. Pour le chiffre sept on pourrait simplement dire qu’il a symbolisé au Moyen Age la totalité et la perfection.

Mais l’approche 3/5/7 n’est pas aussi simple que cela puisque l’on se rend compte que, selon certains rituels, et si tous sont d’accord sur les 3 qui la dirigent, les 4 autres qui la composent varient très souvent. Dans ce cas là ne faudrait-il pas raisonner plus en terme de 3 + 4, c'est-à-dire dans une relation 3/7 que dans une figure 3/5/7 ?

Les 3 qui la gouvernent, placés sous le triangle, sont aussi facilement rapprochés d’une image de la trinité et du ciel, c’est en quelque sorte la tête pensante de la loge. Si, à ce nombre, on ajoute le nombre 4 qui lui symbolise la terre, avec ses 4 points cardinaux ou ses 4 saisons, on se rend compte que l’association du ciel et de la terre nous permet d’ouvrir nos travaux. Cela mériterait aussi d’être approfondi plus longuement.

Etre à sa place et à son office est la condition nécessaire pour que nos travaux soient ouverts, être à sa place et à son office nous permet de rentrer dans les voies qui nous sont tracées. En étant installé dans le temple je suis, quelque soit mon grade, à ma place et je remplis mon office. Je le remplis parce que je participe aux travaux et pas seulement parce que j’occupe une charge. Je le remplis parce que je suis partie intégrante de la loge.

Ainsi que je l’ai dit je contribue, de ma place, à la construction de notre temple et je m’y identifie. Je m’y identifie car, loin de vivre avec mes certitudes, je les remets en question. Je cherche toujours à apprendre, en pratiquant et sous l’égide d’un maître et, si un jour je change de place tout en sachant rester à la mienne, je percevrai peut être d’autres éléments. Je sais que ce jour là je verrai notre temple sous un autre angle et sous un autre éclairage. Mais pour l’instant, les perpétuels apprentis francs-maçons que nous sommes sont à leur place et à leur office.

V\ M\, j’ai dit.

R\ C\


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