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Tarzan, un initié

De retour dans le territoire de mes origines, soit l’Auvergne, je n'ai pu m’empêcher de penser à ma petite enfance comme si j étais à nouveau dans le cabinet de réflexion.

Tous les éléments qui faisaient le cadre de mon environnement d'hier à aujourd’hui, sont devenus souvenirs, messages, contes, symboles, etc...ils restent tous porteur de sens. Mais…il y en a un que j'ai voulu revisiter, pour le plaisir et pour tenter de le comprendre. C'est le film de Tarzan ; celui de Johnny Weissmuller. Je vous raconte ; ma mère m'avait amenée au cinéma, grande première, j'avais huit à dix ans et j’étais très sérieuse, pour mon âgé !

Imaginez, la période 1950, je sais que beaucoup d'entre vous n'étaient pas nés, mais je pense qu’ils ont du voir Tarzan d'une manière ou d'une autre... Et aujourd'hui, il est encore à l’honneur.

Me voici donc devant un écran, noir et blanc un jeudi après midi ; une fois par an !!!

Et comme je vous le dis :
Tarzan a éclaté l'écran en version parlante avec son magnifique cri de éléphant et ses magnifiques voltiges. J'étais émerveillée dans un autre monde, le sien.

Tarzan, en personne, le très beau Johnny Weissmuller, l'idole des maîtres nageurs était aussi à l’aise dans l'eau qu’avec les lianes, les attrapant avec le même mouvement de progression.

Moi, cela me faisait peur, pas de lianes dans ma campagne, et encore moins de piscine en 1950. Incroyable il sautait de branches en branches, un ouistiti.

Comment avait-il appris ?
Reprenons un peu l’histoire :
Tarzan est le fils d’un lord anglais qui l'a abandonné ou perdu, selon les versions, dans la jungle africaine. Il est recueilli par une communauté de singes ou de loups (selon les versions), qui vont l'adopter en bonne et due forme c’est-à-dire en conseil de singes.

Ceux-ci vont lui appendre à vivre et à survivre selon les lois de la Jungle. Que nous connaissons bien !

Il devient un homme animal, car, il ne sait pas parler. Ayant appris le cri des éléphants, avec ses frères d’adoption, il le répète aussi souvent que possible à notre grande joie à tous. Je l'espère vraiment.

Mi animal, mi humain, ce cri plonge la jungle dans un remue ménage qui fait frissonner, la végétation s'anime, les animaux se dressent, se tapissent, se groupent. Il se prépare un terrible spectacle où les animaux et Tarzan vont s'aider et s'affronter sans pitié.

Pourtant la vie semble facile, comme dit l'ours Baloo, dans une autre version, « il en faut peu pour être heureux » : la cueillette des bananes est aisée, les plantes sont bonnes à manger, les poissons, les viandes aussi, tout est frais et nature si l'on peut dire, aujourd'hui, on dirait bio !!

La nature de plus est généreuse, il suffit d’attraper les lianes sans tomber et nager aussi bien que les poissons.

Dans ce paradis fait pour lui, Tarzan a un ennemi, le Tigre, appelé SHRERKAHN, dans une autre version…

Ce tigre ? Venu d’Inde, peut-être ?, (car le tigre est inconnu en Afrique, encore aujourd’hui ? Je ne sais pas, avec la mondialisation, il se peut bien qu’il soit migré, puisque il est aussi en occident, dans des cages, bien sur ; je vous rassure et moi aussi.

Peut-être s’agit-il d’un lapsus D'Edgar Burroughs, rédacteur de cette histoire en 1912. Ayant vécu en Inde, il a peut-être mélangé les animaux féroces ! Donc le tigre a pris la place du lion… Ce tigre là est féroce ; il tue sans discernement, sans loi, et il aime bien pourchasser, l'homme son ennemi si insouciant, si bon à manger.

Heureusement Tarzan a quelques amis et de taille.

Les éléphants ameutés par le couinement des singes et surtout de la fidèle GITTA, vont sauver notre Héros et le ressusciter en utilisant leur extraordinaire trompe qui sait si bien distribuer des trombes d'eau ; quel bonheur que cette médecine douce !!

La rencontre est avec la Famille de Jane fabuleuse et très coloniale, Jane, femme humaine. S’il en est.

Le « moi Tarzan, toi Jane » est sublime ; tout est dit, la partie humaine de Tarzan se manifeste dans un beau romantisme empreint d'amitié où l’autre, Jane est libre de choisir.

Jane qui est dans la confusion des sentiments relatifs à sa vie déjà bien organisée ; fiancée avec un homme-fusil !, découvre sa partie animale.

Elle a compris qu’elle serait mieux protégée ou aimée dans cette jungle avec Tarzan. Et en accepte l'aventure.

Fin du film pour E Burroughs.

Revisiter ce film en détails, me fait un énorme plaisir et m'enchante rien que d’y penser.

Le cri de Tarzan, véritable mot de passe, est une belle musique qui anime la jungle, je vois encore les oreilles des éléphants qui se redressent, les singes qui se déplacent par des mouvements incessants, répétitifs en couinant à qui mieux. Les chaînes de vie se constituent toutes natures confondues. Pour moi Tarzan est un homme des bois, solitaire, mais entouré, précurseur d’une certaine écologie. Il vit dans un paradis, pas de commerce, pas d’argent, etc…il est libre.

Il n’a pas choisi d’être abandonné ou perdu dans ce monde dangereux, qui n'était pas le sien, il est devenu libre, puisqu’il y est resté et a pu s’y adapter.

Il ne connaît pas le monde des humains, tout aussi dangereux, il pourrait le dire, puisque il a vécu un abandon dans sa petite enfance.

Il ne connaît pas le monde de ceux qui font grandir leurs Egos. Lui, innocent, mais confiant, il s'accroche aux lianes et à ce que la jungle lui offre de vie.

Le paradis, ici c’est cette condition surhumaine, que vit Tarzan. Il vit au milieu de la jungle sans connaître l'arbre de la connaissance, le savoir des hommes qui pourraient l'amener à se conduire en dominant.

De ce fait, il jouit de plaisirs paradisiaques, et parle de manière spontanée aux animaux, maîtrisant ses propres instincts, dans un état de grâce naturelle. Entre le ciel et la terre, un état bien centré.

Notons le rôle du fleuve ou de l’eau qui lave, nourrit et régénère, source de vie dans la jungle, elle est vitale dans la jungle et toujours de nos jours, source d’immenses enjeux.

Les éléments, terre, air, eau sont éminemment présents et entourent Tarzan ; petite exception pour le feu nommé « fleur rouge », source de danger, non maîtrisable. Là est la singularité des animaux face au feu !!

La vie de Tarzan est pleine d'imprévus et d'amitiés sans prix, mais avec des règles qu’il a apprises ; celles de la loi de la jungle que vous relirez sans doute avec plaisir dans le fameux livre de R. KIPLING.

Le thème de l'enfant abandonné ou sauvage était fréquemment exploité à cette époque. Le livre de la jungle de Kipling, d’où est tiré cette histoire le raconte sous les traits de Mowgli ou « l’homme grenouille, puisque à quatre pattes ».

Les questions de l’hérédité et son opposée, l'adaptation à l'environnement sont présentes.

Comment un petit homme peut-il s'adapter et survivre dans un environnement diamétralement opposé ?? L'inné, l'acquis, encore en discussion selon certains de nos jours !

Certains ont estimé que ces enfants élevés dans ces milieux dits « sauvages » étaient retardés et irrécupérables ; les extrêmes attirent les résultats extrêmes, semble-t-il ? Aujourd'hui, la question se pose à nouveau, mais dans le sens contraire. Comment allons nous survivre après avoir épuisé la nature presque partout dans le monde entier ??

Tarzan lui a hérité des plus belles qualités humaines, c’est-à-dire ; la simplicité, la tentative de comprendre l'autre celui qui est le différent. On peut lui reconnaître aussi les meilleurs traits des bêtes sauvages ; force, esprit de groupe et comportement de chasseur pour vivre en fonction de ses besoins.

C'est le talent de l'auteur d'avoir su réconcilier le meilleur de l'animal et la complexité de l’homme, comme sa vulnérabilité par ex. Le clan des loups ou des singes selon les versions, avec ses assemblées, ses règles a su tirer le meilleur de notre Héros.

La vie en ermite ou en société est aussi une belle histoire, toujours à écrire ; me semble-t-il, sous d'autres formes et avec d'autres questions.
Tarzan montre qu’il a besoin des autres pour survivre, il se passe de sa famille d'origine par ignorance, par éducation…à méditer. Là aussi les questions émergent.

Il a trouvé sa solution entre le ciel et la terre, en ascension, il grimpe aux arbres, son ascension est mesurée et rectifiée si nécessaire, les lianes sont imprévisibles.

Il vit dans la Crainte, car le clan qui l’a adopté lui a appris la crainte. C’est la loi de la jungle ; « l’autre à poil ou sans poil affole ce monde paradisiaque et amène la mort ».

Cette crainte suscite des réactions d'agressivité et d’instinct de mort, que le clan apprend à gérer. La force du clan fait taire les petites craintes et amène à demander de l'aide. La crainte est aussi source de fraternité de bas en haut si l’on sait grimper ou descendre !

Les arbres avec leurs lianes enchevêtrées, témoignent d'une idée de force, de puissance, de vitalité. Le symbole de l'arbre évoque sa verticalité ; mort ou en régénération, il se dépouille de ses feuilles et se transforme sans cesse. Il met en communication, racines, terre et ciel, plusieurs mondes s'y nichent, les oiseaux, les reptiles, les singes. Tel un axe central il unit le monde animal, végétal le ciel et la terre.

Dans ce film les singes et les éléphants sont les grands gagnants ; les singes rapides, impulsifs répètent les mêmes gestes, grimacent ou sourient, n'obéissant qu’à Tarzan. Ils sont envahissants par leurs cris, leurs agitations. Nous attendons leurs bêtises avec impatience, surtout lorsqu’ils nous imitent. Ils savent se protéger, fuir dans des lieux protecteurs, sans tuer.

Ils sont le Symbole du sot, de la bouffonnerie, du vagabondage et des activités de l'inconscient.

Certains célèbrent le lever et le coucher du soleil en jasant bruyamment, je vous laisse à penser…

Les éléphants, mi animal mi humain utilisent leur force et leur lourdeur. Synonyme de stabilité immuable, comme une sphère sur quatre piliers, ils s'ébranlent, pour rétablir la paix dans le combat que mène Tarzan, jouant avec beaucoup d’humour avec leurs trompes et leurs oreilles.

Quelle adresse !!!

L'éléphant est très présent dans la symbolique de l’Inde, des rois, du pouvoir royal. Reste le tigre, il nous rappelle notre vulnérabilité car il tue, féroce carnassier, dominant il détruit et pratique la loi du plus fort avec ses pulsions. Il attaque, courageux, robuste ne respectant rien des ses proies, son tempérament contraste avec sa beauté animale ce malfaiteur actif provoque l'angoisse. Sans la dignité du lion, il est complètement inhumain Tarzan va lui résister avec l'aide de ses frères de la jungle, il va vivre la présence de la mort, et renaître grâce à l'alliance et la complicité qu’il entretient avec eux.

Ce monde est impitoyable. Même la nature, les plantes déchaînent et se mangent entre elles et poussent pour aller plus haut. L'agressivité ainsi générée se règle au jour le jour,ce qui n'est peut-être pas le cas pour les humains, car eux, ils ont en réserve, en plus de leur carte génétique, leur inconscient et cela pèse lourd, très lourd...

Ce thème du Tarzan dans la jungle est, me semble-t’il, le thème de la réconciliation naturelle, (parabole du Publicain et du Pharisien) ou encore de l'âge d’or, de l’utopie, ou celui du voyage dans un eldorado sans limites visibles.

Le justicier Tarzan rapproche réconcilié, en essayant de trouver l'harmonie dans un monde destructeur par excellence.
N’est-ce pas l'histoire éternelle des humains, de notre monde qui s'entretue et cherche à se réconcilier en permanence avec des moyens de plus en plus sophistiqués ? ?

Sans doute l'accueil que Tarzan a vécu dans le clan des loups ou des singes l'a marqué de son empreinte et le nourrit et m’a nourrie.

Le mot réconciliation est apparu au 16ème siècle si je ne me trompe, dans un contexte religieux, puis laïc.

Et peut-être fraternel.

J'ai dit

D\ D\


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