Obédience : NC Loge : NC Date : NC


Exaltation à la Maîtrise

Allocution d’un orateur

En 7 ans de maîtrise et 3 ans d'isolement intellectuel à cette stalle, j'ai beaucoup réfléchi et revécu pas mal de choses. Je me suis référé à une logique implacable de médecin adversaire de la mort dans un combat que je suis désigné pour perdre et de libre-exaministe ex-catholique respectant la foi de sa vieille maman pour disserter quelque peu. Suivez-moi sur la piste de l'analyse pragmatique et humaniste. Le décor est antique mais le contenu de l'histoire est simple.

Un homme instruit, essentiellement intéressé par l'art et la qualité, par la beauté, travaille pour l'absolu, se réfugiant dans la connaissance qui est sienne, oubliant la cupidité de ceux qui l'entourent. Ce n'est pas très original comme début, n'importe quel illuminé au XXème siècle en fait autant pour chier avec mépris sur ses semblables du haut d'un savoir qu'il s'efforce de maintenir incompréhensible. Pourtant, en relisant le rituel et en repensant la pièce, on ne sent pas en Hiram la perversité, la suffisance égoïste de l'intellectuel mégalomane. On perçoit plutôt la connaissance réelle, la maîtrise pour ne pas la nommer. La distance qu'il affiche n'est ni surfaite ni déplacée, elle est digne d'un grand, d'une sorte de personnage divin. Avouez que, si l'on ajoute quelques adjectifs de ce type, on pourrait s'imaginer lire une parabole de l'évangile.

La suite est brutale. Cet homme exceptionnel se fait assassiner par trois jaloux qui pensaient pouvoir réaliser un intellect jacking. Ils n'avaient pas compris, ces trois imbéciles, que, sans le mode d'emploi, l'acquisition d'un software, fut-il cérébral, ne sert à rien sans la mémoire et ses trésors d'enseignements progressifs.

On n'en parle plus par la suite, de ces trois : ils sont trop bêtes, ils ne représentent rien, ils ne respectent rien et ne comprennent rien, on les méprise. Qu'ils aient choisi un acacia dont nous faisons tant de foin aujourd'hui, sans mauvais jeu de mots, n'est pas original : il n'y avait que ça dans la région et ce sont des plantes robustes. Plus important, et là se situe la grande différence avec le parcours sur terre du christ, vénéré par tant de croyants, auquel Hiram aurait pu faire penser: Hiram n'a rien dit avant de mourir. Il n'a pas transmis son testament scientifico-artistique comme s'évertua à le faire Jésus de Nazareth tout au long de sa vie à propos d'une certaine morale.

Hiram n'a pas préparé ni programmé sa mort. Il n'est donc pas un dieu qui peut prévoir l'avenir, il est un homme et rien de ce qu'il laisse ne permet de retrouver la parole perdue. Les compagnons sont affolés : plus de gagne-pain, plus de modèle, plus d'avenir, ils sont complètement paumés en se retrouvant face à la réalité de la disparition, au néant intellectuel et philosophique de leur avenir... Des êtres humains dont le père est mort trop vite. Le sevrage les mène à l'incrédulité, à l'espoir démesuré et sans objet. Alors, ...ils se mettent en route et cherchent...au Nord, au Sud, dans le froid...les glaces, ils marchent au point de n'avoir plus que ce seul objectif : continuer.

La quête les mène partout, leur permet de rencontrer tant et tant de gens différents, de fréquenter toutes sortes de cultures. Toujours portés par le souvenir d'Hiram qui se brouille, noyé par les informations accumulées provenant de ce monde si vaste et si riche qu'ils parcourent, ils cherchent sans plus savoir quoi chercher. Ils s'interrogent aussi sur le bien-fondé de leur démarche, ayant perdu l'image d'Hiram. Ils enquêtent sans succès au sein de leur propre subconscient pour la récupérer, cette image, et pour y découvrir de nouvelles raisons de poursuivre. Ils s'entraident, s'épaulent, échangent leurs impressions, communiquent leurs souffrances. Ils rapprochent leurs savoirs pour puiser dans la conscience collective du trio qu'ils constituent le courage nécessaire à la poursuite de leurs investigations. Symboliquement, c'est alors, à bout de forces mais combien instruits et soudés, qu'ils reviennent à leur point de départ et la découvrent enfin, la tombe d'Hiram.

Quelle déception ! L'architecte est définitivement mort, la chair quitte les os. Les maîtres fatigués...mais malgré tout accomplis ne retrouvent pas en cette dépouille le souvenir de l'architecte tant aimé. Sans qu'il leur soit nécessaire à ce moment de recevoir l'esprit saint du défunt, il faut constater que les courageux voyageurs sont devenus eux-mêmes sans s'en être rendus compte, des maîtres accomplis à force de courage, d'obstination, d'introspection, d'écoute et d'échanges. Ce n'est donc pas Hiram que l'on relève, il est trop mort. Ce sont ceux qui se sont métamorphosés en architectes dignes de son héritage, en maîtres qualifiés au terme d'une longue quête et en suivant la trace d'Hiram qui se lèvent enfin...et contemplent sans peur leur propre avenir. Voilà pourquoi tout se termine si vite. Le contact du mort ne permet que de finaliser le deuil ; la maturité, elle, a été acquise avant, au fil des voyages que ces hommes ont réalisés. Il en va de même pour vous, Bruon, Hubert, Pierre, Stéphane. Vous étiez déjà maîtres la semaine dernière, au terme de vos propres pérégrinations et des efforts endurés. Aujourd'hui, nous nous sommes contentés de vous le dire.

Cette histoire d'Hiram contée par tonton Jean-Paul est devenue l'histoire simple d'une humanité qui peut réécrire son passé sans faire référence à un dieu surpuissant. Pas de GADLU, pas de divinité chrétienne, pas non plus de théorie farfelue concernant des communications venant d'un hypothétique au-delà, pas besoin de réincarnation ni de ressuscitation. Des hommes avaient tout perdu; ils ont ensuite combattu, assimilé tant de connaissances qu'ils sont devenus aussi instruits qu'Hiram l'était. Ils ne maîtrisent pas les mêmes choses car la parole de l'homme mort est perdue à jamais. Mais...suivre la piste leur a permis de se diriger et de tendre plus facilement vers leur propre accomplissement. Les objectifs varient d'un individu à l'autre mais l'expérience des anciens permet aux nouveaux d'avancer plus vite en marchant plus loin sur le chemin infini de la perfection. Les bases vous sont acquises, Mes Frères. Vous pouvez partir à la quête de votre devenir. Ce n'est dorénavant plus un chef d'œuvre qu'il faudra montrer à vos Frères, mais l'exemple. Et n'oubliez pas que, quels que soient le degré d’accomplissement et le degré de performance que vous atteindrez, seule la communication avec vos semblables, les hommes, fera en sorte que votre parole à vous ne soit jamais perdue et ignorée sous un tertre, fut-il orné de marbre.

J'ai dit,

T\ R\


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