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L'entrée du Compagnon dans le Temple lors de son exaltation

Les rites de passage, et particulièrement les rites maçonniques, fourmillent de symboles dont le néophyte, à la première lecture que constitue la cérémonie de passage, peut comprendre le sens général. Mais, à tous les degrés, une très longue réflexion et une pratique régulière seront nécessaire pour espérer commencer à décrypter les détails.

Ainsi, au cours de l'exaltation au grade de maître, les courts instants passés devant l'Étoile Flamboyante, et le dialogue qui les occupe ne laissent pas au compagnon reçu le loisir de s'interroger sur la surprenante manière dont il est entré dans le Temple ni sur la place inhabituelle (en principe) de cette Étoile Flamboyante. Selon le rituel du second degré en effet, l'Étoile à 5 branches apparaît toujours à l'Orient.

L'explication la plus évidente, confortée par le rituel, de cette entrée à reculons du futur maître est de lui permettre de voir l'Étoile Flamboyante là où elle ne lui était jamais apparue. Les premiers mots du T\ V\. M.0. Invitent en effet le récipiendaire à contempler cette Étoile Flamboyante afin « avec les lumières du passé, de se diriger dans l'obscurité de l'avenir ».

En premier lieu cette place inhabituelle de l'Étoile Flamboyante montre au compagnon qu'il a réellement franchi une porte. Cette Étoile qui était à l'Orient, voici qu'il la voit à l'Occident. Cela veut dire que le Temple où il a pénétré à reculons, ne représente plus, comme aux deux premiers degrés le Hékai et le Débir du Temple de Salomon en même temps, il est maintenant devenu tout entier Débir, Saint des saints. Le récipiendaire, entrant dans ce Débir, voit l'Étoile flamboyante de l'autre côté, il l'a dépassée et intégrée. Du moins l'assemblée des Maîtres en a-t-elle jugé ainsi.

Par ailleurs cette marche à reculons rappelle à nos mémoires deux récits mythiques: le combat de Persée et de la Méduse, d'une part, et l'épisode du manteau de Noé d'autre part. Persée, envoyé par son hôte, qui espérait se débarrasser de lui et séduire sa mère Danaé, devait vaincre la Méduse, l'une des trois Gorgones, qui pétrifiait quiconque osait la regarder en face. Pour la combattre, Persée s'approcha d'elle à reculons, en s'orientant sur l'image reflétée par son bouclier, et lui coupa la tête d'un coup d'épée porté en arrière.

Quand Noé inventa le vin, il n'en connaissait pas les effets et, la première fois qu'il en but, en abusa. Dans son ivresse il se coucha nu sur son lit. Au contraire de Cham, qui se moqua de lui en le regardant nu, vision interdite par la coutume juive, Sem et Japhet s'emparèrent de son manteau et, s'approchant de lui à reculons, le recouvrirent de ce manteau avant de se retourner, évitant d'avoir à regarder le sexe de leur père. Dans les deux cas cette marche à reculons indique un chemin vers un lieu dangereux ou tabou, dont la vision entraîne la mort ou une malédiction définitive.

Dans un cas c'est le secret de la mort, que nul ne peut regarder en face, dans l'autre celui de la génération, que les enfants ne doivent pas voir. Certes le récipiendaire, après quelques minutes se retournera et regardera. Mais cette marche à reculons peut lui laisser présager que le spectacle qui s'offrira à lui représentera un secret fondamental. Il se trouve en effet qu'au bout du mythodrame qu'il va jouer, c'est la mort et la résurrection qu'il va trouver.

Cette marche à reculons peut éveiller en lui comme des échos de ses précédentes initiations. Devant l'Étoile flamboyante, il peut se souvenir des cinq voyages du futur compagnon, et des outils qui les accompagnent. Il peut se demander s'il les a bien utilisés, et en retrouvera quelques uns plus tard dans un usage qu'il n'avait pas imaginé. Sa marche en arrière le rend aveugle, comme le profane avec son bandeau. Et il peut alors se souvenir des voyages de l'initiation au premier degré, particulièrement du premier qui symbolise l'état d'ignorance du profane, qui le conduit à la chute après l'ascension.

La marche à reculons peut aussi symboliser l'état du compagnon qui n'a point encore atteint la maîtrise: il est tourné vers le passé et ne peut voir l'avenir en face. Cette marche laisse même supposer que cet avenir lui est redoutable. Et de même qu'à l'initiation au premier degré les épreuves de l'Eau et du Feu montrent le trajet de l'initié progressant dans la connaissance, de même le futur maître, le jour de son exaltation, se retourne et affronte en face la mort. Le rite écossais ancien et accepté la fait suivre d'une résurrection qui peut être interprétée de différentes manières, mais à tous les rites l'arcane du troisième degré est la réponse à la question « où allons-nous ? »avec la prise de conscience de ce passage obligé qu'est notre mort terrestre. Et cette mort, le maître maçon se doit de la regarder en face, et de s'y préparer.

Certes, comme le profane après l'initiation ne devient pas d'un coup initié, mais s'engage sur un chemin qui ne finira jamais, cette attitude du maître maçon ne viendra peut-être pas tout de suite. La maîtrise est un état qui se reconquiert tous les jours. Mais il faut espérer que désormais le jeune maître avancera résolument vers l'avenir sans avoir à se tourner craintivement vers le passé, portant désormais en lui-même l'Étoile flamboyante qui doit continuer à être son guide.

J'ai dit, T\ V\ M\


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