GLDF Loge : NC 3/09/1991


La Pomme

Il y a un peu plus que deux années, quand, toute jeune Maîtresse, j'apprenais qu'il était de tradition de prendre un nom initiatique, mon choix était tout fait. Avec une insouciance monumentale, je me disais que je ne pouvais faire mieux que de garder mon propre nom, Eve, pour exprimer mon devenir. Avec le temps qui passait, je me suis rendue compte de ma prétention à vouloir me mesurer à la mère de nous tous. Au fil du temps j'ai mûrie et mon instinct m'a plus modestement guidé vers la POMME.

Elle fait le trait d'union entre mes deux prénoms, Eva, celle qui a osé manger le fruit de la Connaissance, provoquant la chute, et Maria, la Vierge, qui tient le même fruit comme symbole de la Rédemption. En réfléchissant bien je trouve des pommes sur tout mon chemin Maçonnique. J'avais la première allusion à elle sous les yeux, alors que je ne le savais pas encore, dans les ténèbres du Cabinet de Réflexion. Lorsqu’on trouve la Vigilance dans un tableau, elle tient les pommes des Hespérides, gardiennes de l'arbre qui portait des pommes d'or. La conquête des pommes d'or constituait le dernier des douze travaux d'Hercule et la fin de son voyage initiatique, alors que je n'en étais qu'au tout début du mien, et à peine haute comme trois pommes.

Un peu plus tard, vacillant sur mon Pavé Mosaïque, les trois pommes d'or d'Atalante ont du m'arrêter par trois fois, peut-être encore à mon insu, pour me permettre ensuite de parcourir le chemin entre les carrés noirs et les carrés blancs unis par le fil gris. J'avais alors trois outils pour m'aider à dégrossir ma pierre brute, et je travaillais sous l'œil bienveillant du Delta Lumineux.

La Pomme d'Adam me rappelle mon premier enseignement d'Apprentie, que je suis un des Pôles de l'humanité et que l'homme est l'autre Pôle. Je ne peux pas contourner la pomme de la Discorde, où Paris avait à choisir entre la Sagesse, la Force et la Beauté. J'en retiens que je ne suis qu'un être imparfait, confronté parfois à la nécessité du choix. Le Doute peut alors s'installer à chaque moment au cours de ma quête pour la Vraie Lumière, et il me faut assumer ce Doute et le transformer en une valeur positive et fructueuse.

Avec la pomme de Guillaume Tell j'ai acquis la Confiance en tirant ma flèche vraie sur le but. Elle se casse alors en deux et révèle dans son centre un pentagramme par la disposition de ses pépins. La pomme de Newton tombe et me donne la Gravitation, que je place au centre de mon Etoile Flamboyante. Léonard da Vinci a inséré harmonieusement le corps humain, bras et jambes étendus, dans l'étoile à cinq branches, en créant ainsi l'emblème du microcosme, de l'homme-esprit. Mais ma pomme à moi ne se contente pas d'être un symbole riche de significations ; elle est aussi une nourriture merveilleusement sensuelle. Je la vois rouge de feu et d'amour, ou verte d'espoir et de printemps renaissant. Je sens sa sphère lisse et fraîche dans ma main et je la croque. Selon mon humeur je la choisie douce et sucrine ou sauvage et acidulée. Son parfum délicieux me séduit. Je me garderai cependant de m'extasier devant sa perfection, car elle peut nourrir un ver en son sein. Prudence, Vigilance ! Mais aussi Humilité, car ne font le ver, la pomme et moi pas UN ? Et elle devient Yin-Yang.

Merlin enseignait sous un pommier, arbre sacré et signe astrologique chez les Gaulois. La fleur du pommier a cinq pétales. Pomme, Apple, Apfel, Malùs, elle a cinq lettres, le nombre d'or de Pythagore, le nombre vital, le nombre du cœur, de la divine proportion. Dans ce nombre les pythagoriciens voyaient le symbole de l'harmonie, à la fois harmonie locale lorsque la largeur et la hauteur d'un temple sont dans ce rapport, et harmonie universelle, le nombre gouvernant les proportions du corps humain, microcosme en rapport avec le temple, le macrocosme, et Dieu. Chez les artiste, la pomme d'Yves Klein est bleue, et celle dessinée par Magritte, bien rouge et verte, celle là, est munie de la légende « ceci n'est pas une pomme ! » En effet, ce n'est qu'un bout de papier, une « surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées » (MD). Ces pommes, tout aussi symboliques, m'envoient vers la Sagesse d'aller plus loin pour chercher la vérité derrière les fausses apparences, et vers la Tolérance pour accepter la différence, qu'elle soit bleue, rouge, ou toute autre couleur sur la terre. Puis, avec la pomme de Blanche Neige, je gis dans mon cercueil et sept petits êtres errent autour de ma dépouille. Pour les Pythagoriciens le sept, 3 + 4, est, après le dix, le plus puissant et le plus auguste des nombres. Il est le nombre virginal, celui d'Athena. Il est le chiffre sacré d'Apollon, le dieu solaire, qui reçoit d'Hermès la lyre à sept cordes, celles des sept lumières planétaires, image de l'harmonie des mondes.

Le conducteur du Chariot, le sept du Tarot, vainqueur de lui même, a su dégager l'esprit de la matière. Le sept est le symbole universel d'une totalité, de l'achèvement d'un cycle et du commencement d'un autre. Je suis arrivée au pied de mon cercueil par sept pas, et au huitième j'ai été mise à mort. Mon corps est désuni comme celui d'Orphée. Par le concours de trois Maîtresses, il est rassemblé et la vie m'est rendue par les Cinq Points de la Maîtrise. En partant du centre du cercle, de la Chambre du Milieu, je peux désormais me livrer à la quête des secrets véritables de la Maîtresse Maçonne, en cherchant la Parole Perdue qui est peut-être gravée sur une lamelle d'or.

J'essayerai alors d'ouvrir la boîte d'Idunn, la déesse scandinave des poèmes eddiques, et de saisir les pommes de l'immortalité qu'elle contient, pour me réunir, affranchie d'une mort symbolique, avec tous les Maçons et Maçonnes, pour, tous ensemble, les morts et les vivants, assurer la pérennité de l'Œuvre.

J'ai dit

E\ M\ D\ C\


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