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La Mystique

Nietzsche a dit : « Quelle dose de Vérité supportez-vous ? ». Montrant par là, que les hommes suivant ce qu'ils acceptent se répartissent en différentes classes dans leur attitude face au problème de l'infini. D'abord, il y a les athées, ceux pour qui le matérialisme paraît tellement la chose la plus évidente que la conscience incarnée refuse de s'attacher ailleurs qu'à l'échelon le plus bas, celui des cinq sens : l'aspect matériel de la vie et sa valeur concrète. Ensuite viennent les agnostiques, c'est-à-dire ceux qui admettent qu'il puisse y avoir quelque chose : un Dieu ou des dieux mais qui ne prennent pas position et disent : « Je ne sais pas ! ». Puis arrivent les tenants du sentiment religieux qui va faire que l'homme va commencer à pratiquer une religion et à adhérer de plus en plus à une église. Il en restera là ou approfondira sa pensée en réfléchissant aux idées les plus hautes de cette religion. Enfin, la quittant comme une béquille qui lui aura malgré tout bien servi, il admettra que Dieu n'appartient à personne et que tous les chemins mènent à Lui. Nous trouverons là ceux qui quittent le religieux pour le spirituel. Enfin, ce spirituel amenant à d'autres exigences au niveau de la façon d'être et de penser, la mystique deviendra sa compagne et la mystique ramènera le croyant à la matière mais avec quelque chose de plus, il saura que la matière aussi est Dieu. Rainakrishna dira à ce propos : « C'est depuis que je vois Dieu en tout homme que je le connais. ». Je vais donc tenter d'ouvrir pour vous cette voie royale qui n'est pas une voie évanescente mais un vécu concret mais dont il faut bien souligner qu'elle est une conséquence et non une cause !

Ayant, par ailleurs, ouvert mes dictionnaires aux mots mystique et mysticisme, je n'en ai retiré que déception. Il ne faut d'ailleurs pas les confondre, ce n'est pas du tout la même chose.  Autant j'accepte après explications d'être qualifié de mystique autant je repousse le mot mysticisme (qui d'ailleurs est récent puisqu'il date de 1804) devenu presque voisin d'occultisme.  Il faut dire que comme le mot apocalypse, le mot mystique a subi des dérives de toutes sortes et les médias qui l'emploient sont plus intéressés par les effets obtenus que de la réalité des choses dont ils parlent. De même, le fait que les définitions données tant par le Larousse ou le Robert que par le Littré soient si peu conformes à la réalité n'a rien d'étonnant et nous allons voir pourquoi... Mais avant d'aller plus loin, il n'est pas inutile d'ouvrir une parenthèse sur certains débordements parfois qualifiés de mystiques. Il y a d'abord ces mouvements de foule proches de l’hystérie collective qu'amplifient encore les médias et qui, bien sûr n'ont rien à voir non plus avec la véritable mystique. Il est d'autre part des personnages qualifiés de mystiques par le plus grand nombre qui ne sont que des schizophrènes, des gens habités de fantasmes de toutes sortes, des hallucinés de tout acabit, bref des mystificateurs ! De tous temps ces faux prophètes ont eu plus de succès que les vrais, car ils flattent l'orgueil et l'égoïsme de leurs adeptes. Il y a cependant une façon de les reconnaître : un enseignement qui angoisse, qui inquiète, qui fait douter, est toujours faux. « On reconnaît l'arbre à ses fruits » disait le Christ, le vrai mystique procure la paix et la joie, de plus, comme l'a souvent répété la grande mystique hindoue, Mâ Ananda Moyî :

« Le vrai maître parle toujours de Dieu, il ne parle que de Dieu. » J'ajouterais : comme d'ailleurs tous les textes sacrés.

Le terrain étant déblayé, nous allons pouvoir aborder véritablement notre sujet.

Le mystique est d'abord et avant tout et j'insiste là-dessus, quelqu'un de pragmatique qui applique ce pragmatisme aux questions spirituelles en général et à Dieu en particulier.  Le mystique, c'est une personne qui veut savoir ce que recèle la partie cachée de l'iceberg ! Un mystique est donc tout sauf un rêveur ! Le mystique comme le rishi de l'Inde est celui qui a vu le vrai et ses réponses à nos doutes et à nos questions sont des réponses à vivre. Quand un mystique déclare que l'invisible est plus réel que le visible, il ne s'agit pas de dire une belle phrase, il s'agit d'une réalité concrète. Alors quand un dictionnaire parle de croyances cachées, le mystique, lui, sait qu'il s'agit de vérités révélées... Quand le dictionnaire le définit comme ayant une foi intuitive, le mystique sait qu'il s'agit d'un concret qui l'habite... Quand le dictionnaire évoque des gens qui se livrent au mysticisme, le mystique se sent alors carrément et totalement incompris... Et incompris, il l'est ! Comme le fut sainte Thérèse d'Avila et ses Demeures de l'âme, comme le fut saint Jean de la Croix, les mains percées des stigmates, comme le fut saint Jean en écrivant l'Apocalypse si mal interprété aux cours des siècles qui se sont succédé.

Imaginez que nous soyons tous aveugles, à nous heurter aux êtres et aux choses... Et d'un seul coup la vue vient à l'un de vous et à lui seul, pas aux autres - trente secondes, pas plus - et il redevient aveugle aussitôt. Imaginez, imaginez la difficulté à se taire... Imaginez ce qu'il va vouloir dire aux autres : que le monde est beau, que les couleurs existent, qu'il y a un soleil, enfin tant de choses qui leur feront dire qu'il a vraiment beaucoup d'imagination, d'intuition et qui leur feront ajouter avec un sourire qu'il se livre au mysticisme. Pour peu qu'il essaie de leur décrire les couleurs, cela devrait donner immanquablement quelque chose qui d'une certaine façon et avec l'aide du temps, pourrait passer pour des écrits hermétiques. Et finalement celui-là ne dira plus rien ! Car si aux siècles passés cela se terminait au bûcher de l'inquisition, aujourd'hui cela se termine en franche rigolade ou en moqueries selon l'auditoire, voire pire en émissions de télévision à grand spectacle qui de toute façon se termineront à l'avantage des journalistes qui, n'ayant rien compris, n'ont qu'un objectif : l'audimat ! Pourtant, c'est ce qui se passe pour le mystique que Dieu a choisi pour avoir avec lui un accès direct, tel saint Paul sur le chemin de Damas.

Il faut dire que la chose est une épine dans la logique des hommes...et des Eglises. Que de personnes aujourd'hui canonisées furent à leur époque martyrisées par des faiseurs de dogmes ! Jeanne d'Arc et sainte Cécile ne sont pas des moindres. C'est vrai que les mystiques sont des empêcheurs de prier en rond ! Pas plus tard qu'au mois de septembre de l'an dernier, à des joumées-conférences maçonniques, j'ai entendu des frères essayer de comprendre comment il se faisait que Jacob Boeme ait pu avoir des visions alors qu'il n'était que simple cordonnier et que d'autres (je suppose comme eux) n'en avaient pas après des années de travail en loge, j'ai cru un instant qu'ils allaient ajouter que c'était injuste Ceux-là n'ont pas encore compris l'essentiel... Les visions, comme tout le reste, c'est Dieu qui les donne Et l'homme ? direz-vous. Désolé, l'homme n'a pas la parole ! L’homme obéit, l'homme prie, adore et rend grâce...car l'homme n'a rien à demander, rien à exiger et rien qui lui soit dû ! Vouloir décider soi-même dans ce domaine, c'est courir à la catastrophe c'est-à-dire à la folie, voire à la mort ! Saint Jean de la Croix dans La montée au Carmel insiste sur ce mot « rien » en le répétant cinq fois ! Un homme est aimé de Dieu d'une façon qu'il ne comprend pas. Cette amour est sa nourriture, sa manne, il ne lui sera rien donné d'autre, son seul destin est en Dieu et c'est en cela que les hommes sont libres, égaux et frères mais tout homme en est digne parce que tout homme est fils de Dieu !

Et que disent-ils au juste ces mystiques ? Puisque le message est le même pour tous et de tous les temps, on peut peut-être en dire quelques mots... Si seulement nous voulions écouter ce que les vrais mystiques de tous les temps ont à nous dire en essayant de les comprendre, non pas avec notre raison, notre intelligence humaine mais avec notre âme, non pas du bas de l'homme mais du haut de Dieu et en leur faisant confiance. Lisez sainte Thérèse de Lisieux, sainte Catherine de Sienne ou François d'Assise.  Si vous me trouvez trop catho, alors prenez Shri Aurobindo, Ramakrisna ou la Mère et si l'hindouisme ne vous branche pas, ouvrez alors Maître Ekkard, Plotin, Padmasambhava, Ibn Arabî et les maîtres soufis ou les prophètes d'Israël. Dans toutes les religions, toutes les vraies traditions, sur tous les continents et à toutes les époques, les mystiques ont délivré le même message jusqu'à donner leur vie pour cela face à l'incompréhension. Une étude des textes sacrés nous faire devenir la semence de ce que sera le monde. Et c'est parce qu'on l'oublie toujours, parce qu'on pense toujours que c'est des événements extérieurs que doit venir notre progression, notre réussite et non pas le contraire que nous avons tant de peine à sortir de nos difficultés. Et si, par quelques lignes lues le plus haut qu'il m'est possible, c'est saint Jean de la Croix ou Shel Ramakrishna, le Christ ou la Vierge Marie - parce que ça ne peux par encore être Dieu - cela suffit ! Nous monterons jusque-là et plus tard nous monterons plus haut. Tant que l'on attend Dieu à l'extérieur, on ne risque pas de le rencontrer. Dieu est en vous! (je cite) l'Evangile : Les mystiques vous l'enseignerons ajoutant que l'on doit chercher Dieu pour Dieu et non pas pour soi. Nous cherchons souvent Dieu pour le ramener dans nos limites, les mystiques, eux, vous offrent la clé de la vastitude de l'infini divin qui est à l'intérieur de vous-même. Ils vous diront qu'apprendre à rentrer en soi, c'est apprendre à rentrer chez soi, ça, c'est écrit dans le Livre des Morts de l'Egypte. Il vous diront que la recherche de Dieu, c'est l'infini…et que nous n'arriverons jamais au bout...et que la seule gloire de l'homme, c'est l'anonymat de l'éternité ! C'est la toute conscience lumineuse impersonnelle et immortelle.

Mais vous remarquerez aussi que les mystiques sont des gens pratiques, concrets, qui évitent soigneusement la discussion, il faut noter au passage que dans la Bible de même la vie concrète n'est jamais négligée. Ils vous racontent des faits et en tirent les conclusions qui s'imposent à eux... sans y surajouter de jugement de valeur ou de quelconques élucubrations. C'est alors que s'impose une démarche intérieure nouvelle.  Ils nous rappellent que le contraire de la mort est la naissance, que l'ensemble s'appelle la vie et que moi-je peux devenir un despote. Ce moi-je, appelé aussi ego, tant nécessaire à la formation de la personne devient le principal obstacle à la progression de l'homme, il est aussi son seul péché jusqu'à ce qu'il le dépasse car il ne s'agit pas du tout de l'anéantir mais de le domestiquer : il deviendra l'agneau de l'Apocalypse, «comme immolé » dit le texte.

S'ils ont eu leurs vies bouleversées par des visions, des extases ou des phénomènes dits aujourd'hui paranormaux, ils insistent tous sur le fait de remplir en priorité et du mieux possible ses devoirs d'homme, d'ouvrier, de citoyen, de père, d'époux, de Franc-Maçon, etc, cela est très important. L’extase, est un événement intérieur, très discret, très secret, qui nous bouleverse, qui nous féconde d'une vérité qu'il va nous falloir vivre et découvrir pendant des années pour pouvoir peut-être éventuellement transmettre discrètement, humblement, en silence, selon ce que l'extase nous a fait devenir. Ils nous rappelle que l'extase n'est pas un moment extraordinaire après lequel on s'en va proclamer aussitôt ce qui s'est passé en nous, non ! Le mystique est d'autant plus fort et plus vrai qu'il est secret. Le secret, le silence, deux armes que l'apprenti s'exerce à manier et que le Maçon devra maîtriser toute sa vie car le silence est le domaine de Dieu. Si je n'avais qu'un conseil à donner dans ce domaine, ce serait celui-là : s'il vous arrive un jour de vivre une expérience mystique : n'en parler à personne, surtout n'est parlez à personne ! Sous peine de la voir détruite et vous avec. Ce jour-là vous comprendrez l'importance du silence et du secret. Je me base pour affirmer cela sur un vieux texte de l'Inde qui dit :

« Quiconque a eu avec Dieu un contact vivant, vrai, authentique, doit vivre au milieu des hommes comme un sot, un idiot et un sourd. »

Les armes du mystique sont donc le silence et la sincérité, mais aussi la confiance, le rire, le culte de la lumière et l'humilité et pour finir l'amour et l'effacement de soi. Vivre en mystique est une affaire personnelle. Quand Jean à Patmos a eu sa vision, personne autour de lui (s'il y avait du monde), n'a rien vu, rien entendu, celle-ci n'a duré que quelques minutes, peut-être quelques secondes sur cette terre et Jean a transcrit du mieux qu'il a pu ce bouleversement intérieur qu'il a vécu. Jamais il n'a s'agit du futur extérieur, historique, de l'homme mais bien sûr de son futur intérieur, de ce qu'il a à vivre en lui et c'est un combat furieux digne de ceux du Mahâbarata que Jean décrit ! C'est la parole de Dieu qui s'adresse à l'homme non pas pour le terroriser mais pour le conduire à lui qui l'attend au fond de chacun de nous.

Ecoutons encore ce qu'en dit Mâ Ananda Moyî :

« Seuls deux pouvoirs, par leur conjonction peuvent accomplir la grande et difficile tâche qui est le but de notre effort : une aspiration constante et infaillible appelant d'en bas et une grâce suprême répondant d'en haut... »

Mais cette grâce ne peut agir dans les conditions imposées par le mensonge et l'ignorance... Le don de soi doit être total.

« Non pas moi Seigneur, mais toi, Toi seul... »

et encore :

« Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. »

Accordez à la vie terrestre, son poids, sa valeur, son authenticité et à Dieu, donnez tout.  Non pas tout le reste mais tout. Ce qui est à Dieu, c'est tout ! C'est-à-dire faites aussi du tribut à César une offrande ainsi que de votre vie physique, mentale, spirituelle, votre démarche, vos emmerdes, offrez tout, même vos morts ! C'est une erreur de croire que la vie sur la terre est en contradiction avec la gloire du ciel, que le travail de l'homme déplaît à la beauté de l'Esprit.  Il n'en est rien, tout est Dieu, tout a été créé par Dieu, la terre est dans le ciel sont en Dieu.

« Des deux cotés, dit l'Upanishad, la lumière entoure la nuit ».

Ce n'est pas la nuit qui limite la lumière, c'est la lumière qui limite la nuit, c'est cela le message des mystiques c'est que tout est en Dieu et que tout est Dieu. Il faut se souvenir de cela, ici, maintenant, en nous mêmes, en chacun de nous et en tous, notre devenir ; c'est l'éternité, c'est l'infini, il suffit de nous mettre en route avec ce que nous sommes, sans jamais nous comparer à d'autres.

Voilà en quelques phrases le sens du mot « mystique », voyez, nous sommes loin des définitions du dictionnaire, loin du sens que beaucoup lui donnent...mais ceux-là ne sont pas des mystiques ! Le salut du monde n'est pas d'imposer une croyance quelconque aux gens, mais de leur rappeler qu'ils sont tous frères jusqu'à l'identification, tous un, nés d'un seul qui est l'Esprit, l'âme universelle, la toute Lumière et qui est tout et c'est en cela que la Franc-Maçonnerie peut être un exemple. Les savants de notre époque savent que tout est né et fait de la lumière et de rien d'autre mais les mystiques des époques les plus reculées l'affirmaient déjà. Et je vais conclure par quelques citations d'une mystique authentique qui fut aussi mon maître durant 15 années et qui ne comptait plus ses visions. Je peux affirmer que ces mots correspondent à l'exacte réalité de ce qu'elle vivait :

« Il est utile de signaler un fait important de la vie contemplative qui se retrouve d'ailleurs également dans les autres activités de l'homme. La vision surnaturelle est intérieure, elle naît d'une rencontre dans la conscience individuelle entre la supra-conscience lumineuse et immuable qui l'habite et la perception inférieure du physique et du mental, préparée par un travail antérieur, par les efforts de l'intelligence et par l'aspiration qui la pousse vers un savoir plus sûr. La vision est la résultante exacte de l'une et de l'autre, du degré de l'affinité réciproque qui existe entre elles, de la compréhension que l'homme peut avoir de l'infini ; car l'infini resplendissant ne saurait l'envahir soudain de toute sa puissance sans risquer de l'anéantir. Au cours de l'expérience mystique les apparitions changent, évoluent, les formes distinctes disparaissent ; l'âme plonge dans l'authenticité féconde et bienheureuse de sa splendeur indifférenciée. »

« L'ange est en l'homme le gardien de la perception supramentale, l'énergie spirituelle qui ouvre ou qui ferme l'accès intérieur à la vision céleste, à la contemplation de la Vérité insaisissable sur le plan inférieur du mental et du physique. Le pouvoir de l'intelligence divine habite l'homme. L'orgueil, l'égoïsme, la désobéissance à la Loi Sacrée de la vie incarnée en lui déterminent ce pouvoir à empêcher sa conscience d'entrer dans la Connaissance de l'immortalité. »

« La vision de l'extase n'est jamais statique. Elle est une présence vivante qui crée ce qu'elle dévoile dans la pensée de celui qui la reçoit. La lumière qu'elle déploie a son siège dans la supraconscience unique et indivisible où elle retourne quand s'achève le ravissement. Et cette supraconscience est en l'homme, qui ne s'en rend compte cependant qu'en ces occasions très rares jusqu'au moment où, l’œuvre de l'immolation étant achevée en lui, il s'accomplit, lui aussi, dans le rayonnement immaculé de l'Esprit. »

J'ai dit.


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