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Jonathan le Goéland

J'ai 3 ans, l'âge où on aime les histoires, surtout les histoires d'animaux, elles m'ont beaucoup appris, de La Fontaine à Compère Lapin, alors quand nos maîtres nous ont conseillé de lire « Jonathan le Goéland » j'ai pensé que là aussi il y avait un message à saisir, alors voilà ce que, à ce stade de mon cheminement, Jonathan m'a appris.
Jonathan est un jeune Goéland pour qui l'essentiel n'est pas de manger mais de voler pour s'élever, son cheminement sera parsemé d'éléments ternaires.
Premier pallier, Jonathan est sur terre :

- 1er pas : il travaille la perte de vitesse, il apprend à planer, à atterrir en beauté mais il tombe, c'est sa 1ère chute : la honte ; il se fait tancer par ses parents, il leur promet de renoncer à ses recherches, mais c'est plus fort que lui, il y revient.

- 2ème pas, il travaille en plus l'altitude, il bat le record mondial de vitesse pour les Goélands, mais il tombe pour la 2ème fois, l'échec est douloureux, il souhaite la mort. Cette fois c'est sûr, il va combattre cette force qui le pousse à vouloir être autre chose (je cite) qu'un pauvre Goéland borné. Mais, alors que résigné, il ne cherche plus, il accomplit un exploit : il vole dans le noir, lui qui n'a que des yeux de goéland et non de chouette.

- 3ème pas, il a compris maintenant qu'il doit aller au-delà de ses capacités physiques : pour voler plus vite il faut avoir les petites ailes du faucon ? alors il travaille ses ailes, utilise ses plumes comme les ailettes de l'avion ; capable de maîtriser son corps, il réalise des acrobaties. Fier d'un nouvel exploit qu'il réalise sous les yeux de ses congénères, Jonathan s'attend à être félicité, admiré, mais la 3ème chute qui cette fois n'est pas physique, est la plus dure, sa vanité lui vaut d'être banni : comment un jeune Goéland peut-il prétendre changer des choses que les plus vieux des Goélands ont toujours acceptées (je cite) : « la seule raison du vol c'est de trouver à manger », Jonathan est définitivement exclu du clan.

Jonathan a compris que trois passions - l'ennui, la peur et la colère - que ses congénères ne cherchent pas à vaincre, les empêchent d'ouvrir les yeux. Puisque maintenant il est seul, contraint au mutisme, il peut étudier à loisir : encore sur les parvis, ce nouvel apprenti travaille sur lui-même. Il calque son attitude sur trois modèles que j'ai identifiés comme :
1) son parrain : la chouette qui lui dévoile ses yeux, comme au jour de l'initiation,
2) son Second Surveillant : le faucon qui lui montre des outils : ses ailes pour s'élever,
3) le Vénérable : l'avion qui lui montre ses ailettes pour qu'il approche la perfection.

Pour ce faire il utilise trois outils que j'ai essayé d'interpréter :
- Le piqué vertical lui permet de voir les poissons qui nagent plus profondément, comme le fil à plomb invite l'apprenti à descendre inlassablement au fond de lui-même pour s'élever, dans un mouvement perpétuel le long de cette perpendiculaire.
- Le sommeil dans les airs à l'horizontale, lui permet, comme au compagnon, de voyager plus loin soutenu par la chaîne d'union s'il vient à faiblir.
- Le vent de terre lui permet de se repaître de délicats insectes, d'osciller donc entre ciel et terre comme le Maître descend des hauts grades au premier degré pour s'enrichir en aidant les apprentis au travail. 
Ce faisant, Jonathan est observé à son insu : qu'il découvre d'abord ce qu'il doit découvrir mais surtout ce qu'il peut découvrir, on verra ensuite s'il est prêt pour que l'entrée du temple lui soit donnée.

Bientôt apparaissent 2 goélands nouveaux (je cite) « purs comme la lumière des étoiles » et volant avec une grâce inhabituelle, ils l'encadrent : encore un peu vaniteux, Jonathan veut éprouver leurs compétences en vol, mais reconnaissant leur maîtrise, il consent à les suivre encore plus haut dans le ciel d'un noir absolu (je cite) : « son apprentissage élémentaire est terminé, il est temps pour lui de passer à une autre école » l'entrée du temple peut lui être donnée.

Deuxième pallier Jonathan l'identifie comme le paradis, son aspect extérieur se modifie, son corps devient radieux comme celui de ses nouveaux frères, qu'il s'étonne d'ailleurs de voir en si petit nombre ; dans ce nouveau chantier tout le monde travaille à se perfectionner, grâce à la télépathie, il peut communiquer, finis les sons rauques et criards des goélands terrestres, ici l'absence de bruit permet de méditer.

Plus tard, puisqu'il n'est plus astreint au mutisme, Jonathan s'approche de l'Ancien des Goélands pour l'interroger sur le paradis, Chiang lui dit « tu toucheras au Paradis à l'instant même où tu accéderas à la vitesse absolue…elle ne se trouve pas dans un nombre, car tout nombre nous limite, et la perfection n'a pas de bornes, la vitesse absolue c'est l'omniprésence ».
Puis, sous les yeux éberlués de Jonathan, Chiang disparaît pour réapparaître. Pressé de questions par son jeune frère, il répond à sa soif de savoir, la bonne méthode ? (je cite) « pour voler à la vitesse de la pensée vers tout lieu existant, il te faut commencer par être convaincu que tu es déjà arrivé à destination ».

Quelle leçon pour Jonathan, lui qui croyait avoir tout compris, il existe des choses qu'il ne soupçonnait même pas. Jour après jour, Jonathan travaille l'omniprésence, encouragé par Chiang, puis un jour, comme un éclair, il en saisit le principe, il se concentre et y parvient, il s'étonne que ça marche, Chiang lui répond (je cite) « ça marche toujours lorsque l'on sait ce qu'on fait. Et maintenant voici comment te contrôler totalement… » puis il lui montre comment travailler sur la durée pour qu'il soit (je cite) « capable de survoler le passé et l'avenir pour que tu sois prêt à…prendre ton vol pour aller là-haut connaître le sens de la Bonté et de l'Amour ».
Mais Jonathan n'en a pas terminé, parce qu'il a continué à apprendre l'Amour, il atteint la maîtrise, et se sentant appelé à aider les jeunes goélands, bannis du clan eux aussi, il redescend sur terre ; ici il atteint son troisième pallier.

1ère tâche, Jonathan devenu Maître prend en charge un seul élève, ce nouveau filleul, Fletcher s'efforce d'imiter Jonathan, au risque de quelques frustrations, il est trop pressé.

2è tache, 3 mois plus tard, Jonathan a 6 nouveaux élèves, ils sont 7 avec Fletcher. Jonathan comprend bien que pour les nouveaux (je cite) « il est plus aisé de réussir de hautes performances que de comprendre la raison profonde pour laquelle ils les réalisaient » malgré tout, pendant les séances d'instruction, Jonathan leur donne de véritables techniques, il les pousse à identifier puis à éliminer tout ce qui les limite, il démontre, suggére, insiste, guide, il procède à l'analyse puis à la critique de leurs travaux. Parfois Jonathan énonce des idées que les jeunes Goélands jugent un peu folles parce que pas à leur portée, alors ils sommeillent, fatigués par les exercices de la journée mais jamais le Maître n'arrête de les pousser au-delà de leurs limites, ayant perçu leurs capacités et surtout leur volonté de s'élever.

Quand Jonathan reconnaît la maîtrise de ses sept élèves, il les sait prêts à retourner vers le clan des Goélands qu'il faut aider, il les ramène vers les profanes. Tout d'abord réticents, ces sept maîtres dominent leur peur, acquièrent alors la force d'aller accomplir leur mission : créer un nouvel atelier - juste et parfait - pour y former de nouveaux apprentis.
Revenus parmi les profanes, c'est la beauté de leur vol, la force qu'ils dégagent et la sagesse qui émanent d'eux qui en imposent au clan, c'est parce que les nouveaux sont proches de la perfection que le Clan les croit issus du Grand Goéland et n'envisage même pas de chasser ces anciens exclus.

Leur comportement, qui fait l'effet d'une réverbération, en attire plus d'un, d'abord les profanes s'intéressent en cachette aux initiés du vol puis, désireux de leur ressembler, ils osent frapper à la porte : le premier à se présenter c'est le plus désespéré de tous, celui qui a une aile brisée. Lui aussi il y parviendra, une fois qu'il aura appris à aller au-delà de son handicap.
A la fin, Jonathan a réussi à communiquer à ses congénères le goût de la liberté qu'offre le vol. Comment y est-il parvenu? quel grand cercle l'a finalement ramené sur terre pour qu'il réalise sa mission ?

D'abord il a fallu qu'il se penche sur lui-même, pour regagner l'état d'enfance qu'il avait perdu, qu'il redécouvre ses yeux, ses ailes, ses plumes comme un enfant découvre son corps, qu'il redevienne une pierre brute, lui qui était plutôt une pierre baroque bien sculptée.
Ensuite, seulement quand ce travail sur lui-même est estimé suffisamment fructueux, d'autres goélands le conduisent au ciel pour lui faire passer la porte du chantier où s'apprend la véritable perfection.
Enfin arrive le moment du retour sur terre : Jonathan forme 7 nouveaux goélands qui à leur tour en formeront d'autres. Fletcher qu'il désigne comme guide des 7 tente de se dérober, Jonathan ne l'y autorise pas, toute cette connaissance ne lui a été transmise que pour être mise au service des autres, pour bâtir un monde de Goélands qui comporte davantage d'éléments initiés à la gloire du Grand Goéland.
 
Un heureux hasard a voulu qu'après Jonathan je tombe sur « la Voix du silence » extrait du « livres des préceptes d'or ». Les nombreuses correspondances que j'ai trouvées entre ces deux ouvrages m'ont conduite à analyser comme suit le chemin préconisé par cet oiseau de vie qu'est Jonathan.
Selon cet ouvrage que l'on met, en Orient entre les mains des étudiants du mysticisme, deux sentiers s'offrent au disciple qui a entendu la voix du silence et qui est devenu Bouddha  parfait :
- celui qui arrête le cycle des renaissances et conduit à la route du bonheur doux mais égoïste, le Nirvana
- celui qui conduit à renoncer à la béatitude du Nirvâna pour devenir l'instructeur du genre humain.

Jonathan lui, a fait le choix du 2ème sentier : il refuse d'être pris pour un dieu, et continue son chemin entre ciel et terre à la recherche de nouveaux Goélands désireux d'apprendre.
Sur ce sentier, il va pouvoir suivre le conseil de Chiang, (ce sage des sages qui même ici porte un nom oriental) il va continuer à étudier l'Amour, il va connaître la compassion.
Faut-il y voir une invitation pour nous francs-maçons ?

J'ai dit, Vénérable Maître.


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