Obédience : NC Loge : NC 26/03/1999


L’Euthanasie

Introduction 
« Que pensez-vous de l’euthanasie ? ». Telle fut la toute première question que l’on me posa lors de mon entrée en Franc-Maçonnerie. Comme l’exigeait la situation, la réponse fut sincère mais brève.
Quelques six années plus tard, il m’est donné l’opportunité d’y répondre plus amplement.
Dans toutes les sociétés d’hommes, laïques ou religieuses, dites civilisées ou non, la vie est considérée comme une valeur sacrée. Encadrée et protégée en tant que telle par la loi.
Dans nos pays industrialisés notamment, où l’Homme est à la recherche de ses valeurs, le respect de la vie représente une valeur refuge, dernier rempart de l’unité du groupe. Toute atteinte à l’intégrité du corps humain est alors sacrilège.

Mais paradoxalement l’Homme, « culturel par nature » comme disait Edgar MORIN, entretient une réflexion permanente sur sa vie et sur les moyens qu’il pourrait se donner pour l’améliorer encore.
Assuré par la technique, par la science, de pouvoir maîtriser voir modifier les grandes lois de la nature, il entreprend de les revisiter.
Ainsi il se veut libre de procréer et invente la contraception, ou bien encore rédige une loi sur l’Interruption Volontaire de Grossesse.
Puis il envisage de modifier la nature même de l’être humain et explore les dangereuses voies de la manipulation génétique et du clonage.

Enfin il se demande si, après avoir maîtrisé sa vie, il ne pourrait pas être libre de choisir sa mort.
Mais chaque évolution sur le sujet, ne serait ce que dans la pensée, est en soi une petite révolution. S’en suit une kyrielle d’interrogations essentielles qui finit de complexifier le problème.
L’absence de cadre juridique associée aux multiples réactions émotionnelles font de chacun de ces débats un sujet brûlant sur lequel circulent au minimum des doutes légitimes, au maximum des invectives et des menaces voir des anathèmes.
Bien évidemment le débat sur l’euthanasie n’y échappe pas.

I – Les termes du sujet : quelles questions se pose-t-on ?
A – Questions et réflexions sans ordre.
- Mon père est mort dans d’horribles souffrances, je ne souhaite pas finir comme lui.
- J’ai nourri, lavé, langé ma mère qui n’était plus qu’une poupée de chiffon, ce pendant des mois, pour le bonheur de qui, certainement pas le sien.
- Si un jour après un accident je restais handicapé, je préférerais mourir.
- Qui m’aidera à choisir l’heure de ma mort si j’en suis incapable (handicape grave coma) ?
- Comment légiférer sur un problème aussi complexe, quand chaque cas est si particulier ?
- Ai-je le droit de demander la mort ?
- Puis-je demander à mon médecin sa collaboration ?
- Suffit-il d’atténuer les souffrances physiques pour rendre la fin de vie supportable ?
- Peut-on calmer toutes les douleurs ?
- Qui peut s’arroger le droit d’apprécier la dignité de ma vie ?
- Dieu m’a donné la vie, seul lui peut me la reprendre.
- L’acharnement thérapeutique est-il compatible avec le principe de respect de la dignité humaine ?
- Je ne veux pas mourir entouré de tuyaux.
Si on légalise l’euthanasie, ne doit-on pas craindre des dérives (eugénisme, héritage…) ?

B – Ebauche de clarification :
Et bien d’autres interrogations encore qui bouleversent l’Homme au plus profond de son être, de ses croyances et de ses certitudes. Il se met à douter. Et ce doute l’étreint.
Après des décennies vouées à refouler la mort, il s’interroge désormais sur sa fin de vie. Il ose braver l’interdit, faire face au tabou, ouvrir la porte des ténèbres.
A tel point, qu’il en vient à évoquer voir revendiquer « l’heure venue, le droit de s’éteindre de manière douce et paisible ».

Cette fois, le mot est lâché dans sa conception première, on parle d’euthanasie.
Et c’est, dès le début du XVIIè siècle, que Francis BACON, homme d’Etat et philosophe anglais, y fait allusion. Il préconise, dès 1623, la mise en place d’une médecine « palliative » qui devait permettre à l’Homme de réaliser un vieux rêve de l’Humanité : échapper aux affres des derniers moments de la vie et connaître une mort douce et paisible.
 
Emprunté à l’antiquité grecque, le terme d’euthanasie sera utilisé dans ce sens jusqu’à la fin du XIXè siècle. Il existe alors une science de l’euthanasie qui emploie des moyens simples : aération de la chambre, position du malade dans le lit, présence des proches, pas d’actes chirurgicaux, mise en place de traitements médicaux les plus simples possibles… On prend soin du malade. On l’aide à mourir paisiblement. On l’accompagne dans une mort certaine.

Mais à la fin du XIXè siècle, le terme d’euthanasie prend un sens nouveau : procurer une mort douce en mettant fin délibérément à la vie du malade. Et c’est désormais le sens prédominant dans l’opinion publique des sociétés occidentales.
Le même terme désigne alors « la mort douce et paisible » et « l’acte de provoquer la mort ». La confusion commence.

On parle d’euthanasie à propos d’analgésiques puissants, ou bien encore à propos d’abstention thérapeutique quand cette dernière risque d’infliger d’inutiles souffrances, ou bien encore de « mort provoquée » sur intervention d’un tiers collaborant activement au trépas du patient.

On distingue différents types d’euthanasie :
- l’euthanasie active (intervention d’un tiers),
- l’euthanasie passive (omission thérapeutique),
- l’euthanasie indirecte : la mort n’est pas délibérément recherchée, mais le traitement entrepris peut y conduire (effet indésirable des morphiniques).

Malheureusement, il ressort de la pratique, qu’au delà de cette classification sémantique, seul le lien de causalité et responsabilité entre la mort d’un malade et ceux qui l’entourent, est retenu.
Pour être encore plus précis et cibler le problème tel qu’il se pose de nos jours, il faut admettre que le terme d’euthanasie évoque essentiellement la responsabilité juridique d’un professionnel de santé ou d’un proche dans la mort d’un malade ou d’un handicapé.
Ainsi est euthanasique le geste ou l’omission qui provoque délibérément la mort du patient dans le dessein de mettre fin à une vie marquée par la souffrance.
Et pour l’instant, l’une et l’autre sont punies par la loi.
Un débat public doit donc s’ouvrir dans le but de faire évoluer la loi et de poser les bonnes questions.
Parmi elles, il en est une, à mes yeux, fondamentale : notre mort nous appartient-elle ?

II – Historique.
Avant de la traiter, il apparaît nécessaire de faire un rappel historique sur l’évolution des mentalités, ne serait ce que depuis le XVIIIè siècle.
Dans son excellent ouvrage « Essais sur l’Histoire de la mort en occident du Moyen Age à nos jours » Philippe ARIES, historien sociologue contemporain, met l’accent sur la transformation radicale de l’approche de la mort par nos sociétés du XVIIIè à nos jours. Il utilise le concept de « mort inversée ». Je cite : « On est passé de l’exaltation de la mort à l’époque romantique au refus de la mort aujourd’hui ».

L’auteur nous raconte l’épopée, en 1834, d’une famille de la noblesse française - la famille LA FERRONAYS, catholiques très pieux - qui fut décimée par le mal du siècle : la tuberculose. L’échange de courriers, recueilli en 1867 par la sœur aînée, nous rappelle qu’à cette époque la mort, fut elle à 20 ans, était acceptée comme, je cite, « un accident prévu qui n’arrête pas la vie des familles ». On en parlait avec le mourant, lequel se résignait et préparait son départ. On s’intéressait peu à la maladie (dont on ne savait pas grand-chose d’ailleurs). Peu de questions étaient posées au médecin (qui ne savait pas grand-chose non plus d’ailleurs !).
Seule comptait l’inéluctabilité de son issue. La mort était ritualisée, faite de confessions religieuses et de séances publiques d’adieux aux survivants.
Je cite : « c’était le lieu où les sentiments les plus chers s’y exprimaient une dernière fois avec la plus grande véhémence. »

Toute différente fut « La mort d’Yvan ILLITCH ». Cette œuvre célèbre le Léon TOLSTOI, publiée en 1886, nous raconte comment le progrès scientifique, notamment médical, bouleverse l’approche individuelle et sociale de la mort. Désormais, la préoccupation dominante des médecins est autrement plus exigeante que la simple notion de gravité, ils souhaitaient faire un diagnostic. Ainsi, je cite : « Yvan ILLITCH sort du cycle vital familier, source de résignation, d’illusion, ou d’anxiété qui avait été depuis toujours celui de tous les grands malades assimilés normalement à des mourants. Il entre dans le cycle médical. »

Yvan ILLITCH suit point par point les recommandations médicales et elles seules, génératrices d’espoir. La rupture de communication avec l’entourage est consommée. Le malade s’enferme dans son isolement. Tout le monde joue à l’optimisme, malade et entourage. Le patient est materné, grondé s’il oublie ses médicaments. Il est dépouillé de sa capacité à réfléchir, à observer, à décider. En un mot : il n’assume plus. Cependant, sa mort lui appartient encore. Mais on la lui cède le plus tard possible. Je cite : « à un ami qui demande à sa veuve si Yvan ILLITCH avait gardé toute sa connaissance, elle répond « Oui, jusqu’à son dernier souffle. » ».
Aujourd’hui, nous souhaiterions dire : « Il ne s’est pas vu mourir. »
L’événement de transformation radicale est donc bien la substitution du médecin à la famille, la prise de pouvoir par les médecins. On médicalise le sentiment de la mort.

Jean BERNARD, prix Nobel français de Médecine, confirme cette analyse et en rajoute. Pour lui la révolution thérapeutique de l’après guerre (IIème Guerre Mondiale) en accélérant l’évolution décrite par Philippe ARIES est à l’origine de la situation actuelle : la mort est totalement occultée. L’arrivée des antibiotiques et l’élaboration de techniques modernes de réanimation ont donné à l’Homme l’illusion de l’immortalité. Il s’y est accroché en refoulant toujours plus loin la mort pourtant inéluctable.

Avant de clore se chapitre, j’aimerais faire une citation du père François de DAINVILLE, historien de l’Humanisme chrétien mort en 1973, qui ouvre le débat.
Atteint de leucémie et parfaitement conscient de son état, il voyait approcher sa mort calme et lucide. Il était convenu avec l’hôpital qu’aucun traitement lourd ne serait engagé pour le prolonger. Mais durant le week-end, l’interne de garde s’affola devant l’aggravation de son état de santé et fit transporter le père FDD en réanimation. Philippe ARIES lui rendit visite et entendit le père FDD, bardé de tuyaux, gémir dans son dernier souffle : « On me frustre de ma mort. »
On est donc passé en un peu plus d’un siècle d’une mort ritualisée, apprivoisée, à une mort occultée, recluse entre les quatre murs d’une chambre d’hôpital. Responsables : le progrès scientifique en général et le pouvoir médical en particulier.
Le médecin remplace la famille, l’hôpital la maison, l’acharnement thérapeutique le mourant résigné.

III – Débat philosophique et éthique
Nous voici donc je pense au cœur du sujet.
L’interdit de la mort, solidaire de la modernité, est contesté.
Sorti du confort douillet que lui procuraient les certitudes scientifiques lui promettant une mort encadrée, soutenue et dirigée par le corps médical, l’Homme civilisé souhaite désormais se réapproprier le moment de sa mort, arrêter l’horloge de la vie quand le moment lui semble venu.
Oui, mais en tant qu’individu appartenant à un groupe, à une société et à ses codes, sa mort lui appartient-elle encore ?
A-t-il le droit de disposer de sa propre mort ?
Cette liberté individuelle fondamentale, choisir sa mort comme on a choisi sa vie, est-elle conciliable avec les impératifs d’une vie en société codée éthiquement, religieusement et juridiquement ?

Dans le cadre de la maîtrise de son corps et plus précisément dans celui de l ‘organisation de sa mort l’Homme de tous temps a disposer de deux possibilités :
- Le suicide
- L’euthanasie au sens d’euthanasie active.
(ne soyez pas surpris que je cite l’euthanasie comme pratique ancestrale. En effet, comme en attestent Plutarque, Socrate ou Platon, l’euthanasie existait déjà dans la Rome et la Grèce antiques).

A – Le suicide : A-t-on le droit de se donner la mort ?
1 – Juridiquement, le suicide, expression tragique d’une volonté individuelle et libre par principe quand au moment ou intervient la décision fatale et aux moyens matériels de la réaliser, ne fait l’objet d’aucune incrimination légale.
2 – La Morale, au parfum un peu vieillot des principes admis tels que générosité, désintéressement, compassion, charité, réprouve le suicide. Pour elle, le suicide est une lâcheté devant les épreuves de l’existence, une fuite devant les devoirs de solidarité sociale, un acte suprême d’égoïsme. Au XVIIIème siècle, le suicide était encore assimilé à un homicide de soi-même et donc condamnable. Et pourtant l’on peut considérer le suicide comme l’expression majeure de la liberté individuelle.

Montherlant écrit : « Défaite ou non du suicidé, cela a peu d’importance, si par son suicide, il a témoigné de deux choses : de son courage et de sa domination. Alors le suicide est l’épanouissement de sa vie comme la flamme épanouit la torche. »
Sénèque ajoute : « Choisir soi-même l’heure où l’on quittera ce monde, quand nul remède contre la souffrance n’existe plus que la mort, telle est la suprême dignité qui appartient au seul sage. » ou encore « Autant remporter une ultime victoire en surmontant la peur naturelle de la mort. »
Pour les Stoïciens, le suicide est une preuve de courage.
Pour les Epicuriens, une forme de prudence.

Des Hommes célèbres ont préférés eux-mêmes fermer la porte du temps pour mourir debout., Freud, Montherlant, Ernest Hemingway, André Malraux, Arthur Koester, Achille Zavatta, Bruno Bettelheim, Roger Quillot, et bien d’autres encore. Et chacun s’incline devant cet acte d’ultime liberté.

En juin 1998, le metteur en scène Jean Mercureet sa femme, « éteignaient eux-mêmes les lustres ». Salut les artistes, écrivait dans le journal le Monde, l’académicien Bertrand Poirot-Delpech qui concluait : « Quelle bravoure quand on y songe ! Couper les répliques dont on pense qu’elles n’ajouteront rien à la pièce.  Quelle victoire stoïque sur la mort, quel égard pour nous public, quel culte de la beauté des gestes et de la Vie. »
Un geste d’Homme libre en somme.
De tels propos rassure l’Homme effrayé par la mort.

3 – Mais voici que la Morale chrétienne, guidée par Saint Thomas déboule : « Personne n’est juge en sa propre cause. » Pour elle le suicide est un péché contre la charité que chacun doit se porter à lui-même, péché d’injustice contre la société à laquelle il appartient et surtout péché vis à vis de Dieu qui nous a « prêté la vie ». Nous voici locataire de notre propre vie, remerciable au gré des caprices d’un propriétaire imposteur. Et pourtant, pour Hubert Reeves,astrophysicien contemporain, cet anathème jeté sur le suicidé par l’Eglise Chrétienne est essentiellement le fait de la législation vaticane et non pas des Evangiles.

Quoi qu’il en soit, on comprend aisément que dans nos sociétés aux profondes racines judéo-chrétiennes, la notion de mort provoquée soit un thème tabou. Et c'est bien dommage car un sujet tabou c'est une réflexion avortée, une entrave à la liberté de conscience, un barrage sur le chemin de l’épanouissement d’une société.

En résumé,
Le suicide est une forme très ancienne d’organisation de sa propre mort.
L’incidence sociale y est manifeste (ce n’est pas le geste isolé d’un malade mental)
Il est fortement réprouvé par la Morale sociale et chrétienne.
Il est juridiquement non condamnable.

B – L’euthanasie : A-t-on le droit de demander la mort ? (pour soi-même)
Outre les définitions sémantiques ou juridiques de l’euthanasie, indéniablement réductrices ou génératrices de confusion, il apparaît souhaitable pour guider la réflexion sur le sujet de se référer à des modes existants et montrer que l’euthanasie n’est ni plus ni moins qu’une émanation de ces concepts enracinés au fil du temps dans les mœurs d’une société. Je m’explique. Si je vous propose comme définition de l’euthanasie : Suicide assisté, je fais peut-être une erreur, mais de cette façon je rattache d’emblée l’euthanasie à tout l’héritage culturel du suicide, comme développé précédemment. Au sein de ce nouveau concept, de cette nouvelle terminologie se retrouvent : les grandes peurs et anathèmes jetés sur le suicide mais aussi la notion de volonté réfléchie, de désir mûri, d’autodétermination. S’y ajoutent : le respect par autrui de cette volonté, une éventuelle assistance quand, le moment venu, malgré la force de la détermination et de la lucidité, le courage ou les moyens viendront à manquer.

Vu sous cet angle, il me semble que c’est plus clair mais le cas s’aggrave. En effet de forte connotation négative, le suicide attirait déjà à lui les foudres de la morale et de la religion. Mais il disposait d’un allié ou du moins d’un non belligérant : la bienveillante neutralité juridique.
Cette fois, avec l’adjonction de l ‘épithète assisté, c’est la passe de trois, le hat trick, la Triple Alliance qui élève ses Fourches Caudines devant l’euthanasie. Morale, religion et justice se dressent alors pour faire barrage à cette évolution pourtant très moderne de la pensée.
Se donner la mort était déjà très contestable mais se faire assister dans ce but n’est ni plus ni moins qu’un homicide, un assassinat, réprimé sévèrement par le Code Pénal. Même avec le consentement écrit de la victime, l’auteur des faits est condamnable (Indifférence du consentement de la victime).

Après un siècle de refoulement de la mort aux confins de l’inexistant, voici l’Homme du XXI ème siècle moins docile, soucieux de gérer lui-même la fin de sa vie. Il revendique le droit d’y mettre fin seul ou assisté. Et ce, en opposition totale, en conflit ouvert, avec les codes fondamentaux de sa propre civilisation. Quelle gageure !
Et pourtant l’idée fait son chemin. Les mentalités évoluent. Des portes s’entrouvrent.
Seule la religion s’arc-boute sur ses positions. Bien qu’individuellement on trouve des ecclésiastiques libres penseurs qui, par exemple, rédigent un testament de fin de vie et adhèrent à l’A.D.M.D (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité).
Mais du côté du Vatican, qui longtemps s’est radicalement opposé au préservatif pour lutter contre l’épidémie de sida, il n’est pas raisonnable d’attendre sur ce sujet non plus de manifestes avancées.

D’un point de vue juridique national, le tiers qui donnerait suite à cette demande s’expose, en principe, à des sanctions civiles, pénales et disciplinaires. A fortiori, provoquer la mort du malade pour abréger ses souffrances sans son consentement est évidemment aussi un crime.
En matière d’orthothanasie (ou euthanasie passive), une proposition de loi avait été déposé en 1978 par le Sénateur Henri Caillavet et envisageait le droit pour l’individu de renoncer, même par avance et en parfaite santé, à tous soins ou traitements destinés à prolonger la vie lorsque la médecine ne laisse aucune chance de guérison. L’individu lucide a le droit civil et moral de choisir son traitement.

On sait que le Législateur s’est toujours refusé à légiférer en la matière, redoutant les débordements qu’une telle pratique pourrait engendrer. Quelles conséquences sociales entraînerait une loi en matière d’euthanasie ?
Ses détracteurs craignent que s’installe une forme d’eugénisme, comme l’ont pratiqué les nazis durant la guerre. De plus, ils redoutent des malversations en matière de successions, de captation d’héritage et de disparition subite d’ascendants dont l’existence interfère dans la réalisation de projets personnels…

Pourtant, divers principes fondamentaux de notre droit français ouvrent une porte à la légalisation sur l’euthanasie.
En effet, une pierre angulaire de cette réflexion est le droit et la liberté de disposer de soncorps. Celle ci apparaît comme un droit quasi naturel venant aussitôt après le droit à la vie.
Par ailleurs, le conseil Constitutionnel a érigé en principe la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’avertissement et de dégradation.
Cette décision a donné lieu, le 29 Juillet 1994, à la promulgation de la loi relative au respect du corps humain.

Le Code Civil s’est enrichi d’un nouvel article 16 qui consacre la primauté de la personne et interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci.
L’article 16-3 prévoit qu’il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité thérapeutique et cela avec le consentement préalable du malade.
Ces principes, dégagés de la nébuleuse juridique par le Conseil Constitutionnel, ont pour objet de préserver l’individu de toute atteinte à son intégrité physique ou psychologique, qu’elle vienne d’un individu ou d’un pouvoir quelconque (politique, médicale ou étatique).
Se pose alors la question de savoir si chaque individu dispose du pouvoir de déterminer lui même si son état correspond à la conception qu’il a de la dignité humaine et s’il peut librement disposer de son corps en demandant l’euthanasie.

Au plan international,nombreux sont les pays qui ont osé des textes de Loi sur l’euthanasie.
Ainsi aux Etats-Unis d’Amérique, la Cour Suprême, par un arrêt du 25 juin 1990, a affirmé que le droit de vivre inclus le droit de mourir.

D’autres grandes démocraties sont en avance.
Ainsi, les Pays-Bas ont été le premier pays à avoir autorisé la pratique de l’euthanasie selon une Loi entrée en vigueur le 1er juin 1994, demandant aux médecins ayant aidé activement à mourir un de leur patient d’en informer à postériori le Procureur.
Aux Etats-Unis c’est sur la côte ouest dans l’Etat de l’Oregon qu’a été votée le 8 novembre 1994 une Loi autorisant, selon une procédure très rigoureuse, le suicide médicalement assisté pour les malades de plus de 18 ans atteints d’une pathologie incurable et dont la survie est estimée à six mois au maximum. Ce droit au suicide médicalement assisté a été reconnu conformeà la Constitution par les Cours d’Appels de douze autres Etats.

Même en Espagne, pays pourtant de très forte tradition catholique, un premier pas a été franchi le 23 novembre 1995 par la publication d’un nouveau Code Pénal dans lequel euthanasie et suicide assistés n’y sont plus considérés comme un homicide passible de 6 mois à 3 ans d’emprisonnement. Les peines effectivement prononcées depuis cette date ont été assorties de sursis. Ces textes ne s’appliquent que lorsque le malade a fait une demande insistante et réitérée, qu’il souffre d’un mal incurable ou d’une affection entraînant des douleurs sévères, permanentes et difficiles à supporter. A présent, la dépénalisation même de l’euthanasie volontaire, va venir prochainement en discussion devant le Sénat Espagnol.

Certains pays déjà cités ou d’autres encore, ont souhaité reconnaître légalement la validité du testament de fin de vie. Ainsi, aux Etats-Unis, la Loi fédérale du 1er décembre 1991, impose à tous les établissements de soins d’informer chaque malade de ses droits et s’il a rédigé une déclaration de volonté et nommer un mandataire, d’en faire mention dans son dossier.
Les provinces Canadiennes de la Colombie Britannique, du Manitoba, de la Nouvelle Ecosse, de l’Ontario et du Québec, se sont dotées de législation reconnaissant la légalité du testament de fin de vie.

L’Etat d’Australie du sud en novembre 1995, a admis le refus de traitement en phase terminale et l’administration d’antalgiques pouvant hâter le décès, si telle est la volonté du patient.
Au Danemark, une Loi votée le 14 mai 1992, oblige les médecins à se conformer aux dispositions contenues dans ce testament et encourent des sanctions s’ils y contreviennent.
En Suisse une Loi du 28 mars 1996, votée par le Grand Conseil du canton de Genève, édicte : « Les directives anticipées rédigées par le patient, avant qu‘il ne devienne incapable de discernement, doivent être respectées par les professionnels de la santé s’ils interviennent dans une situation thérapeutique que le patient avait envisagée dans ses directives ».

En Grande Bretagne, en Allemagne et en Autriche c’est la jurisprudence qui reconnaît l’obligation de se conformer au testament de fin de vie.

L’éthique médicale aussi, est ébranlée par ce nouveau concept. Après des décennies passées à donner la vie, à la prolonger, à entretenir l’espoir par le perpétuel progrès scientifique, voici qu’on demande au pouvoir médical d’en rabattre, de se mettre à l’écoute de l’évolution des pensées et des mœurs. Et d’accepter l’inacceptable, d’admettre l’inadmissible, de renier une partie de ses convictions, de transgresser l’interdit, en envisageant d’intervenir activement auprès d’un patient qui le demande et lui favoriser ainsi le Passage. Tel est de nos jours le paradoxe professionnel d’un médecin : il continuera de donner la vie et de l’entretenir mais il devra se préparer à administrer la mort.

Le médecin qui administre la mort, c’est le pompier qui met le feu. Antinomie, paradoxe, dilemme ou contresens ?
De tout temps, la mort a été la compagne de vie du médecin. Et trop souvent en effet, le médecin sait que les derniers instants de l’existence sont si indignes, qu’ils ne s’apparentent plus qu’à un naufrage. Et même si lui aussi a cédé un temps au chant des sirènes de la révolution thérapeutique, jamais il n’a abandonné son patient aux portes des Ténèbres. Mais c’est dans la plus grande discrétion, dans le colloque singulier qui l’unit à son patient face à sa propre conscience que parfois il a poussé la Porte.
Alors de ces hommes là, je vous le dis, ne craignons pas l’abandon de poste.
A cet égard, le nouveau Code de Déontologie (article 37) s’est dépoussiéré : « En toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances de son malade, l’assister moralement, et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique. » On biaise sur l’euthanasie, je vous l’accorde, mais c’est tout de même mieux que l’aridité de feu l’article 20 : « Le médecin n’a pas le droit de donner délibérément la mort à son patient. »

En 1991, le professeur Léon SCHWARTZENBERG, devant le Parlement Européen s’exprimant sur le sujet, achevait son intervention comme suit : « La dignité est ce qui définit une vie humaine. Et lorsque à la fin d’une longue maladie contre laquelle il a lutté avec courage, le malade demande au médecin d’interrompre une existence qui a perdu pour lui toute dignité, et que le médecin décide, en toute conscience, de lui porter secours et d’adoucir ses derniers moments en lui permettant de s’endormir paisiblement et définitivement, cette aide médicale et humaine parfois appelée euthanasie est le respect de la vie. »
Au terme de ce paragraphe, il apparaît nettement que certes les textes sont à la traîne, mais les mentalités sont quasiment prêtes, alors, faut-il légiférer sur le sujet ?

IV – Débat juridique : Faut-il légiférer sur l’euthanasie ?
A – Les soins palliatifs
Outre les réticences morale, religieuse et juridique évoquées précédemment, la législation sur l’euthanasie se heurte aux partisans des soins palliatifs. Pour eux, l’évolution des techniques et des moyens peut, exhaustivement, régler tous les problèmes, répondre à toutes les situations. Pour eux il suffit de s’en donner les moyens, de bâtir des unités de soins palliatifs au sein desquelles des équipes spécialisées seront à l’écoute du patient et du drame personnel qu’il vit. C’est le credo de la science toute puissante, de la psychologie au lit du malade, de la chaleur humaine en baume universel. Et sincèrement, très sincèrement, je respecte cette opinion. Qui plus est, je l’approuve du moins en partie. Loin de moi l’ignorance ou l’hypocrisie qui consisterait à nier l’évidence du progrès scientifique dans la lutte contre la douleur ou bien encore, l’effort manifeste conduit par les pouvoirs publics pour humaniser hôpitaux, cliniques et maisons de retraite. Et se rapprocher ainsi un peu plus chaque jour du patient, de ses préoccupations et de ses souffrances pour mieux y répondre.

Pour autant, je ne peux souscrire à l’affirmation de notre cher french doctor, porteur médiatique de sacs de riz aux populations affamées, notre facétieux Ministre de la santé, Bernard KOUCHNER. Je cite : « Le développement des soins palliatifs réglerait les cas les plus douloureux. » (France Soir, lundi 18 janvier 1999).
Limiter le débat sur la qualité de la fin de la vie à la lutte contre la douleur, c’est fermer le débat avant de l’ouvrir.

S’il est vrai que la douleur altère le jugement et que son soulagement peut ramener à la vie, à l’envie de vivre, de nombreux patients, c’est avoir une vision très réductrice et très technocratique de la situation que de s’y limiter. Tout médecin de terrain et nombreux de ceux qui ont vu mourir leurs proches ou ont pénétré dans les hôpitaux, en service de gériatrie notamment, savent très bien que les souffrances de la fin de vie ne se limitent pas à la douleur physique. Qu’en est-il de ces grandes détresses sans aucune douleur physique que sont la déchéance physique et/ou intellectuelle et leur corollaire, la grande dépendance.

Quelle réponse apporte-t-on à ce cas, porte- étendard d’une cohorte malheureusement trop longue : (courrier ADMD)
« Handicapée des jambes, ma mère a dû renoncer à 37 ans à son métier d’enseignante qu’elle adorait et malgré sa maladie et son handicap, a élevé ses trois enfants. Tant qu’elle a pu, elle a voyagé malgré tous les problèmes occasionnés par sa paraplégie. On ne peut donc l’accuser de renoncer à la vie à cause d’une dépression inhérente à sa personnalité.
Cependant, son état s’est aggravé, à quatre reprises elle a dû subir des opérations extrêmement douloureuses. En dépit de cela elle est maintenant, à 67 ans, tétraplégique…
La proposition que j’aimerais faire à tous les opposants bien-pensants d’une Loi contre l’euthanasie est la suivante : je leur propose de venir passer quelque temps auprès de ma mère et de lui expliquer comment on vit quand on ne peut ni se lever, ni se laver, faire ses besoins, se gratter, appuyer sur le bouton pour allumer la télévision, la lumière, ou appeler de l’aide, boire ou manger. J’aimerais qu’ils viennent bouger ma mère dans son lit pour varier la position, l’entendre gémir de douleur, la voir pleurer, soulever son corps de poupée de son et savoir qu’on la fait souffrir, la masser, tenter de la réchauffer, lui expliquer où sont ses membres qu’elle
ne perçoit plus. J’aimerais qu’ils viennent lui dire quelles sont, après 30 années de handicap et de lutte contre une maladie qui l’a vaincue, les raisons qu’elle pourrait avoir d’aimer encore la vie dans un corps qui l’emprisonne, quand elle n’a plus aucune intimité, aucune liberté si ce n’est la volonté de mourir même par cette mort atroce qu’est la faim. Ma sœur et moi sommes donc dans le plus grand désarroi : nous craignons, si nous aidons notre mère à en finir, d’être poursuivies par ce qu’on appelle si mal dans le cas présent, la Justice. »

On voit bien à travers cet exemple, qui croyez-moi, n’est pas un cas d’espèce, les limites des soins palliatifs.
Deux reproches principaux peuvent être fait au « tout palliatif » :
1 – Limiter le débat à la souffrance physique, c’est entretenir l’illusion d’un pouvoir médical omnipotent, toujours efficace, en permanence aux limites de l’acharnement thérapeutique. Quid de la souffrance morale induite par la déchéance physiologique et la dépendance ? Quid de la détresse morale de ce patient conscient, baignant dans ses humeurs, couvert d’escarres, tributaire d’un tiers pour les gestes les plus intimes de la vie ?
Avec la toute puissante morphine, certes on soulage le patient mais on endort le citoyen et on tue le débat.
2 – C’est ici la nature même du second reproche à l’adresse des soins palliatifs :
ils sont à contresens de l’évolution des mentalités.

L’opinion publique est prête, les sondages le prouvent. L’Homme souhaite être responsabilisé par rapport à sa propre mort. Et au lieu de l’y encourager, on lui propose l’inverse : une quasi infantilisation « ne vous inquiétez pas, on s’occupe de tout. Vous ne souffrirez plus. Vous aurez une belle mort, douce, sans aucune angoisse existentielle. »
C’est le retour aux plus belles années de l’impérialisme scientifique !
Là où on attend philosophie, sociologie, science humaine, on répond par morphine, hôpital et certitude scientifique.

Enfin et ce n’est pas le moindre des paradoxes entretenu par le « tout palliatif ». Pour humaniser la mort on parle d’édifier des unités de soins palliatifs et simultanément de multiples mesures incitatives sont prises pour favoriser le maintien à domicile des malades y compris ceux qui sont en phase terminale !!
Alors, raison et sagesse il faut garder. Les soins palliatifs oui, le « tout palliatif » non.
L’Homme doit pouvoir affronter la nuit debout.

Dans le journal le Monde du 21 août 1998 le sociologue Michel VERRET écrivait : « Il faut pouvoir terminer en douceur, sur sa demande, sa vie de mourant, sans se voir obliger de prolonger, même en douceur, son agonie ; car le pire serait de ne pas appeler les choses par leur nom. »

B – Faut-il légiférer ?
Sans aucune hésitation nous répondons oui, en voici les raisons.
1 - Nécessité absolue de respecter le principe fondamental de l’intégrité de la personne ainsi que le droit absolu de disposer librement de son corps au cours de sa vie.
2 – Les soins palliatifs certes indispensables présentent de graves lacunes.
3 – L’opinion publique est prête. Dernier sondage SOFRES sur le sujet : 87 % des français s’opposent à l’acharnement thérapeutique et plaident pour l’euthanasie.
4 – En France la jurisprudence a révélé l’insuffisance des textes de Loi.
5 – La multiplication des textes législatifs à l’étranger, confirment la primauté du débat et la nécessité de l’encadrer.
6 – L’abolition de la peine de mort n’a jamais fait grimper les statistiques sur les crimes de sang.
7 – La Loi sur l’IVG et l’ITG (interruption thérapeutique de grossesse) admise aujourd’hui a rencontré le même genre d’opposition à son époque. Et malgré ses imperfections, elle a permis de reporter aux pratiques de l’Antiquité l’avortement clandestin. L’image de cette jeune femme en détresse, au fond d’une chambre glauque, travaillée par les mains profanes d’une faiseuse d’anges, n’est plus qu’un mauvais souvenir.
8 – Josiane ADRIAN, ingénieur de recherches au CNRS, s’inquiète du nombre croissant et sous-estimé de suicides au grand âge. Nombre d’entre eux sont comptabilisés à tort en accident (AVP, noyade, explosion de gaz, etc…)
Je n’ai pas de chiffres précis, mais il semblerait qu’en Europe, le taux de suicides des hommes âgés de plus de 65 ans soit suffisamment important pour qu’on s’intéresse à leur signification sociale.
9 – Enfin, en France, on évalue à 2000 par an le nombre d’euthanasies clandestines.
Légiférer sur la fin de la vie c’est admettre le droit pour les vivants de s’approprier leur mort et d’en choisir les conditions. Cette liberté individuelle est inaliénable.
Dépénaliser l’euthanasie ne contraindrait personne : ni le patient, ni le médecin. Chacun selon ses convictions religieuse et morale, chacun selon sa conception personnelle de la dignité disposerait de lui même.

C’est un droit donné, une possibilité offerte. A chacun d’en user selon ses convictions.
SENEQUE disait : « Penser la Mort c’est penser la Liberté. »
A l’heure ou la dignité de l’être humain est enfin devenue le credo des instances internationales, de l’UNESCO au Conseil de l’Europe, pourquoi la confisquerait-on aux personnes parvenues au seuil de leur propre mort ?
Nul n’a le droit de priver l’Homme de cette liberté fondamentale. L’appréciation de la dignité de sa vie n’appartient qu’à lui, à la lumière de son vécu philosophique, éthique et religieux.
Dans ce sens, un projet de Loi a été déposé par le groupe socialiste sur le bureau du Sénat, en décembre 1998. Il comporte une dizaine d’articles très courts, qui reprennent et rassemblent les principaux paramètres.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Toute personne en mesure d'apprécier les conséquences de ses choix et de ses actes est seule juge de la qualité et de la dignité de sa Vie ainsi que de l'opportunité d'y mettre fin.

Article 2
Lorsqu'elle refuse un acharnement thérapeutique, le Médecin doit s'y conformer, sous réserve d'invoquer son cas de conscience dans les conditions prévues par l'article huit.

Article 3
Elle peut obtenir une aide active à mourir lorsqu'elle estime que l'altération, effective ou imminente de cette dignité ou de cette qualité de vie la place dans une situation telle qu'elle ne désire pas poursuivre son existence.

Article 4
Sa volonté, révocable à tout moment, de mettre un terme à son existence est établie par un testament de fin de vie signé de deux personnes en présence d'un officier de police judiciaire requis par un médecin qui atteste du souhait conscient du patient.

Article 5
Elle peut charger un représentant ad hoc de faire connaître son souhait d'exercer la faculté prévue aux articles 2 et 3 et d'en requérir l'exécution au cas où elle ne serait plus en état de le faire elle-même.

Article 6
Toute personne admise dans un établissement de soins public ou privé est informée des facultés prévues aux articles 2 et 3.
Il lui est en outre demandé si elle a rédigé un testament de fin de vie et si elle a désigné un représentant ad hoc.
Une copie de son testament de fin de vie et une copie de la désignation de son représentant ad hoc sont déposées, contre récépissé, auprès de l'établissement de soins.

Article 7
Le médecin qui fait droit à la volonté du patient dans les conditions prévues par la présente loi déclare l'acte accompli au Conseil de l'ordre des médecins, qui le mentionne dans un registre spécial.
Il n'encourt aucune sanction.

Article 8
Si un médecin n'entend pas, en conscience, donner suite à une demande présentée en application des articles 2 ou 3, il doit en aviser la personne concernée.
Il le fait dès le premier entretien, si celle-ci a déposé une déclaration écrite conformément à l'article 6, et dès qu'il a connaissance de sa volonté, si celle-ci est exprimée postérieurement à l'hospitalisation.
Il est alors tenu, si aucun médecin dans l'établissement ne souhaite accéder à la demande du patient, de pourvoir dans les meilleurs délais au transfert de celui-ci dans un autre établissement.

Article 9
L’article 221-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, l'aide active à mourir pratiquée dans les conditions prévues par la Loi n'est pas considérée comme un meurtre. »

Article 10
L'article 221-5 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, l'aide active à mourir pratiquée dans les conditions prévues par la Loi n'est pas considérée comme un empoisonnement. »
Dans des conditions strictes, cette Loi donne à l’Homme le droit de demander la mort, au médecin d’accéder à cette demande.
Libre à chacun d’agir selon sa conscience.
L’hypocrisie recule.
L’Homme grandit dans sa dignité.
Pour autant, il ne s’agit pas d’instaurer une solution de facilité et d’agir de façon aveugle sous le seul prétexte qu’un individu aura exprimé le souhait de mettre fin à ses jours.
Il ne s’agit pas non plus de chercher à déresponsabiliser les praticiens dans leurs actes ou les familles dans leur fuite.

V – En attendant : Que faire ?
1 – Pour ceux qui en sont d’accord, militer pour cette dépénalisation tout en souhaitant parallèlement le développement d’unités de soins palliatifs. Il s’agit de complémentarité et non pas d’exclusive.

2 – Adhérer à l’ADMD et militer pour la reconnaissance légale du Testament de fin de vie.
« Je soussigné(e)…jouissant de la pleine capacité de mes droits civils, déclare en pleine conscience et en toute liberté que, si j’étais dans l’incapacité d’exprimer ma volonté, et que les traitements possibles n’aient plus de chances de me rendre une vie consciente et autonome, je demande instamment :
1 – Que l’on s’abstienne de tout acharnement thérapeutique pour prolonger abusivement ma vie;
2 – Que l’on use de tous les remèdes pour calmer mes douleurs, même au cas où les seuls restant efficaces risqueraient d’abréger ma vie.
3 – Qu’en dernier recours on me procure l’euthanasie, c’est à dire une mort douce, conscient(e) que par là, je pose problème notamment aux médecins et aux soignants, mais convaincu(e) qu’on fera passer avant tout le respect de la personne humaine.
Je fais confiance aux médecins et infirmiers me traitant, à ma famille et à tous autres, pour respecter ces volontés, et je les en remercie.
Date, signature. »
Le déposer chez son médecin traitant et donner mandat à un de ses proches pour le représenter s’il est inconscient.

3 – Tisser des liens étroits avec son médecin traitant, ne pas hésiter à lui confier sa propre philosophie de la vie afin qu’entre eux s’instaure une réelle complicité. Il faut que le médecin perçoive ce que le patient attend de la vie ; à quel niveau il situe sa propre dignité ; quelles sont ses angoisses existentielles, ses réflexions par rapport à l’acharnement thérapeutique (à quel stade commence-t-il ?). Fort de tout cela, au jour le jour, au fur et à mesure de l’évolution de l’état de santé du patient, ils seront alors deux à cheminer plus sereinement vers la Grande Porte.

4 – Ré-aménager et ré-apprivoiser le temps de la mort.
Comme nous l’avons rappelé au début de cette planche, autrefois, le malade était entouré de sa famille, chacun se relayait auprès de lui. On lui apportait réconfort et chaleur. C’était un rituel auquel tout le monde se préparait et la mort était abordée non pas avec résignation mais comme une réalité et l’aboutissement de la vie. Psychologiquement, cette tradition permettait à chacun de se réconcilier avec la mort, avec ce tabou que la plupart des gens fuient aujourd’hui. Peut-être parce que les gens refusent d’admettre cette réalité, et que prendre conscience de son état d’être humain, de la relativité de la vie et de son aboutissement ne correspond plus à l’image de l’Homme du XXIème siècle. Pourtant, nous ne sommes pas des dieux, et c’est peut-être parce que l’Homme a toujours voulu s’identifier à eux qu’il a fini par perdre le sens des réalités et de sa condition. Alors il est évident qu’il n’y a rien de plus dérangeant qu’un mourant nous rappelant à l’ordre. Mais pour ceux qui ont vécu cette expérience de l’accompagnement de la mort d’un être cher, aussi grande soit leur peine, ils n’ont pu sortir de cette épreuve sans avoir pris conscience du sens de la vie. L’amour de soi et son prochain s’en trouve renforcé. La dimension de la dignité humaine est ainsi prise. Elle doit pouvoir permettre à chacun de choisir librement la façon dont il veut que sa mort se déroule.

Mais , au delà de cette prise de conscience ou de la rééducation qui doit être réalisée, de nombreuses contraintes liées au fonctionnement de notre société empêchent souvent les familles de se réunir dans ces moments douloureux. En effet, l’éclatement des familles et l’éloignement géographique rendent la plupart du temps impossible leur présence prolongée au chevet du mourant. L’aménagement du temps de la mort pourrait, utilement, être envisagé par le législateur. Trois jours pour le deuil d’un proche est notablement insuffisant.

CONCLUSION
Débat sociétal s’il en est, celui-ci devra définir un moyen terme entre satisfaction des libertés individuelles et protection des membres les plus vulnérables de la société, rôle imparti à l’Etat et à ses Lois.
Les Francs-Maçons doivent y participer car ce sont de libres penseurs. Ils doivent être une force de proposition et accompagner, voire précéder l’évolution des mentalités.
Nous sommes dans le camp des progressistes. La vie pour nous aussi est sacrée pourvu que jusqu’au bout elle conserve toute sa dignité.

Pour nous Francs-Maçons l’Homme est au centre de tous les débats. Il est notre préoccupation principale. Toute atteinte à son intégrité ou à sa liberté de penser nous interpelle.
Après le difficile combat de la légalisation de l’IVG, il nous apparaît légitime de nous interroger sur la fin de la vie.
Et quand nous en aurons fini avec ce sujet, l’ouvrage ne sera pas terminé. Dans ce domaine, il faudra s’impliquer totalement dans le débat sur les manipulations génétiques et le clonage de l’être humain.
Avec un seul objectif, contribuer à l’accomplissement d’un Homme plus libre, plus épanoui, au sein d’une société toujours plus humaine.

J\L\ L\ & E\M\


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