Obédience : NC Loge : NC Date : NC


Internet, Chaîne d’Union Universelle ?

Lorsque notre B\ A\S\ Marie-Françoise, « listonneuse en chef » de la Fraternelle des Internautes Francophones et grande-maîtresse de nos travaux de ce jour, m'a demandé de plancher aujourd'hui devant vous, elle m'a proposé d'animer une réflexion sur « Internet et les Francs-Maçons ».

Exercice délicat, devant un auditoire par définition bien averti, puisque composé justement de maçons internautes ! J'ai cependant accepté de relever le défi et choisi comme titre « Internet, chaîne d'union universelle », afin d'ancrer ce travail sur un symbole maçonnique fort, qui nous soit familier et puisse donner un fil conducteur à nos débats - car j'espère bien que débat il y aura.

Chaîne d'Union ! Nous savons qu'elle existe sous plusieurs formes :
- la chaîne courte, formée de nos bras entrelacés, que dans la plupart de nos rituels nous formons à la clôture des travaux ;
- la chaîne longue, qui convient aux assemblées plus larges, et qui se dilue déjà un peu dans l'espace ;
- enfin, cette chaîne immatérielle, spirituelle, qui unit « tous les FF\ MM\ répandus sur la surface du globe » et qui constitue le véritable ciment de la F\ M\ universelle.

C'est bien entendu à cette dernière que notre réflexion veut se rattacher, en nous demandant ce que les nouvelles technologies de l'information et de la communication peuvent apporter à ce concept séculaire.

Je le ferai en deux volets : le premier consacré à un survol dans le temps : hier - aujourd'hui - demain, et le second à une réflexion plus qualitative : avantages et inconvénients de ce nouvel outil, avant d'esquisser un bilan et peut-être quelques souhaits.

1. Un peu de chronologie d'abord

A. Le passé...

C'est ce que j'appellerai LA BABEL MACONNIQUE. Je n'évoque pas seulement l'inintelligibilité des langues, l'incommunicabilité orale ; je pense aussi à la multiplicité des rituels, à la prolifération des Obédiences, aux clivages entre « réguliers » et « irréguliers », entre mixtes et non-mixtes, etc. Cette mosaïque, ou ce miroir brisé, est peut-être une garantie de notre diversité donc de nos libertés ; mais elle dilue sans aucun doute l'efficacité de notre action, et même la fécondité de nos réflexions, dans la mesure où nos travaux se déroulent dans des cercles cloisonnés, communiquant peu entre eux. Dans quel état serait la recherche scientifique si les laboratoires de virologie ou de génétique travaillaient chacun dans son coin, dans sa propre langue, sans publication commune ? C'est pourtant bien notre cas...

Les seuls contacts inter-obédientiels ont lieu à un stade très formel : reconnaissances réciproques, garants d'amitié, délégations aux Convents ; belles cérémonies, banquets, échanges de médailles... Mais combien de maçons ont-ils jamais visité des LL\ étrangères, même dans leur langue (en dehors des frontaliers) ? Combien ont-ils jamais lu la synthèse des questions mises à l'étude des LL\ d'une Obédience autre que la leur ? En connaissons-nous seulement l'énoncé ? Autre exemple navrant de la « Babel maçonnique » : depuis cinquante ans que se construit l'Union européenne, qu'ont fait les FF\ MM\ pour apporter leur pierre à cet édifice ? A ma connaissance, bien peu de choses...

Ce bilan assez critique, je voudrais cependant l'optimiser en abordant le deuxième point.

B. Le présent ou : LA BANQUISE CRAQUE.

Oui, depuis quelques années, sous la pression de jeunes maçons et - disons-le - de la société civile, les cloisons sont ébranlées. Des initiatives comme la L.U.F., le CLIPSAS,  le Forum REFORM, voient le jour. Initiatives bien timides et certes insuffisantes, mais qui vont dans le bon sens. Dans le même temps, les médias ouvrent leurs colonnes et leurs antennes à la F\ M\ sous forme de reportages ou de débats. Nos grands-maîtres s’expriment plus volontiers en public. Un nombre croissant de loges masculines décide de s’ouvrir aux visites de Sœurs, voire à leur initiation. (NB : plus de cent ans après Maria Deresme !).

Une meilleure connaissance des langues - de l’anglais principalement - facilite les échanges internationaux, de même que la démocratisation des transports aériens. Bref, dans un monde qui se rétrécit, « les FF\ MM\ répandus à la surface de la terre » commencent à mieux se connaître...

Et c’est ici qu’au cours de la dernière décennie intervient (après la radio, la T.V., l’avion, le satellite) la révolution INTERNET. Je n’en refais pas l’historique, vous le connaissez.

L’échange libre, planétaire, instantané, quasi-gratuit, d’idées, de débats, de controverses devient en quelques années un phénomène de masse. Photos, sons, documents traversent en un éclair frontières et océans ; librairies, banques de données, archives sont à la disposition du plus grand nombre. Chez nous, Obédiences, Loges, Fraternelles multiplient les sites web. Les listes de diffusion et forums de discussion maçonniques fleurissent dans toutes les langues.

Ce foisonnement, pour inorganisé qu’il soit, a d’ores et déjà des conséquences spectaculaires. Pour prendre l’exemple de notre seule F.I.F., voici un millier de maçons et de maçonnes d’une trentaine de pays, appartenant à une cinquantaine d’Obédiences qui échangent librement leurs idées, piétinant allègrement les lignes de démarcation qui les séparaient jusqu’alors. Qui l’eût cru, il y a seulement cinq ans ? Ce qui nous divisait s’efface peu à peu, dans l’esprit de chacun, devant le sentiment (ou l’évidence) que ce qui nous est commun est bien plus important que ce qui semblait nous séparer.

Oui, la banquise craque, la Babel maçonnique recule...

C. L’avenir : vers le TEMPLE GLOBAL ?

Projeter le passé dans l’avenir est un exercice périlleux, où plus d’un s’est couvert de ridicule avec le recul du temps... Mais sans faire de science-fiction, on peut se hasarder à tracer quelques lignes directrices, à partir de faits établis.

L’Internet, comme moyen massif de diffuser l’information, va se renforcer et s’imposer mondialement. Les débits vont s’accroître de manière spectaculaire et les goulots d’étranglement se résorber. La transmission par fil de cuivre va céder le pas à la diffusion hertzienne et satellitaire. La miniaturisation et la mobilité vont s’accélérer. L’écrit et l’oral vont tendre à se fusionner...

Des pans entiers de l’économie vont vaciller, voire s’effondrer, tandis que des métiers nouveaux vont surgir, de nouveaux empires se créer. Les rapports de force ne seront plus une fonction physique mais une fonction culturelle, tant au niveau des individus que des nations.

Comment va réagir le « corps maçonnique », c.a.d. l’ensemble de nos institutions ? J’ai le sentiment que la cellule de base, la LOGE, sera relativement peu atteinte par ces bouleversements. Des groupes d’hommes et/ou de femmes continueront à se rassembler « en un lieu sûr et sacré », à des jours et heures convenus, pour ouvrir leurs travaux « en la forme accoutumée »... Ce qui se faisait jadis aux chandelles a continué naguère à se faire à l’électricité et nous sommes bien convaincus, membres de la F.I.F., qu’il n’y a pas de *cyber-maçonnerie* qui vaille si elle n’est assise sur le socle intangible de la présence physique entre les Colonnes.

Au niveau de l’Atelier, les changements seront donc à première vue minimes : déjà la convocation sous enveloppe s’efface devant l’e-mail. Demain, la Pl\ tracée des Trav\ sera consultable en ligne, tout comme le compte rendu de Convents et de Congrès, ravalant les bulletins trimestriels imprimés au rang de curiosités...

De cet accès à une connaissance élargie, le niveau de débats devrait s’élever. De l’interconnexion entre tous ces travaux, les différences de doctrine, voire de rituels, devraient s’estomper. Le métissage culturel qui en résultera devrait favoriser l’émergence d’une Maçonnerie plus unie, au-delà des frontières et des clivages philosophiques ; bref : la véritable chaîne d'union universelle que nous appelons de nos vœux. Certes, les appareils administratifs feront de la résistance, mais ce sera un combat d’arrière-garde. Certes, on peut aussi imaginer que la synthèse finale n’aura pas lieu de sitôt, que ce soit entre anglo-saxons et latins ou entre gnostiques et a-gnostiques. Ah ! s’il n’y avait déjà plus que deux super-Obédiences mondiales, ce serait déjà un progrès !

Mais je m’aperçois que je commence à m’égarer dans la science-fiction et je reviens sur terre et à notre sujet...

2. FORCES ET FAIBLESSES DE « L’INTERNET MACONNIQUE »

A. Les avantages viennent d'être évoqués en filigrane. Internet devrait permettre :

- de faciliter les échanges # trans-nationaux # trans-obédientiels # trans-*** (j'allais dire « trans-sexuels », mais je ne le dirai pas !...),
- de diffuser plus largement nos travaux, comme le fait déjà l’excellente publication en ligne « La Parole circule »,
- de rapprocher les individus et sans doute aussi les points de vue.

J’ajouterai que cette nouvelle forme de communication permettra (elle permet dès à présent) à des FF\/SS\ isolés ou expatriés de retrouver un lieu de fraternité et d’échanges, de même que pour les maçons âgés, handicapés, malentendants qui ne peuvent plus participer aux Trav\ en L\ et qui se trouvent ainsi réintégrés dans cette Ch\ d’Un\ dont ils se sentaient exclus  [ex. personnel].

B. Les inconvénients ne sont cependant pas moins nombreux. Il y a :

- le danger de paresse, d’absentéisme en L\, tant il est plus douillet de pianoter chez soi sur son ordinateur que de s’habiller le soir pour sortir...,
- le risque d’une certaine négligence du rituel, l’absence de cette irremplaçable égrégore qui est propre à nos assemblées « physiques »,
- le dérapage possible vers une forme de vie associative, de club, voire de « Café du Commerce », où l’on discute de tout et de rien, sans méthode ni fil conducteur, dans une volatilité accrue par l’instantané.

Plus inquiétant encore serait que ce papillonnage nous mène vers la recherche d’un consensus mou, d’un illusoire syncrétisme qui ne serait finalement que notre plus petit commun dénominateur...

Je n’évoquerai que pour mémoire la crainte de voir « nos secrets » étalés sur la place publique, car il ne s’agit pas d’un risque propre à Internet. Il suffit de voir tout ce qui a pu s’imprimer depuis des lustres et que l’on peut trouver dans les bibliothèques ou dans les kiosques à journaux...

Reste cependant que la confidentialité de nos échanges doit être préservée, au prix de précautions élémentaires et d’une mise à niveau constante des règles de sécurité, en nous prémunissant - en particulier - contre les risques d’intrusion et d’infiltration.

3. BILAN ET SOUHAITS

A. Bilan - Débat

Les outils évoluent, la maçonnerie tient son cap, reste la même dans son essence. Ce qui nous apparaît aujourd’hui comme une révolutions sera peut-être jugé plus tard comme un simple coup d’accélérateur...

< ici intercaler le résumé des questions et réponses >

B. Souhaits

. Puissent nos Obédiences prendre une conscience accrue du phénomène qui se développe sous leurs yeux et en tirer le meilleur parti.
. Puissent les initiatives communes se multiplier, une concertation accrue devenir la  règle, les frontières s’estomper.
. Puissent les jeunes maçons apprivoiser le formidable outil nouveau mis entre leurs mains. Qu’ils fassent d’Internet non pas un facteur de brouhaha et de dispersion, mais de réflexion et de progrès.
. Qu’ils fassent de l’Internet maçonnique une nouvelle forme de la CHAINE D’UNION UNIVERSELLE !

J’ai dit.

J\R\ B\


7488-3 L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \