Obédience : NC Loge : NC Date : NC


Le Secrétaire


Le Secrétaire en loge siège à l’Orient, face à l’Orateur, dans l’alignement de la colonne septentrionale et sous la lune à la droite du V\M\. Voilà pour la disposition dans l’espace et voilà que cet emplacement n’est pas anodin, nous le verrions à divers degrés. Mais l’on sait qu’en tout premier lieu, le Secrétaire, ici-même, fait fonction de “mémoire” de la Loge. Et, qu’est-ce que la mémoire? Au sens latin “memoria”, elle est l’“aptitude à se souvenir” mais je ne peux m’empêcher de penser, depuis que cette charge m’incombe, que le Secrétaire est, dans la pratique, plus dans le “mémorandum”, c’est à dire comme “l’Aide-Mémoire” de son Atelier et de ses membres. L’“Aide­Mémoire”, au sens propre, est censé rappeler les points essentiels d’une question, d’un débat, d’une narration, d’une décision tel le Mémorandum donc qui est l’objet même de ce qui doit-être rappelé. Le secrétaire est le Témoin qui écrit la synthèse et qui préserve l’Histoire de la Loge, au service de la Loge. Au service parce qu’il aide ses frères à se rappeler, et simplement aussi au service des autres comme tout un chacun dans une loge maçonnique puisque, quelle que soit sa charge, son plateau, c’est bien de fraternité et de devoir dont on parle et non de pouvoir ou de gloriole; notre charge EST le service et, pour ma part, plus encore depuis que j’ai accepté la charge de Secrétaire, cette utilité à la Loge, mes frères, m’honore et sincèrement me comble.

Donc, l’Aide-Mémoire de la Loge se doit d’être utile aux frères par l’Ecoute, la Rédaction et la Restitution lue des travaux en loge. Son devoir est de rédiger l’esquisse des travaux en cours puis de dresser la planche d’architecture qui sera soumise à l’approbation des Maîtres à la Tenue suivante. Le secrétaire est chargé de la correspondance, sous mandement, à l’intérieur comme à l’extérieur, des convocations, des rapports avec le Grand Secrétariat, de la mise à jour des registres. Il assiste au dépouillement des votes et note le montant du Tronc de la Veuve enfin, il signe avec le V\M\ la plupart des planches officielles et pièces administratives. Voilà presque exhaustivement l’activité et les obligations dues à sa charge.
Le Secrétaire, “Scriba” , est le copiste, le greffier et prend son origine dans l’Administration Royale (David et Salomon les employaient déjà comme spécialistes pour, entre autres choses, la rédaction des Lois); parce qu’il sait lire et écrire (mais aussi... épeler!). De même, le Scribe est “Docteur de la Loi” chez les Juifs. —Petite parenthèse toute personnelle, Moïse n’était-il pas, finalement, le scribe de Yavhé???

Bon, en fait, le Secrétaire est par delà et avant tout le dépositaire des Secrets, selon l’origine même du mot, secret du sacré et sacré du secret dont les racines proches portent sur l’idée du “séparé de, réservé à”. Oui, il s’agit bien ici de ce qui ne doit pas être révélé au profane, de ce qui est caché, à savoir, cet ensemble de “connaissances” réservées à quelques uns et, au sein même des Ateliers, de ce qui reste inconnu d’un degré à l’autre. Voilà de quoi est garant le Secrétaire qui, par la rédaction, par l’Ecrit, laisse une trace concrète de la pensée et donc de l’Oral en Loge.

Lorsque l’on parle d’Ecrit, on sous-entend, comme vu ci-avant, “scribere”, c’est à dire l’action de tracer des caractères, terme dérivé de l’indoeuropéen voulant dire “gratter, inciser” ou le “Skariphos grec” qui nous donnera “la scarification”. N’est-ce pas intéressant ici, par ce raccourci éthymologique, de passer de notre Ecrit contemporain (manuscrit- tapuscrit - courriel ... ) à la scarification ancestrale en vigueur chez de nombreuses ethnies encore aujourd’hui? Car la trace superficielle pratiquée au rasoir à même la peau des enfants participe pareillement du sacré. Sûrement que cela apparaît barbare pour nos “bonnes” civilisations ( pardonnez la litote!) mais c’est, à l’instar du baptême chrétien quelquepart et sans doute, le symbole de notre relation au cosmos et aux Dieux comme de l’appartenance à une tribu ou une caste. C’est donc un signe de reconnaissance fraternelle tout autant que le partage de croyances et rituels appropriés. Et cela parle bien sûr au Maçon que je suis qui utilise, même si cela est invisible au profane, des signes de reconnaissance et d’appartenance!
Dans ce sens, scarification oblige, le Tracé vif est à Vie.
Et, quand je parle de tracé vif, je parle aussi et bien sûr du tracé de l’instant, à l’instant. Ce qui est marqué à un moment T, devient permanent, inscrit d’une manière durable. Le Tracé s’inscrit, de constat, comme la gravure des secrets dans le Temps: “Scarifié dans le passé, Lu au présent, Cultivant notre avenir”.

Le marquage, trace concrète de la pensée (et pour nous en Loge, trace de notre Oral), devient alors “fondateur” et donc fondamental. On peut alors dire que la Trace fait l’Histoire. Elle ne crée pas l’Histoire, non, mais elle en est fondation... plus ou moins stable. N’en déplaise aux révisionnistes!

Tout cela met en évidence un paradoxe qui m’intéresse particulièrement: en effet, de tout temps, l’inscription faites par des scribes, des tailleurs, des sculpteurs, des sorciers, bref, des initiés à la transmission par le marquage, l’incision, le ciselage, le dessin ou l’écriture, s’intégrait à un rituel confinant au secret. Au secret de caste, d’appartenance, aux secrets des Dieux qui n’étaient divulgués, a forciori, qu’à certains, donc à une élite (ce qui n’est pas péjoratif, l’Elite je veux dire). Or, si l’on connaît aujourd’hui quelque peu l’art rupestre, le cunéiforme Sumérien ou le hiéroglyphe égyptien, c’est parce que le tracé est par devers lui objet même de communication.

Paradoxe donc, le Secret sert au partage des Savoirs et devient par cela mode lui-même de communication. Et si je vais jusqu’au bout de ce que d’aucuns prendraient pour un sophisme, le secret, le “séparé”, devient alors lui-même divulgation... ou facteur du partage, de la réunion, la réunification, etc. Je pourrais en déduire qu’à termes donc, le Secret a pour but de se faire connaître par la vulgarisation du savoir, vulgarisation dans son sens originel de “vulgus” et donc d’accessible à tous (ce qui, à mon sens, n’est pas du tout péjoratif, non plus!).

Dans cette approche, le Secrétaire serait bien le dépositaire du secret pour mieux le restituer ensuite. Malheureusement, les secrets ne sont pas tous bons à savoir pour l’Humanité et, ce, pour une raison toute simple: les secrets ne sont pas Vérité et demeurent humains (au même titre que le mensonge d’ailleurs)!!!
Digression terminée, “revenons à nos moutons”, comme disait Abraham.

Au regard de ce qui précède, considérons maintenant la place cardinale du scribe en atelier, soit le Secrétaire en loge, à l’Orient et dans l’alignement de la Colonne septentrionale. Positionné physiquement à la pointe de la branche Nord-Est d‘un pentagramme formé des 5 qui éclairent la Loge et la rend Juste, la vision plongeante qu’il a de cette place sur l’Atelier lui permet un regard global pour suivre les travaux afin de les retranscrire au mieux. Pour ma part, c’est effectivement une autre vision, donc approche, de notre Atelier et des FF\ qui le compose et il me semble que l’inverse est vrai puisque le Secrétaire, par sa fonction et l’emplacement de son plateau est mis en exergue au regard et au jugement fraternel de tous. Il n’est pas infaillible et se doit donc de respecter les critiques constructives de ses FF\ pour affiner son tracé.

Le F\ Secrétaire est donc placé sous la Lune (émanation même de la lumière solaire... de même que la planche synthétique des travaux précédents est et doit-être le juste Reflet de tout ce qui s’est passé et dit en Loge). Quant à son symbole (marqué au sautoir), il est le dessin de deux plumes entrecroisées qui définissent sa fonction. La plume et... la Lune donc ou, disons plus exactement, la plume, la croix et la lune.
Le symbolisme de la Plume, taillée en stylet comme représentant de l’écriture même (voire de l’écrivain), est aussi, par sa légereté, image du souffle et du verbe, donc de la Vie elle-même dans les cosmogonies les plus répandues, de l’ascencion céleste et de la clairvoyance. Dans moult civilisations, elle est directement associée à la Lune, elle même symbole de la connaissance indirecte puisque reflet de la Lumière solaire. Cette Plume dite aussi Qalam dans la tradition Islamique participe de la Création primordiale, elle écrit la Destinée sur le Livre, ou “tablette” qui participerait de la “Materia Prima”. Cette même “Calame” se retrouve comme outil concret de traçage chez les Sumériens.

Quant à la Lune, elle est aussi liée au Secret de part l’apparition et la disparition de sa rondeur ou de ses croissants dans le temps circonvolutif. Plume et Lune sont donc liées par le Savoir et la Connaissance cachés (ce qui n’est pas antinomique!). Quant à l’entrecroisement des deux plumes, sans développer ici la multiplicité des interprétations et la puissance du sens symbolique de la croix depuis l’antiquité, retenons simplement sa magnifique représentation de l’Orientation et de la Médiation, ce qui, pour le Secrétaire, en tant qu’“Aide Mémoire de la Loge” (j’insiste) s’affirme dans la mesure ou il décide, et donc oriente, de ce qui lui paraît essentiel de graver pour le bon fonctionnement de sa Loge. C’est une responsabilité lourde car, même si ce qu’il trace est voté— il n’y a pas si longtemps, son esquisse était validée en fin de chaque tenue—, ce qu’il omet peut être définitivement perdu. En effet, lorsque le F\ Secrétaire prête serment, il s’engage sur les Trois Grandes Lumières, à devenir “la Mémoire” de la Loge, à “Ecrire” en rappelant les décisions et tout ce qui paraît essentiel, à assurer la “Continuité” et la “pérénité”. Il fait sien son rôle et s’investit donc en tant que personne; sa responsabilité est de consigner ce qui “lui paraît être utile à tous”. Sa réflexion et son arbitrage tracé, telle “la croix” citée plus haut, prend ici une place prépondérante; et l’on comprendra aisémment que l’art du Secrétaire dans la restitution orale des travaux de la Loge participe plus de la Rhétorique que de la Dialectique.

Pour terminer ici, je me propose de vous réciter ce petit texte du XVI I I e siècle, que tout le monde assurément connaît et de vous en faire une interprétation très très personnelle, uniquement sur les premières strophes sachant que la chanson se termine en amours libertines et que son décryptage pourrait être sujet à un travail bien autre, voire à la controverse :

" Au clair de la Lune (éclairage émanent, reflet de la connaissance)

Mon ami Pierrot (Kefa, Simon Pierre, la Pierre fondatrice, voire Philosophale (oups!))
Prête moi ta Plume (le Qalam originel)

Pour écrire un mot (s’entend sur le livre créateur soufiste)
Ma chandelle est morte (je n’ai plus la lumière de l’intuitif assimilable au Soleil)
Je n’ai plus de feu (j’en suis mourant, sans plus de vitalité et ne peux transmuter)
Ouvre moi ta porte (par Janus, montre moi le Chemin, la Voie)

Pour l’amour de Dieu (et, enfin, accéder la sagesse) "

Je trouve cette comptine particulièrement adaptée au Secrétaire qui écrit sous la réflexion lumineuse de l’Astre nocturne et qui sans sa plume est et restera des plus démunis, soit... le pauvre d’esprit.


J’ai dit V\M\

H
\ M\

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