GLMF Loge : Humanisme et Fraternité - Orient de Toulon 05/10/2010

Le Pouvoir du Symbole ; Le Symbole du Pouvoir

Depuis  un certain temps déjà, j’avais ce titre en tête. Mais il ne s’agissait que d’un titre, accompagné toutefois d’un certain nombre d’idées qu’il fallait pour le moins compléter, ordonner et développer. Cependant, au-delà du titre, je me disais que j’entreprenais là un travail important et rigoureux. Une réflexion approfondie sur les symboles et le symbolisme ne peux selon moi faire l’économie d’une approche psychologique, voire psychanalytique et pour l’occasion, j’ai dû recourir aux fonds documentaires bien connus en la matière, mais aussi, de façon plus personnelle, aux  cours que j’ai eu l’occasion de donner dans le cadre de mon activité professionnelle passée et aussi à des travaux effectués dans le cadre de groupes de recherche auxquels j’ai eu l’honneur et le plaisir de participer.
Cette Planche s’adresse  particulièrement aux jeunes Ap\ ainsi qu’à toutes celles et à tous ceux qui pourraient, d’une part se poser la question de la nécessité des symboles en Franc Maçonnerie  et d’autre part s’interroger sur une soi-disant  puissance occulte que constituerait la Franc Maçonnerie, et les dérives que  cela pourrait engendrer.

Je présenterai ce travail de la manière suivante :
I – Le Symbole, tentative de définition par ce qu’il est, mais surtout par ce qu’il n’est pas.
II – Les Fonctions du Symbole
III – Première conclusion
IV – Le Symbole du Pouvoir
-       A l’intérieur du Temple
-       A l’extérieur du Temple
V -  En conclusion

Les hommes ont toujours aimé s’entourer de symboles et gardent actuellement le même penchant. Soit que nous lisions, soit que nous circulions, nos yeux se portent constamment sur des symboles ; parfois nous n’y prêtons même plus attention, c’est le cas des signes utilisés pour l’écriture, c’est le cas de nombreuses images publicitaires sur des affiches, des devantures de magasins, et aussi sur des routes, enfin, partout ou presque.

Si les symboles connaissent aujourd’hui une faveur nouvelle, c’est que loin d’être  vilipendée, l’imagination est aujourd’hui réhabilitée, reconnue en quelque sorte comme sœur jumelle de la raison, comme l’inspiratrice des découvertes et du progrès. Cette faveur est due en grande partie aux anticipations de la fiction que la science vérifie peu à peu, aux effets du règne actuel de l’image que les sociologues essaient de mesurer, aux interprétations modernes des mythes anciens et à la naissance de mythes modernes, et aussi, il faut le reconnaître, aux lucides explorations de la psychanalyse. Les symboles sont au centre, ils sont le cœur de cette vie imaginative. Ils révèlent les secrets de l’inconscient, conduisent aux ressorts les plus cachés de l’action, ouvrent l’esprit sur l’inconnu et l’infini.
I – Le symbole, tentative de définition par ce qu’il est, mais surtout par ce qu’il n’est pas.
A l’origine, le symbole (du grec « sumbolon ») est un objet coupé en deux, fragments de céramique, de bois ou de métal. Deux personnes en gardent chacune une partie, deux hôtes, le créancier et le débiteur, deux pèlerins, deux êtres qui vont se séparer longtemps... En rapprochant les deux parties, ils reconnaîtront plus tard leurs liens d’hospitalité, leurs dettes, leur amitié. Les symboles étaient encore, dans la Grèce antique, des signes de reconnaissance, qui permettaient aux parents de retrouver leurs enfants laissés à la communauté. Par analogie, le mot s’est étendu aux jetons, qui accordaient le droit de toucher soldes, indemnités ou vivres, à tout signe de ralliement, aux présages et aux conventions. Le symbole sépare et met ensemble, il comporte les deux idées de séparation et de réunion; il évoque une communauté, qui a été divisée et qui peut se reformer. Tout symbole comporte une part de signe brisé; le sens du symbole se découvre dans ce qui est à la fois brisure et lien de ses termes séparés.
Le symbole semble si difficile à définir pour certains écrivains que Malraux a donné la sienne en ces termes : " le symbole exprime ce qui ne peut être exprimé que par lui», alors que René Berteaux renonce à définir le symbole en écrivant : "les mots ne peuvent exprimer tout le contenu du symbole pas plus qu'ils ne peuvent exprimer la totalité de l'art pictural ou de l'art musical".
Mais s’il paraît difficile de définir ce qu’il est, on peut à l’inverse dire ce qu’il n’est pas. En effet, l’emploi du mot symbole révèle des variations de sens considérables. Pour préciser la terminologie en usage, il importe de bien distinguer l’image symbolique de toutes les autres avec lesquelles elle est souvent confondue.
Si les frontières ne sont pas toujours évidentes, en pratique, entre les valeurs de ces images, c’est une raison supplémentaire pour les marquer avec précision et rigueur.
Symbole n’est pas emblème qui est une figure visible adoptée conventionnellement pour représenter une idée, un être physique ou moral: le drapeau est l’emblème de la patrie, le laurier, celui de la gloire.
Symbole n’est pas attribut qui  est une réalité ou une image, servant de signe distinctif à un personnage, à une collectivité, à un être moral: les ailes sont l’attribut d’une société de navigation aérienne, la roue d’une compagnie ferroviaire, la balance de la Justice. Un accessoire caractéristique est ainsi choisi pour désigner le tout.
Symbole n’est pas allégorie qui est une figuration sous une forme le plus souvent humaine, mais parfois animale ou végétale, d’un exploit, d’une situation, d’une vertu, d’un être abstrait, comme une femme ailée est l’allégorie de la victoire, une corne d’abondance l’allégorie de la prospérité.
Symbole n’est pas métaphore qui développe une comparaison entre deux êtres ou deux situations: l’éloquence de tel orateur est un déluge verbal.
Symbole n’est pas analogie qui est un rapport entre des notions ou des êtres essentiellement différents, mais semblables sous un certain aspect;  Le Souverain serait à son peuple ce que le berger est à son troupeau. Donc le Souverain aurait le droit de vie ou de mort sur ses sujets comme le berger a le droit de vie ou de mort sur ses bêtes. (Cette analogie a été critiquée par J. J. Rousseau, dans le Contrat social.) Le raisonnement par analogie est la source d’innombrables méprises.
Symbole n’est pas parabole qui est un récit possédant un sens en lui-même, mais destiné à suggérer, au-delà de ce sens immédiat, une leçon morale, comme la parabole du bon grain tombant sur des terrains différents.
Symbole n’est pas apologue qui est une fable didactique, une fiction de moraliste, destinée, à travers une situation imaginaire, à faire passer un certain enseignement.
Toutes ces formes imagées de l’expression ont en commun d’être des signes et de ne pas dépasser le niveau de la signification. Ce sont des moyens de communication, sur le plan de la connaissance imaginative ou intellectuelle, qui jouent un rôle de miroir, mais ne sortent pas du cadre de la représentation. Le symbole est donc beaucoup plus qu’un simple signe : il porte au-delà de la signification, il relève de l’interprétation. Il est chargé d’affectivité et de dynamisme. Non seulement il représente, d’une certaine manière, tout en voilant; mais il réalise, aussi tout en défaisant. Il joue sur des structures mentales. Il a d’une certaine manière, un double aspect : représentatif et efficace. Il est maintenu, pour ce qui est de la représentation, au niveau de l’image et de l’imaginaire, au lieu de le situer au niveau intellectuel de l’idée. Nous ne dirons pas que l’image symbolique ne déclenche aucune activité intellectuelle. Quand une roue sur une casquette indique un employé de chemin de fer, elle n’est qu’un signe; quand elle est mise en relation avec le soleil, avec les cycles cosmiques, avec les enchaînements de la destinée, avec les demeures du Zodiaque, avec le mythe de l’éternel retour, c’est tout autre chose, elle prend valeur de symbole. Mais en s’éloignant de la signification conventionnelle, elle emprunte la voie de l’interprétation subjective. Avec le signe, on demeure sur un chemin continu et assuré: le symbole suppose une rupture de plan, une discontinuité, il nous introduit dans un ordre nouveau aux multiples dimensions.
Ces précisions de vocabulaire ont pour objet de nous faire pressentir l’originalité du symbole et son incomparable richesse psychologique.
 Le symbole est véritablement novateur. Il ne se contente pas de provoquer des résonances, il appelle une transformation en profondeur, comme nous allons le voir maintenant.

II – Les fonctions du symbole
(j’en évoquerai 9)
Le symbole vivant, qui surgit de l’inconscient créateur de l’homme et de son milieu, remplit une fonction profondément favorable à la vie personnelle et sociale. Bien que cette fonction s’exerce d’une façon globale, nous tenterons cependant une analyse plus approfondie pour en montrer les multiples facettes.
1. On pourrait dire que la première fonction du symbole est d’ordre exploratoire. Comme une tête chercheuse projetée dans l’inconnu, il scrute et tend à exprimer le sens de l’aventure spirituelle des hommes, lancés à travers l’espace-temps. Il permet en effet de saisir d’une certaine manière une relation que la raison ne peut définir, parce qu’un terme en est connu et l’autre inconnu. Il étend le champ de la conscience dans un domaine où la mesure exacte est impossible et où l’entrée comporte une part d’aventure et de défi. Ce que nous appelons symbole, écrit  Jung, est un terme, un nom ou une image qui, même lorsqu’ ‘ils nous sont familiers dans la vie quotidienne, possèdent néanmoins des implications, qui s‘ajoutent à leur signification conventionnelle et évidente. Le symbole implique quelque chose de vague, d’inconnu ou de caché pour nous... Lorsque l’esprit entreprend l’exploration d’un symbole, il est amené à des idées qui se situent au-delà de ce que notre raison peut saisir. C’est pourquoi nous utilisons constamment des termes symboliques pour représenter des concepts que nous ne pouvons ni définir, ni comprendre pleinement... Selon Jung un symbole suppose toujours que l’expression choisie désigne ou formule le plus parfaitement possible certains faits relativement inconnus, mais dont l’existence est établie ou paraît nécessaire. Rien n’est irréductible à la pensée symbolique: elle invente toujours un rapport. Elle est, en un sens, la pointe avancée de l’intelligence; mais elle se détruirait à s’en tenir à des formulations définitives. Problèmes et mystères sécrètent eux-mêmes des réponses, mais sous forme de symboles. Les jeux d’images et les relations imaginées constituent une approche expérimentale de l’inconnu. Cet inconnu une fois identifié par l’analyste et la raison scientifique, les mêmes schèmes imaginaires pourront subsister, mais pour inviter l’homme à la recherche de l’inconnu dans une autre direction et l’entrainer vers de nouvelles explorations.
2. Cette première fonction est étroitement liée à la seconde. L’inconnu du symbole n’est pas, en effet, le vide de l’ignorance ; il est plutôt l’indéterminé du pressentiment. Le symbole remplit ainsi une fonction de substitut. D’une certaine façon, sous un mode figuratif, il se substitue, en guise de réponse, de solution ou de satisfaction, à une question, à un conflit, à un désir, qui demeurent en suspens dans l’inconscient. Jung dirait que c’est une expression substitutive destinée à faire passer dans la conscience, sous une forme camouflée, certains contenus qui, à cause de la censure, ne peuvent y pénétrer. Le symbole exprime le monde perçu et vécu tel que l’éprouve le sujet, non pas selon sa raison critique et au niveau de sa conscience, mais selon tout son psychisme, affectif et représentatif, principalement au niveau de l’inconscient. Il se substitue ainsi à la relation du moi avec son milieu, sa situation, ou avec lui-même, quand cette relation n’est pas assumée en pleine connaissance de cause.
3. La substitution implique une troisième fonction: celle d’un médiateur.
Le symbole remplit effectivement une fonction médiatrice; il jette des ponts, il réunit des éléments séparés, il relie le ciel et la terre, la matière et l’esprit, la nature et la culture, le réel et le rêve, l’inconscient et la conscience. Il résulte de la confrontation de tendances contraires et de forces antinomiques, qu’il réunit dans un certain rapport.
Un jeu vivant de symboles dans un psychisme assure une activité mentale intense et saine, en même temps que libératrice. Le symbole apporte un concours des plus efficaces au développement de la personnalité. Il possède en effet, selon l’observation de Jung, en marge de son expression formelle, une expressivité lumineuse, c’est-à-dire une efficacité pratique sur le plan des valeurs et des sentiments. C’est lui qui favorise ces passages alternatifs et inversés entre les niveaux de conscience, le connu et l’inconnu, le manifesté et le latent, le moi et le surmoi.
4. Une médiation tend finalement à réunir. Tel est l’autre aspect du rôle fonctionnel des symboles: ils sont des forces unificatrices. Les symboles fondamentaux condensent l’expérience totale de l’homme, religieuse, cosmique, sociale, psychique : ils réalisent aussi une synthèse du monde, en montrant l’unité fondamentale de ses trois plans (inférieur, terrestre, céleste) et  relient de ce fait l’homme avec le monde, les processus d’intégration personnelle du premier s’insérant dans une évolution globale, sans isolement, ni confusion. Grâce au symbole, qui le situe dans un immense réseau de relations, l’homme ne se sent pas étranger dans l’univers. La pensée symbolique réside dans l’une des formes de ce que Pierre Emmanuel appelle l’osmose continuelle de l’intérieur et de l’extérieur.

5. Unificateur, le symbole remplit en conséquence une fonction pédagogique et parfois même thérapeutique. Il procure en effet un sentiment sinon toujours d’identification, du moins de participation à une force sur-individuelle. En reliant les éléments distincts de l’univers, il fait sentir à l’homme qu’il n’est pas un être isolé et perdu dans le vaste ensemble qui l’entoure. Mais il ne faut pas confondre ici le symbole avec l’illusoire, ni sa défense avec le culte de l’irréel. Sous une forme scientifiquement inexacte, voire naïve, le symbole exprime une réalité qui répond à de multiples besoins de connaissance, de tendresse et de sécurité. La réalité qu’il exprime n’est cependant pas celle qu’il représente par les traits extérieurs de son image, soleil, lune, delta lumineux ou  morceau de roche; c’est quelque chose d’indéfinissable, mais de profondément pressenti, comme la présence d’une énergie physique et psychique qui féconde, élève et nourrit. Par ces simples intuitions, l’individu s’éprouve comme appartenant à un ensemble, qui l’effraie et le rassure à la fois, mais qui l’exerce à vivre. Résister aux symboles, c’est s’amputer d’une partie de soi-même, appauvrir la nature tout entière et fuir, sous prétexte de réalisme, la plus authentique invitation à une vie intégrale.

Mais l’image ne prend valeur de symbole que si le spectateur acquiesce à un transfert imaginaire, simple en réalité, complexe à l’analyse, transfert qui le place à l’intérieur du symbole et qui place le symbole à l’intérieur de l’homme, chacun d’eux participant de la nature et du dynamisme de l’autre dans une sorte de symbiose. Cette identification ou cette participation symbolique abolissent les frontières des apparences et entrainent dans une existence commune. Elles réalisent une unité.
6. Si, par une rupture d’unité, le symbole risque d’atrophier le sens du réel, il ne demeure pas moins vrai qu’il est un des facteurs les plus puissants de l’insertion dans la réalité, grâce à sa fonction socialisante, Il met en communication profonde avec le milieu social. Chaque groupe, chaque époque ont leurs symboles ; vibrer à ces symboles, c’est participer à ce groupe et à cette époque.
Le symbole, a-t-on dit, est un langage universel. Il est plus et moins qu’universel. Il est universel, en effet, car il est virtuellement accessible à tout être humain, sans passer par le truchement de langues parlées ou écrites, et parce qu’il émane de toute la psyché humaine. Si l’on peut admettre un fonds commun de l’inconscient collectif capable de recevoir et d’émettre des messages, on ne doit pas oublier que ce fonds commun s’enrichit et se diversifie de tous les apports ethniques et personnels. Le même symbole apparent pourra prendre une coloration différente selon les peuples et les individus, selon également les temps historiques et l’atmosphère du présent. Il importe d’être sensible à ces différences possibles, si l’on désire prévenir des malentendus et surtout pénétrer dans une compréhension profonde de l’autre. C’est ici que l’on voit le symbole conduire plus loin que l’universel de la connaissance. Il n’est pas en effet simple communication de connaissance, il est convergence d’affectivité: C’est pourquoi le symbole est l’instrument le plus efficace de la compréhension interpersonnelle, intergroupe, internationale, qu’il conduit à sa plus haute intensité et à ses plus profondes dimensions. L’accord sur le symbole est un pas immense sur la voie de la socialisation. Universel, le symbole a cette capacité d’introduire en même temps au cœur de l’individuel et du social. Qui pénètre le sens des symboles d’une personne ou d’un peuple connaît par le fond cette personne et ce peuple.
7. La sociologie et l’analyse distinguent très justement les symboles morts et les symboles vivants. Ceux-là n’ont plus d’écho dans la conscience, ni individuelle, ni collective. Ils n’appartiennent plus qu’à l’histoire, à la littérature ou à la philosophie. Les mêmes images seront mortes ou vivantes, selon les dispositions du spectateur, selon ses attitudes profondes, selon l’évolution sociale. Elles sont vivantes, si elles déclenchent dans tout son être une vibrante résonance; elles sont mortes, si elles ne sont qu’un objet extérieur, limité à ses propres significations objectives. Pour l’Hindou pénétré de la pensée védique, la vache présente un tout autre intérêt spirituel que pour l’éleveur normand. La vitalité du symbole dépend de l’attitude de la conscience et des données de l’inconscient. Elle présuppose une certaine participation au mystère, une certaine connaturalité avec l’invisible; elle les réactive, les intensifie et transforme le spectateur en acteur. Sinon, suivant une expression d’Aragon, les symboles ne sont plus que des mots désaffectés, dont l’ancien contenu a disparu comme d’une église où l’on ne prie plus.
Le symbole vivant suppose donc une fonction de résonance. Transporté sur le plan psychologique, le phénomène est comparable à celui que la dynamique physique, appelle un phénomène vibratoire. Un pont suspendu par exemple, vibre avec sa fréquence propre, variable suivant les influences, comme le vent, qui s’exercent sur lui. Si l’une de ces influences, par sa propre fréquence, entre en résonance avec celle du tablier de ce pont, et si leurs rythmes se combinent, il se produit un effet d’amplification des vibrations, d’accélération des oscillations, pouvant aller progressivement jusqu’à la rupture. La fonction de résonance d’un symbole est d’autant plus active que le symbole s’accorde mieux à l’atmosphère spirituelle d’une personne, d’une société, d’une époque, d’une circonstance. Elle présuppose que le symbole est lié à une certaine psychologie collective et que son existence ne dépend pas d’une activité purement individuelle. Et cette observation est valable autant pour le contenu imaginatif que pour l’interprétation du symbole. Il baigne dans un milieu social, même s’il émerge d’une conscience individuelle. Sa puissance évocatrice et libératrice variera avec l’effet de résonance qui résulte de ce rapport entre le social et l’individuel.
8. Ce rapport ne peut être équilibré que dans une synthèse harmonieuse des exigences souvent différentes de la personne et de la communauté. C’est un des rôles du symbole de relier et d’harmoniser jusqu’aux contraires.  Jung appelle fonction transcendante cette propriété des symboles d’établir une connexion entre des forces antagonistes et, en conséquence, de surmonter des oppositions et de frayer ainsi la voie à un progrès de la conscience.
9. On voit donc le symbole s’inscrire dans le mouvement évolutif tout entier de l’homme, enrichir ses connaissances et émouvoir son sens esthétique. II remplit finalement la fonction de transformateur d’énergie psychique. C’est comme s’il puisait dans un générateur de puissance quelque peu confus et anarchique, pour normaliser un courant et le rendre utilisable dans la conduite personnelle de la vie. Non seulement le symbole exprime les profondeurs du moi, auxquelles il donne forme et figure, mais il stimule, par la charge affective de ses images, le développement des processus psychiques. Comme l’athanor des alchimistes, (terme désignant un four, utilisé pour fournir la chaleur nécessaire aux opérations alchimistes), il transmute des énergies: il peut changer le plomb en or et les ténèbres en lumière.
III – Première conclusion
Le symbolisme était destiné, à l’origine, à voiler aux profanes les vérités sacrées tout en laissant celles-ci apparentes pour ceux qui savaient les lire. Une fois incorporées dans des symboles, ces vérités devenaient transmissibles selon les possibilités de l’esprit et de la sensibilité de chacun ; la connaissance de clefs pour déchiffrer les symboles pouvait être nécessaire. C’est pour cette communication que le symbolisme a été choisi par les civilisations anciennes et par les cultures primitives ; le concept de symbolisme leur a survécu, mais a été battu en brèche par le cartésianisme et par le monde moderne.
Descartes a voulu établir une séparation radicale et absolue entre l’esprit et le corps. Le Cartésianisme a puissamment contribué au développement du raisonnement logique puis de l’esprit scientifique. Si l’on a pu écrire qu’on était « arrivé au bout de la connaissance dans les limites du raisonnement cartésien », ce qui peut paraître quelque peu péremptoire, il n’en demeure pas moins qu’on puisse faire place, à côté de la connaissance rationnelle, à une connaissance sensible. Le symbolisme est bien adapté aux exigences de la nature humaine qui a besoin d’une base sensible pour s’élever vers les zones supérieures. Le symbolisme, ce langage à la fois mystérieux et révélateur, a toujours été étroitement lié à l’art en général, et à l’art royal en particulier, objet pour nous F\M\ de notre quête individuelle et collective.
Nous voyons bien, s’il était encore besoin de l’affirmer, que démunie du Symbole et du Symbolisme, la F\M\ serait vidée de sa substance et de son sens.
IV – Le Symbole du Pouvoir
Des gens tels que Léo Taxil et d’autres se sont efforcés, dans les ouvrages qu’ils ont écrits, de calomnier l’Ordre Maçonnique et ont réussi à fixer dans l’esprit du public une sorte de cliché bien éloigné de la vérité.
Pour certains auteurs catholiques, la Maçonnerie reste la « Synagogue de Satan ».
Pour d’autres, la Maçonnerie est une « maffia » nourrissant de redoutables projets politiques et ne reculant pas devant l’assassinat, si cet acte doit servir ses desseins.
Pour d’autres encore, la Maçonnerie n’est qu’une société d’entraide, une « société de secours mutuels ».
Les antisémites affirment qu’elle est un instrument aux mains d’Israël et d’autres soutiennent qu’elle est l’organe de l’impérialisme anglo-saxon.
Si ces opinions diverses et contradictoires sont bien évidemment  fausses, il n’empêche que chaque F\M\, quelle que soit son Obédience et sa Loge d’appartenance, porte en lui la responsabilité de préserver et de renforcer l’image de notre Ordre.
Ce n’est que par l’exemple de ses qualités, à l’intérieur comme à l’extérieur du Temple qu’il pourra y contribuer.
A l’intérieur du Temple
Quelque soit son grade ou sa qualité, un F\M\qui aurait le sentiment de jouir d’un quelconque pouvoir au sein de sa Loge serait me semble-t-il dans l’erreur.
La Loge présente l’avantage d’un fonctionnement on ne peut plus démocratique, où les règles sont connues et respectées.
Les Officiers de la Loge sont élus au scrutin universel et reçoivent de ce fait une délégation de l’ensemble des membres pour mener à bien la mission inhérente à leur fonction. Ils sont redevables de cette délégation auprès de l’ensemble des SS\ et des FF\ de l’Atelier.
De même que le M\ n’a aucun pouvoir à exercer sur le Comp\ ou sur l’Ap\, l’Of\, en exerçant la responsabilité qui lui échoit, ne fait que servir la Loge. Si l’on devait parler de pouvoir, il faudrait associer ce pouvoir à la fonction occupée, et non au statut du titulaire de cette fonction. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la phrase qui est prononcée par le Vén\M\ en certaines circonstances: « En vertu des pouvoirs qui m’ont été conférés… ». Cette nuance me semble fondamentale, car elle souligne qu’une élection à un poste, quel qu’il soit, n’a pas pour vocation de flatter l’égo du postulant, mais de garantir le meilleur fonctionnement possible de la Loge.
A l’extérieur du Temple
Si nous remontons à l’époque de la 4ème Républiques, au temps où les F\M\ étaient légions sur les bancs du Parlement, on peut dire que la Franc Maçonnerie, si elle ne constituait pas un pouvoir en tant que tel, formait toutefois un groupe d’influence, tous partis confondus, qui a pu participer à l’avènement  de grandes avancées sociales et humaines.
De cette contribution au progrès social, nous ne pouvons qu’être fiers, car ces actions sont tout à fait en accord avec nos principes humanistes et nos idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité.
Les temps ont changé, les F\M\ ont déserté l’hémicycle, et en dépit de la progression des effectifs, ils ne constituent plus ce groupe d’influence auquel je faisais allusion.
Si les medias parlent de nous aujourd’hui, c’est la plupart du temps parce que l’un des nôtres s’est malheureusement compromis dans une affaire peu reluisante. En agissant de la sorte, il s’est parjuré, et il a terni aux yeux du monde profane, l’image de la Franc Maçonnerie toute entière.
Il m’a dernièrement été rapporté les propos d’un homme d’affaires dont un ami qui avait des démêlés avec la justice a été aidé et tiré d’affaire grâce à l’intervention de F\M\ de la région de Toulon. Si ces faits ne m’étonnent qu’à moitié, ils me choquent et me choqueront à chaque fois qu’ils se reproduiront. En effet, comment se référer au cours de nos Tenues aux idéaux qui sont les nôtres et une fois sortis du Temple, agir au mépris des lois et des institutions de notre République. Ne confondons pas solidarité et complicité. Tout individu qui contrevient aux lois, fût-il F\M\ est justiciable de ses actes et doit être traité avec les mêmes égards mais aussi avec la même rigueur, qu’il fût F\M\ ou profane.
Alors, faut-il pour autant parler de pouvoir occulte de la Franc Maçonnerie ?
Pour ma part, je répondrai non. La Franc Maçonnerie est une organisation humaine et porte de ce fait en elle ses forces et ses faiblesses. A chacun de nous d’être vigilant au quotidien.
V -  En conclusion
La Franc Maçonnerie est une association qui garde bien vivantes certaines formes traditionnelles des enseignements secrets initiatiques. La Maçonnerie ouvre la voie à l’Initiation - c’est-à-dire à la Connaissance - et ses symboles donnent au Maçon la possibilité d’y accéder.
Le symbole présente à la fois :
-       un caractère endogène dans la mesure où, véritable outil d’introspection, il nous permet de travailler sur nous, d’aller à l’intérieur de nous-mêmes et de nous faire ainsi progresser individuellement,
-       et un caractère exogène où en tant que moyen de communication et de partage, il favorise la mise en commun de toutes ces activités individuelles et permet à l’ensemble des SS\ et des FF\ d’accéder à un égrégore puissant et profond.
Ce qui doit dominer en Franc Maçonnerie , c ‘est le principe de Tolérance ;  tolérance vis-à-vis des doctrines religieuses et politiques, parce qu’elle est au-dessus et en dehors des rivalités qui les opposent.
Mais tolérance n’est ni laisser-faire, ni laxisme.
Il se peut que certaines femmes ou certains hommes, après avoir été initiés, restent pour autant des profanes et il est dans ce cas de la responsabilité de la Loge d’envisager en cas de débordement inacceptable, les mesures à prendre.
Mais ces exceptions ne doivent en aucun cas nous faire perdre de vue le caractère transcendantal de la Maçonnerie. Là est son seul et véritable pouvoir.
Vén\M\, j’ai dit !

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