Obédience : NC Loge : GLFB Date : NC


Réflexions sur le Pouvoir

Nous avons présenté cette planche sous forme de dialogue. Nous sommes toutes les deux intéressées par le pouvoir nous le reconnaissons, tentons souvent de le prendre - parfois hélas non adéquatement - et expérimentons le choc douloureux du retour de boomerang. D'où l'idée de ces réflexions.

S : Déjà depuis le berceau, nous avons été confrontés aux situations de pouvoir. Des adultes, en général nos parents, ont entrepris la lourde tâche de nous éduquer. Pour se faire aimer, nous nous sommes pliés à leurs valeurs et à celle de la société. Nous avons accepté le pouvoir et aussi ses abus : 'tu es gentil', 'çà c'est mal'...'çà c'est bien'... Pour nous défendre quand même dans cet univers de contraintes hostiles, nous apprenons à dire : NON...NON...JE...JE...MOI…MOI...et nous nous initions aux contre-jeux de pouvoir et aux subtiles techniques de la manipulation. Plus tard, l'école nous apprendra largement à fignoler ces outils. Et nous voilà adultes. Mais tout compte fait, ce qui a si bien marché jadis...pourquoi cela ne fonctionnerait-il plus maintenant ? Tout d'abord comment définerions-nous le pouvoir ?

G : d'après le Petit Robert : « Possibilité d'agir sur quelqu'un, sur quelque chose ». Mais il me paraît également utile de donner la définition de l'autorité : « droit de commander, pouvoir reconnu ou non d'imposer l'obéissance ».

S : En théorie de la communication, on affirme qu'il n'y a pas d'échange, ni de relation sans pouvoir. Etre en contact avec quelqu'un est être en situation de pouvoir. Comme il n'y a pas moyen de ne pas communiquer, nous ne pouvons éviter d'influencer l'autre. Etre en situation de pouvoir n'est pas du tout pathologique... C'est lorsqu'on parle d'abus que l'affaire se corse. Ces abus peuvent prendre des formes diverse : autocrates, dictateurs, tyrans ou autres ayatollahs sont en fait des délirants qui parviennent à faire partager leur délire. Mais les abus ont parfois des aspects bien plus subtils : chacun de nous a déjà subi des comportements de certains « dépressifs ». Ceux-ci tout en manifestant une totale impuissance ont, par contre, un contrôle total sur leur environnement.

G : Quelques fois aussi, le pouvoir revêt des formes souterraines, sournoises et qui se passent en dehors de notre conscience. Je ne peux que vous recommander de lire les livres savoureux de Beauvois et Joule, dont notamment le « Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens ».
J'en citerai l'exemple suivant : Si vous demandez à brûle pourpoint à quelqu'un dans la rue de vous donner vingt francs pour pouvoir téléphoner, il ne vous les donnera probablement pas. Si vous entrez en contact avec lui, en lui parlant du temps qu'il fait ou même juste en lui demandant l'heure, il y a des grandes probabilités qu'il vous les donne. C'est avec ce genre de techniques qu'on parvient à vendre des frigos aux esquimaux.

S : Pour fabriquer un chef, il faudra trouver quelqu'un qui aime dominer ou qui a très peur de subir la domination d'un autre. Si sa trajectoire coïncide avec certains courants idéologiques du moment il pourra faire une grande carrière. Au début il apparaîtra comme un bon parent et utilisera la séduction et la persuasion. Mais souvent hélas, arrivé au sommet de sa grandeur, certains aspects grotesques de sa personnalité vont apparaître.

G : Et quid de l'obéissance ?

S : Nous avons grandi pour obéir à l'autorité des personnes qui parlent comme si elles savaient ce qu'elles faisaient, pour obéir à ceux qui nous disent ce qui est juste ou non, bon ou non. L'individu moyen, qui ne cherche pas, qui n'a pas appris à penser, va s'identifier au groupe auquel il appartient. Il parlera au nom de sa race, sa nation, son groupe, son obédience. S'il dit « je suis supérieur », on va le trouver ridicule mais d'il dit « Mon groupe est le meilleur », on va le trouver remarquable et il sera considéré comme un élément positif du groupe.

G : Il n'y a pas de maîtres sans disciples. Dans l'exercice pervers du pouvoir, il va y avoir une distorsion dans les rapports entre eux qui jette le trouble dans l'esprit du disciple... Sa pensée va être disqualifiée... Rien n'est secret, mais tout est dit à moitié. Pour le maintenir sous dépendance, le maître va utiliser la séduction : « ne rien donner en faisant semblant de tout offrir ».

S : Vous rappelez-vous l'extraordinaire livre de Milgram sur la Soumission à l'autorité? Je vous en rappelle le thème en quelques mots :
Des sujets naïfs participent à une expérience scientifique sur l'apprentissage; Pour punir les fautes de l'élève, notre sujet va lui inflige des secousses électriques de plus en plus importantes voire mortelles. Les secousses sont bidons, l'élève simule la douleur... Ce que le sujet naïf ignore. Au cours de plusieurs expériences, quelque soient, l'âge, le sexe, la profession... et malgré les protestations de la fausse victime...plus de 65% des sujets naïfs lui infligent des tortures mortelles. Simplement parce qu'un professeur en blouse blanche leur dit calmement : 'les chocs électriques font partie de l'expérience; ...je vous en prie continuez'.

G : La découverte majeure de cette expérience est cette propension inconditionnelle à obéir dans certaines circonstances. Ce ne sont pas nos qualités individuelles qui déterminent nos actes mais le genre de situation dans laquelle nous sommes placés !
Milgram cite C.P. Snow, dont je n'ai pas réussi à découvrir qui il est « quand on se penche sur la longue et sinistre histoire de l'homme, on constate que l'obéissance a inspiré plus de crimes horribles que la rébellion ».

S : Des moutons aux poules en passant par les babouins et les maçons tout les animaux vivant en groupe obéissent à l'un d'entre eux qui peut être considéré comme le chef.
Etre organisé, en effet, signifie faire partie d'une hiérarchie. Cette hiérarchie est maintenue par tous les participants et quand un animal sort du rang, il sera rappelé à l'ordre par tout le groupe, ceux du dessous étant aussi actifs que ceux du dessus pour rétablir la hiérarchie Les révolutionnaires de tous les temps se sont d'ailleurs arrachés les cheveux devant le comportement de collaboration des classes opprimées.

G : On pourrait dire que dans chaque communauté il y a un chef, des suiveurs ou esclaves, des rebelles et des spectateurs.
Chacun de ces rôles est présent en chacun de nous et ne sont en soi pas toxiques. Ce sont leurs aspects exagérés qui vont définir les abus ou la pathologie.
Le chef pour montrer son prestige va se nourrir de signes et de symboles. Son pouvoir temporel ou spirituel sera reconnu par des acclamations et applaudissement des fidèles. Il portera des décorations, rubans, chapeaux... pour se gonfler et en fait induire la soumission des suiveurs ou esclaves.

S : Je pense immédiatement à notre Orient ronronnant et enrubanné comme un sapin de Noël et je me demande : ces frères et soeurs sont- ils conscients du danger de confondre les devoirs d'une fonction avec le pouvoir qui y paraît associé ?
Je pense aux haies d'honneur pour accueillir tambour battant l'une ou l'autre grosse légume maçonnique ! J'entends et je même je dis : très vénérable grande... En fait souvent j'ai honte quand j'y pense, car justement je n'en pense rien. Je ne parlerai pas ici des titres dont s'affublent les grades plus élevés car là on tombe tout à fait par terre, ...de désespoir ou de rire.

G : N'est ce pas uniquement le décor ?

S : En maçonnerie, on nous dit : « tout ce que vous entendrez ou verrez ici est symbole. » D'accord ! Mais symbole de quoi ?
Danlot dit dans : « Socrate Réveille-toi » : « La Maçonnerie dit ’égalité’et son organigramme ne fait que refléter des différences symboliques sur lesquelles s'appuient des pouvoirs de pacotille. Niveaux, grades, offices sont autant d'événements dans la vie du Maçon qui tendent à flatter son égo. La Maçonnerie parle l'humilité et distribue de signes de magnificence et des titres que peu de rois n'ont jamais osé porter. Il en conclut que tout cela est paradoxal et que le paradoxe fait réfléchir.
Je réfléchis oui et peut-être que tout ces salamaleks servent à rendre l'épreuve de la perte de l'égo encore plus difficile ; comme quelqu'un qui pratique un régime basses calories et à qui on présente des pâtisseries ! Il faut être très solide pour y résister mais le résultat n'en n'est que plus méritoire… A moins que...comme je disais dans le préambule, le gonflement des chefs a pour objectif d'induire la soumission des fidèles. L'objectif ne serait-il donc pas de mettre les disciples sur les colonnes dans un état de réceptivité voire de transe pour qu'ils soient ’plus aptes’ à avaler la bonne parole ?

G: Chez nous également, nous nous identifions à notre chapelle et nous entendons régulièrement : « Nous, du rite Ecossais nous sommes plus symbolique que, plus mieux que... Nous du DH on est plus universaliste que les nonnettes -entendez celles de la Grande Loge Féminine ».
Le pouvoir récompense ceux qui lui sont fidèles, qui défendent leurs couleurs et qui ne font pas trop de vagues, ce sont leurs bons éléments, leurs héros.

S : En plus de la conformité au groupe, il y a aussi celle aux idées du groupe et pourquoi pas ici ne pas mettre en évidence le mythe M : « tout le monde est beau, tout le monde est gentil ». Quelques illustrations de mondanités maçonniques : -Vénérable maîtresse, nous vous remercions d'avoir pu assister à cette cérémonie qui comme d'habitude fut parfaite…et cela malgré les floches et kouaks -Très vénérable, je tiens à remercier notre conférencier pour cette planche si intéressante...alors qu'elle était idéale comme somnifère. -Vénérable maîtresse, nous vous présentons les salutations très fraternelles... Et blablablas...

G : Encore le décor ?

S : N'oublions pas qu'il y a aussi des spectateurs en M ; ils sont là comme ils auraient très bien pu être ailleurs. Ils sont en général inoffensifs. Ils ne font rien, ne disent rien. Ils sont en Maçonnerie parce que papa n’y était pas ou que leur conjoint y est.

G : Il y a aussi des rebelles heureusement. Ceux-ci plastiquent et luttent. Hélas dans la plupart des cas, ils ne veulent pas la justice et la liberté mais plutôt le leadership.

S : Contester ne veut pas dire ne plus aimer ou ne plus estimer. Ce résidu de notre enfance où on nous disait que si nous n'étions pas sage, on ne nous aimerait plus. IL faut au contraire beaucoup aimer les gens pour oser les contrarier.

G : Chaque fois que je prends la parole pour contester, j'ai le coeur qui bat la chamade et je me demande si oui ou non je vais me lancer. Mais pourtant, j'ai toujours regretté mes lâchetés lorsque je n'ai pas osé intervenir.
Un atelier n'est vivant que pour autant que chacun ose dire ce qu'il pense et que les autres l'acceptent, même s'ils ne sont pas d'accord. Trop souvent dans notre groupe comme ailleurs, harmonie est confondue avec absence de conflit et gommages des différences. C'est de la symbiose et non de la fraternité.
Les grades attribués ne nous chargent que de devoirs et ne nous accordent aucun privilège. Je garde une foi en l'institution M qui, si elle confine parfois à la naïveté, est indispensable à ma survie.
Nous sommes censées travailler opérativement au perfectionnement de l'humanité par nos remises perpétuelles en question, par les actes que nous posons dans notre vie de tous les jours en vivant selon les principes Maçonniques.

S : J'ai peur de m'engluer dans le ronron de notre culture Maçonnique en perdant mon esprit critique. Il est essentiel pour moi d'écouter les enseignements de nos apprenties; Qu'elles posent des questions, qu'elles se rebellent car c'est une des rares manières de ne pas conforter nos tâches aveugles. Nos vrais maîtres en fait ce sont elles.

G : le pouvoir et ses abus n'est ce pas justement ce que nous appelons symboliquement « les métaux » ? alors quand allons-nous décider à les abandonner vraiment ?

S : Le pouvoir et le prestige sont des besoins irréels et comme disait un sage dont j'ai oublié le nom ‘on n'a jamais assez de ce dont on n'a pas besoin’.

V\ P\ S\


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