Obédience : NC Loge : NC 22/10/2004


Vous ne vous forgerez point d’idoles humaines…


Cette phrase du rituel, est plus qu’une invite à suivre, c’est presqu’un ordre à respecter, et à tout le moins à observer. Il faut toujours se demander si le rituel est bien légitime dans sa recommandation ; si nos Anciens nous ont transmis autre chose qu’un ordre, et si ils ne nous ont pas indiqué les chemins à ne pas prendre dans notre marche vers une réalisation spirituelle.

Comme toujours, je vais me rendre dans les temps anciens, voir ce que nous apprend l’histoire, en essayant de remonter le plus loin possible.
A l’aube de l’humanité, l’homme émergeant de l’animalité, commençant bien modestement à se poser des questions sur sa place dans une nature hostile, et constatant son impuissance à comprendre et à dominer les phénomènes naturels, a cru bon de se concilier les forces hostiles de la nature.

J’imagine nos ancêtres craindre la foudre, les coups de vents, le jour et la disparition du soleil, puis la venue de la lune et des étoiles, fuir devant les irruptions volcaniques, et mettre leurs espoirs dans une tentative d’amadouage des forces naturelles, afin de se protéger.
Cette première ébauche de religion, le mot étant pris dans son sens étymologique, a pris différents aspects, l’animisme, le panthéisme, le paganisme. Toutes ces croyances ayant une multitude d’approches contradictoires de la Réalité humaine.
Nous rencontrons donc les premières idoles de pierre, de bois, d’argile, d’os ou d’ivoire, dans les grottes préhistoriques. J’avoue que j’ai un faible pour la Vénus de Brassempouy. Vraisemblablement une déesse de la fécondité, avec des attributs ma -maires et fessiers certainement destinés à suggérer à nos lointains ancêtres, le désir de procréer.
S

ans faire le tour du monde de l’idolâtrie, je vais simplement parler un peu du bassin méditerranéen, puisqu’une grande partie des rituels maçonniques, nous viennent de la Bible et plus précisément du Temple de Salomon.
Tout le monde connaît BAAL ou MOLOCH en usage chez les Phéniciens, tout aussi connue, la statuaire grecque et romaine., représentant le monde imaginé des dieux Plus tard, nous avons aussi la statuaire chrétienne, mais il faut dire que la différence est diamétralement opposée. Je dirais que les statues chrétiennes ne sont pas des objets d’adoration, mais des symboles utiles à la progression de la Foi. C’est un peu comme nos symboles maçonniques, qui ne sont pas le résultat, mais les moyens.
Voyons cela de plus près :

Parti d’Egypte, et vraisemblablement des Egytiens, le Dieu Unique avec Moïse fait son entrée dans les croyances des Hommes de la haute antiquité. C’est une révolution dans le monde méditerranéen, au culte des Idoles donc de la multiplicité anthropomorphique de la création, ou plutôt des manifestations de la création, nous passons à l’unicité d’un Dieu Créateur. Maître unique de sa Création.
Cette nouvelle religion de Moïse, avec l’épisode du Veau d’or qui démontre aisément que l’homme est plus enclin à l’adoration d’un objet, que de croire en un concept abstrait, simplement parce que c’est plus facile , et Abraham marque la rupture avec le culte des Idoles. Il y a aussi Enoch, précisant que les démons convertiraient en idolâtrie tous les éléments, toutes les substances du monde… ! Il faut bien le dire le culte des Idoles, autorise toutes sortes de licences, et l’humanité de cette époque ne s’en prive pas. Le Dieu unique impose une rigueur morale à respecter C’est le Pentateuque, suites de lois et de préceptes, qui organisent la vie religieuse du Monothéisme, par une série d’interdits comme entre autre le culte de Idoles. Je ne sais pas si notre rituel est un héritage du Pentateuque, mais en tout cas sur ce point précis, il est en véritable concordance.
Si le Pentateuque marque une véritable frontière, c’est je crois avec une juste raison. Une Idole en représentant d’une manière matérielle un culte quelconque, délimite le savoir humain à nos cinq sens. Mais l’Idole est incapable de faire passer la croyance humaine en connaissance spirituelle. Et si ma lecture de la Bible est bonne, forger une idole ne serait que rendre hommage au monde matériel ; et pour prendre une référence proche du vocabulaire maçonnique, le vocabulaire de Mani, qui dit je cite : que la Lumière est le bien et l’esprit, et le mal est les ténèbres et la matière. C’est une piste pour comprendre les injonctions de notre rituel.

Autre piste, le désir de l’Homme de re-créer son univers, il faut aller en Europe Central, au 17éme siècle, dans la diaspora juive, pour voir ce désir obscur, enfoui dans notre personnalité, prendre racine dans l’imaginaire avec la légende du Golem, qui devient au 19éme siècle : Frankenstein . Pourtant la Halakha juive interdit de donner une quelconque forme physique au Créateur. C’est simplement que nous sommes incapables de représenter un pur Esprit sous une forme matérielle, car il y a un grand fossé d’incompréhension, entre l’Homme ordinaire que nous sommes, et le Créateur. Les Initiations, elles nous permettent si nous persévérons d’approcher d’un peu plus près le monde spirituel.
Après ces généralités, revenons à la Maçonnerie, en donnant l’étymologie du mot Idole. Ce mot nous vient du Grec, eidoj signifiant forme où image et ei/dolon, utilisé comme diminutif. Donc forger une Idole relèverait pour un Maçon qui aurait cette intention, de vouloir bien qu’ayant perdu la Parole et les mots sacrés, remplacer le GADLU ! Et si je lis Tertullien, je comprends mieux le rituel. Tertullien pense que l’idolâtrie est le plus grand crime du genre humain ; aussi les Saintes Ecritures se servent elles toujours du mot fornication pour flétrir l’idolâtrie ; tout comme l’idolâtrie fait un vol à Dieu (ou au GADLU) en lui dérobant les hommages qui lui sont dus pour les transporter à d’autres … ! Mais Tertullien dit aussi que ce crime est perpétré contre l’homme lui-même.
En fait, Tertullien nous indique que l’Homme en honorant les idoles, ne reste qu’au niveau de la Matière, et qu’il se trompe de cible, en adorant la matière mise en forme.

De même, dans la Halakha juive, le deuxième commandement du Décalogue concernant la représentation et l’image dans la Tora, il est dicté l’interdit global concernant l’idolâtrie :
« Tu n’auras point d’autre Dieu que Moi.
« Tu ne feras point d’Idole, ni une image quelconque de ce qui est en haut dans le ciel ou en bas sur la Terre.
« Tu ne te prosterneras pas devant elles, tu ne les adoreras point !
Le Pentateuque nous dit que Yahvé se moque des autres pratiques qui n’apportent rien (les faux prophètes, et les statues en bois…) en fait il dit très clairement que seul Yahvé est en mesure d’apporter le salut à Israél…
Comme constructeur, le maçon opératif, comme le maçon spéculatif, pourrait être tenté avec ses mains, comme avec sa raison de construire soit dans la pierre, soit dans les textes, une représentation du GADLU, qui ne serait que la conjugaison et la représentation des défauts bien humains ; mais qui par vanité et orgueil se voudrait être la seule valeur réelle, digne d’adoration.
Le Rituel dans cette injonction, en réalité nous évite un écueil mortel pour la progression initiatique, celui de nous prendre pour un Créateur, et en réalité il nous recommande de rester humble, mais non pas inexistant.
L’Idole c’est la matière, et dès le début de notre démarche maçonnique, nous avons remis si j’ose dire la matière à sa place, à travers les quatre épreuves de l‘initiation. Dans le déroulement de cette épreuve, la terre, l’eau, l’air et le feu, ont cédé la place, à la Lumière beaucoup plus immatérielle que les quatre éléments.

Si dans un premier temps, on peut craindre que le nouvel initié se trompe et prenne comme idoles matérielles, nos symboles maçonniques, comme l’équerre, le compas, le fil à plomb et autre niveau. Le quatrième degré nous rappelle que nous ne devons pas nous fourvoyer dans notre démarche, et que toutes les analyses plus ou moins brillantes de nos symboles, ne sont à prendre qu’avec une grande prudence, car n’étant qu’une simple approche, ou plus exactement un moyen pour passe au degré supérieur. C’est analyse faisant appel à la compréhension individuelle, nous éloigne, au moins en apparence de l’unité recherchée.
Et si observe bien cette phrase, elle me rappelle une autre phrase tout aussi importante : il faut rassembler ce qui est épars.
Pour terminer ce travail, je vais donner, si je puis dire la parole à Saint Augustin qui dit dans son œuvre, la Cité de Dieu, en parlant de Caïn, il dit ceci : pour une part sa faute réside dans le sacrifice qu’il a offert, avant son meurtre, pour « jouir du monde en usant de Dieu, et non pour jouir de Dieu en usant du monde ! »

De même, je pense que nous avons un autre héritage : l’histoire des Martyrs appelés les « Quatuor Coronati » (Quatre Couronnés). Ces tailleurs de pierre chrétiens, martyrisés en 287 sous Dioclétien, qui préfèrent la mort plutôt que de sculpter une idole.
Pour le Maçon, la voie est toute tracée, c’est la voie recommandée par la GADLU, qui lui permettra d’utiliser le monde pour sa réalisation nitiatique

J’ai dit !

P\ L\


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