Obédience : NC Loge : NC 13/10/2003


Maçonnerie et modernité

Est-il inutile de rappeler l'étymologie de « maçon » : makon (francique, faire to make, machen, indo-européen mag en grec massein petrir en latin macerare ; cf masse et magma (masse petrie, onguent), maquereau (makein = trafiquer, maquiller (vieux verbe picard maquier : faire et feindre, maquignon ou roman mattio gâcheur de mortier du latin madidus (gorge d'eau ; dans tous les cas faire, travailler, transformer une matière brute et quelquefois la détourner de son usage.

« Moderne » mod- iernus = comme (quo modo = de quelle maniere) d'aujourd'hui diurne de dies dieu lumière, clarté ; l'indo-européen dei = briller ; aussi mode = mesure, limite façon de se conduire, proche de mores = les mœurs ; manière collective de vivre. Modernité n'est pas modernisme : il s'agit de liberté d'esprit face aux transformations réelles progressives et nécessaires de la pensée ; il s'agit de ne pas rester passif, routinier, paresseux donc de travailler a l'émancipation progressive de l'homme.

« Tradition » : c'est un beau mot : trans-dare : faire passer a un autre, transmettre ; ensemble des usages, des manières de faire et d'agir héritées du passe curieusement le sens est très vivace dans arts et traditions populaires. Tradition est aussi entre ringardise et passéisme ; procès fait en permanence a la notion de tradition, de traditionaliste qui postule que l'homme ne peut rien connaitre que par une révélation primitive et par la tradition de l'église).

La tradition n'est pas l'immobilisme ; sinon la maçonnerie ne serait pas née ; la tradition n'est pas le privilège de ceux qui ont pour tout savoir et pour toute connaissance que ce qu'on leur a transmis ; les clercs, détenteurs des connaissances révélées en face des laïcs de Laos en grec le peuple), extérieurs a la connaissance, illettrés qui ne savons qu'épeler. Pour résumer brutalement Descartes nous avons les pieds dans le ciel et la tête sur terre. Le chemin initiatique doit conduire au renversement de cette image. Les hommes semblent de plus en plus exclus de la modernité et tentes par le repli communautarisme qui est le contraire des valeurs universalistes défendues par la M\. La M\ a contribue a la naissance du suffrage universel mais nous avons encore des problèmes avec « l'autre moitie du ciel » qui, dans tous les secteurs de la société avance. Les loges d'adoption puis la création de la Grande Loge féminine de France (1935, 36, 45, 52) ne résolvent pas la question qui mérite de rester ouverte.

La M\ a son mot à dire sur le développement durable : au risque d'être excessif je dirais que développement durable et M\ mènent le même combat : ne pas sacrifier l'avenir au présent en oubliant les leçons du passe, les lois de l'univers par rapport aux nouvelle lois scientifiques que lui imposent les hommes ; rappeler aux techno-sciences qu'elles doivent rester au service de la dignité humaine ; ne pas opposer esprit et matière, réaffirmer la solidarité entre les hommes dans le temps et dans l'espace, tous des êtres humains de même origine sur une même terre : c'est en cela qu'on ne peut pas se passer de la tradition ni des règles, pour réapprendre, aider a apprendre a construire sans faire violence ; réaffirmer que l'utopie n'est pas un luxe mais une nécessite sur le chemin de la parole perdue. Le devoir du Macon n'est-il pas d'avoir la volonte de faire et de dire haut et fort, sans pour autant se déclarer maçon, que nous allons contribuer a changer le monde afin que ne s'applique pas a nous la belle phrase d'Albert Camus : « Alors qu'ils pouvaient tant ils ont ose si peu ».

En cette période ou on célèbre le 275eme anniversaire de la M\ et après 275 ans de progrès scientifique interrompu, il s'agit toujours de comprendre la nature, maitriser les savoirs, administrer les affaires terrestres sans rompre les liens avec le créateur, le maitre horloger, ni en refuser le principe ; l'homme créature et sujet de droit au sein d'un espace de sociabilité, sépare du droit des églises, dispose de la capacité juridique d'atteindre a sa dignité par ses œuvres, c'est un des aspects de la voie Maçonnique depuis 1723. Parce que le Macon est libre et de bonnes mœurs, que le dogme M\ « Ordo ab Chao » pose que l'homme est perfectible et donc la société aussi : « Oser savoir penser par soi même signifie chercher la pierre de touche de l'humanité en soi c'est-a-dire en sa propre raison ». Comme l'écrivait Kant en 1786, est toujours un des fondements de la démarche Maçonnique.

La F\ M\ serait-elle la dernière organisation traditionnelle occidentale qui témoigne d'une interprétation métaphysique de l'univers sous forme symbolique et signifiante et non plus historique et profane, le Macon un éveille permanent et aussi un éveilleur : dire au monde les valeurs née de l'initiation, pratiquer des valeurs morales adaptées au monde dans lequel nous vivons, aider a la recomposition des valeurs de base comme la cellule familiale, le travail et la dignité économique, la citoyenneté et la république. Pouvons nous rester en dehors du combat pour l'être et l'esprit pour donner aux autres, à l'autre - le Macon n'existe que par l'autre – les moyens de s'accomplir naturellement et spirituellement a l'heure du déferlement médiatique par exemple sur les manipulations génétiques.

Maçonnerie, modernité et secret : Le temple est à l’origine un lieu secret protège, un espace entre ciel et terre ou l'augure recueille et interprète les présages ; le temple maçonnique n'est pas un lieu ou siègent des augures ; c'est un lieu de recherche personnelle et collective - l'égrégore - ; qu'est ce que le temple a l'ère de l'espace temps de la 4eme, 5eme, Nième dimension, d'autres mondes et d'autres humanités possibles, nous qui réfléchissons a la fois au temps linéaire et au temps vertical, a l'absence de la 4e lumière, le 4eme pilier, non matérialise, la réalité, l'état non manifeste ou indifférencie, représentation virtuelle de tous le modes possibles de la matière et de la lumière - l'état zéro du vide quantique selon la pensée scientifique moderne- nous qui sommes a la recherche de la parole perdue ?

Qu'est ce que le secret aujourd'hui, question qui traverse le débat des loges comme de ne pas divulguer son appartenance ou parler des rituels et des usages symboliques. Celui qui ne fait que lire une pièce c'est le profane qui entend parler de la vie maçonnique ; celui qui joue la pièce est un peu comme celui qui a décide d'enter en Maçonnerie. Est-il possible de rester silencieux dans la société à l'heure des problèmes de bioéthique ou a l'heure du retour de sectes voire du F\ N\ comme le disait Michel Barat dans le Monde le 9/9/98 p.13 ; « dénoncer ne nous dispense pas de réfléchir sur les causes de l'avancée de mouvement de régression humaine et sociale ». Ce qui ne veut pas dire : je suis maçon donc je sais mieux mais il nous faut témoigner à l'extérieur des valeurs qui fondent notre recherche à l'intérieur ; à l'heure de la deshumanisation du monde, pouvons-nous rester indifférents si nous voulons témoigner que l'évolution de l'être spirituel est plus importante que celle de la société qui s'embourbe de plus en plus dans la matière au nom d'un scientisme qui prétendrait l'avoir dominée.

La fin des distances physiques aujourd'hui révèle l'importance des distances culturelles et nous a fait prendre conscience de la discontinuité radicale entre émetteur et récepteur ; en loge, quand la parole circule, malgré notre tradition et notre rituel, sommes-nous surs qu'elle circule vraiment ? A l'idée largement occidentale que l'information peut passer d'une culture a l'autre, que l'information liée au message présuppose que celui-ci sera accepte, il faut réaffirmer la valeur de la communication qui met l'accent sur la relation et met en question les conditions de la réception ; Une grande partie de ce débat entre tradition et modernité passe par la. La loge et son rituel sont en principe une organisation des distances physiques (et symboliquement métaphysiques) qui permet de révéler et d'accepter les distances culturelles puisque, en loge, il n'y a que des hommes libres.

La société de l'information que nous avons tous rêvée et que finalement nous subissons, est devenue une société du spectacle et des variétés, du paraitre, de l'éphémère ; nous devons réapprendre à communiquer après une période de secret mal compris. Qu'est ce qu'aujourd'hui la transmission d'une tradition orale dans laquelle on sait bien que, pas plus que l'information n'est la communication ou l'échange, la voix n'est pas la parole et que le bruit est encore moins la parole ; la aussi il faut apprendre a laisser nos métaux a la porte du temple - et que la parole n'est pas l'idée derrière le mot. Le faiseur de mots a souvent plus de pouvoir et gagne plus d'argent. Dans notre société, il faut plus que jamais retrouver la parole perdue, c'est a dire rechercher un équilibre difficile entre tradition et modernité ; Nous avons a notre disposition de plus en plus de savoirs mais avons-nous plus de connaissance. Le M\ ne sait ni lire ni écrire, tout juste épeler. Notre modernité, c'est de nous aider les uns et les autres a prononcer la lettre suivante vers la réalisation potentielle du mot ; c'est ce que nous faisons symboliquement et métaphoriquement quand les mots de semestre circulent dans la chaine d'union.

La fidélité à la tradition -écossaise- signifie aujourd'hui pour nous a l'intérieur et aussi a l'extérieur sans ostentation -toujours le problème du faut-il afficher son appartenance maçonnique- tenter de réconcilier Aristote (la science, la raison) et Hermès (l'intuition) pour atteindre a une vision supérieure, un idéal. Grace au G\ A\ de l'U\, nous pouvons essayer de dépasser une conception étroite de l'homme, accepter que chaque culture comporte une part d'universel, tenter de renouveler notre représentation de l'universel qui ne s'oppose pas a la diversité culturelle (nous sommes chacun d'entre nous en loge un fragment de cette diversité culturelle) mais au contraire lui donne tout son sens. Héritiers du siècle des lumières dont l'universalisme était largement européen et français, nous avons pu croire que nous étions la patrie de l'humanité et de l'universalisme ; Aujourd'hui notre modernité en loge qui est aussi une grande leçon d'humilité et de fraternité, c'est de partager avec l'autre cette part d'universel qu'il possède comme moi. A l'extérieur de la loge, c'est accepter la part d'universel de toute culture ; dans les deux cas c'est de toujours se demander ce que veut dire être libre et de bonne mœurs.

Ph\ R\


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