Obédience : NC Loge : NC 01/12/1999


Jean-Baptiste Willermoz

1730 - 1824

Introduction

 
Il me semblait important si ce n'est de rendre hommage, tout au moins de mieux connaître en cette avant dernière tenue avant l'année 2000 de l'ère vulgaire ce constructeur, cet " instituteur " du RER que fut J.B. Willermoz.

Evidemment, la démarche n'est autre que pédagogique .Nous avons connu et connaîtrons encore des travaux autrement plus enthousiasmants et personnels.
Mais il me semble que, après quelques années passées dans cette respectable Loge, les choses ont été faites parfois à l'envers , tout au moins dans un certain désordre, les plus anciens faisant fi bien involontairement des avancées des plus jeunes. Ainsi, nous conversons aisément des M DE Pasqually, des différents rites, et autre Willermoz que l'on ne rencontre que dans les encyclopédies les plus fouillées. Ce travail contient l'ambition modeste de mieux pouvoir mieux appréhender et définir le RER en s'appuyant sur des faits .La place faite à l'interprétation a été réduite à la portion congrue ; Alice Joly fit montre en l'occurrence de beaucoup de rigueur, même si parfois transparaissent un certain engagement et une hauteur de vue un peu plus originale. C'est ainsi que nous pouvons ressentir de sa part une évidente prudence quant à l'approche des thèses martinézistes en général et une indéniable sévérité sur le personnage de MdPasqually en particulier. Son regard sur Willermoz est beaucoup plus conciliant ; si l'Edificateur du RER y est décrit comme un être persévérant et intègre, son ambition personnelle transparaît au fil de la lecture. JBW n'était pas homme à partager le pouvoir ;mais il était tenace dans la recherche de ce qu'il appelait " le Secret " , convaincu qu'il était de son existence caché. On m'a affirmé qu'Alice Joly ne faisait pas parti de notre Fraternité ; il me semble que c'est un avantage puisqu'à aucun moment du livre, JBW n'ait été raillé, voire déformé. Le souci d'objectivité de l'auteur n' a fait que me conforter dans le choix du livre. C'est d'ailleurs le frère Hervé Adamzak, P Maître de la Respectable Loge Le Sillon à l'Orient de Gravelines qui me conseilla cet ouvrage.

Le but de cette planche n'est autre que celui de pouvoir travailler sur notre Rite si beau, le Vrai rite du Voyage dans le Temps. Le RER est le rite Puissant par la capacité de conduire le maçon au rêve , à la spiritualité, à la méditation, à la découverte de son Ego véritable qui, une fois Révélé retourne à la Terre après s'être épanoui auprès des autres Hommes . L'Histoire est donc le passage obligé pour une appréhension plus fine de nos travaux.

La grande question est :
" que devons faire de la Tradition ? Comment la faire évoluer sans attenter à son intégrité originelle ? "

Alice Joly fut l'épouse d'Henri Joly, conservateur de la Bibliothèque de Lyon. Son travail date de 1936 ; ne s 'appuyant que sur les archives généreusement prêtées par les descendants de Willermoz, elle a tracé un portrait précis et clair du fondateur du RER.

Au fil d'un travail de synthèse, je dois avouer que le B Aimé J Baptiste ne laisse pas indifférent et la source d'informations que contient ce livre est tout simplement unique quant à l'approche du RER ; il est l'ouvrage de base de la vie de ce grand Lyonnais.

Plusieurs points seront à remarquer :
Alice Joly ne s'intéresse que très peu et ce à l'instar de JBW aux événements extérieurs : peu de trace de l'Histoire de France du XVIII siècle.
JBW vécut 94 ans ; il a donc survécu à la France de Louis XV , de LOUIS XVI, à la Révolution, au premier Empire et même à la Restauration. Mais c'est comme si les éléments historiques n'avaient que peu d'emprise sur lui ; aucune influence du Temps n'est venue troublé son entêtement, cette persévérance extraordinaire (au sens propre du terme ).

JBW est un homme attachant qui ressemble à beaucoup d'entre nous. Il n'est pas de Haut rang, mais il représente le Maçon qui cherche sans cesse, qui vit des aventures , qui s'enflamme, qui se brûle les ailes avec , il est vrai, un sens de l'ordre et un goût pour le pouvoir assez prononcé. Vous découvrirez aussi un sens aigu pour la diplomatie .JBW sera l'Homme du consensus. Le RER n'est autre que l'Harmonie de pensées différentes, que la réunion de courants divers .
Il n'a qu'un Vrai Désir , du Courage et de l'Intelligence. Le but de sa Vie est la recherche du Secret Maçonnique qui conduira à l'établissement d'une Maçonnerie épurée symbolisant la société parfaite.

JBW avance inexorablement sur son chemin avec beaucoup d'émotions. Il ne peut être Le Modèle pour le Maçon, tant son obstination à chercher ne constitue que sa seule et unique raison d'exister.

Pourtant, Etre maçon n'est pas un état de fait, un don du Hasard ou du Ciel. Nous ne pouvons accepter , et pardonnez moi mes Frères de mon insistance, d'avaler 2 fois par mois notre " Becquée Maçonnique ", sans autre satisfaction que celle d'avoir reçu sans jamais rien donner . Le message de JBW est celui de la persévérance dans le travail et dans la réflexion.
VM, j'ai presque envie d'implorer votre patience, car chacun ne trouvera son plaisir dans ce travail de synthèse, mais à coup sûr enrichira son approche du RER par un voyage aux sources de la FM :. Traditionnelle.
Que le Grand Architecte vous soit en aide pour parvenir au but de vos travaux !

1745 : Claude Catherin Willermoz père, marchand mercier donne son fils Jean - Baptiste en apprentissage à Antoine BAGNION , commerçant en soierie à Lyon. Jean - Baptiste fait partie d'une famille de 13 enfants.
1750 : J B est reçu Franc - Maçon donc à l'âge de 20ans. En 1803, il affirmait qu'à l'époque de sa réception, il n'y avait qu'une seule loge à Lyon. Quel était le nom de cette loge ? Ni Casanova (initié à Lyon ) , ni Willermoz ne nous ont transmis le nom de cette Loge ancienne (Petit Elu ? L'Amitié ? )

Dans ses écrits , il traite avec dédain cette Loge, dégoûté qu'il était de l'indiscipline et de la frivolité qui régnaient dans la F M . JBW était attiré par le désir de suivre une certaine mode de fraternisation entre des membres de sociétés différentes, mais plus que tout un motif plus puissant l'avait conquis :
le prestige du secret maçonnique.
Les premiers rituels apprenaient à l'Apprenti et au Compagnon la Légende du Temple de Salomon (mais aussi l'histoire d'Hiram , le mot de grade Jéhovah que conserve la Bibliothèque de Lyon ).Faut - il rappeler que la fraternité maçonnique était à cette époque avant tout l'idée toute chrétienne que tous les hommes également rachetés par le sang du Christ sont par cela même EGAUX ?

JBW espérait découvrir le Vrai secret, le sens de la parole perdue transmise aux plus dignes à travers les âges. Une révélation devait se cacher sous ces apparences compliquées et quelque part , il existait des Frères qui en étaient instruits. A 22 ans , JBW remplace le VM qui avait quitté Lyon. Epris d'ordre et de sérieux, il fonde en 1753 avec 9 de ses amis " La Parfaite Amitié " (JBW fut élu VM le jour de la ST Jean Baptiste en 1753 ).Forte de 50 membres , la Loge se fait reconnaître en 1756 par la Grande Loge de France sous la présidence du Comte de Clermont. En 1760, les 3 Loges de Lyon ( La Parfaite Amitié (30) , L'Amitié ( 20) , Les Vrais Amis (12) ) s'unirent à l'instar de Paris. Les 3 VM déclaraient fonder une Loge supérieure destinée à garder les archives et à surveiller le bon fonctionnement de l'Ordre dans la région lyonnaise . La Loge prospère sans histoire ou presque ( on note toutefois l'exclusion d'un dentiste nommé Hébert , l'accueil controversé du frère Zobii, Prince héréditaire dans l'Arabie Heureuse qui n'était qu'un aventurier ou l'indélicatesse du frère Legris qui profitait de sa fonction de trésorier pour offrir à quelques individus de basse classe une réception scandaleuse aux grades Symboliques, suivie d'un dîner peu frugal et dirons nous trop fraternel !JBW fut le GM de la Loge Mère pendant les années 1762 - 1763. Il devient ensuite Garde des Sceaux et archiviste.

Il avait le souci de l'ordre, avait (dixit Alice Joly ) une nature double, mélange de réalisme pratique et d'idéalisme mystique.

En 1760, la Grande Loge de Lyon reconnaissait officiellement 7 grades (Apprenti ,Compagnon , Maître , Maître Elu , Maître Parfait , Maître Ecossais et chevalier d'Orient ). En fait , la GL de Lyon déclaraient en connaître 25.La liste contient , après les 3 grades symboliques quelques variétés du grade de Maître : Illustre parfait, Irlandais , Secret, Anglais, Favori, puis venaient les titres d'Elu :

Maître Elu, second grade d'Elu , Elu Suprême .Ces grades illustraient les circonstances de l'arrestation et du supplice de Jacques de Molay . Le cérémonial exploitait la vengeance des Maçons avec " le mauvais goût le plus parfait " (tentures, rubans noirs, accessoires menaçants ou lugubres , poignard, cercueil , cadavres de carton , cœur d'animaux, peinture rouge simulant le sang ).D'autres grades développaient l'histoire du Temple de Jérusalem, leurs rituels attribuant l'Ordre de la Maçonnerie aux successeurs d'Hiram , surtout à ses sages protecteurs et reconstructeurs du Temple de Salomon après la captivité du peuple d'Israël. Descendants supposés des sages israélites, les Fmaçons devaient s'attendre à trouver dans le secret maçonnique quelque trace de la science d'Israël. C'est à ce désir que s'efforcèrent de répondre les " fabricateurs " des rituels dits Ecossais. Les traits les plus caractéristiques recueillies par la F Maçonnerie furent de vagues principes de calcul cabalistique, l'importance attaché au sens symbolique des nombres et surtout cette croyance que le Nom divin, le Tétragramme Sacré était pour l'Initié un instrument de miracle. Le grade suprême était en 1761 celui d Chevalier de St André .

A cette époque , Lyon considérait les révélations alchimico - cabalistiques comme le sommet de la science maçonnique. JBW analyse son état d'esprit dans une lettre écrite au Baron Von Hund ( Steel Maret : Archives secrètes) :
" Depuis ma 1ère admission dans l'ordre , j'ai toujours été persuadé qu'il renfermait la connaissance d'un but possible et capable de satisfaire l'honnête homme. D'après cette idée , j'ai travaillé sans relâche à la découvrir ; j'y ai trouvé nombre de systèmes tous plus singuliers les uns que les autres. "

En 1761, un échange de lettres le met sur la piste d'un mystère à éclaircir : une Echelle symbolique à 7 échelons . La Loge de Metz possédait le secret de la Grande tradition .Les Frères de la Loge de Lyon ne comprenait rien à cet emblème indispensable . JBW va donc profiter de ses relations d'affaires avec Meunier de Précourt qui va lui confier le secret contre un bénéfice simplement matériel. Il lui envoie le catéchisme de grand Inspecteur Elu avec des explications que peu de personnes possèdent ( délit d'Initié ? ).
" …les Francs Maçons sont les descendants des Chevaliers du Temple et plus particulièrement de ceux qui, connaissant le secret du Grand Œuvre ont contribué à procurer à leur Ordre tant de richesses fameuses. JBW avait encore à apprendre que le but de l'ordre était de venger la mort inique de Jacques de Molay. L'échelle mystérieuse que devait gravir le postulant symbolisait les 7 conditions que Philippe le Bel auraient imposées à Bertrand de Got pour le faire pape. L'échelle était présentée comme un symbole moral représentant les vertus que devaient acquérir un Parfait Maçon. La vengeance que l'on devait exercer n'était dirigée que contre un ennemi tout spirituel : le Péché. Meunier de Précourt n'ignorait pas que son secret vînt d'Outre Rhin. Il cite les Chevaliers Teutoniques et les Rose - Croix allemands comme les intermédiaires entre l'ordre du Temple et la F Maçonnerie. Il sait que des Rose - Croix existent encore en Allemagne et qu'ils sont dépositaires de " mille secrets merveilleux ".Le nom de Rose Croix avait vivement excité la curiosité du siècle précédent. Il paraît être tiré de romans moitié philosophiques, moitié romanesques attribués à Valentin ANDRAE , professeur de Tubingue au début du XVII ème. Ces livres décrivaient une société d'hommes sages et parfaits , dépositaires d'une science cachée. En Angleterre et en Allemagne, de nombreux petits cénacles qui pratiquaient l'Alchimie l'adoptèrent ( en France , peu de gens s'intéressèrent sauf peut - être Descartes , avec insuccès ). Pierre - Jacques Willermoz, frère de JBW , s'était dépensé fiévreusement à essayer de faire de l'Or ( beaucoup de déboires et d'échecs ).

En 1766 , des intrigues se développèrent. Des disputes n'empêchaient nullement
La G Loge de France de continuer d'étendre en province sa juridiction sur le plus grand nombre de Loges possibles. Elle s'efforçait de restreindre la prolifération des Hauts Grades. Devant ces prétentions, la Grande Loge de Lyon des Maîtres Réguliers se fâcha. Ils firent signifier par l'Abbé Rosier leur rupture entière. Le 27 décembre 1766, au lieu de célébrer la St Jean d'Hiver, les Maçons en vinrent aux mains. La police mit fin au désordre en interdisant les réunions de la Grande Loge par un Edit. L'interdiction de se réunir fut respectée. En 1767, JBW eut connaissance d'un nouveau système maçonnique. Bacon de la Chevalerie l'entretint d'une société nouvelle. Son chef était un certain Don Martinez de Pasqually qui habitait Bordeaux.

La vérité de la doctrine de M D Pasqually se trouvait démontrée dans des faits réels dont les initiés seraient les témoins privilégiés . Ce phénomène est appelé " Passes ". JBW accepta de faire la connaissance du G Maître de l'Ordre et s'y faire recevoir quel qu'en fut le prix. Il entra donc dans la F Maçonnerie des Chevalier Maçons Elus Coens de l'Univers à Versailles.
L'émotion suffit à convaincre Willermoz (seul à genoux, Don Martinez de Pasqually le prit par les épaules puis versa des larmes de joie sur le visage de JBW ).Qui était ce Don M DE Pasqually ?

Don M de P de La Tour reste un personnage énigmatique. D'après Foratier , il était juif au moins de famille et de culture, bien que dûment baptisé, d'origine espagnole (famille d' Alicante ) , quoique né à Grenoble .

JBW revint à Lyon avec le grade de commandeur d'Orient et d'Occident , ayant accepté la fonction d 'Inspecteur général de l'Ordre. M de P. est décrit assez sévèrement par Alice Joly comme un médiocre grammairien, ne possédant que superficiellement les commentaires talmudiques , l'Ancien testament , les thèmes cabalistiques ainsi que quelques notions d'hébreu, mais ce qu'il savait , il le savait de tradition et l'exprimait avec une conviction entraînante. Il apportait à ces français catholiques du XVIII un écho de la vie mystique des communautés juives, écho autrement original et vivant que les quelques notions décousues qu'ils avaient pu trouver dans les rituels écossais. A Joly le dépeint également comme un homme singulier, capable de ce mélange de spiritualisme et de fallacieuses prétentions, de convictions et de hâbleries, d'orgueil et de petites habiletés qui viennent de son double caractère.

Le but de l'association est purement mystique. Les espérances que M D P apportait à ses disciples sont tout à fait détachés de tout matériel profit. Il se défendait de pouvoir leur donner un autre pouvoir que celui que leur accorderait la miséricorde de Dieu, car par suite de la faute originelle, l'Homme ne peut rien par lui - même et ne mérite que châtiment. Cependant , grâce à une méthode efficace dont il a le secret, il leur apporterait la possibilité de retrouver l'Etat de Gloire pour lequel l'Homme a été créé. L'Homme n'a qu'à Vouloir, il aura Puissance et Pouvoir. C'est un pouvoir total auquel, malgré l'humilité des formules, doivent arriver les Réau - Croix. Ils deviendront des Hommes - Dieu créés à la ressemblance de Dieu et Dieu les inscrira sur ce registre des Sciences qu'il ouvre aux hommes de désir.

En 1768 , JBW se fit recevoir Réau - Croix Apprenti. Après de multiples tentatives destinées à s'élever dans les Hauts grades des élus Coens, à la suite de multiples questionnaires directs destinés à mieux maîtriser le cérémonial, JBW est en proie au doute . M de P se dérobe , évite les précisions, se réfugie dans l'humilité et un semblant d'ignorance ; il évoque un mystérieux chef de l'Ordre des Coens que trop d'insistance risque d'effaroucher et dont il n'est que l'instrument. Pourtant , l'Ordre s'accroît : 5 nouveaux Frères ont à Lyon délaissé la F M régulière. Ils attendaient de JBW organisation et doctrine. Mais ce dernier ne possédait rien et restait livré à leur décevante attente, ce qui l'irrita au plus haut point. M de P avait des dettes. Il fit solliciter mes plus riches de ses disciples afin de pouvoir éviter le Tapage de ses créanciers.
Cette attente de connaissance, c'est Louis Claude de St Martin qui lui offrira de sa correspondance l'occasion de s'y imprégner et de s'y ordonner.
" …La chute originelle a été générale .La révolte des êtres spirituels a précédé celle de l'Homme. Dieu avait créé ceux - ci pour célébrer sa gloire, mais les ayant émanés de lui, il les avait faits distincts et libres et les avait placés dans un premier cercle où ils lisaient clairement et avec certitude ce qui se passait dans la divinité. Cette contemplation ne leur ayant pas suffi à tous , ni le soin des causes secondes qui leur étaient dévolues , certains voulurent égaler Dieu dans leur volonté criminelle. En punition, Dieu créa l'Univers pour être leur prison, " lieu fixe où ces esprits pervers avaient à agir, à exercer , en privation toutes leurs malices ". L ' Univers créé , Dieu émana un être qui devait en être le gardien et le Maître : l'Homme. Venu après les premiers esprits, il leur était pourtant supérieur de par la Volonté divine : Homme Dieu et Réau - Croix véritable.
Il était le maître de l'Univers et de ses 3 parties : l'Univers , la Terre , le Particulier (comprenant tous les esprits terrestres et célestes). L'Homme primitif était donc le Maître des bons et des mauvais anges. L'Homme aussi était libre et fut grisé de sa puissance. Son choix le porta à entrer dans le plan démoniaque au lieu de suivre le plan divin. Son esprit enfanta le mal. Il essaya d'égaler Dieu. Sa prévarication répète celle des êtres spirituels.
Le résultat fut une forme matérielle qui ressemblait à sa forme glorieuse , mais avec le défaut d'être passive et sujette à la corruption. Le malheureux Adam avait , par son orgueil, opéré la création de sa propre prison. La punition ne se fit pas attendre. Dieu le transmua dans cette enveloppe impure qu'il avait créée et ainsi , au lieu de posséder une postérité spirituelle, en associant sa volonté à celle de son créateur, il n'eut qu'une postérité d'hommes impurs et passifs. Il fut aussi précipité du paradis terrestre, couche glorieuse qui était son domaine , sur la terre qu'il dominait autrefois, pour y habiter comme le reste des animaux. Selon M de P , la chute de l' Homme fut possibles parce que Dieu est au dessus des causes secondes et par là au dessus du Bien et du Mal. Don Martinez tient beaucoup à préciser le libre Arbitre de tous ces êtres émanés ; il insiste sur ce thème , car pour lui , l'Homme ne jouit guère que d'un seul pouvoir : sa VOLONTE. La pensée provient à l'Homme d'un être distinct de lui ; si cette pensée est sainte , elle provient d'un esprit divin, si elle est mauvaise, elle provient d'un démon.

Il ne reste à l'Homme que le choix. Quant à l'œuvre de la Réintégration proprement dite dans ses premières " propriétés, vertus et puissances ", elle dépend évidemment tout d'abord de la volonté de Dieu. En accordant à Adam le pouvoir de faire pénitence , en acceptant son repentir, Dieu lui a fait une très grande faveur ; sans cela le malheureux serait resté " mineur " entre les " mineurs démoniaques ". Il lui était permis d'expier et de pouvoir commencer l’œuvre de réconciliation.

Mais la réintégration n'est pas chose si simple. Il faut à l'homme non seulement une volonté bien dirigée dans les sens de la volonté de Dieu, mais l'aide de ses êtres spirituels intermédiaires, puisque le malheureux " mineur " , empêtré dans la matière, ne peut connaître la volonté de son créateur que par personnes interposées. Il lui faut résister aux attaques du démon : ces êtres pervers ont envers lui une conduite atroce ; la forme de l'homme les excite particulièrement, car elle leur rappelle le pouvoir qu'il avait autrefois. Il font donc l'impossible pour que le " mineur " ne retrouve pas une partie de sa grandeur passée, en devenant " mineur spirituel " et par là , leur maître. La religion ; ce moyen de réconciliation doit donc nous mettre en mesure de communiquer avec les esprits purs et dominer les impurs, afin de nous tenir le plus près possible du Créateur. Il y a dans la théorie de M de P. toute une série de réconciliateurs dont les sacrifices furent acceptés par le Seigneur, pour effectuer le Salut du genre humain : Abel , Enoch, Noé, Isaac, Jacob, Moïse , et surtout SALOMON .

Pour M de P., l'avènement du Christ est le point culminant de ces réconciliations successives et que sa religion est supérieure à toutes les autres. Le malheur veut que les hébreux aient, par des apostasies répétées, perdu le sens vrai du sacerdoce , et que les prêtres chrétiens , tout comme les prêtres israélites, soient en train d'en faire de même et d'oublier la religion de l' " Etre Régénérateur Universel ". M de P. considère en effet que seuls , quelques sages ont le monopole de la vraie religion. Ils sont élus par le seigneur pour la conserver et la transmettre par tradition secrète. Il se disait lui - même Elu. La doctrine de M de P. comprenait une arithmétique et une géométrie mystique qui permettait au Coen de se guider dans le monde des apparences. L es formes matérielles du monde ne devaient être pour lui qu'un aspect trompeur dont la science secrète de son maître décrivait la réalité toute immatérielle. Une cosmologie très précise dessinait même le tableau de l'univers imaginaire où s'était passé le drame de la chute des esprits purs et celle de l'homme où se situait à présent l'œuvre de la réintégration. Il se divisait en 4 zones principales :
1) l'Immensité Divine
2) l'Immensité surcéleste
3) l'Immensité céleste
4) l'Immensité terrestre

Le soleil, la lune, les planètes étaient réparties en différents cercles plus ou moins loin de l'Immensité divine, selon la vertu ou la malignité des esprits qui y habitaient. Ce système complexe, quel que soit son originalité propre, vient des travaux occultes juifs, comme ces commentaires de la Bible viennent du Talmud. C'est une religion étrange qui empruntait les plus antiques traditions et les combinait avec les nouveautés à la mode de la F Maçonnerie.

JBW ne s'en détachera jamais. Il avait espéré en cette révélation avant de la connaître. Certes, pour une part modeste, il contribua à la faire naître en insistant pour recevoir écrites, codifiées, transformées en corps de doctrines, les vaticinations de Don M de Pasqually de la Tour.
Mai 1772 : M de P. quitte Bordeaux pour St Domingue espérant récupéré une donation très importante. De l'autre côté de l'Atlantique, il envoyait toujours conseils , directives , promesses de manuels d'instruction. Avant de partir, il avait délégué son pouvoir à Bacon de la Chevalerie qui procédera à l'Initiation de 5 nouveaux Réau - Crois supérieurs dont Louis Claude de St Martin et JBW.

Ce dernier se désintéresse de plus en plus de la doctrine des Elus Coens .
Un net regain pour la F M régulière se fait jour (retour aux sources ). Pour JBW, le temple des Elus Coens restait une petite chapelle construite sans ciment. JBW rêvait de plus amples édifices et de plans mieux conçus. Justement, après la mort de son G Maître, les partis ennemis s'étaient réconciliés (pour la petite histoire , c'est le futur Philippe Egalité qui accepte la nomination).
Le 15 avril 1772, la G Loge des Maîtres Réguliers se réunit. C'est une résurrection. JBW reprend son activité d'Archiviste et de Chancelier. Les députés représentants la Loge de Lyon à Paris sont 2 de ses amis : l'Abbé Rosier et Bacon de la Chevalerie. JBW aura une très grande influence dans les griefs et aspirations transmises par les 2 Frères au sein du Grand Orient qui commençait sa carrière. La préoccupation de JBW de trouver la société la meilleure dans le meilleur des mondes maçonniques possibles est si vive que certainement il devait se sentir inquiet de revenir, avec ses amis au sein d'une société, dont il blâmait le peu de sérieux, la frivolité , le vide. Aussi se jette - il plein d 'espoir dans une correspondance avec la Loge de La Candeur de Strasbourg qui attire l'attention, en Allemagne , d'une forme maçonnique qui avait tous les avantages et toutes les perfections. 200 loges au moins, au nord de l'Allemagne, bien recrutées et bien disciplinées, s'étaient astreintes à un travail de plus de 10 ans pour perfectionner leur société (princes hommes de talent ). JBW a 42 ans ( le meilleur des âges certainement) ,et il va s'empresser de demander son affiliation. Mais ces informations de la Loge de Strasbourg s'avéraient inexactes (80 loges seulement, pas de princes allemends) Pourtant JBW est enthousiaste et écrit au Baron Von Hund G Maître de l' Ordre de La Stricte Observance. Ce dernier ne lui répondra qu'au bout de 3 mois ou plutôt Weiler ( homme prudent ; tout le contraire d'un esprit sentimental et mystique ). La lettre, outre les conditions drastiques quant à l'autorisation d'affiliation comportait suffisamment de précisions sur le but que se proposait de rétablir l'Ordre, " sans charlataneries ", celui de rétablir l'Ordre du Temple de Jacques de Molay.

Vexé de tant d 'arrogances, JBW n'entendait pas être traité aussi cavalièrement pour un si mince avantage. Il écrivit une longue lettre le 10 avril 1773 où il formulait son indignation. Pourtant, il s'efforça d'accélérer les formalités. Le F Weiler lui adressa toutes sortes d'explications rassurantes : le but de la réforme allemande sous le nom de la Stricte Observance devait s'accorder on ne peut mieux avec les devoirs de chacun, quelle que fût sa religion, son souverain , sa loi sociale et ses devoirs d'état. Elle ne tendait qu'à assurer le bien - être des individus. En juillet 1774 , après bien des problèmes, la Loge lyonnaise de la Stricte Observance vit le jour. JBW ne se désintéresse pas pour autant de la doctrine des Coens, qui en dépit des apparences reste l'affaire majeure. Il reste d'ailleurs un Réau - Croix très zélé, s'occupant activement de ses disciples. Le seul point noir reste l'impossibilité de réussir les " passes " qui l'assureraient de sa réintégration et de ses qualités de " mineur spirituel ".Cet insuccès lui ôte toute assurance. Depuis un an maintenant, Louis Claude de St Martin a pris pension chez JBW. Il y écrira " des erreurs et de la Vérité " sous le pseudonyme du Philosophe Inconnu. Les 2 hommes cohabiteront en toute harmonie.

JBW, fort peu doué pour l'Illumination Intérieure et la méditation, plus capable de juger les faits que les idées, est attaché d'une façon toute formaliste à la doctrine de Don Martinez…,mais son tempérament actif, organisateur, son amour de la perfection, lui font rechercher un système mieux ordonné, plus puissant qui formera pour sa foi un cadre idéal. Il mène de front des projets divers , parce qu'il désire grouper le plus grand nombre de maçons possible dans le meilleur des mondes maçonniques. St Martin n'avait le souci ( dixit A Joly ) que de lui - même. En vrai mystique, il n'était véritablement intéressé que par ce qui pouvait contribuer à enrichir sa Vie Intérieure.

Juillet 1774 : Weiler arrive à Lyon pour entreprendre la rectification, selon les rites allemends, du groupe de Frères que JBW avait réunis (20 frères = 17 séances en 1 mois ).Les F. reçurent leur nom d'ordre en latin (mode de l'époque de tout latiniser), avec des armes, une devise et une inscription latine (JBW = Baptista ab Eremo ).Le repas se fait sous la forme d'un rituel précis ; Weiler compliqua à plaisir la discipline qu'il imposait aux néophytes lyonnais ;il avait compris dès ses premières lettres cet amour de l'ordre qui va jusqu'à la manie de son disciple de Lyon. Le 10 Août JBW est initié dans l'Ordre de La Stricte Observance Templière. Le 20 septembre , M de Pasqually meurt à ST Domingue.

Après le départ de Weiler, JBW se voit le nouveau Maître des destinées de l'Ordre dans le vaste territoire qui lui était confié ; il répondait à cette ambition secrète, ce désir d'augmenter son influence personnelle, à ce goût de diriger qu'il dissimulait aux autres comme à lui - même , sous les dehors d'une humilité appliquée. Tout était à créer ou presque : son activité inlassable pouvait se donner libre cours. On donna à la Loge le nom de " Bienfaisance ". Seulement, la " Bienfaisance " n'a qu'une existence fictive ; elle fonctionnait mal, les réunions étant très rares et peu suivies. JBW déplorera cette indifférence lamentable et dessinera de sa loge un tableau assez piteux. Les réunions étaient rares et peu suivies. Les devoirs de charité et d'Aide Sociale étaient le but ostensible de l'Ordre (Ordre des Hospitaliers ).Malheureusement, il y loin de la théorie à la pratique ; le 25 juin 1775, les Frères, pour palier aux différents manques de solidarité se contentèrent de nommer un Frère Elémosynaire. L'argent leur faisait défaut. Les frais de réfectoire étaient lourds, les frères négligents manquaient le repas sans prévenir (dixit dans le texte ), certains oubliaient de payer leurs cotisations…Bientôt, JBW va se brouiller avec Louis Claude de St Martin qui vivait sous son toit depuis 2 années. Ce dernier ,qui fut le véritable Maître à penser de JBW et également un très grand écrivain (le Philosophe Inconnu : livre de haute volée littéraire :L' Homme de Désir ), lui reproche sinon une demi - trahison à l'Ordre des Elus Coens . N'en était ce pas , en effet que de donner à l'enseignement Cohen une dimension maçonniquement œcuménique. Car c'est bien à cela que JB Willermoz va s'employer .

Martines de Pasqually avait entendu fonder une société ésotérique indépendante, exclusive, non pas un rite maçonnique proprement dit destiné à englober le plus grand nombre possible de loges. Il n'avait pas recherché l'alliance des systèmes écossais, pourtant florissants. Il n'avait élaboré aucun scénario relatif à la manière dont ses connaissances étaient parvenues jusqu'à lui .Mais Willermoz aspirait à une place de choix dans la Maçonnerie ésotérique dont tout l'enseignement symbolique ne fait qu'illustrer la théorie martinésiste, c'est le Rite Ecossais rectifié.

Willermoz réunit en un convent, dit convent des Gaules (Lyon 1778 ), les 3 directoires français rectifiés à l' Allemande, pour leur demander d'homologuer son nouveau rite. Tous trois se trouvèrent pratiquement en marge du contrôle de la Stricte Observance Templière. Le RER gagna tout de suite un nombre grandissant de maçons : dans les 4 années qui suivirent , il fit des progrès en Suisse, en France, en Italie. Au mois de juillet 1782, un grand convent maçonnique se tint à WILLEMSBAD, dans la Hesse ; il adopta globalement le RER. Mais pour des raisons diverses, certains grades ne furent définitivement rédigés que sous l'Empire (1808 1809 ). Le convent de W. dépassa en importance le cadre maçonnique pour influer sur l'histoire des idées politiques, philosophiques et religieuses dans la seconde moitié du siècle en Europe.

A la fin du XVIII e siècle, le RER pénétra en Allemagne, mais dans quelques Loges seulement ; Il eut également une grande influence en Russie où il est appelé " martinisme " en raison des ressemblances avec la doctrine de MD Pasq.

A la mort de JBW (1824 ), les membres du RER se dispersèrent et disparurent peu à peu, mais d'autres en Suisse, reprirent sa tradition. Une étude attentive de l'histoire de notre rite à travers le XIX siècle et le XX siècle montrerait comment des homme ont voulu rester fidèles aux principes spiritualistes et au symbolisme de la F M Mystique, malgré une politisation favorisée par l'unification maçonnique, sous l'égide du Grand Orient, dans les premières années du siècle.
Le RER qui s'était surtout maintenu en Suisse, où il est toujours solidement représenté, fût réveillé en France grâce à Camille Savoire et Edouard de Ribeaucourt, ce qui aboutit à la constitution d'une obédience nouvelle, qui prit le nom en 1945 de G loge Nationale Française.
A la suite d'une scission fut créée, une autre GLNF dite Opéra.

Esprit formaliste, plus capable de juger des faits que des idées, Willermoz ne fut pas dépourvu de vanité ni d'ambition. Toutefois, on peut dire qu'il atteignit une assez haute spiritualité et que sa largeur de vue était peu commune. Il se montra doué autant pour la méditation et pour l'illumination Intérieure que pour l'organisation ou l'administration. La révolution a failli être fatale à son œuvre ; mais on le considère toujours comme l'un des plus grands personnages de l'histoire maçonnique. Le symbolisme du Temple de Salomon, auquel Willermoz a conféré une des plus belles significations dans l'Occident moderne , demeure la pierre angulaire de son œuvre philosophique.

J'ai dit. 

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