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Socrate


En –470, au dème (bourg) d’ALOPECE (près d’Athènes), un enfant nommé SOCRATE naît d’une mère Sage-Femme, et d’un père Sculpteur. Il reçut l’ éducation classique de son temps : gymnastique, musique, école du grammatiste…    Par contre a- t-il suivi un enseignement philosophique ? c’est peu probable…
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Vivant au « siècle de Péricles » (le plus brillant d’Athènes), il fût contemporain de Sophocle et de Euripide (que Socrate appela toujours compagnon) pendant les 66 ans de sa vie, et connût à la fois la grandeur, et la décadence de sa patrie.
Physiquement : il était très laid… chauve, le nez épaté : il ressemblait à un satyre. Ce visage était d’autant plus choquant pour les Athéniens, que pour eux, la beauté physique était symbole de beauté morale.

Marié à Xanthippe, femme acariâtre, il eût 3 fils.
Soldat aussi brave que singulier, il sauve Alcibiade à Potidee en 432. C’est au cours de cette expédition qu’on le trouve un matin, immobile, debout près du camp, tel une pierre levée . Le soleil de midi s’incline devant cette méditation ; la journée passe. Vers le soir, les hommes s’assemblent pour prendre le frais, et observer le phénomène. A l’aube, Socrate n’a pas bougé ! Un peu plus tard, sa prière faite, il se retire.
(Lors d’un autre combat, en 424 à Délium, il sauve la vie à Xénophon.)

Mais c’est à Athènes qu’on le rencontre le plus souvent : pieds nus, il parcourt les rues. On le voit partout : à la palestre (lieu de sport), au marché, partout où il y a des hommes. Quelques jeunes gens le suivent, l’écoutent. Il dialogue.
Les bourgeois y reconnaissent parfois un de leurs fils et sourient. Que peuvent bien leur faire les propos d’un rêveur qui, non content de vivre sans argent, affecte de n’en point vouloir… Tout l’opposé des sophistes ! Eux, ils en réclament toujours plus….
Son enseignement n’a rien d’une école philosophique, son « école », c’est l’agora, la place publique où il se promène aussi bien au milieu des petites gens que des aristocrates. Tous les problèmes de la vie sont pour lui sujets de méditation. Oisif, il va, répétant que les Dieux lui ont donné la mission d’éduquer ses contemporains. Pauvre, puisque refusant d’être payé, opposé aux principes des sophistes (« marchands de sagesse »), vraiment très oisif, il ne refuse pas pour autant d’exécuter ses devoirs de citoyen. (on l’a vu courageux au combat)

Dans sa vie civile, il fait souvent preuve de courage. Il refuse de condamner en bloc les généraux qui n’avaient pas recueilli les corps des naufragés à la bataille des Arginuses (406), et, en 404, sous la tyrannie des Trente. Il critique même ouvertement les exécutions sommaires ordonnées par ceux-ci, et refuse de participer à une arrestation.   Le courage de Socrate s’allie à une maîtrise de lui-même en toutes circonstances. Il n’est jamais ivre (même en buvant beaucoup !), ne se met pas en colère, supporte avec flegme injures ou critiques. Il suscite par là admiration auprès de ses disciples ; mais, cette attitude et ce caractère vont déclencher une notoriété pleine de jalousies et d’envies pour ses détracteurs.

SOCRATE n’est pas un philosophe professionnel, c’est un Athénien moyen, n’ayant guère voyagé. Il se promène et parle à tout le monde. Il intervient dans les discussions, questionne les gens, quels que soient leurs conditions, leurs âges, leurs métiers.
Il n’a pas de préférence, son attitude est fraternelle envers tous.
Contrairement aux sophistes, philosophes, que l’on va écouter, lui : il va à la rencontre des personnes, c’est lui qui sollicite les entretiens et les débats.
Il dit souvent qu’il ne sait qu’une chose, c’est… qu’il ne sait rien !

Comme le précepte inscrit sur le temple d’Apollon à Delphes « connais-toi toi-même » il est persuadé que pour accéder à une conscience, à une autonomie personnelle, à la connaissance de ce qu’il y a d’essentiellement vrai, nous devons être seulement face à nous-même.

Pour Socrate , nul n’est méchant volontairement : le méchant est celui qui ignore le bien, qui ne sait pas reconnaître la vertu à travers les visages divers qu’elle peut prendre. Il essaye donc d’enseigner à reconnaître la vertu et le bien : c’est au moins le désir de chercher à les connaître !
Tous les faux semblants sont dénoncés par lui.
Peut-être que de par sa mère Sage-Femme il détient « l’art d’accoucher les esprits », et de par son père Sculpteur, il a le goût de donner forme… Cet art de faire venir à la lumière de la vérité, Socrate l’appelle : la Maïeutique.

Difficile de cerner la révolution intellectuelle socratique. Toutefois, ses entretiens troublent, et son insolente ironie railleuse ne le font pas aimer de tous !
Dans la parole non écrite, se profile la philosophie qui, pour la première fois, atteint sa plénitude et manifeste son pouvoir.  Le dialogue socratique (jeu progressif de questions nommé dialectique) donne une sorte d’essence à la philosophie : cette recherche commune où le Maître forme l’élève, et réciproquement. Elle dissipe les fausses querelles. Comme l’Amour, la Philosophie est une réalité médiatrice.
Socrate pose aussi la question de la mesure : que convient-il d’apprendre et d’enseigner ? Sa réponse sera « le cheval vaut mieux que le mors » : donc, « l’éducable » vaut mieux que les moyens dont on le dote.
C’est la naissance de ce que les « modernes » nommeront être soi-même, son propre éducateur.
Avec Socrate le problème éthique sera au centre des préoccupations d’une philosophie qui se découvre une vocation à l’universalité, et cela rompt avec celle des penseurs précédents.
C’est son essence du bien

L’homme en général, confond souvent le plaisir immédiat avec le bonheur. Le bonheur suppose la médiation de l’effort, de l’exigence, et de la raison. L’homme est bienveillant, mais aussi il est malfaisant : il est souvent plus bête que méchant…C’est pourquoi l’éducation tient une place  très importante chez les Grecs, ainsi que chez Socrate. Eduquer l’homme, c’est le forcer à se détourner de l’attrait artificiel des moyens pour le concentrer sur la fin : le bien.

N’acceptant aucun compromis ou compromission, n’obéissant qu’à sa voix intérieure  qu’il appelle son « démon », Socrate ne s’accommode guère de la vie politique, et veut avant tout sauvegarder sa liberté d’esprit. Cette attitude le perdra.
Il fait bientôt figure de suspect. Son nez camus, sa face oblique, son ironie décapante, son regard de taureau, son ventre proéminent, sa barbe hirsute, sa pauvreté, tout devient occasion de scandale. La rancune, la haine, la mauvaise foi vont réunir 3 complices : Anytos, Mélitos, et Lycon. Ensemble, ils vont rédiger l’accusation : « Socrate est coupable de ne pas croire aux Dieux que reconnaît la République ; il est coupable d’en introduire de nouveaux dans la Cité ; il est en outre coupable de corrompre la jeunesse. Punition : la mort ! »

Le contexte de la guerre du Péloponnèse et les désastres d’Athènes aidant, il fût considéré comme un opposant à la Cité.

Le tribunal compta 556 juges. Pour se sauver, il eût fallu plaider, gémir, crier, pleurer…
Des avocats se proposent, des amis interviennent. Socrate décline tout. A cette foule qui veut l’aider, il parle de son même ton tranquille. Qu’a-t-il besoin de s’inquiéter puisqu’il ignore si la mort est un mal ou un bien ?!  Et il le dit. Les juges, eux s’alarment, et le déclarent coupable par 286 voix contre 275 innocent. (peut-être des philosophes…..). Dur : la justice et la vie ne tiennent parfois qu’à très peu de voix d’écart….
Socrate peut encore choisir sa peine. Mais n’a t-il pas le front de réclamer qu’on le nourrisse au Prytanée (édifice où étaient servis de somptueux repas)… ?!

L’indignation est à son comble. Il est condamné à mort (-399) pour accusation d’impiété envers les dieux, corruption de la jeunesse, et opposition à la Cité. Condamné à boire la ciguë.
Un mois durant il peut voir ses amis dans sa prison. De toute part on le presse de s’enfuir : il refuse. Le 30ème jour, la consternation accable tous les cœurs. On sanglote, on pleure, on crie : à chacun Socrate adresse une parole de consolation, puis, sereinement, approche la coupe de ses lèvre en promettant à ses juges un châtiment beaucoup plus pénible que le sien : celui de voir croître ses disciples ! (récit du procès dans l’Apologie de Socrate de Platon)
A ses amis, ses disciples, il leur assure l’immortalité de l’âme.
A titre posthume, les Athéniens lui consacrèrent une chapelle…. A lui qui toute sa vie durant avait été contre les chapelles du petit peuple…dernière ironie.

On peut donc affirmer aujourd’hui que Socrate fut, dans l’histoire, le point de départ du progrès de la pensée par le dialogue.

Sa quête de la vérité et de la connaissance de l’homme nous concerne toutes. Elle avait pour objet de mieux connaître l’homme pour créer des techniques qui pourraient le diriger, ou le régenter, mais qui conduiraient chaque individu à méditer sur l’âme… et par conséquent le bien : en remettant sans cesse en question les idées reçues. C’est ce que l’on appellera le doute socratique.
Mais il incarnera à jamais le mythe du « philosophe assassiné » qui avait bâti sa philosophie sur le dialogue, l’ironie, et la maïeutique.
Pourtant : une vie où l’on ne pourrait pas s’interroger serait-elle vivable ???

M\ S\

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