GLDF Loge : NP 08/01/2009


Les Enfants de la Veuve
ou le mythe de la mort et de la renaissance

Je pense, mes T C F V\M\ que cette dénomination vous a quelque peu intrigué à un moment donné de notre parcours initiatique ? en ce qui me concerne ce fut le cas ; alors ce soir, je vais essayer en toute humilité de traiter ce thème à travers deux mythes : ISIS épouse D’OSIRIS, et MEDEE la magicienne.

Mon travail se décompose en 3 parties :
1 -Evocation du sujet à travers la légende d’Hiram.
2 -Isis et Médée, et à travers ces deux mythes, la symbolique de la mort et de la renaissance.
3 -une réflexion  sur la mort.

Le mot « Veuve », vient du latin « Vidua », qui signifie vide, privé de.
Le mot « vide » a le sens d’espace et non de néant.

Chez les grecs, le surnom de veuve était attribué à Héra, devenue Junon l’épouse de Jupiter chez les romains.

Dans le monde profane, les fils de la veuve, désigne des enfants qui ont perdus leur père. L’absence de père semble récurrente dans les mythologies et les religions ; pas de présence  paternelle dans l’histoire de Myrtha, Krishna, Sargon  ou Moise.

La veuve désigne symboliquement la Maçonnerie, dont les membres sont appelés « les enfants de la « veuve », la F M\ est veuve d’Hiram, et les F M\ sont ses enfants orphelins.

Mais la »Veuve », est caractérisée  par un « voile noir », elle symbolise alors les ténèbres inhérents à l’espace, c’est la raison pour laquelle, les Maçons sont simultanément « les enfants de la Veuve, et les enfants de la lumière, ils sont aussi les enfants du monde des ténèbres ;   mais au sein de ce monde, ils se manifestent comme enfants de la Lumière.

Il est dit d’Hiram, dans le livre des Rois, qu’il était lui-même le fils d’une veuve de la tribu de Nephtali : ce qui pourrait justifier l’allusion !
Le veuvage recouvre toutefois, une signification plus profonde, caractéristique de la tradition initiatique occidentale, dont les racines remontent à la plus haute antiquité.

3000 ans avant JESUS-CHRIST, à la période de la civilisation de DJEMDET- NASR dont les historiens reconnaissent l’influence sur toute l’Asie centrale, ainsi qu’en Egypte, une légende rapportait l’existence d’un roi fabuleux, DOUMMOUZI ou TAMMOUZ, amant ou époux de la déesse-mère, qui mourrait en même temps que la nature, et renaissait trois jours plus tard.            

A l’instar des nombreux mythes agraires similaires, le drame d’Hiram peut donner lieu à une interprétation astronomique : Hiram serait le soleil, l’Acacia représenterait la nouvelle végétation engendrée par la renaissance du soleil.                                                                            

En décembre le soleil hivernal paraissant descendre dans le tombeau, la nature est veuve de son époux, de celui-ci dont elle tient chaque année sa joie et sa fécondité.
Ses enfants (enfants de la veuve, aussi appelés enfants de la nature ) se désolent, ils deviennent enfants de la lumière lorsque le soleil réapparaît. La nature constitue l’archétype de la veuve, nul n’a besoin d’être initié pour savoir, que de la semence du grain résulte la récolte du blé.

Pour que les mystères aient un sens profond, dont la compréhension exige l’initiation, il faut que l’allégorisme ait subit la transformation en symbolique mythique, chargée d’une secrète signification psychologique que je vais aborder par le biais du thème de la veuve. 
La veuve recouvre tout à la fois, les concepts de vie et de mort.
Elle contient le secret de la vie  même recroquevillée dans les ténèbres du désespoir d’avoir perdu son époux ; mais elle connaît aussi le secret de la mort, et n’hésite pas à donner la mort à ses enfants avant de les régénérer et de les faire renaître.

Pour éclairer ces deux concepts de mort et de renaissance, je vais développer ces thèmes à travers deux figures symboliques qui illustrent mon propos.
La Déesse ISIS, considérée par les anciens comme la Déesse de la fertilité, et la déesse des initiations, épouse d’OSIRIS dont l’assassinat a sans nul doute servi de modèle au mythe d’HIRAM, et d’autre part, la magicienne Médée, porteuse de mort.
                
ISIS, DEESSE DES INITIATIONS

Un peu d’histoire mes Frères : Ra devenu vieux avait choisi son fils ainé pour lui succéder. Celui –ci  s’est révélé un excellent souverain, apprenant aux hommes l’agriculture, transformant les nomades en sédentaires.
SETH, frère jaloux d’OSIRIS, décide de l’assassiner au cours d’un banquet et de l’enfermer dans un sarcophage qu’il jettera dans le Nil.  SETH règne par la terreur et la violence, ISIS,veuve se met en quête du sarcophage. Aidée par sa sœur NEPHTYS, elle retrouve le sarcophage échoué près des cotes d’Asie mineure, protégé par le tronc d’un acacia.( nous sommes déjà dans la symbolique.)
Pour empêcher ISIS de le ressusciter, SETH découpe alors le cadavre en morceaux qu’il disperse sur toute l’EGYPTE.
A force de patience, de persévérance et d’obstination, ISIS rassemble les morceaux épars, mais ne retrouve pas le phallus, elle reconstruit le corps de son époux, ajoute un appendice fabriqué avec du limon et de la salive, se transforme en faucon femelle, se pose sur le corps, et le Dieu mort la féconde.
L’opération alchimique accomplie, ISIS met au monde HORUS celui qui prendra soin de son père, celui qui rétablira l’équilibre.
ISIS est représentée portant un trône, symbole identifié à la science divine, le hiéroglyphe d’OSIRIS est formé par un trône surmonté par un œil : OSIRIS a le pouvoir de voir, donc de créer, les deux époux sont complémentaires, ils forment les deux polarités d’un principe unique.

L’essentiel du mythe Osiriaque, tient dans la séparation et la possibilité de réunion, c'est-à-dire la possibilité de renouveler la création, le mystère, c’est l’union du corps (Osiris) et de l’esprit (Isis) qui est reproductible tant que les rites appropriés sont célébrés.
L’esprit sans matière n’est pas créateur, la matière sans esprit est chose morte : la réunion des deux est la vie.
N’est-ce pas la fonction de l’initiation d’opérer ce nécessaire mariage ?
N’est-ce pas également l’objet de l’initiation maçonnique ?   insuffler l’esprit maçonnique dans la matière inerte du profane, afin de le recréer en être de lumière et le faire entrer dans le corps symbolique d’HIRAM ?
A la lumière du mythe Osiriaque, le mythe fondateur de la F\M\ nous dépasse, l’état de veuve met l’accent sur l’aspect mystérieux de la création, et déroute notre capacité de compréhension, la veuve est inaccessible, elle représente le Temple à la construction duquel nous travaillons, à la fois but et moyen, qui nous permet de rentrer dans le mythe, dans la réalité de l’initiation, les initiés sont comme autant de morceaux épars d’Hiram qu’il leur faut consciencieusement rassembler, en respectant les rites, pour recréer le Maître, qui s’apparente à l’homme primordial, universel ou cosmique.

Nous faisons partie du corps des maitres, nous avons expérimentés le processus de transmutation, mais il faut abandonner l’idée d’être maître de quoi que ce soit, mais vivre avec humilité les devoirs de la fonction, aucun de nous ne pourra prétendre devenir à lui seul HIRAM, tout F M\ doit se considérer comme une réincarnation du Maître Architecte HIRAM, la maîtrise s’incarne dans ce démembrement.
           
La veuve est la mère. Lorsque nous sommes en danger, nous sollicitons son aide. Nous sommes nés par cette mère, et c’est elle qui nous a donné la conscience de la vie, et la vie en conscience.
Nous ne sommes pas nés de son ventre, mais de sa puissance spirituelle, c’est cette puissance qui nous nourrit.                               

La veuve donne l’impulsion, afin que chaque Maçon aille au bout de son chemin, s’insère au mieux dans le temple, et que tous ensemble nous servions à l’accomplissement de son œuvre.

De la qualités de nos quêtes individuelles, de l’accomplissement des obligations et devoirs qui nous incombent en tant qu’initiés, dépend la réalisation de l’œuvre de la veuve, elle nous pousse à aller au plus loin dans la réalisation de notre développement spirituel, la veuve met à l’épreuve le désir de l’initié.

Abordons maintenant le mythe de MEDEE, porteuse de mort

MEDEE est fille d’AETES, roi de Colchide, lui-même fils du soleil, le roi AETES possède une toison d’or fabuleuse qu’il fait garder par un dragon.
Le héros grec JASON doit conquérir la toison d’or pour retrouver son trône, AETES refuse de lui donner la toison s’il n’accomplit pas des exploits qui semblent impossibles à un simple mortel.
MEDEE lui apporte son aide en échange d’un mariage, elle lui apprend comment réussir les épreuves et s’emparer de la toison.
Lors de leur fuite ; elle fait tuer son frère, le coupe en morceaux qu’elle jette un à un du char qui les emporte, afin de retarder AETES qui s’arrête pour ramasser les débris de son fils.
De retour en Grèce, Jason ne retrouve pas son trône. Pour le venger MEDDE assassine PELIAS, le méchant oncle de Jason, ACASTE, fils de PELIAS, jure de venger son père.
Le couple en fuite avec les enfants est accueilli à Corinthe chez le roi CREON.  ACASTE menace de bruler la cité si le roi protège la criminelle, CREON propose à JASON de lui faire épouser sa fille, et bannit MEDEE, qui pour se venger offre à la nouvelle épouse des cadeaux maléfiques qui s’embrassent au soleil, le roi et la fille meurent brulés.
MEDDE tue les fils qu’elle a eus avec JASON, et s’envole dans un char ailé, le char de son ancêtre le soleil.
Que n’a-t-on pas dit de MEDEE !  femme jalouse et vengeresse, monstre infanticide, profondément inhumaine.
Pris à la lettre, le drame de MEDEE est épouvantable ; mais sous l’angle initiatique, il prend une toute autre signification : MEDEE aurait initié JASON, puis son beau père.
MEDEE chassée comme une sorcière par ACASTE, trahie par JASON, mais ayant transmis les secrets de l’initiation à ses enfants.

Selon certaines sources, MEDEE aurait été la fille d’HECATE (déesse de la mort et de la magie)et la nièce de CIRCE ?
MEDEE possédait un chaudron de résurrection semblable à celui de la déesse celtique BRANWEN qui faisait bouillir les morts avant de les faire renaitre.

MEDEE a été caricaturée en sorcière sanguinaire et hystérique, ses agissements devenus incompréhensibles passaient pour des actes de folie meurtrière commis par excès d’amour.
           
Pour la petite histoire, avec la SVEGLIU CALVESE A FILETTA et Yves LASNEC metteur en scène, nous avons produit MEDEE au théâtre de Bastia,il y a une dizaine d’année ; je puis vous assurer mes frères que MEDEE dans cette pièce de théâtre était tellurique.

L’idée de la mort dérange, dans tous les psychodrames, il est dit que la joueuse est la vie, que la faucheuse est la mort, annonce sournoise et sourde de l’irrévocable, qui guette au loin, dans la froideur de l’éternité, avant d’arracher  sans cri, ni chuchotement, son du, à l’insu de tous.                                                                                          

Les divinités qui commandent la mort sont habituellement perçues comme des prédatrices, nous autres F\M\, ne serions probablement pas mieux perçus par les profanes, tout au long de notre initiation nous rencontrons la mort, tout au long de notre cheminement nous sommes incités à mourir, pour être initié il faut mourir pour atteindre notre moi profond, pour nous accomplir spirituellement et construire le temple, nous devons mourir.                   

La F\M\ nous apprend que la mort ne doit pas nous terrifier, qu’elle n’est pas l’opposée de la vie, que nous devons cesser de fonctionner dans le champ du connu pour aller plus loin, que nous devons accepter l’inconnu pour nous dépasser, accepter de ne pas durer indéfiniment, pour mieux nous détacher de l’inutile et du superficiel.

L’initiation nous a fait expérimenter dans notre chair et notre esprit, le renouveau créateur et inconnu de la fin, de ce que nous croyons- être, c’est chaque jour que nous devons mourir ; car ce n’est que lorsque nous mourrons, que le réel peut être connu.
Pour que la veuve puisse ressusciter HIRAM, il nous appartient de mettre fin à chaque attachement intérieur, à une sécurité psychologique, à tous les souvenirs que nous avons accumulés, emmagasinés, et ou nous croyons puiser notre sécurité et notre bonheur.

La veuve nous donne t’elle des indications sur la mort de notre être de chair, et sur le monde de l’au-delà ; chercher une relation entre la vie et la mort, un pont entre le continu et ce que l’on imagine exister au-delà ?

J’ose croire cependant, que vivre la maçonnerie me permettra d’envisager sereinement, le moment venu, ce qui finalement apparaît comme une ultime initiation.

Profanes, nous avons accepté l’inconnu que représentait notre initiation maçonnique, initiés, il me semble que nous devons accepter l’inconnu dans lequel nous plongera notre dernier souffle.
  
Très Vénérable Maitre\ et vous tous V\M\ j’ai dit
J\B\ G\
 
Bibliographie :                                                                                      
Le mythe d’Isis et d’Osiris.                                                                             
Les mythes Egyptiens.
Médée la magicienne( Valérie Sigward).
Réflexions sur la mort.

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