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Matérialité Maçonnique Féminine

V.M., Le sujet qu'il m'a été donné de traiter est la matérialité maçonnique (à savoir les outils), peut-elle se conjuguer au féminin ?

Si la matérialité maçonnique peut être remise en cause concernant les femmes, il est alors nécessaire de commencer par la question suivante : La Maçonnerie peut-elle se conjuguer au féminin ?

Il est vrai que la maçonnerie moderne a été écrite par des hommes, pour des hommes et plus précisément par des hommes chrétiens.
Si les Landmarks prévoient une interdiction aux femmes, c'est en fonction du contexte historique dans lequel ils ont été écrits.
Au début du 18° siècle, l'instruction, le pouvoir, la représentativité étaient uniquement masculin et l'on doutait encore à cette époque qu'une femme puisse avoir une âme.
Ces raisons suffisent à interdire la Maçonnerie aux femmes, il suffit par exemple d'essayer d'imaginer une femme en 1720, Vénérable Maître, dirigeant des hommes Nobles ou Notables.

D'autre part, des Loges uniquement féminines n'auraient pu voir le jour par manque d'indépendance, par rétention d'information, par refus d'égalité de la part des hommes se considérant à cette époque comme officiellement
supérieurs aux femmes.

De nos jours, en dehors de tout combat féministe, les mentalités ont bien changé et même l'Eglise nous reconnaît une âme.
Les femmes, dès la fin du 19° siècle, mais surtout dans la seconde partie du 20° siècle se sont intéressées à la Franc-Maçonnerie, sujet qui n'était plus tabou pour elles au même titre que la médecine, l'ingénierie, et la politique.
Tant qu'elles ne revendiquent pas l'accès aux loges purement masculines, mais travaillent dans la féminité ou la mixité, il ne peut y avoir de problèmes de coexistence.

D'ailleurs, la Grande Loge Unie d'Angleterre, chantre des Landmarks, a créé discrètement une maçonnerie féminine regroupant environ 100 000 femmes.

De ce fait, la Maçonnerie féminine ou mixte ne peut être remise en cause.

La Maçonnerie est-elle utile aux femmes ?
La réponse semble à l'évidence affirmative. En effet, toutes les définitions qui ont pu être données de la Maçonnerie, de son utilité, de ses buts sont applicables à l'ensemble de l'humanité. Si le but est un travail sur soi-même afin de tracer son chemin spirituel et en parallèle, un rayonnement vers l'extérieur, ce but ne saurait souffrir le sexisme.
Si nous considérons plus en détail que l'Apprenti va essayer de découvrir son intimité spirituelle, c'est-à-dire, essayer de voir objectivement dans quel état est sa pierre brute pour pouvoir commencer son travail sur lui-même, que le compagnon va essayer de découvrir les mystères cachés de la nature et de la science et que le Maître est un ouvrier presque accompli
qui entrevoit le chemin et comprend ce qui lui reste à faire par un éveil à la connaissance, ce travail est aussi bien féminin que masculin.
A ce titre, nous pouvons donc affirmer que la Maçonnerie est universelle.

Alors, la matérialité maçonnique, est-elle, elle aussi, universelle ?
Je développerais ici un point de vue strictement personnel et qui ne prétend pas être une théorie applicable à l'ensemble des soeurs.
On peut se demander si l'utilisation d'outils opératifs, même transposés, correspond au caractère féminin.

En faveur de cette théorie, on peut arguer que :
- A l'époque de la construction des cathédrales, il y avait des femmes ouvrières ainsi qu'en attestent les relevés de salaire (par exemple la construction de la cathédrale de Strasbourg et celle de Cologne) ;
- Des Loges Emulation mixtes fonctionnent très bien et la Grande Loge Unie d'Angleterre a d'ailleurs créée une loge féminine en se basant sur un rituel dévié  du rituel d'Emulation ;
- Des planches sur les outils aux trois grades sont réalisées avec une égale facture quel que soit le sexe de l'intervenant et j'ai eu l'occasion de lire de tels tracés pour lesquels j'aurais été incapable de donner le sexe du rédacteur.

Je ne renierais donc pas la présence d'outils dans les rituels maçonniques.
Par contre, pour ma part, je pense simplement qu'ils ne sont pas, pour une soeur, une voie nécessaire, encore moins suffisante, à l'évolution spirituelle.
Si on considère que tout être humain est doté d'une âme qui le reliera tôt ou tard à la divinité, la différence entre l'homme et la femme se situe dans leurs positions relatives dans la création du monde par le divin.
Si l'homme émane bien de Dieu, la femme est l'intermédiaire entre l'homme et ce Dieu car c'est elle qui procréé, elle est chaîne de vie, c'est elle qui donne naissance à un être abritant une nouvelle âme.
Ainsi, si de nos jours, la créature s'est éloignée de son Créateur, la femme devrait pouvoir retrouver plus facilement son chemin spirituel car elle est source de vie.

Dans la vie, l'homme et la femme sont complémentaires et ont une sensibilité,  des émotions, des caractères différents.
Sans juger ni vouloir choquer personne, il m'apparaît que l'homme a plus tendance à intellectualiser, et la femme, à parler directement avec le coeur.
Je veux dire par-là, que l'homme va passer par un processus lié à l'intellect puis, le dépasser, pour atteindre des notions de charité ; la femme spontanément analysera avec le coeur, sautant cette première étape.
Elle n'en est pas pour cela supérieure à l'homme car devant l'espérance et la charité, elle a le même chemin à parcourir, comme cherchant, souffrant et persévérant.
Or, il me semble que la signification des outils employés en Maçonnerie est abordée dans les rituels et même très explicite dans certains rites, et que c'est le travail sur ces mêmes outils qui permet l'intellectualisation, c'est à dire la mise en condition pour pouvoir progresser.

Si la réflexion sur ces outils est habituelle et appréciée par les hommes, elle n'est utile, non pas par ce qu'il y a à découvrir derrière le cordeau, le maillet ou le ciseau etc... mais par l'étincelle, c'est à dire l'éveil que va faire naître la réflexion sur ces sujets.
Ainsi, si les outils sensibilisent à des vertus à acquérir et au travail à réaliser sur soi-même, il est tout à fait concevable que la vertu puisse nous parler directement,  sans intermédiaire, par un travail de méditation personnel.

Dans notre rite purement christique, je m'appuierais sur l'Evangile selon Mathieu, verset 8 des Béatitudes, "Heureux les coeurs purs, car ils verront Dieu" ; sans être exégète, ne nous enseigne-t-il pas de rester simple, sincère, intuitif, être amour et avoir la foi.
Sans rejeter  "le maillet à dégrossir  représentant la force de la conscience, propre à écarter toutes pensées vaines ou indignes..."  La méditation sur le nouveau testament m'est un exerce plus profitable. J'y retrouve les notions de Justice, Tolérance, Tempérance et Prudence nécessaires à l'évolution de l'humanité obligatoire pour débroussailler le chemin spirituel que nous devons emprunter et ces concepts sont pour moi les vrais outils de base mais ne sont pas une finalité.
Ils  sont des outils à notre disposition et qu'il faut intégrer obligatoirement pour se mettre sur la voix de la vertu qui, elle, nous conduira vers Dieu.

D'ailleurs, je considère que la Franc-Maçonnerie est un moyen d'évolution basé dans un premier temps,  sur des outils ou des qualités ou les deux ensemble, mais que tôt ou tard pour s'élever à un degré de conscience supérieure, il faudra  dépasser ces mêmes outils ou qualités.

En réalité, la recherche de l'utilité des outils est presque marginale au sein d'une loge pratiquant le Rite Ecossais Rectifié.
En effet, dans des rites tels que le Rite Emulation, trois outils différents sont associés à chaque grade et, lors des cérémonies, ils sont présentés et expliqués dans leur utilisation opérative puis spéculative.
Par contre, ils ne sont jamais abordés dans des cérémonies des Loges Bleues Rectifiées (sauf l'utilisation du maillet pour la batterie du grade).

A l'Initiation les épreuves sont celles des éléments (feu, eau et terre), puis au second grade l'impétrant subit les épreuves des métaux et au troisième grade l'épreuve de la mort. Parallèlement on nous enseigne des principes moraux et les vertus à cultiver au fur et à mesure de notre avancement. Mais aucune de ces cérémonies ne fait référence aux outils.
D'ailleurs, on ne peut s'empêcher de rapprocher les épreuves des sources du rite édifié par Willermoz. Celui-ci s'est fortement inspiré de la Stricte Observance Templière et de l'Ordre des Chevaliers Elus-CoConfuciuëns (créé en 1754 par Martinès de Pasqually dont Willermoz faisait partie) pour les éléments du premier grade et la symbolique de la mort et de la renaissance au troisième ; quant à l'alchimie des métaux du second grade, elle est directement issue du Cléricat des Templiers (rite dissident de la S. O. T.).

Néanmoins, Willermoz en contact avec la Maçonnerie Anglaise, appuya son rite sur une ossature maçonnique existante d'où une certaine gestuelle et les outils rappelés dans l'Instruction par questions et réponses et non dans le corps du Rituel.

En fait, je pense sincèrement qu'un rituel doit être ressenti et surtout vécu. Nos rituels, quel que soit le rite, doivent nous imprégner et dès lors, il devient inutile de rechercher si cette évolution s'est faite grâce aux outils ou sans eux. Il serait aussi vain de focaliser obligatoirement sur des outils s'ils ne nous parlent pas que de les apprendre sans les comprendre avec le coeur dans un rite où ils sont pierre angulaire. Et n'oublions pas que  nombreux sont les chemins qui mènent à la Demeure du Très Haut.

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