Obédience : NC Loge : NC 9/11/2012

Prenez place mes Frères

Vénérable Maître et vous tous mes Frères en vos grades et qualités, avant de commencer mon exposé, je souhaite faire un lien avec de précédents débats, sous forme d'avertissement, au sens littéraire du terme. Je n’ai comme vous, mes très chers Frères, aucune prétention à détenir la Vérité. Je n'ai aucune certitude. J'avance, du moins je l'espère, en m’appuyant sur un système d'hypothèses, ordonnées par l'intuition selon leur plus ou moins grande fiabilité. Ne voyez donc dans mes propos rien d'autre qu'une réflexion et une expérience en cours ; nulle injonction, nul jugement ! Cette mise au point est d'autant plus importante pour moi que je serai amené à prononcer plusieurs fois moi-même, avec un inévitable léger sentiment d'imposture : « Prenez place mes Frères », un peu comme à la place de notre Vénérable Maître. Que le Vénérable Maître de cette loge veuille donc n'y voir aucune impertinence.

Vénérable Maître, tu venais juste de m'inviter à prendre place.

J'essaie de mesurer toute la portée de ce que tu viens de me dire. D'abord, cela me renvoie à ma responsabilité présente de conférencier. « Si tu n'as plus rien de plus beau à dire que le silence, alors, tais-toi ». Dans mon empressement naturel à me positionner comme sauveur, ce qui fait que je propose une planche pour rendre service à la loge, au moment où je pense qu'il y a urgence par manque de travaux, je prends le risque de remplacer soit le beau silence - dont j’ai déjà fait l’éloge ici- soit le travail pertinent de l’un de mes Frères, par du verbiage. Mais cela suppose que vous aussi mes Frères que vous ayiez su précédemment peser ces mots « Prenez place mes Frères » pour vous-même. D'abord grâce au rituel d'ouverture, en vous posant délibérément dans notre espace sacré, et maintenant comme Frère écoutant un autre Frère. Lors de la tenue commune de Rennes le 30 octobre dernier, le Vénérable Maître a introduit ainsi la présentation des planches, lui aussi sous forme d’avertissement à l’attention des auditeurs : accueillir avec bienveillance, écouter pleinement, contribuer par un apport et/ou faire résonner en soi. Avant de souligner que c’était également la règle de conduite du Maçon dans le monde profane.

J’ai pris conscience en rédigeant cette introduction de ma double responsabilité : D’abord en tant que conférencier : d’une part, être à la hauteur de tous mes Frères qui ont su prendre cette juste place, et par conséquent mon devoir de contribuer effectivement aux travaux de la loge et pourquoi pas, de stimuler leur propre démarche ; d'autre part, aider ceux de mes Frères qui n'ont pas encore pris place, ou plutôt qui ont pris place sans pouvoir y demeurer. Ensuite en tant qu’Apprenti Franc-Maçon sur les colonnes lors de la présentation d'une planche par l'un de mes Frères : suis-je digne et suis-je capable de participer activement aux travaux ?

Nous voilà donc directement placés au cœur du sujet, mais pour ne pas que nous nous y perdions, je vais placer quelques repères, parmi les innombrables secrets que cette phrase mystérieuse recèle et que j'aurais pu suggérer. Je développerai d'abord quelques observations sur le positionnement de cette phrase dans le rituel et son articulation avec divers éléments. J'approfondirai ensuite le sens Maçonnique que je me crois capable aujourd'hui d'attribuer à ces mots. Je conclurai par des hypothèses et réflexions personnelles.

Partie 1 : la place de cette phrase dans le rituel

Juste avant le changement de notre rituel, le premier mot prononcé par le Vénérable Maître était : « Prenez place mes Frères ». En cette année de vraie Lumière 6012-6013, il commence par : « Frères officiers, veuillez regagner vos plateaux afin de remplir vos offices ». Il y a un an, j'aurais commencé cet exposé en osant rapprocher « prenez place mes Frères » de la phrase biblique « Au commencement était le verbe ». Je veux dire par là que, dans ces quatre mots, tout est déjà dit et que cette parole première représente à la fois la porte qu'on nous invite à ouvrir et la synthèse même de tout le rituel. Très humblement, je pense que nous avons perdu avec le nouveau rituel la force des tout premiers mots. Remarquez au passage qu'il n'est pas demandé aux officiers de regagner leur place, mais leurs plateaux, ce qui renvoie à l’emplacement désigné dans la loge et au rôle que chacun d’eux va jouer dans le déroulement du rituel. Il s’agit donc d’une injonction préparatoire. Le fait de prendre place a une signification plus profonde et c'est d'ailleurs à l'ensemble des Frères de la loge, et parmi eux les officiers qui se seront positionnés près de leurs plateaux, que le Vénérable Maître va adresser ces mots : « Prenez place mes Frères ». Nous reviendrons sur ce sens dans la deuxième partie.

Le Vénérable Maître nous invite donc à prendre place. Point, à la ligne, nouveau paragraphe ! Ce qui nous laisse le temps, mes Frères, de nous asseoir. « Nous allons procéder à l'ouverture de la loge » poursuit-il. Nous pourrions penser à nos débuts en Maçonnerie que le Vénérable Maître de la loge est triplement courtois : d'abord, il nous inviterait à nous mettre à l'aise ; ensuite, il nous préviendrait de ce qui va suivre – ce qui a toujours un effet structurant et rassurant - ; enfin, on ne manquerait pas de remarquer qu’il ne s'assied lui-même qu'après que nous ayions pris place. La Maçonnerie apparaîtrait ainsi pleine de prévenance et de convivialité. En fait, il n'est question ni de courtoisie, ni de prévenance, ni de convivialité, mais d'exigence et de Fraternité, ce qui n’est pas la même chose, même si, fort heureusement, toutes ces dispositions d’esprits ne s’excluent aucunement entre elles. En fait, le Vénérable Maître en appelle tout de suite au devoir de chacun envers soi-même et envers ses Frères. Il ne fait rien de moins que nous avertir solennellement que nous allons procéder à l'ouverture de la loge, à l’instauration de l'espace sacré, à l'accès au fond de soi à la dimension spirituelle de notre être. Le verbe « avertir » est choisi à dessein car, en tant que Frère décorant une colonne ou remplissant un office : « si je rate le coche », si je suis absent à cette injonction, rien ne se passera pour moi de transcendantal. Plus grave : à l'image d'une lourde de pierre brute qui encombrerait le passage sur un chantier en pleine activité, j'aurais refusé l'aide que le Vénérable Maître sollicite, de chacun de façon pourtant très claire, un peu comme s'il disait : « je ne peux ouvrir vraiment la loge que si vous êtes tous avec moi, si vous avez vraiment pris place : j'ai besoin de vous ! D'ailleurs, je vous le montre par l'ordre de nos gestes suggérés par le rituel, que je ne peux prendre place en ne m'asseyant qu'une fois que vous-même vous l'avez fait ».

Quand j'ai décidé très spontanément de plancher sur « Prenez place mes Frères », ma première impression a été - et peut-être partagez-vous cette impression - que cette phrase est maintes fois répétée au cours du rituel d'ouverture et de fermeture : trois fois seulement pour le premier, une fois seulement pour le deuxième ! J'ai compris à la lecture du rituel, et en voyant le pictogramme du maillet, qu'il y a une association étroite entre les coups du maillet du Vénérable Maître et « Prenez place mes Frères ». Association qui s'imprime dès le début : le premier coup de maillet précède tout juste la première injonction. Et à chaque fois que résonne ce maillet, on peut penser qu'il déclenche en nous le même réflexe de mise en garde : le réveil de notre vigilance. Le maillet rappelle en permanence que nous sommes ici dans un espace sacré. Un peu comme si on tapotait une pièce de bois ou…une pierre taillée jusqu'à ce qu'elle trouve sa juste place.

Les deux surveillants ajoutent la résonance de leur propre maillet et nous obtenons un total de 27 coups de maillet dont 16 par le Vénérable Maître pour l'ouverture des travaux, et 20 coups de maillet dont 10 par le Vénérable Maître pour leur fermeture. De quoi ancrer un réflexe conditionné…à l’attention de notre être intérieur qui entend et perçoit les vibrations. Car c'est probablement de cela qu'il s'agit au fond : tout est vibration et énergie et chaque élément du rituel, y compris la disposition de la loge avec ses symboles visibles, a son importance pour que l'énergie circule dans notre espace sacré comportant quatre directions horizontales (l'Occident, le Septentrion, l’Orient et le Midi) et deux directions verticales (le Zénith et le Nadir...).

Autre résonance : avec l’initiation au premier degré. Le tout premier coup de maillet précède l'expression impressionnante, voire inquiétante « emparez-vous du récipiendaire ». Les coups de maillet suivants scandent le début et la fin des trois voyages à travers la loge comme pour nous signifier que nous devons voyager dans les méandres de notre esprit et accepter de laisser parler notre intuition sollicitée par les symboles avant de pouvoir prétendre trouver notre juste place. Et ce n'est qu'après avoir pris place dans la chaîne d'union que le néophyte entendra pour la première fois : « Prenez place mes Frères ». Il l'entendra à nouveau juste après son adoubement. Deux moments intenses que nous sommes tous appelés à revivre à chaque fois qu'il y a une initiation.

Je mentionnais tout à l'heure le nombre très limité de la prononciation de cette phrase lors des rituels d'ouverture et de fermeture. Entre les deux, nous l'entendons beaucoup plus souvent adressée à un ou plusieurs d'entre nous, comme pour les inviter à reprendre leurs aises, surtout si elle est prononcée d'une manière courtoise et aimable. Puissions-nous entendre cette phrase comme s'adressant à chacun d'entre nous comme un nouveau rappel à l'ordre. Les mots « Prenez place mes Frères », « Prends place mon Frère » et les coups de maillet représentent ainsi notre vigilance active, utilement stimulée par le Vénérable Maître, les deux Surveillants et l'ensemble des Frères.

J'ai commencé en parlant du premier mot prononcé par le Vénérable Maître à l'attention de tous les Frères présents en loge. Je terminerai en évoquant deux points symétriques de cette phrase :

« Debout et à l'ordre mes Frères ! » : Alternance binaire debout / assis ; à ne pas confondre avec au travail / au repos ; au-delà des nécessités physiologiques et des besoins du corps, cette tendance en appelle encore au réveil de notre vigilance.

« Retirons-nous en paix en jurant de garder la loi du silence !... » Ces derniers mots prononcés à la fermeture des travaux, que l’on peut avoir tendance à moins entendre, un peu comme le coureur qui relâche ses efforts juste avant la ligne d'arrivée… Il y a cependant tant à méditer dans ces mots : se préparer à se retirer de la loge et de la place qu’on y occupait pendant la tenue ou penser à se retirer quotidiennement au fond de soi comme une retraite spirituelle ; jurer de garder la loi du silence pour préserver ses frères et la Maçonnerie ou se jurer à soi-même de cultiver le silence au-dehors… « La meilleure façon de parler de Dieu, c'est sans doute le silence » pour reprendre les paroles de l’archevêque Albert Decourtray. Et pour le paraphraser : « La meilleure façon de parler à Dieu, c'est sans doute le silence ».

Partie 2 : le sens Maçonnique de cette phrase

Tout d'abord, et je l'ai souligné il y a quelques minutes, il ne s'agit pas de prendre place comme on le ferait au spectacle ou dans les transports, une place numérotée, pouvant montrer ostensiblement son rang social, l’ordre donné par ses mérites personnels. Il ne s'agit pas non plus de s'installer confortablement, voire de s’affaler tel un ado sur un canapé, ainsi que nos très beaux et grassouillets fauteuils nous y invitent. Il s’agit plutôt de trouver en soi un refuge symbolique qui permet de se relier à son moi profond, à ses Frères et à l’Univers. Le Temple, lieu physique, est la représentation visible de la réalisation de soi hors des limites matérielles : fusion avec les autres et avec le cosmos.

L’étymologie du mot central « place » nous renvoie à un endroit large, une large étendue plane. En loge, cela signifie élargir son champ de conscience, s'élever à un niveau de conscience supérieure. « Place ! Place ! » Ecartons les préoccupations et les passions profanes pour faire place à l'être supérieur trop souvent étouffé au fond de nous. Échappons un instant à nos conditionnements et automatismes : ici, nous n'allons pas penser en profanes, nous n'allons pas agir en profanes, nous n'allons pas posséder en profanes. Ici, nous allons nourrir notre esprit de pensées qui nous élèvent, nous allons exercer notre esprit critique pour éviter les pièges de l'illusion, nous allons utiliser toutes nos facultés de discernement pour mieux connaître les différentes couches de notre mental et nous perfectionner, ce qui s'appelle tailler sa pierre… Alors qu'au dehors, notre cerveau fonctionne automatiquement et conformément à ses formatages de toutes sortes : social, culturel, professionnel… Ici, tous les gestes que nous accomplirons auront un sens symbolique et spirituel… Alors qu'au dehors nous sommes emportés dans le tourbillon du faire. Ici, nous allons apprendre à être. Alors qu'au dehors, il n'est question que d'enrichir sa collection de métaux au sens propre et au sens figuré, il n'est question que de consommer et de paraître…

Faisons une petite expérience si vous le voulez bien. (présentation d’un écriteau...)

Ceci démontre la nécessité impérieuse et la difficulté redoutable que celle d'échapper à notre conditionnement mental donnant la priorité absolue et toute sa gloire à la logique. Fions-nous à notre hémisphère gauche, noble et efficace…et vive la rationalité en action et en pensée ! Autre expérience que je me contenterai cette fois de suggérer à l’aide d’un morceau de musique que vous connaissez probablement : Il s’agit donc du premier mouvement de la première suite pour violoncelle en Sol majeur de JS Bach. Des expériences ont montré qu’au cours de l'audition de leurs morceaux de musique préférée, des personnes sont incapables de déceler un silence d'une durée de trois à huit secondes remplaçant quelques mesures musicales…

Cette expérience incroyable apporte une preuve supplémentaire que notre cerveau passe son temps à se remémorer le passé et à inventer le futur ! « Ah oui, je connais ça, j’ai déjà vu ça ! Donc je sais de quoi il s’agit, je devine ce qui va se passer ». Et cela se passe la plupart du temps sans que nous en ayions conscience. Or, toute la prouesse - prouesse au sens où ce n'est pas notre comportement naturel, spontané - toute la prouesse, donc, que nous devons réaliser en ce lieu sacré est de vivre pleinement l'instant présent. Toute la prouesse est de se placer dans l'ici et maintenant comme le mentionne cette expression galvaudée et souvent vide de sens, (mais toutefois prononcée par des personnes qui ont l'intuition d'une autre dimension). Toute la prouesse est de se contenter d'être…

Passé, présent, futur… Je viens de mettre l'accent sur la dimension temporelle à privilégier selon moi en ce lieu sacré, à savoir le temps. Cela n'empêche que le passé et le futur demeurent présents. Prendre place signifie que l'on est capable de se positionner dans le temps et dans l'espace. On ne peut donc éluder ces trois questions fondamentales, à la croisée du temps et de l'espace : d'où je viens, où je suis, où je vais ?

D’où je viens ? Je viens juste de sortir de l'agitation profane et je me souviens, grâce à la réponse du premier surveillant, que lors de ma première entrée dans le temple, j'étais venu pour chercher la Lumière… Ai-je toujours la même ferveur ? L'ai-je développée, émoussée, perdue ? Quel chemin ai-je parcouru vers la lumière ? Quelles illusions ou quelles ignorances ai-je accepté d'abandonner ? j’arrive ici, chargé de toute mon histoire qui est d'abord une histoire de famille, chargé de mes expériences heureuses ou malheureuses, de mes apprentissages et de mes rencontres. Chargé de tout ce qui construit aujourd'hui mon identité, mes croyances, mes projets et mes désirs. Chargé de tout ce poids conscient et inconscient dont je dois me libérer pour enfin être moi-même.

Où suis-je ? Je suis à ma place et à mon office, comme mon emplacement et mes gestes en témoignent lors du passage des deux surveillants qui ont la gentillesse de s’en porter garants pour moi, sans savoir si intérieurement j'ai voulu et su m'installer à cette juste place sans attendre de croiser leur regard exigeant, solennel et sévère. Il suffit de peu de choses finalement pour faire un jeu de dupes, les uns se portant garant pour les autres, les autres pouvant se contenter de reproduire des gestes symboliques, croyant en avoir déjà compris toute la portée… Il faut par contre beaucoup d'efforts et de vigilance pour prendre toute la mesure de cette injonction permanente à prendre place parmi ses Frères qui nous font confiance…

Où je vais ? Le chemin est pour moi infini et la distance que j'aurai parcourue dans ce seul but de rechercher la Lumière se mesurera à l'assiduité et l'intensité de mon travail. À plus court terme, avant de nous séparer, je sais que nous nous élèverons à nouveau tous ensemble vers notre idéal et que le Vénérable Maître formulera le vœu « qu'il inspire notre conduite dans le monde profond, qu'il guide notre vie, qu'il soit la lumière sur Notre chemin ». « Bien au-dessus des soucis de la vie matérielle », cette précision emphatique indique clairement que nous devons reproduire, dans le vaste domaine du dehors et au quotidien, l'état mental que nous expérimentons en loge (l’état d’être), aussi bien que la méthode de discernement et de rectification Maçonnique. Tailler sa pierre se continue au-dehors par le développement de sa conscience d'être dans le moment présent (donc de pouvoir choisir ses pensées et ses actes au lieu de suivre ses automatismes) et par sa fidélité à la règle qui nous incite à y consacrer tous les jours un temps dédié. Prendre vraiment place parmi ses Frères ne peut donc se concevoir que progressivement. La pierre, taillée et polie de manière de plus en plus juste, se calera de mieux en mieux en harmonie avec les autres et en parfait équilibre, assurant la solidité de l'édifice commun. Je tiens de témoignages de tailleurs de pierre, restaurateurs de cathédrale, qu’il ne suffit pas de poser une pierre cubique à l'emplacement qui lui est réservé. Comme le bois, la pierre a un sens qui permet de conduire l'énergie et le son…la juste place n’est pas que l’assemblage d’un lego…

Partie 3 : le prolongement de mes réflexions et conclusion

J'ai évoqué à maintes reprises devant vous mon attachement pour la méditation au sens où il s'agit de techniques visant à faire taire l'agitation du mental, à tarir le flot de pensées et d'émotions pour atteindre un état de sérénité et de paix correspondant à ce que je nommais il y a quelques minutes : être. Ces techniques vont des pratiques tibétaines ancestrales aux exercices contemporains de calme mental et de pleine conscience tirés des découvertes des neurosciences (cf Jon Kabat-Zinn), en passant par les transes chamaniques, la répétition prolongée de prières chrétiennes et les méditations taoïstes….

Je vais tenter en quelques mots de comparer et de rapprocher la méditation de la méthode maçonnique, en opérant à nouveau le lien avec les thèmes précédemment développés. Je schématiserai d’abord les techniques de méditation : on tente de réaliser, par le lâcher prise, l'expérience directe de la connaissance, l’expérience du contact avec son être profond et le flux universel qui l’habite, l’expérience de faire un avec l’univers, en sachant qu'on participe en le faisant à l'amélioration du monde par les vibrations positives qu’on émet, et on atteint automatiquement la vertu lorsqu’on parvient à l’éveil, à l’image du Bouddha, des nombreux Maîtres y étant également parvenus, tout comme on pourrait le dire des Alchimistes qui ont réalisé le Grand Œuvre. Du moins, quand on est sur le chemin, on devient forcément meilleur.

En Maçonnerie, la démarche me semble un peu différente, voire inversée en apparence. Je m’exprime ici en fonction du degré où je me trouve et selon mes capacités de compréhension liées à mon stade d’évolution. Je n’engage que moi… Muni du fil à plomb et de l'équerre, armés de volonté et de discernement, nous rectifions nos pensées et nos actes pour pratiquer la vertu, nous dirigeant ainsi vers la connaissance et la Lumière. Autrement dit, et en risquant une énorme caricature : pour les adeptes de la méditation : l'expérience de la connaissance impliquerait la vertu ; pour les Francs-Maçons : la pratique de la vertu impliquerait la connaissance.

Pour ma part, j'établis un lien indispensable entre ces deux approches. Prendre place parmi ses Frères suppose ce travail du fil à plomb qui, au bout de nos investigations, nous conduit à un domaine de silence intérieur propice à la révélation de la signification des symboles Maçonniques. Ce fil à plomb nous ramène aussi à la verticalité du corps : ne nous demande-t-on pas dès notre entrée en Maçonnerie de veiller à notre posture physique en position assise : le dos bien droit, les mains sur les genoux, les jambes formant une équerre et les pieds posés à plat sur le sol…position du sphinx, position de nombreuses techniques de méditation, d’accès au calme mental pour laisser surgir et advenir…laisser faire au lieu de vouloir tout contrôler par la raison…

Pour résumer ces propos et en guise de conclusion, je vous propose de jeter un œil sur le schéma suivant.

Nous sommes ensemble en loge pour nous isoler du monde infernal qui nous entoure. Ce monde où règnent : penser, parler, paraître, avoir et faire. L’enjeu est d’apprendre à ETRE, de trouver sa place au centre. Nous nous retirons de la loge avec l’intention d’illuminer autant que possible – et de plus en plus - nos pensées, paroles et actes profanes dans ce monde profane de cette Lumière que nous pouvons deviner au fond de soi.

Nous allons réécouter dans son intégralité la première suite de Bach, comme une synthèse sonore de cet exposé : à force de persévérance dans l’effort à atteindre cette place au centre de soi, nous rappelant inlassablement à la vigilance de chaque instant, il arrive qu’on débouche sur un nouvel espace lumineux, comme je vous suggère de l’entendre au final de ce morceau, au bout d’une minute trente seulement, dans la résolution de la phrase musicale.

J’ai dit, Vénérable Maître

Y\ G\

Maître de la colonne d’Harmonie : Premier mouvement de la première suite pour violoncelle en Sol majeur de JS Bach


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