DH Loge : NC 15/05/2009

De L’Humanisme à l’Humanitaire


Une ballade, une librairie, un livre jusque là rien de plus banal  et soudain un titre qui attire l’attention : «  Léopold Bellan, pionnier de l’humanitaire »  et l’envie immédiate de connaître cet homme  dont le nom est celui de diverses maisons de soins de notre région : Magnanville, Septeuil mais aussi sur la route de la Picardie Chaumont en Vexin (39 en région parisienne et centre de la France)

 Alors, qui  est Léopold Bellan ?

C’est  à Méré en 1857, que naît Léopold Bellan Il est fils unique, atteint d’une infirmité en l’occurrence des pieds bots ;  c’est pourquoi, ses parents renoncent rapidement à leur vie agricole précaire et  vont  s’installer à Paris dans le quartier du Sentier où ils ouvrent une boutique de fruits puis volailles. C’est  donc dans ce milieu voué au commerce de cette fin du second empire que Léopold Bellan grandit 

Ses parents se séparent  et, dès lors élevé seul par sa mère, il fréquente l’école Turgot où il acquiert des notions de comptabilité. Ses connaissances lui permettent d’ouvrir une maison de commerce spécialisée dans la dentelle et il  acquiert  rapidement dans ce quartier une certaine notoriété en participant à la défense des intérêts commerciaux au sein des  syndicats.

Il est  membre de 1889 à 1903 de la loge « les droits de l’homme » du GO  car comme la plupart de républicains de son temps, Léopold Bellan  est franc- maçon. Le militantisme radical de la franc- maçonnerie le dérange et préférant des positions politiques plus modérées, il quitte la franc- maçonnerie

 Homme de consensus,  il est élu en 1910 président du conseil municipal de Paris puis président du conseil général de la Seine. Il restera élu du quartier du mail (2nd arrondissement) jusqu’à sa mort en 1936

Quelles furent ses actions ?

Ses qualités d’humanistes probablement liées à ses origines modestes et son infirmité s’expriment dans des propos  explicites et notamment dans sa devise : «  Tout être humain qui souffre mérite qu’on lui tende la main. La douleur le grandit à nos yeux et le rend digne de notre affection fraternelle »

Soucieux du bien de ses semblables et de l’encadrement de la jeunesse par de saines distractions, dès l’âge de 20 ans, il organise une fanfare dans le village de St Martin du Tertre, là où il a épousé Clémence Sancey rencontrée lors de  la Commune de Paris  C’est dans le même esprit qu’il présente à Paris en 1885 la 1ère fanfare : les Ménestrels car pour lui: « à la sortie de l’école, à l’âge où le vice commence ses ravages, au sein de l’adolescence, surtout à Paris, il faut lutter énergiquement contre l’oisiveté et la débauche afin de préserver de leurs atteintes le bataillon sacré de la jeunesse »

Toute sa vie passionné par les questions d’éducation, selon lui facteur décisif de progrès social et toujours fidèle à son désir d’amélioration du sort des couches populaires par l’enseignement, on peut le considérer comme l’un des  précurseurs de l’enseignement post scolaire  puisqu’il organise  de 1884 à 1914 une œuvre d’enseignement aux buts ambitieux transformant les Ménestrels en une société d’enseignement moderne pour le développement de l’instruction des adultes et ceci. afin que la jeunesse puisse garder les connaissances acquises  et en acquérir d’autres,facilitant ainsi la transition entre la vie scolaire et la vie professionnelle, la vie de l’écolier et celle du citoyen. Le succès est tel que la société Léopold Bellan sera reconnue d’utilité publique en 1907

La guerre a provoqué l’arrêt de cet enseignement  et  La société d’enseignement moderne devient  donc en 1918, association L.Bellan, œuvre de fraternité sociale dont les statuts  précisent l’action à savoir aider à l’amélioration morale, intellectuelle, physique et matérielle du peuple par la création  de toutes institutions qui seront reconnues utiles : orphelinats, dispensaires, maisons de convalescence, éducation physique intensive, cours d’hygiène par la médication familiale etc. L’organisation est donc le reflet d’une conception philanthropique basée sur une idée de solidarité.

C’est dans cet esprit que Léopold Bellan directement touché par le décès de son fils unique sur le champ de bataille  décide  d’œuvrer pour les orphelins de guerre et crée donc des orphelinats  3 entre 1915 et 1919 (Courbevoie, Bois Colombes et Chamigny en Seine et Marne)  Il y règne à la fois simplicité, bon goût, hygiène et  confortable rendant  comme il est dit ces enfances presque heureuses. L’action continue avec la création d’une maison de mutiles de guerre à Saint Cloud puis de maisons de retraite à Chamigny  et Asnières.

L’association s’engage ensuite dans la lutte contre le décès par maladie et en particulier contre les fléaux sociaux tels que cancer et tuberculose. C’est donc l’acquisition de l’hôpital Léopold Bellan auquel est annexé un dispensaire et de 2 maisons de convalescence à Bry sur Marne.

C’est aussi le préventorium pour garçons à Isches( Vosges)élément clé du dispositif antituberculeux entre le dispensaire et le sanatorium mais aussi à Septeuil en 1926, à Chaumont en Vexin en 1931 Quant au sanatorium , c’est à Magnanville qu’il est ouvert en 1932. Etablir une relation d’entraide entre le fort et le faible, le riche et le modeste , telle est la conviction sociale de L Bellan qui poursuit son œuvre en aidant les démunis car ainsi qu’il l’exprime : s’occuper de l’instruction et  de l’éducation des enfants anormaux est non seulement un acte d’humanité mais encore une affaire de prudence et de préservation sociale.  C’est l’ouverture de l’institut professionnel féminin, en faveur de l’enseignement technique, c’est la sensibilisation à l’hygiène, par l’éducation, c’est la prise en charge des enfants attardés, c’est le concours de musique et de déclamation, le concours de la saine chanson. Aimer le peuple, l’aimer profondément,  connaître ses besoins, comprendre ses douleurs, pieusement se pencher sur ses infortunes et s’efforcer inlassablement de réaliser l’égalité devant le bonheur telle est la devise du philanthrope laïque Léopold Bellan , soucieux  également de la condition des femmes  car pour lui plus celle-ci sera forte par la raison  et cultivée par l’étude, plus le niveau moral du foyer s’élèvera.

Il a réussi à réunir autour de lui des personnalités partageant les mêmes convictions et donc permettant la réalisation de ces rpojets

Au final qu’est-ce qu’un humaniste ?

Le mot humanisme provient  du latin humanitas, signifiant nature humaine, culture, mot lui-même dérivé de homo, homme et donc au sens moderne du terme, l’humanisme désigne tout mouvement de pensée idéaliste et optimiste qui place l’homme au-dessus de tout avec pour objectif son épanouissement et la confiance dans sa capacité à évoluer de manière positive.

A l’origine, ce mouvement philosophique et intellectuel était une activité, un métier. Au 13èsiècle, en effet le 1er usage d’ « umanista » désignait le professeur de langues anciennes avec une connotation péjorative (le pédant, le grammairien) ; les modèles de perfection de l’époque étant le Saint et le héros militaire.

L’enseignement discret des langues anciennes allait susciter un intérêt croissant pour les grands auteurs grecs et latins dont Pétrarque. L’humanisme devient  dès lors  un véritable mouvement de retour à l’antiquité avec par exemple Protagoras (485-410 avant JC) pour qui « :l’homme est la mesure de toute chose » .C’est lui qui crée les différences en ce qui concerne le langage, le savoir, la sensibilité, les couleurs etc..

Ce mouvement s’oppose au dogmatisme du Moyen Age et se propose donc de renouer avec la philosophie, la littérature et l’art de l’antiquité classique qu’il considère comme fondement de la Connaissance. .Ce retour à la pensée antique remit en vogue certains thèmes notamment celle de l’humanitas : l’homme idéal se réalise lui- même grâce à l’étude des lettres anciennes : ce que l’on appelle les humanités  Aujourd’hui encore on utilise ce terme humanités pour la période collège lycée chez nos voisins belges tandis qu’en Allemagne, on dit : « ich bin humanistichen ».

Le16ème siècle verra l’apogée de ce mouvement en Europe et en particulier en Italie Les humanistes de la Renaissance sont des érudits qui ont soif de savoir Ses représentants tels Erasmes, Rabelais, Montaigne etc. mènent un triple combat qui touche à la fois l’éducation , la politique et la religion. L’homme est en possession de capacités intellectuelles illimitées.

Les nouvelles valeurs sont fondées sur la raison et le libre arbitre, la tolérance, l’indépendance, la curiosité et l’ouverture  Portant un regard particulier sur la formation de l’enfant d’où de nombreux traités  (Vives, Erasmes etc..),le mouvement triomphe des vieilles universités médiévales.

Les humanistes affirment la liberté de l’homme par la pensée .Ils sont théistes et se positionnent contre les autorités ecclésiastiques, contre les dogmes. C’est ainsi que naît le protestantisme, Mais c’est aussi, en répression, l’exécution sur le bûcher de notre F Etienne Dolet, imprimeur humaniste, hérétique et athée (1546).

L’amour du peuple, le pacifisme sont le leitmotiv des humanistes  et leurs pensées influent sur les décisions politiques. Erasmes envoie les 4 paraphrases sur l’évangile auprès des 4 grands : Charles Quint ? Henri 8, François 1er et Ferdinand de Habsbourg afin d’empêcher une guerre européenne. Le développement des sciences mathématiques, de la physique et de la médecine bousculent l’organisation du savoir car le but est de comprendre le monde et la vie par l’observation et l’expérimentation (ce sont les découvertes de Copernic ; les théories de Galilée.

Leurs successeurs que sont les philosophes  des Lumières (Montesquieu, Voltaire, Diderot, D’Alembert et Rousseau)  ont pour devise« sapere aude » « aie le courage de te servir de ton propre entendement ».Il y a  l’idée d’esprit critique et de progrès.

Il y a refonte des idéaux et des pratiques de la vie sociale avec des notions de politesse et de civilité. On parle d’égalité de droits. L’homme peut agir selon des principes qui lui paraissent vrais justes et beaux.

Léopold Bellan pionnier de l’humanitaire !!  A quoi donc correspond ce terme ?

L’étymologie de l’adjectif humanitaire  est identique  à celle du mot humanisme  et qualifie les organisations oeuvrant pour le bien être universel et le bonheur de l’humanité, l’amélioration de la condition des hommes et le respect de l’être humain. Aussi, l’humanitaire est celui qui aide les plus défavorisés au nom de la solidarité humaine.

Parmi les organisations humanitaires , citons : La Croix Rouge, ATD Quart Monde, Médecins sans Frontières, les Restos du Cœur, le Secours populaire, le Secours catholique ; la fondation de France, le Téléthon, la LDH , Amnesty international , Emmaüs etc. mais aussi pour nous francs- maçons SPES, SOS Enfance Bolivie, Dity, Clarté.

L’expression humanitaire devint courante à partir de la seconde moitié du 19ème siècle et depuis à peine une trentaine d’années le mot humanitaire est substantif. On parle plus facilement d’aide humanitaire ou d’action humanitaire. Peut-être aurait-il été plus judicieux d’utiliser le terme humanitarisme car l’humanitaire peut être considéré comme l’instrumentation de l’humanisme. Pendant longtemps on lui a préféré le terme de philanthropie ou bienfaisance, allusion aux filles de la charité et à nos missionnaires et donc avec une connotation religieuse. A l’opposé l’humanitaire laïc, véritable humaniste s’intéresse à l’homme en le prenant comme il est et non en l’idéalisant.

La naissance de l’humanitaire international revient aux USA tandis que l’humanitaire tiers mondiste militant a trouvé son apogée dans l’esprit soixante-huitard. Toutes ces actions supposent comme l’a indiqué Henri Dunant, fondateur de la  Croix Rouge,  promptitude, et organisation rigoureuse en personnes et financement.

L’humanitaire au sens moderne conduit à poser le problème du devoir et du droit d’ingérence dont Bernard Kouchner s’est fait l’ardent partisan. Le devoir d’assistance fonde le droit d’intervention et ainsi permet l’aide aux urgences à caractère politique, permettant ensuite la validation des ONG. Cette aide humanitaire a ouvert la voie à une nouvelle forme de relations diplomatiques tenant compte des droits des individus.

Mais que faut-il penser de ces interventions pour non respect des Droits de l’Homme  dans des pays comme l’Afrique alors que se pratique encore l’excision ? Alors que la famine reste une arme de guerre, alors que persiste la polygamie et  que l’islamisme continue de croître.Ce 21èmesiècle pourra t-il être siècle de l’éthique alors que l’homme maîtrise le progrès et ce sans remettre en cause la dignité et les droits de l’homme et en souhaitant qu’il sera de moins en moins possible d’opprimer à l’intérieur des frontières. Le concept humanitaire ne peut –il s’épanouir que dans un contexte laïque et démocratique ?. L’humanitaire restera t-il semblable à Sisyphe remontant inlassablement son rocher, conquérant de l’impossible, un peu comme nous F\M\.

Et nous F\M\ œuvrons-nous comme nous l’indiquons à l’ouverture des travaux au progrès de l’humanité ?Notre constitution internationale indique dans son article 3 :

« Respectueux de la laïcité, de toutes les croyances relatives à l’éternité ou la non éternité de la vie spirituelle, ses membres cherchent avant tout à réaliser sur la terre et pour tous les humains le maximum de développement moral, intellectuel et spirituel, condition première du bonheur qu’il est possible à chaque individu d’atteindre dans une humanité fraternellement organisée ».

Nous sommes  ainsi dans la prolongation de l’esprit humaniste du siècle des Lumières car plus qu’une philosophie l’humanisme du siècle des lumières a été un vaste mouvement qui a fédéré pays, mœurs et disciplines dans un souci de progrès de l’humanité dont nous sommes héritiers.

Le déroulement de nos tenues permet un libre échange favorable au développement moral et intellectuel de chacun afin d’apprendre pour comprendre, de comprendre pour progresser et de s’instruire pour transmettre L’homme n’est pas fait pour vivre seul. Il découvre l’autre et c’est au contact de l’autre qu’il se forme et qu’il transmet..

Les F\M\ prônent la tolérance,la franc-maçonnerie est un syncrétisme et  toutes les idées étant recevables à nos yeux qu’elles soient philosophiques, religieuses ou politiques et susceptibles d’échanges

Les F\M\ luttent pour le respect les droits de l’homme et sa liberté. La franc-maçonnerie est école de Sagesse afin que le maçon puisse aller porter hors du temple ce qu’il y a acquis. Le F\M\ a à cœur de partager avec ses FF\ et SS\ mais aussi tous les êtres humains et se doit en particulier d’aider ceux qui sont dans la détresse. Cela s’appelle fraternité mais aussi solidarité dans le temple et hors du temple (réconciliation entre opposants politiques en Nouvelle Calédonie grâce notamment à leur appartenance commune à la F\M\).

Ses idées et opinions peuvent aider à changer le monde et promouvoir des lois afin d’en faciliter les conditions de vie (abolition de l’esclavage : Victor Schoelcher ; loi Neuvirth et Veil pour la contraception et le droit à l’avortement).Si l’humanisme est l’idéal vers lequel on doit tendre, l’humanitaire ne serait-il pas la mise en œuvre de cet idéal. C’est ainsi que le F\M\ pourra agir efficacement dans des organisations  ou associations à but humanitaire afin de faciliter le quotidien des êtres qui nous entourent ou qui souffrent ici et ailleurs mais c’est aussi  dans nos familles nos lieux de travails , nos lieux d’habitation car donner un  peu de son temps pour écouter la détresse de l’un ou de l’autre mais aussi partager ses joies et ses peines c’est à mon sens participer à l’œuvre de l’ humanité avant de prétendre être artisan de son progrès.

Il importe de nous souvenir de notre passage sous la porte basse, rappel de l’humilité et de ne pas nous assimiler à des héros capables de tout même si notre aide est indispensable, elle n’est qu’une goutte d’eau dans ce monde en difficultés car ainsi que nous le dit André Comte-Sponville dans « Le capitalisme est-il moral ? paru en 2004 » : Si vous comptez sur les Restos du cœur pour faire reculer la misère, le chômage, l’exclusion, il me parait clair que vous vous racontez des histoires  Si vous comptez sur l'humanitaire pour tenir lieu de politique étrangère, sur l'antiracisme pour tenir lieu de politique de l'immigration, il me paraît non moins clair que vous vous racontez des histoires. La morale et la politique sont deux choses différentes, l'une et l'autre nécessaire, mais qu'on ne saurait confondre sans compromettre ce qu'elles ont chacune d'essentiel."Préférons- lui peut être ces termes de L. Bellan franc- maçon altruiste et attachant :Laissons nos cœurs se donner dans un magnifique élan de fraternisation sociale. S’entraimer, s’entraider tel est le secret du bonheur. Véritable utopie du F\M\ que je nous souhaite de réaliser.

A\ B\

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