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Jubilé maçonnique de Henri Tort Nouguès

Le discours ci-dessous a été prononcé lors du jubilé maçonnique de Henri Tort-Nouguès le 29 mai 1999 par Jean Rey.

Orateur de la respectable loge « Saint Jean de la Parfaiteamitié » à l'Orient de Carcassonne.

Nous sommes donc réunis ce jour pour fêter le jubilé des 50 ans de maçonnerie du Très respectable frère Henri Tort-Nouguès. Ancien Grand-maître de la Grande loge de France. Les frères de la respectable loge « Saint Jean de la Parfaite amitié » à 1 orient de Carcassonne remercient tous les dignitaires présents à lorient et en particulier le Très respectable Grand-maître Jean-Claude Bousquet, les Respectables frères conseillers fédéraux, et toutes les personnes qui par leur présence ici ce soir, entourent avec nous au cours de cette cérémonie notre frère Henri Tort-Nouguès accompagné de son épouse et de ses enfants.

Mon très cher frère Henri, vous êtes né le 19 novembre 1921 à Coursan, gros bourg non loin de Narbonne, traversé par la rivière Aude qui a donné son nom au département que vous avez toujours gardé dans votre coeur. Vous avez passé votre jeune enfance dans ce village, situé en plein vignoble languedocien. Ce pays du « vin vrai » comme l'avait dénommé Francis Vals. Pas très 2 éloigné du Minervois, dont votre grand-père maternel Antoine Nouguès était originaire. Dans ce village, vous avez fréquenté l'école publique où votre mère vous a appris à lire et à écrire, et où votre père vous a enseigné les premiers rudiments de calcul, de grammaire, d'histoire et de géographie. Il faut dire que votre grand-père, votre grand-mère, votre oncle, votre tante étaient aussi des enseignants. Vous êtes donc tombé directement dans la culture, et vous ne pouviez, après cet enseignement primaire qu'aller au collège, ce qui à cette époque était loin d'être vrai pour tous. Vous êtes donc allé à Narbonne poursuivre des études secondaires dans une section où l'on étudiait le latin et le grec, et vous avez éloigné de vous les études scientifiques. Malgré votre paresse naturelle au travail (vous dites vous même que l'on vous a souvent dépeint, assis à une table, la plume en l'air, attendant que votre « famille » d'enseignants, assise autour de vous, décortique le travail à votre place), malgré cette paresse (?) vous avez réussi vos études secondaires et êtes parti à la faculté de lettres de Toulouse et ensuite à Montpellier où vous avez passé un D.E.S sous la direction de votre maître devenu ensuite votre ami, Ferdinand Alquié.

Nommé professeur à Maubeuge, vous y avez passé quelques années avant d'aller ensuite à Paris. Vous y avez été rattaché à l'école nationale de commerce, et vous avez sévi comme professeur de philosophie dans les classes de préparation aux hautes études commerciales. Vous y avez professé jusqu'en 1981, date de votre retraite. Durant cette période vous avez fait de nombreux séjours à Carcassonne, car vous avez gardé la nostalgie de ce pays audois et de votre village natal en particulier.

La Rochefoucauld a dit que « l'accent du pays où l'on est né restedans le langage comme il reste dans le coeur ». Et vous avez gardé l'accent et aussi le parler de la langue d'oc. Vous aimez cette terre d'Aude dont le département peut être comparé à une France en miniature. Des Pyrénées et ses neiges au sud à la montagne noire et ses massifs forestiers au nord; des plaines du Lauragais et de ses céréales à l'ouest à ses plages et ses étangs méditerranéens à 3 l'est. Avec en son centre des crus réputés que vous aimez bien: ce sont les vins des Corbières, du Minervois ou la blanquette de Limoux. Vous aimez raconter, avec l'accent rocailleux de cette langue d'oc que vous maniez si bien, toutes ces histoires qui fleurissaient dans les villages du midi et que se racontaient les paysans Dieu que ce nom n'est pas péjoratif dans ma bouche! le soir sur la place du village. Je ne résiste pas au plaisir de vous en rappeler une (en français) que j'ai trouvé bien savoureuse. C'est l'histoire d'un chasseur coursanais relatant une chasse aux canards effectuée aux abords d'un étang languedocien. «Il y avait tellement de canards, racontait-il, que je tirais sans arrêt: Pan en haut ! Pan en bas! Pan à gauche! Pan à droite! Et je tirais, et je tirais... Et il en tombait, et il en tombait... Un auditeur l'interrompt alors en lui disant: Et alors, tu ne rechargeais jamais? Surpris mais nullement démonté, le chasseur le regarde, attend quelques secondes et lui dit: A biau pas tens (Je n'avais pas le temps) ».

Grand-maître de la Grande loge de France de 1983 à 1985, vous avez continué à résider à Paris encore quelques années avant de venir vous installer définitivement à Carcassonne où vous habitez au centre de la cité médiévale avec votre épouse Régine, dans la maison où vécurent votre oncle et votre tante Pierre et Maria Sire, tous deux enseignants et écrivains. Vous vous êtes très vite et intensément investi dans la vie culturelle carcassonnaise. Vous participez à l'Académie des arts et sciences présidée par monsieur l'abbé Borie. Président du festival de la cité de Carcassonne, vous vous êtes attaché avec monsieur Paul Barrière à ce que ce festival garde un certain caractère classique. Y furent joués des opéras comme La Traviata de Verdi, la Flûte enchantée de Mozart, des concerts de musique classique, des pièces de théâtre de Shakespeare, Molière, Racine, Corneille. Profitant de votre retraite, vous avez rédigé trois ouvrages qui ont été largement diffusés. Ce sont : L 'Idée maçonnique. L 'Ordre maçonnique, Lumière et secret de la franc-maçonnerie, alors qu'un quatrième ouvrage est actuellement en cours d'impression. 4 Notre frère Henri Tort-Nouguès est entré en franc-maçonnerie il y a donc 50 ans. Il a reçu la lumière à Narbonne dans la respectable loge « La Libre-pensée ». Puis vivant dans la capitale, il s'est affilié en 1962 à la Respectable loge « L'Union despeuples » à Paris, dont il est toujours membre actif et vénérable d'honneur. Il y a exercé les offices d'orateur, de vénérable et de député. En tant que député, il a été élu au Conseil fédéral de la Grande loge de France. Il y a exercé les fonctions de Grand secrétaire adjoint, puis de Grand-maître adjoint et de Grand maître en 1983, date à laquelle il fut aussi élevé au 33e degré du rite écossais ancien et accepté par le Suprême conseil de France.

Je crois qu'il est important de mentionner aussi qu'au cours de son cursus maçonnique, à partir de 1970 il a avec ses vieux amis Etienne Gout, Albert Monosson et Paul Laget participé aux, et dirigé les Cahiers de la GLDF Points de vue Initiatiques, qu'il a fait plusieurs conférences radiophoniques le dimanche matin, qu'il fut un des animateurs du cercle Condorcet Brossolette, et qu'il participa régulièrement aux conférences de Royaumont.

Son engagement dans le chemin maçonnique, qu'il appelle si modestement « un cursuscomme d'autres maçons l'ont fait avantmoi », il l'attribue bien sûr à un concours de circonstances extérieures, mais surtout lié à bien d'autres facteurs que sont d'abord le milieu dans lequel ii a été élevé, puis à des hommes qu'il a rencontrés, et surtout à la représentation qu'il avait d'un certain idéal et au désir et à la volonté qu'il avait de le concrétiser, de le réaliser. En effet il a été élevé au milieu d'une famille d'enseignants, résolument laïques au sens où l'entendait Jules Ferry. Son père n'était pas franc-maçon mais avait un ami, Léon Sénié, enseignant lui aussi, qui lui l'était. Ce dernier fut révoqué en 1941 à cause de son appartenance à la franc-maçonnerie.

Henri apprend alors ce qu'est la franc-maçonnerie, et cette injustice le marquera profondément tout le long de sa vie. Par la suite, grâce à son oncle Pierre Sire, enseignant et écrivain, il connaîtra des hommes exceptionnels: Joé Bousquet d'abord, résidant à Carcassonne, blessé de guerre et paralysé, réunissant 5 chez lui autour de son lit des hommes comme Louis Estève, René Nelli, Déodat Roché, Ferdinand Alquié et bien d'autres qu'Henri Tort-Nouguès peut ainsi rencontrer. Là, je cite notre frère Henri qui a écrit: « F. Alquié m'a appris à 'lire'Platon, Descartes etSpinoza. A 'entendre'Bach, Mozart, Beethoven et Schubert ». Ce sont toutes ces raisons qui ont préparé son engagement à entrer en franc-maçonnerie. Et alors il y eut le « déclic » que fut pour Henri ce que l'on a appelé le « coup de Prague » en 1948.

La réponse à la question qu'il se posa à ce moment là pour essayer de défendre la liberté et le droit de l'homme fut d'entrer dans la franc-maçonnerie qui lui paraissait être une institution qui avait défendu les idéaux auxquels il était profondément attaché. Ainsi Henri Tort-Nouguès apparaît comme un homme sensible, passionné de musique et de lecture. Il a certainement eu la chance de connaître un milieu littéraire exceptionnel, grâce en partie à son oncle et à sa tante. Mais cela seul n'aurait pas suffi. Ce ne fut qu'un terreau où notre frère Henri a pu mettre la graine de son goût de la connaissance du beau et de l'art dans sa totalité. Il a été toujours passionné par le désir d'aller à la recherche et à l'approfondissement de son idéal qu'il a poursuivi sans relâche jusqu'ici. 

Mais en dehors de cela, c'est un bon vivant, plein d'humour et ne se délectant pas que de philosophie. Il aime la bonne chère et prépare pour ses amis un cassoulet dont la renommée dépasse les frontières de Carcassonne et de l'Aude. Il est amateur de bons vins et sait profiter des meilleurs crus de ce pays audois. Pour Henri de toute évidence, cet épicurisme se marie très bien avec sa philosophie. Il est convivial, tolérant, ouvert à toutes les discussions, mais sait défendre bec et ongle les idées qu'il croit être vraies et justes. La justice fait évidemment partie de son éthique.

Mais ce qui est fondamental pour lui, c'est la notion de liberté: liberté physique et liberté de conscience. Pouvoir dire et écrire ce que l'on pense. 6 « La conscience est la seule chose aumonde qui doive s'illimiterpour sortir du chaos » ; « Il faut que la pensée de l'individu mérited'être le génie du monde »: ces deux pensées du poète Joé Bousquet, 1-lenri Tort-Nouguès les a fait siennes. Je conclurai en disant que notre frère Henri s'est depuis sa jeunesse forgé un idéal et qu'il a passé 50 ans de sa vie, au cours de son parcours maçonnique, à le servir. Cet idéal qu'il a si bien exposé dans ses ouvrages et qu'il adresse à tous les hommes de bonne volonté en quête de connaissance et d'amitié, en quête de lumière. Aussi avec tous les frères de « Saint Jean de la Parfaiteamitié » de l'orient de Carcassonne, de « L'Union des peuples » de l'orient de Paris, mais aussi je crois pouvoir le dire sans être démenti avec tous les frères, toutes les sœurs, avec tous ceux et toutes celles qui recherchent la vérité et la lumière, nous le remercions de son action et de l'exemple qu'il nous a apporté.

J\R\


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