Obédience : NC Loge : NC 01/05/2012


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Discours au Mur des fédérés père Lachaise

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Le Grand Orient de France a récemment salué, dans un communiqué du 11 avril, la mémoire dans un communiqué du 11 avril, la mémoire de Raymond Aubrac qui vient de disparaître. Un « humanisme de résistance » étant plus que jamais d’actualité « à l’heure de la désaffection, de la désespérance, de la désaffection, de la désespérance, de la déréliction », la Franc-maçonnerie entendra toujours se battre pour la dignité des hommes et des femmes de notre temps, mais aussi pour que les plus jeunes d’entre nous, nos enfants et nos petits-enfants, ici et ailleurs, puissent trouver les conditions d’un choix de vie libre, dans l’égalité et dans la sécurité. Ce n’est dans légalité et dans la sécurité. Ce n’est pourtant pas un message bien exigeant que celui qui réclame ainsi l’indispensable qui nous est bien trop souvent présenté comme un superflu ! Superflu !

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Puisque nous sommes ici au cimetière du Père-Lachaise, devant ce mur où se sont battus et sont morts des hommes qui croyaient en l’avenir, nous voulons honorer ceux qui, dans cette même lignée qui nous vient du passé et tend vers l’avenir, ont été les chantres martyrisés de cet « humanisme de résistance » comme le Compagnon de la Libération Pierre Brossolette, qui cacha derrière des pseudonymes divers et multipliés l’intensité de son activité résistante.

Initié à 24 ans en avril 1927 par la Loge Emile Zola à la Grande Loge de France, à Paris, Pierre Brossolette rejoint la Loge L’Aurore sociale, au Grand orient de France, Troyes, en 1937. Il nous donnait là, en passant de la Grande Loge au Grand Orient une première leçon. Les obédiences ne sont rien devant la réalité du fait initiatique. Tous nos chemins sont singuliers, intimes et respectables. Et depuis bien des Frères ont fait le chemin inverse. Je les respecte et je les salue.

Je veux saluer aussi nos Frères et nos Sœurs des obédiences amies que je n’oublie pas, le Droit Humain, la Grande Loge de France, La Grande Loge Féminine de France, les autres aussi.

Quand j’entends certains essayer de privilégier l’une ou l’autre chapelle dans une quête dérisoire et stérile de pouvoir ou de reconnaissance, parce qu’elle serait plus ancienne, plus spiritualiste, plus légitime, plus régulière voire plus décorative, je me dis que nous oublions l’essentiel du message que les fondateurs de la démocratie, en Europe avec les lumières, en Amérique avec les pères fondateurs de la constitution des Etats-Unis Washington pères fondateurs de la constitution des Etats-Unis Washington, Jefferson, Benjamin Franklin, nous ont légué : les valeurs que défend la maçonneries ont des valeurs de gouvernance, au sens de la marine mais aussi, ne cachons pas notre incurie derrière les mots, au sens de la politique qui gouverne les sociétés et doit protéger les hommes et non pas les systèmes.

Il en est qui cherchent à se réfugier derrière une façade frileuse qui nie l’idée même de révolte active qui a fondé la maçonnerie.

C’est porté par cette haute idée que notre Frère Pierre Brossolette est l’un des premiers à avoir dénoncé les accords de Munich, alors qu’il était aussi un visionnaire et qu’il prit des positions qui lui furent et lui sont parfois encore reprochées par les siens. Il fut révoqué pour cela par Daladier en janvier 1939. Arrêté en 1944 pour faits de résistance, torturé au 84 avenue Foch, siège de la Gestapo, Pierre Brossolette a gardé le silence. Le 22 mars 1944, il s’est jeté par la fenêtre et est mort le soir même de blessures, ayant préféré comme le disent nos rituels « la mort plutôt que de trahir les secrets qui lui avaient été confiés ».

Beau symbole, ses cendres (case n°3913 ou n°3920 du crématorium) sont mêlées à celles du Compagnon de la Libération François Delimal.

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En rendant hommage au profane Raymond Aubrac mais aussi à Lucie, son épouse et compagne, dont on sait le courage et la détermination qui n’avaient rien à envier à ceux des hommes, comme au Maçon Pierre Brossolette, le Grand Orient entend montrer qu’il n’établit aucune distinction entre les Maçons et ceux qui ne les ont pas, entre les Frères et les profanes, c’est-à-dire ceux qui sont devant le Temple. La Franc-maçonnerie n’a pas l’exclusivité de la vertu de la lucidité ou du courage. Elle n’entend surtout pas donner des leçons à quiconque. Elle tient à affirmer que son chemin n’est ni l’unique ni le meilleur qui puisse mener à la Vérité, mais c’est celui qu’ont choisi ceux d’entre nous qui portent un tablier et qui en sont fiers, sans vouloir en faire un étendard.

Je cite Lucie Aubrac à dessein, car l’histoire officielle ne tient souvent compte que des faits guerriers ou flamboyants, emblématiques et ne se souvient pas de la souffrance silencieuse de ceux qui ont participé dans l’ombre. Sans les femmes, j’ose dire aussi sans les enfants, les hommes du combat n’auraient pas eu les moyens ni la force qui étaient les leurs et qui leur faisait défendre non des propriétés les leurs et qui leur faisait défendre non des propriétés étroites mais une idée, celle de leur liberté.

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Avant d’être un « indigné », le Franc-maçon est un révolté et un « insurgé » pour reprendre le titre de révolté et un « insurgé », pour reprendre le titre de notre Frère Jules Vallès, enterré dans la 66ème division de ce cimetière.

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Jules Vallès, fondateur des journaux La Rue, Le Peuple, et Le Cri du Peuple, est connu pour avoir participé à la manifestation maçonnique en faveur de la Commune en avril 1871 et avoir au nom de la Commune en avril 1871 et avoir, au nom de la Commune, cravaté de son écharpe rouge la bannière de sa Loge dans la cour d’honneur de l’hôtel de ville. Fait tout aussi connu, ses funérailles ont été suivies par plus de soixante mille personnes et ont tourné à l’émeute entre royalistes et anciens communards.

Sait-on par contre que c’est dans la force de la jeunesse, à seize ans, en 1848, que Vallès a participé à sa première manifestation, et que c’est à dix-neuf ans qu’on le retrouve sur les barricades à Paris, en réaction au coup d’état du 2 décembre 1851 ? Sait-on surtout qu’il s’est attaché toute sa vie à défendre « les droits de l’enfant comme d’autres les droits de l’homme » ?

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Il  n’est pas le seul Maçon à avoir voulu prendre le parti de la jeunesse. L’ancien Grand Maître du Grand Orient Arthur Groussier (case 6380 du columbarium) s’est particulièrement intéressé à la protection des femmes et des enfants. La Sœur Marie Bequet de Vienne (51ème division), chez qui s’est déroulée le 14 mars 1893 la première Tenue de la première Loge du Droit Humain, est l’instigatrice d’un programme d’aide aux futures mères et aux femmes en couches, d’une société d’allaitement maternel, d’un refuge ouvert pour les femmes enceintes, et d’une société de solidarité à l’enfance.

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Je me suis inspiré de ces grands exemples pour avoir au Grand Orient de France une action volontariste en direction des jeunes. Quand je les ai rencontrés à La Paillade, à Montpellier où j’irais faire bientôt le bilan de deux ans d’action des loges de la région dans cette direction, où à Malakoff à Nantes, où à Rémire-Montjoly à Cayenne, ou à Cognac, ou dans mon département, la Seine-Saint-Denis ou ailleurs encore. J’ai partout senti et entendu un besoin de reconnaissance, un désir de spiritualité vécue dans la laïcité et le respect des autres. J’ai aussi réuni de jeunes maçons rue Cadet pour leur dire leur responsabilité envers ceux de leur âge qui sont en quête d’identité.

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Mais nous ne prétendons pas jouer les pygmalions ni les professeurs de vie. L’article 76 de notre règlement général rappelle qu’il faut, « pour pouvoir être admis à l'Initiation et jouir des droits attachés au titre de Franc-maçon du Grand Orient », avoir « atteint la majorité légale ». Car la Franc-maçonnerie, contrairement aux sectes et aux dictatures, se montre hostile à toute forme de prosélytisme et s’oppose à toute forme d’embrigadement. Nous ne sommes pas dans un culte irrationnel du jeunisme.

Nous honorons la beauté de la jeunesse, la force des adultes, et la sagesse des anciens. En son temps, le frère Isidore Justin Séverin Taylor (51ème division), dit« baron Taylor », écrivain d’art, administrateur et philanthrope, fonda des maisons de retraite pour les comédiens. La Maçonnerie, pour honorer les jeunes, n’en oublie donc pas pour autant les anciens.

Il suffit de fréquenter des Loges pour constater que la plus belle utopie de la Franc-maçonnerie est dans cette chaine qui nous relie dans le temps et l’espace, qui nous permet d’échanger en toute liberté, d’égal à égal, même quand existe un lien familial profane entre Frères et Sœurs, dans cette nouvelle famille choisie, où le conflit de génération perd son sens.

En Maçonnerie, nous avons tous le même âge symbolique qui, au grade d’Apprenti, est celui d’un enfant. Le Frère communard Benoît Malon (76ème division) doit le savoir, lui qui a travaillé dès l’âge de 7 ans comme berger puis comme ouvrier agricole, et qui a appris la lecture à vingt ans avant de devenir journaliste. Beau métier et belle réussite pour un maçon qui ne savait « ni lire ni écrire » !

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« On cesse d'être jeune au moment où l'on ne choisit plus ses ennemis, où l'on se contente de ceux qu'on a sous la main » c’est ce que dit Emil Cioran et je crois pouvoir affirmer que je comprends de mieux en mieux ce qu’il veut dire. Mais, ajoute Heidegger, « dès qu’on est né, on est assez vieux pour mourir ».

Nous avons là, en deux citations, l’essentiel de notre philosophie, qui nous amène à cet humanisme de résistance, dans la pratique quotidienne d’une raison critique qui est pour nous la mesure de toutes choses.

Les temps qui viennent seront difficiles. Nous le savons, mais ne le craignons pas. Encore faut-il que nous ayons, pour convaincre, force et clarté dans nos convictions.

Nous aurons dans la conception de la cité future que nous appelons de nos vœux et dont nous sommes les architectes une responsabilité construite dans les avoir et le pouvoir bâtis dans le parcours initiatique que nous faisons dans la loge. Nous ne pourrons plus nous contenter de cette carte de visite que l’on vient parfois chercher chez nous et qui serait selon certains une clé pour ouvrir certaines portes.

J’en appelle ici, en ce lieu emblématique, à la maçonnerie française mais aussi à la maçonnerie européenne pour unir nos forces de l’esprit et apporter notre indispensable, incontournable pierre fondatrice à l’édifice.

Le Grand Orient, qui prône la « liberté absolue de conscience », admet que s’expriment en son sein des opinions diverses : l’« humanisme de résistance » n’est l’exclusive ni de la gauche ni de la droite ni des croyants ni des athées, ni même des Francs-Maçons. Le Grand Orient préférera toujours l’action d’un non-maçon républicain à celle d’un Frère ou d’une Sœur qui aurait trahi son serment. Et il ne mettra jamais la fraternité au-dessus de la justice de la République quand certains des siens dévient de leur route.

L’humanisme de résistance sait la fragilité, la précarité, l’éphémérité de la vie humaine.

Il sait qu’il faut apporter à cette vie, à toutes ces vies que nous parcourons ensemble, que nous écrivons ensemble, la possibilité d’un choix de son destin, mais aussi la sécurité qui n’est pas seulement physique ou policière, mais aussi dans l’expression de nos idées et de nos croyances.

La qualité de nos vies ne se mesure pas à la couleur de notre peau, à nos origines, à nos religions, à notre nationalité, à notre âge, mais à l’aulne d’une philosophie qui lui donne son sens. C’est ce que nous appelons la laïcité.

Pour cela il faut pouvoir bénéficier non de la richesse qu’apporterait le « gagner plus » mais d’un bien-être où chacun peut aller chercher et trouver peut-être selon son talent, son génie propre, le bonheur.

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Le franc-maçon Franklin Delano Roosevelt, président des États-Unis, le savait quand, en 1944, au crépuscule de sa vie, (il ne lui restait alors que quelques semaines à vivre,) il s’exprimait dans une déclaration qui a été filmée. Il disait déjà l’urgence d’un « Second Bill of Rights », d’une deuxième déclaration des droits, préservant les droits fondamentaux les plus simples. Se nourrir, se vêtir, se loger, travailler et circuler librement. Il faut aussi se souvenir que Roosevelt avait en 1933 instauré le New Deal, action politique originale volontariste et audacieuse dans une crise mondiale, et qui allait permettre aux Etats-Unis de survivre.

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En 2012 les droits fondamentaux des humains sont plus que jamais en danger. Parfois déniés. Parfois absents ou oubliés. La solidarité sociale qui devrait les préserver s’efface derrière le pragmatisme économique derrière aussi nous, maçons, n’avons pas peur de le dire, derrière des appétits de pouvoir où les hommes sont tout prêts à pactiser avec les extrêmes.

Que l’on ne vienne pas maintenant nous dire la vertu, la légitimité républicaine, la cohérence politique de mouvements qui ont pourchassé, déportés, assassiné nos Frères et nos Sœurs.

Que l’on ne vienne pas nous reprocher, de dénoncer avec fermeté voir violence, ceux qui, il y a peu encore, dénonçaient eux le complot Judéo maçonnique.

Que l’on ne vienne pas dresser devant nos yeux ces écrans de fumée où les boucs émissaires sont les immigrés, les Roms, les musulmans, les assistés ou désignés comme tels, comme les juifs en 1930.

En mai 2012 nous ne sommes plus dans un jeu politicien où le succès de tel ou tel candidat qui à nos sympathies ou nos suffrages pourraît nous apporter au soir du 6 mai la satisfaction d’une victoire sportive.

Ne laissons pas certains des nôtres, dans une dérive électoraliste passionnelle qui nie la raison, pactiser, se compromettre, et surtout peut être par leur silence, avec l’extrême droite.

Nous sommes dans l’urgence.

Je le dis avec gravité, avec solennité.

Je m’y sens obligé, autorisé par mon parcours initiatique qui a été accompagné par cette multitude de rencontres que j’ai pu y faire. Ces Sœurs et ces Frères, mes compagnons de route dans cette intense réflexion et action des deux ans de mon mandat sont ici pour m’y encourager.

La franc-maçonnerie n’est pas dans l’anecdote.
Elle n’est pas dans le confort, ni dans l’auto congratulation, ni dans l’auto satisfaction.
Elle n’est pas dans nos signes, mots et attouchements.
Elle n’est même pas dans nos symboles.
Elle n’est pas dans nos rituels.
Elle est dans nos têtes et dans nos cœurs et elle n’existera pas sans nous.

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Au-delà des illusoires influences, au-delà du pouvoir dérisoire, il y a l’idée maçonnique et le savoir maçonnique. Cet élan que des hommes ont su faire émerger du grand courant de la libéralisation, de l’autonomisation, de la laïcisation de la pensée.

Cet héritage nous crée une responsabilité.

Celle de dire que nous croyons pouvoir approcher au plus près la vérité, celle au moins de débusquer les faux-semblants, les faux amis, les faux compagnons.

Nous devons être aussi au plus près de cette francité que disait Léopold Sédar Senghor, cette francité des lumières qui était une universalité et qui a inspiré bien des philosophes de tous les pays avant que de faire philosophes de tous les pays, avant que de faire naître les démocraties et la république.

Certains vilipendent ici ou là cette propension du Grand Orient à dire sa nature, son fondement républicain.

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Ces grands esprits se réclament d’une soit disante idée maçonnique originelle qui aurait une pureté aux relents de doctrine aryenne et qui voguerait sur une improbable nébuleuse idéaliste. Ailleurs ils sont dans un relativisme qui mettrait au nom de la tolérance toutes les valeurs sur le même plan. Ailleurs ils se laisseraient tenter par une laïcité qui exclue, fait des hiérarchies entre les religions et les croyances, privilégie une ou l’autre civilisation. Je veux ici les rassurer, si j’ose dire.

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Nous ne nous laisserons ni détourner, ni abattre. Mieux, nous les combattrons et les dénoncerons sans cesse, pour, collectivement, dans le cadre de nos institutions démocratiques, où nous sommes élus et responsables devant des instances, affirmer cette identité républicaine du Grand Orient. Nous continuerons à agir comme un corps intermédiaire de la république, dont le pouvoir et la légitimité sont niés par beaucoup. Nous resterons des vigiles qui, non pas à tous crins, ni à tous les détours et aléas de la vie politique ou civile, mais dans une démarche pesée et mesurée, dans notre temps maçonnique, seront prêts à intervenir.

Je l’ai dit, et n’ai crainte de le réaffirmer nous sommes un réseau humaniste.

Ni de gauche, ni de droite, car nul n’est propriétaire de l’idée humaniste.

Pourquoi aurions-nous peur de le dire à ceux qui constituent des réseaux économiques, politiques, religieux. Au contraire nous leur disons :

Nous sommes là. Nous serons là.

Salut Fraternité et Résistance à vous tous.

Vive la franc-maçonnerie universelle, vive la république.

G\ A\

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