Le Discours
en Loge
Lorsque notre F H\ m’a
demandé de présenter une planche sur le discours
en Loge, j’ai accepté et j’ai
immédiatement fait appel à mes FF et SS de la FIF
(Franc-maçonnerie internationale francophone, liste de
discussion sur internet). J’ai bien fait, car le F P\ L\
m’a proposé une planche sur la
communication en Loge dont je me suis largement inspiré.
Avant que le V.M. ne déclare les travaux ouverts, il y a une
succession de vérifications et d’ordonnancements
propres à créer un véritable climat
propice aux travaux. Pourquoi faire appel à un circuit aussi
compliqué ? Pourquoi le V.M. ne s’adresse t-il pas
directement à l’Assemblée, pourquoi
répéter deux fois ce qui est clair lors du
premier énoncé ? Cette procédure
lourde permet de vérifier que les circuits sont
« bien huilés »,
que la communication, telle qu’elle se pratique dans le vase
close de la Loge, est en état de fonctionnement.
Tant que dure la Tenue, les autres FF et SS s’adressent au
V.M. et par extension à l’ensemble de la Loge,
sans jamais diriger leur message vers un interlocuteur
précis. Aucun dialogue n’est permis en Loge. Les
orateurs successifs ne répondent à personne,
n’interpellent personne, ils dirigent tous leurs propos
à l’intention de la Loge. Cela empêche
de facto l’intrusion, en Loge, des oppositions, des
débats et permet de ménager le cadre des
contributions. L’expression de chacun est à
l’intention de tous et empêche les
échanges frontaux, favorise l’apport
d’une nouvelle pierre. Chaque F ou S qui le souhaite
contribue à faire naître un peu plus de
lumière qu’il se contente de mettre à
la disposition de la Loge et de ses membres. À
côté de lui, un(e) autre F ou S agira de
même, quand bien même cette idée est
antagoniste à celle qui vient d’être
émise avant lui. Ceci, non pas pour s’opposer,
mais pour fournir un autre éclairage. Ceci est fait pour
préserver la qualité et
l’harmonie des travaux.
Trois Officiers ont la responsabilité de faire circuler la
parole : le V.M. et les deux Surveillants. Leur rôle
n’est pas de filtrer mais de permettre à chacun de
s’exprimer. Dès que la parole lui est
accordée, rien ni personne ne peut théoriquement
interrompre le F ou la S qui, debout et à l’ordre,
propose un éclairage, présente un travail ou
émet une idée. À compter du moment
où il aura rituellement engagé son propos, la
parole ne pourra retourner au V.M qu’au moment
précis où, estimant avoir achevé son
intervention, le F ou la S formulera la locution « j’ai
dit ».
D’autres intervenants jouent un rôle
spécifique dans la communication en Loge. Le F ou la S
Orateur, lorsqu’il parle assis, ne parle plus en
qualité de F ou S, mais pour remplir son Office,
c’est-à-dire proposer une synthèse ou
apporter l’éclairage légal de nos
Constitutions. La conclusion qu’il propose ne vise pas
à tenter de trouver un moyen terme aux échanges,
ni à prendre parti. Il dresse un rappel de la teneur des
contributions, en montre la diversité et les antagonismes.
Il rappelle les idées exprimées par la Loge en
faisant abstraction de ses propres points de vue.
Pendant ce temps, le F ou la S Secrétaire prend les notes
qui lui permettront de rédiger la planche tracée
des travaux. Ceci est dans le but que l’atelier dispose
d’une mémoire, d’assurer ainsi la
transmission et la pérennité de la
Chaîne dans le temps. Par son Office, le/la
Secrétaire est un révélateur de
l’efficacité de la communication dans la Loge.
J’aimerais préciser un point particulier
concernant le travail du/de la Secrétaire. Le
tracé des travaux en Loge n’a pas le
même objectif que celui des travaux profanes (par exemple,
d’une réunion syndicale ou d’un
procès-verbal de réunion.
Le/la Secrétaire n’a pas à prendre en
note chaque intervention faite durant la période de
discussion. Il est, en effet, risqué que certaines
interventions soient prises de façon inexacte. Et comme il
est n’est pas possible de demander des corrections sur le
fond du tracé :« Il ne peut
être présenté de remarques que sur la
rédaction du tracé, non sur le fond des sujets
traités. », il
s’avère plus sage de ne pas risquer de
controverses.
Le silence de l’Apprenti ne doit pas être
considéré comme un handicap, mais comme un
privilège et un outil. Le F ou la S qui débute
son parcours initiatique a besoin de repères,
réclame une intégration graduelle et doit
s’approprier progressivement les outils. Si l’on
considère que parler en Loge est un devoir pour apporter sa
pierre à l’érection du Temple, on peut
penser que le silence ressemble à un privilège.
Enfin, lorsqu’on parle de planche, son
intérêt est de susciter la réflexion
plutôt que de présenter un travail exhaustif. Cela
permet au Maçon de partager une recherche en
aménageant de fait le cadre de la tolérance. Il
est normal de remettre un texte écrit qui sera adjoint au
tracé de la Tenue.
Je conclurai par quelques réflexions personnelles. Comme
l’on vient de le voir, cette expression de la
parole est garantie par le Rituel. Il est du devoir de celui ou celle
qui la prend de donner son point de vue avec
honnêteté intellectuelle,
c’est-à-dire en citant ses
références ou alors, en indiquant que ce
n’est qu’une idée comme ça.
Si c’est une impression, c’est une impression. Si
c’est basé sur un fait vécu, on raconte
le fait et on donne la conclusion qu’on en tire. Le talon
d’Achille dans le discours, c’est que chacun veut
bien paraître, se mettre en valeur. Souvent, nous
essayons d’améliorer notre produit au
détriment de la juste vérité. Et
alors, au lieu d’écouter ce qui se dit et de
construire là-dessus, nous cherchons à tout prix
à soigner notre image. Et souvent nous nous
répétons, pour bien « river
le clou », sans égard pour le
temps écoulé, en abusant de la
capacité d’écoute des membres de la
Loge.
Une dernière remarque concerne la durée
d’une Tenue. Tenant compte de la capacité
d’attention et de concentration moyenne d’un groupe
d’humains, la Tenue doit commencer à
l’heure et ne jamais excéder trois heures (par
exemple, de 19hres à 22hres). Il est certain qu’un
arrêt de 10 minutes au milieu de la Tenue permettrait de
rétablir l’attention et la concentration, mais
étant donné la qualité de discipline
que cela exige de la part de chacun, il vaut mieux s’en tenir
au déroulement continu de la Tenue.
J’ai dit.
M\C\ L\
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