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La Chair quitte les os…Tout se désunit

A la G\ du G\ A\ de l’U\, V\ M\ et vous tous mes F\, ce soir je vous présente ce morceau d’architecture qui m’a été imposé par notre T\ V\ M\, sujet particulier, je peux vous avouer qu’il m’a demandé beaucoup d’efforts de compréhension, de lecture, d’appropriation des nombreuses notions attachées à ce sujet.

Ce travail s’articulera autour des aspects suivants :

- La chair a quitté les os…
- Tout se désunit !
- La mort transformatrice
- La renaissance
- Conclusion et bibliographie

Au grade de Maître, le rituel tire sa quintessence de la mort d’Hiram, assassiné par trois mauvais compagnons à la recherche du mot de passe au grade de maitre, ce mythe de l’homicide fraternel du maître Hiram est le principe de la symbolique de la Franc Maçonnerie au 3ème degré.

La chair quitte les os…

Exclamation dite par le second surveillant souhaitant soulever le corps de Maître Hiram par l’attouchement de l’apprenti, cette exclamation est le symbole de l’élévation spirituelle au travers de la spirale de la putréfaction, séparation entre la chair et l’esprit.

La chair c’est l’apparence, le temporel, l’éphémère, quand elle quitte les os, on perd notre apparence pour laisser place à l’essence.

« La chair quitte les os » évoque la putréfaction qui grâce à sa désintégration va devenir le fertilisant, un accélérateur de vie, processus alchimique proche de l’œuvre au noir.

Il faut se détacher de sa chair, de son écorce pour cheminer vers la voie de la connaissance à la rencontre du Grand Architecte de l’Univers. Le fait de mourir et de renaitre par cette métamorphose nous permet d’avoir en nous le souvenir du monde précèdent d’une part et d’autre part, de savoir utiliser notre expérience à bon escient dans le nouveau.

Ce détachement signe l’accès à d’autres niveaux de compréhension : les vêtements que l’on enlève, une jambe de pantalon qui est relevé et rend visible l’ossature de la jambe… Il s’agit plutôt de faire comprendre que la chair sensible, jouissante, souffrante et tout le psychisme qui va avec est un registre insuffisant pour poursuivre la démarche d’initiation et aller vers l’initiation réelle.

Tout se désunit !

Exclamation dite par le premier surveillant, après avoir essayé de soulever le corps par l’attouchement du compagnon sans y parvenir.

Ne pouvons-nous pas nous réjouir de cette exclamation car le Maître Hiram ne va-t-il pas atteindre une nouvelle dimension qui lui permettra de réunir ce qui est épars et ce qui a été perdu ?

Les os contiennent la moelle substantielle de la vie, le suc vital qui contient l’ADN de notre tradition et de nos transmissions passées et à venir car la sève n’est jamais tarie. La désunion est le désordre, une fracture établie au sein de l’ordre, brisure de la continuité de l’œuvre.

Tout se désunit, car le compagnon vient de tuer le Maître, symboliquement faut-il la mort du maître pour que le disciple puisse acquérir la connaissance ?

C’est le maître en puissance chez le disciple qui prend chair. Les os sont la charpente cachée et représentent le monde sensible par opposition au monde visible. Dans la Bible EZECHIEL, chapitre 37 :

Verset 4 : Il est écrit : « Prophétise sur ces ossements, tu leur diras : ossements desséchés, écoutez la parole de Yahvé ».

Verset 5 : « Voici que je vais faire entrer en vous l’esprit et vous vivrez ».

Verset 9 : « Prophétise à l’esprit, prophétise fils d’homme tu diras à l’esprit ainsi parle Yahvé :

« Viens des quatre vents, esprit souffle sur ces morts et qu’ils vivent ».

Ce qui voudrait dire que ce qui enveloppe le squelette est d’une autre nature que ce qui enveloppe l’individu avant qu’il rentre dans un processus initiatique, il change de peau, il change d’Etat. Poursuite de la métamorphose des sens, on aborde là avec « tout se désunit » un retour vers « l’amorphe », « le « chaos » qui doit être aussi une ultime étape du chemin initiatique. Puis, dans le rituel, le Très Vénérable Maître dit : « Souvenons-nous que l’union fait la force et sans le secours des autres nous ne pouvons rien. Puisque vous n’avez pas réussi dans vos tentatives, il nous reste à essayer un troisième moyen, en soulevant le corps par les « Cinq points parfaits de la Maîtrise » et je vais y procéder avec votre aide ».

Là on peut comprendre que les enseignements des deux premiers degrés ne s’avèrent pas suffisants pour réanimer Hiram ; et c’est cette nouvelle dimension apportée par le Très Vénérable Maître, joignant son énergie, sa sagesse à la force du premier surveillant et à la beauté du second surveillant, qui a permis à Hiram de passer de l’horizontalité à la verticalité et donner accès à la spiritualité. Le Très Vénérable Maître reçoit le récipiendaire par les « cinq points parfaits de la maîtrise et lui donne le baiser fraternel et lui communique à voix basse à l’une et à l’autre oreille les syllabes du mot sacré des maîtres « MAHABON » phrase de putréfaction, c’est le « solve » alchimique. Les cinq points parfaits de la maîtrise sont le souffle de vie que nous transmet le Très Vénérable Maître, cette influence spirituelle dont nous parle René GUENON.

Regardons chacun des cinq points parfaits de la maîtrise :

Prise du poignet droit par la griffe du maître. Cette saisie permet une fusion et la réception d’une énergie vitale, premier geste de l’impétrant qui est relevé pour accéder à la lumière. Pied droit contre-pied droit par le coté intérieur. Le pied est le point de contact qui relie ce qui est en haut à ce qui est en bas, qui relie l’homme à la terre et permet à l’homme de s’élever.

Se toucher réciproquement le genou droit. Les genoux symbolisent l’accompli, seule attitude pour la prière qui soit mentionnée dans les Saintes Ecritures. Dans notre rituel d’initiation, on invite le profane à se présenter le genou découvert puis plus tard un genou à terre pour le créer, le constituer et le recevoir Franc-Maçon (moment de l’initiation le plus important pour moi car c’est à cet instant que se reçoit l’influence spirituelle).
Poitrine contre poitrine du côté droit. Symbolisant le rapprochement des cœurs, signe de communion avec le côté droit, coté de la colonne Jakin « il établira », la force pour prendre appui, pour retrouver la verticalité.

Main gauche sur épaule droite vers le dos et s’attirer l’un à l’autre. La pose de la main renforce l’idée de solidarité, d’aide, de soutien, de protection.

Ces cinq points parfaits de la maîtrise, tels que décrits par M GRAHAM dans un manuscrit daté du 24 octobre 1726, et utilisés par les trois fils de Noé : Sem, Cham et Japhet.

Hiram renait dans l’initié, c’est l’affirmation du concept de l’immortalité de l’âme pour moi. La mort symbolique donne lieu à une renaissance, comme une graine doit forcément mourir et se transformer pour donner naissance à une plante, génératrice d’une multitude de graines. Etape de pourrissement qui est une passerelle à la répétition du cycle. Une mort qui redonne la vie dans la nature.

La mort transformatrice :

La rupture qui présente la mort notamment dans la décomposition du corps entraîne un changement d’état, sorte de mue alchimique.

1ère naissance : sortie du cabinet de réflexions (homme de chair)

2ème naissance : (homme spirituel) retrouvant le verbe, la parole

3ème naissance : élévation aux états de l’Etre, qui transforme la chair en esprit et élève l’Etre vers cette autre chose. Il faut laisser pénétrer en soi cette influence spirituelle, être disponible à la recevoir et en même temps la nourrir au jour le jour par la méditation, la prière, la lecture, le travail mais aussi par un comportement sain qui apporte la sérénité, la rencontre avec l’autre…

Il faut être humble et disponible pour recevoir, il faut se recentrer sur soi-même, comme le dit EZECHIEL dans le verset 9 : « recevoir l’esprit ». On est constitué d’un principe immuable, inexprimable, inexplicable, intemporel permettant parfois, après un long silence , une longue méditation ou inversement la lecture de textes profonds tels que : sacrés, poésie (de Mihai EMINESCU pour moi), de pouvoir pénétrer un univers inconnu, avec une sorte d’exaltation, de compréhension des choses permettant une ouverture sur d’autres dimensions, ce que j’avais à peine effleuré dans ma dernière planche « la métamorphose des sens ». Ce passage dépasse toute exaltation mystique solitaire, il permet de retrouver le soi. C’est un Accès au monde de l’esprit, au monde de l’amour universel qui permet la compréhension de notre environnement quotidien, avec l’impression que chaque chose à sa place dans l’univers, même si ces moments s’avèrent fugaces, voire imperceptibles au début. Il ne faut pas rester prisonnier de la forme qui est la limitation par laquelle se définit son état. Il faut se libérer de la forme, s’en affranchir pour aller vers les états de l’Etre supérieur, s’approcher du principe. L’homme en cherchant à mourir et à renaître, n’espère-t-il pas gravir les états pour redevenir un être de lumière, cet ADAM au paradis perdu ?

Notre conscience rationnelle n’a-t-elle pas besoin d’être obscurcie afin que la lumière nouvelle jaillisse et avec elle de nouvelles possibilités créatrices ? Il faut se confronter à l’ombre, l’obscurité de l’inconscient, la mort du moi pour que se produise la transmutation. Le moi se dissout  sous l’action de la connaissance pour se transformer en soi par la continuité de la transmission. Transmission d’une fonction car le maître doit être remplacé, il faut donc symboliquement relever le corps pour ramener Hiram au sein de la loge. Faire vivre au postulant sa propre mort physique afin qu’il poursuivre son voyage en s’élevant et en « élevant sa conscience dans un processus de transformation-transmutation pour devenir un véritable Etre de lumière ».

La renaissance

La renaissance est synonyme de renouveau, résurrection, palingénésie, réincarnation, métempsycose.

Résurrection : Se relever, passer de la mort à la vie, cycle de vie à travers les saisons.

Palingénésie : « naissance à nouveau » Transformation profonde et salutaire d’un individu, source d’évolution et de perfectionnement.

Réincarnation : Principe immatériel ou « esprit », « Âme », « conscience individuelle ». L’esprit après la mort quitte l’Etre pour habiter un autre corps permettant une évolution spirituelle. D’après PYTHAGORE : La réincarnation vient après la purification pour que l’âme passe dans le corps du récipiendaire. Gérard de NERVAL dit : « Il faut savoir mourir pour naître à l’immortalité ».

Un des symboles de l’immortalité est l’acacia, René GUENON souligne : « Que la couronne du Christ est en acacia et que les rayons de la couronne d’épines sont en acacia sont ceux du soleil... »

Elle est aussi le passage du règne végétal au règne animal et du règne animal au règne minéral. Cette phase de putréfaction permet d’éliminer les fameuses scories, pour aller à l’essentiel (le non attachement) et débarrasser l’âme du trop-plein de passion). Elle nous rapproche du principe qui est à la fois ce qui précède et régit les choses. L’homme est un passage vers son propre Etre, le principe est en l’homme, il illumine la conscience de l’homme.

Cela me fait penser au LUZ selon René GUENON : Il existe une particule indestructible dans le corps humain représentée symboliquement par un os très dur et auquel l’âme demeurerait liée après la mort. Cet os est appelé LUZ, ce nom a souvent le sens d’amande (en hébreu) contenant le germe (la mandorle des portails ouest) comme le noyau contient le germe et l’os la moelle. Le LUZ contient les éléments virtuels nécessaires à la restauration de l’Etre. Cette restauration s’opérera sous l’influence de la Rosée Céleste revivifiant les ossements desséchés. Cet os situé à l’extrémité de la colonne vertébrale est sous le nom de sacrum. Le LUZ est impérissable : (noyau d’immortalité, œuf ou embryon de l’immortel, en hindou on l’appelle la force : « Kundalini ». En parallèle le mythe du Phénix : Lorsqu’il sentait la mort proche, il s’exposait au soleil jusqu’à ce que les rayons le consument. De la moelle et des os sortait un œuf d’où émergeait un oiseau régénéré.

Conclusion :

Ces deux phrases inquiétantes en langage commun : « La chair quitte les os… Tout se désunit ! » Nous amènent à comprendre qu’il faut passer par le chaos de la désunion pour se transformer en un nouvel état, ouvrant les champs de l’intuition, des possibles, de nouveaux états de conscience en gravissant les états de l’Etre.

La Franc-Maçonnerie est indispensable pour moi au développement de l’humanité, car elle suggère un esprit de vie éternelle. Elle a prévu sa propre décadence et la façon d’y remédier en ressuscitant plus fort et en perpétuant la transmission qui va du savoir à la connaissance. C’est par cette renaissance, véritable héritage alchimique, processus d’éveil, que le Franc-Maçon a pour but de s’élever à un niveau supérieur de conscience, d’éveil de l’Être.

Pour terminer, une phrase de GOETHE : « Meurs et deviens ».

T\ V\ M\ et V\ T\ M\ F\

J’ai dit…

D\ B\

Bibliographie :

René GUENON : « Le roi du monde ».
Marie Louise VON FRANZ : « La femme dans les contes de fées ».
Gérard DE NERVAL : « Le voyage en Orient ».
Annick DE SOUZENELLE : « Symbolisme du corps humain ».
Rituel du troisième degré symbolique – GLDF
Daniel BERESNIAK : « La légende D’HIRAM & les initiations traditionnelles »
Jean Marc VIVENZA : « Le dictionnaire de René GUENON »
Site de LEDIFICE : De nombreuses planches.


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