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La Chair Quitte les Os

La Chair quitte les os ! Tout se désunit !

HIRAM est une légende merveilleuse qui résonne à nos oreilles avec tant de splendeur et de mystères.

Elle est l’insigne présence d'une clarté intérieure de la franc-maçonnerie.

L'édification du temple est et fut un idéal autant qu'une urgence pour les hommes de bonne volonté de toutes époques.

Prophétie mosaïque, elle tardait aux hébreux car les rabbins disent que le roi David entendit grommeler son peuple, ainsi: "Quand va donc mourir le vieil homme, que son fils puisse commencer à construire le temple et que nous puissions visiter la maison de l'éternel".
Mais le rêve fut brusquement interrompu, Hiram l'architecte des travaux est tué par 3 mauvais comp., emportant avec lui un secret d'ordre religieux.
Hiram est mort.

Nous apprenons par la voix du TVM que les frères doivent retrouver les restes du maître pour rendre à sa dépouille les honneurs de son rang et peut-être recueillir quelques traces de sa science.

Le tombeau est retrouvé à l'ombrage d'un acacias et à ses pieds l'équerre et le compas.

Découvrir le tombeau est déjà une ouverture symbolique qui vient, bien sûr, confirmer la mort d’Hiram et nous révéler que le maître peut donc mourir. La mort du maître est une singularité et une apparence. Nous le verrons sa mort n’est pas une fin, la continuité de la transmission demeure pour toujours. Transmission d’une fonction car le maître doit être remplacé. Il faut donc symboliquement relever le corps pour ramener Hiram au sein de la loge.


Le 2nd surv. essaie de soulever le corps par l'attouchement d'app., en vain "La chair quitte les os". Le 1er surv. essaie à son tour par l'attouchement du comp. "Tout se désunit".

Si les mots font peur, les symboles les éclairent.(pause)
Le maître est mort, la chair symbole de vie a quitté les os. La mort qui selon le Phédon est un être dépouillé de tout voile, être tel qu’il se promet au philosophe et qui n’éclate qu’avec la fin de la corporéité.
Les exclamations des surv en loge et le rite en général sont une réflexion maçonnique sur la mort, sur la destruction, la régénérescence, la transformation mais plus encore si j'ai bien pensé mon travail. Une pensée qui s’enracine dans la Tradition dont les références mythologiques ne manquent pas.

Les surv par leur attouchements respectifs veulent réveiller un mort.

Et d'abord le 2nd surv. par le fil à plomb signe de recherche intérieure et verticale. Un sentiment profond des hommes qui cherchent la connaissance, faire parler les morts dit-on, pour être instruit sur l'au-delà, qu'Hiram nous raconte la mort et nous comprendrons un peu mieux la vie. Qu’il nous renseigne sur l’œuvre a parachevé qu’à notre tour nous donnions vie à notre propre ouvrage.

Pour l’app., la franc-maçonnerie offre les moyens de la connaissance de soi, alors pourquoi ne pas utiliser ses outils pour recueillir la science de l’architecte. Mais cela ne suffira pas. (pause)

Nous n’avons aucun éclairage sur l’origine des connaissances d’Hiram. Un secret, inscrit quelque part dans l’univers, avec lequel il nous quitte mais il reste les os et leur substantielle moelle. Certains rituels anglo-saxon font mention d'une expression de maître "marrow in the bone" - la moelle dans les os dont les initiales MB rappellent notre mot sacré.

La chair quittes les os ou pourriture un processus alchimique proche de l’œuvre au noir, comme si on voulait procéder à une extraction pour saisir du sens au plus profond de ce cadavre en putréfaction. Les traités d’alchimie désignent la putréfaction comme une opération nécessaire de la transformation. Une gravure de Basile Valentin représente un corbeau noir séparant la chair des os, permettant à l’âme humaine de quitter le corps. De cet état décomposé va surgir un nouvel initié: l'esprit survivra à la matière.


Le souffle d'Hiram est transmis au nouvel initié, un fils de la putréfaction qui prolongera notre règne spirituel. Hiram revit dans le jeune maître, pour le moins notre rituel fera revivre au nouveau maître la légende d'Hiram.(pause)

La décomposition est un processus nécessaire à la vie. Mais quel processus? La vie au sens où la nature convertit en corps vivants les aliments de toute espèce, en composant tous les sens des êtres animés. Cette thèse de la génération spontanée d’organismes vivants à partir de la putréfaction et du mouvement de la seule matière a été élaborée par Lucrèce dont la phrase suivante est le point de départ de sa pensée , je cite " On peut voir des vers vivant sortir de la fange " . Voir des vers comme la chair quitte les os. Si on suit Lucrèce, on peut dire qu’Hiram a reçu des chocs trop violents, son mouvement intérieur a été détruit, les liens de l’âme au corps ont été rompus, il s’est brisé et désagrégé.

Cette thèse bien qu’obsolète réapparue en 1952 avec l’expérience de Miller-Urey qui à partir d’une décharge électrique dans un mélange gazeux obtinrent des composés organiques nécessaire à la construction de la vie. On peut même aller plus avant et énoncer, que la relation Hiram-jeune maître est un cannibalisme dans le sens où l’assimilation qui est une cause de mort est en même temps un moyen nécessaire du vivant. L’emploi du mot cannibalisme est sûrement déplacé, mais il est doit être entendu comme une transfiguration de notre rite, conjugaison du sentiment très fort d’effroi et de Fraternité qui nous unit tout spécialement à cette occasion.

Ou bien au contraire de Lucrèce, la décomposition est une résultante d’un principe de vie dans lequel une force transcendante fait de l’homme une âme pensante unique et non la matière brute d’un minéral ou d’un végétal. En tout cas, pour nous maçons, la réintégration est purement spirituelle et notre matériau est celui de l’Univers la parole.(pause)

Le corps d'Hiram a rendu la maison dans laquelle il se trouvait, une autre maison est son enveloppe : le temple.

Là où les maîtres procéderont à son oraison funéraire avec les soins dignes de sa personne. Car on ne laisse pas le cadavre d'un homme passer la nuit, on l'enterre au tombeau le jour même est-il écrit dans le Talmud. Ceci peut nous enseigner, que l'homme créé à l'image de dieu est un être de dignité et ce à jamais. On ne demeure pas avec un cadavre qui sent, un mort n’est pas un gisant, on ne prête pas à un mort l’attitude d’un vivant. (pause)

La chair quitte les os, tout se désunit, les exclamations des surv. sont consécutives aux att.pratiqués sur la dépouille d'hiram. Dans le contexte de l'ancien testament, tous ceux qui
rentraient en contact avec un mort devenaient rituellement impur. A moins d'appartenir à la tribu des lévites, seuls prêtres capables de s'occuper du mort sans devenir impurs. Dans ce cas, on peut considérer que les maîtres chargés par le roi Salomon de s'occuper d'Hiram étaient lévites, leur conférant ainsi un statut particulier, celui d’hommes épargnés par l'idolâtrie, en référence à l’épisode du veau d'or. Des maîtres insoupçonnables dont le tablier ne peut être tâché de sang. (pause)
De la même manière, tous ceux qui touchaient un cadavre devenaient impurs, une cérémonie purificatrice avait lieu avec un mélange d'eau de source pure et des cendres d'une vache rousse. La vache rousse est un grand thème de l'eschatologie juive. Il s'agissait de sacrifier une vache à l'entier pelage roux. Son pouvoir était de rendre pur l'impur et impur le pur.
Elle est à la fois pureté et souillure. Nœud symbolique ou pierre d'achoppement, la relation pur-impur est une lecture possible de la légende d'Hiram dans la mesure où la putréfaction annonce un nouveau maître, une régénérescence.
Voila l'acacias ! s'exclame le 1er surv., arbre symbole d'imputrescibilité. L’initiation en ce sens au grade de maître est une représentation d’une transmission spéculative et ritualiser. Si nous pensons mort et renaissance, le rituel devient le guide figuratif d’une renaissance continuelle de notre propre existence par l’expérience vécue et par la succession des générations.
Et je peux dégager deux leçons personnelles de l’initiation en tant que représentation :

1ère leçon : moi maître-maçon je comprends que d’un côté effroi, mort, putréfaction et de l’autre fraternité, renaissance, acacias sont des homologues symboliques. Armé de ces mystères, j’aurais un décryptage sensible des événements douloureux ou heureux de mon existence. Je connais le sentier et l’issue du sentier. Si je rencontre un arbre du sentier, je saurais retrouver son issue.
               
2ème leçon : la mort est vécue comme un événement qui arrive en général, mais pour moi ce n’est qu’une éventualité. J’y crois pour tous sauf pour moi. Mais aujourd’hui, maître-maçon, j’ai vu un mort : Hiram. Ce mort c’est moi. Ou bien le prochain ce sera moi. On peut tout faire pour moi et le rite va très loin mais ceci mourir personne ne le fera à ma place. Et là, à cet endroit, se trouve l’acacias.
Cette perspective dynamique de la cérémonie est à mesurer avec une perspective mythologique où la mort d’Hiram est identifiée à une grande figure biblique ou historique ou légendaire ou issue du compagnonnage ou des templiers etc…etc.
Est impur de la même façon celui qui marche sur une tombe, or le nouvel initié enjambe la tombe d'Hiram renseigné par ses frères sur la marche des pas à accomplir au 3e degré. De l'équerre, il arrive près de nous dans le cercle, surmontant l’angoisse de mort.
Il peut prendre place dans la chaîne d'union, lien intemporel de notre fraternité comme en réponse à l'exclamation qu'on peut penser terrorisé du 1er surv. "tout se désunit". Tout se désunit par désordre, par une fracture de la confiance établie au sein de l'ordre, par brisure dans la continuité de l’œuvre, par meurtre tout simplement

La fraternité n'est plus, la fraternité renaît. Une génération va, une génération vient, ce que les auteurs définissent comme la palingénésie. Les mauvais comp. ont cru pouvoir supprimer les aspirations spirituelles des franc-maçons, mais l'acacias refleurit près des morts et leur apporte repos. Analogie au bois d'acacias qui transportait l'arche d'alliance : l'arbre de la vie. L'union a fait la force. Nous avons été plus forts que les mauvais comp. (pause)


Tous se désunit car le disciple vient de tuer le maître. Symboliquement le disciple doit-il tuer le maître pour acquérir à son tour la maîtrise ? Si le maître meurt emporte-t-il avec lui le disciple qui ne sera jamais maître car la connaissance n'a pas été transmise ? Et des maîtres peuvent-ils tuer des disciples de peur qu'ils soient plus grands qu'eux? La maçonnerie propose une autre voie c'est le maître en puissance chez le disciple qui prend chair. Et je crois, que cette voie est une dimension particulière de l’altérité, l’autre qui est nous et qui prends corps dans nos regards, miroirs de notre propre maîtrise. Cet autre nous-même c’est Hiram.

Pour illustrer mon propos m'est revenu la légende des maîtres aveugles que je vous livre :

"Rabbi (grand rabbin) et rabbi Hyia se mirent en route; arrivés à un certain lieu, ils demandèrent "Y-a-t-il un maître ici afin que nous allions lui rendre visite? Les habitants de la ville répondirent "Oui, il y a un maître mais il est aveugle". Rabbi Hyia dit à Rabbi "Reste ici, ne porte pas préjudice à l'honneur de ton rang, j'irai seul rendre visite au maître". Rabbi refusa, saisit le bras de Rabbi Hyia et l'accompagna. Plus tard, lorsqu'ils prirent congé du maître aveugle, celui-ci leur dit "Vous avez reçu les visages visibles qui ne voient pas vous avez mérité de ce fait de recevoir les visages qui voient mais qui ne sont pas visibles. Rabbi dit à Rabbi Hiya " si je t’avais écouté et n’étais pas venu avec toi, j’aurais manqué cette bénédiction ".
Hiram un visage qui voit mais qui n'est pas visible ne serait-il pas la clarté intérieure de chaque maître-maçon. C'est une belle image pour restituer au maître-maçon la légende d'Hiram, dans le cadre de la symbolique de ce soir.

F\ M\

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