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Le Yi King

En chinois le yi king est un tout petit livre. Le texte canonique comporte à peine 4000 caractères ; en ajoutant les commentaires officielles environ 6000 caractères( les dix ailes) ; une édition complète du « classique des changements » n’occuperait qu’une trentaine de pages. La création remonte à environ 3000ans.
Au cours de ce travail je citerai, des textes et des définitions chinoises qui pour moi semblent d’une telle clarté qu’elles évitent maints bavardage.

« On appelle continuité ce qui délivre les choses de leur torpeur et les met en mouvement. On appelle changement ce qui leur confère une autre forme en les ajustant les unes aux autres. Quand à ce qui les exalte pour les rendre accessibles à tout homme sur la terre c’est ce qu’on appelle le domaine de l’action »

Dès les premiers contacts sérieux entre l’Empire chinois et les pays occidentaux, s’est posé le problème de la transcription en lettres latines des sons de la langue chinoise.
Or chaque langue européenne prononce à sa manière les lettres de l’alphabet ; d’où le risque de cacophonie, en 1972 l’Organisation des Nations Unies a décidé d’adopter officiellement une orthographe unique : le système pinyin (pin : combiner ; yin : sons) mis au point par les chinois eux mêmes ; d’où la même signification pour yi king ou yi jing.

YI : Le sens de ce mot se comprend en regardant l’idéogramme ; il est divisé en deux parties : en haut le soleil et en bas l’évocation de liquide en train de tomber : le soleil et la pluie.
Le premier sens de yi se rapporte aux changements de temps, au passage du soleil à la pluie et de la pluie au soleil. De là vient son sens général de : changement, transformation.
Mais il a aussi deux sens dérivés . Le premier est : facile, simple, naturel ; aux yeux des chinois, la qualité essentielle du changement c’est d’être la fluctuation même de la vie.
Le second sens dérivé est stable, fixe, règle. Que le même idéogramme signifie à la fois changement et stabilité paraît assez paradoxal. L’explication est elle même fourni par le yi king ; il y est dit que la seule chose durable ; c’est que tout change toujours tout le temps . Le changement est le seul repère fixe, le seul rythme naturel dont on puisse faire une loi raisonnable : les quatre saisons changent et se transforment continuellement, et ainsi le cycle annuel s’accomplit durablement.

Ying est le nom général de tous les « livres maîtres » . Le sens propre du caractère est : trame, règle, norme, expérience .

En feuilletant une édition chinoise du « classique des changements », on remarque au milieu du fourmillement des idéogrammes, de curieuses figures, toutes différentes, formées d’un empilement de six lignes, pleines ou brisées, qui reviennent comme en en-tête au début de chacun des 64 « chapitres » du texte canonique. Ces figures sont à la fois la particularité et l’universalité du yi king ; nous les nommons les hexagrammes ( néologisme inventé par les traducteurs du 19ème siècle en combinant les racines hexa 6 et grammes signe d’écriture) Ce sont les éléments de base de tout le système du livre des mutation. Ils représentent des situations types, des mouvements de la vie de tous les jours, mais débarrassés de tout coté anecdotique.

Voyons maintenant les origines les moyens de définir ces trais
La légende dorée du yi king
Fi Xi 1er en ancienneté comme en importance, préfondateur de l’identité chinoise, c’est lui à qui on attribue l’invention de l’écriture idéographique, les rites de bienséance, l’art de compter avec des cordelettes nouées et celui de la cuisine, et surtout le Ba Gua ou huit trigrammes.
La légende
« au commencement, il n’y avait rien. Les vapeurs qui étaient légères se sont rassemblées, et de même les vapeurs qui étaient lourdes. Celles ci s’appellent Yang, celles là Yin.
Et ainsi il y eut deux.
Un sage des temps anciens Fuxi, dont l’identité et l’époque se sont perdues dans l’antiquité profonde, a crée les trigrammes, des figures faites à partir de trois éléments qui sont soit yin soit yang. Il y a huit trigrammes et ils symbolisent les éléments de base d’un univers reconnaissable : le ciel, la terre, le tonnerre, l’eau, la montagne, le vent, le feu, et le lac. Ainsi il y eut huit

Les millénaires ont passé, avec l’essor et la chute des dynasties légendaires ; aux alentours de 2000 ans avant notre ère, un gigantesque déluge a couvert toute la terre. Y a réussi à le maîtriser, en travaillant sans relâche pendant 9 ans ; occupé, il l’était tellement que « par trois fois il est passé devant sa propre maison, sans même regarder à l’intérieur.
En récompense de son exploit, l’Empereur lui a donné le trône. Ainsi a commencé la dynastie de Xia, la 1ere dynastie héréditaire en chine. Mille ans plus tard, à la fin de la dynastie Shang, le roi Wen de l’état de Zou a empilé les trigrammes deux par deux, créant 64 hexagrammes. Et ainsi il y eut 64 »

Voilà pour la légende
Le génie de Fu Xi est d’avoir su remarquer et agencer des signes surgis au hasard ; il n’a pas inventé les ba gua ; mais il les a discerné sur le dos d’une tortue sortie du fleuve jaune.
Après Fixi une longue période s’écoule sans événements notables.
Puis intervint un incident entre Wen Wang ( le roi Wen) et le tyran Di Xin.
Di Xin dernier souverain de la dynastie Shang a fait emprisonner le roi Wen, celui ci du fond de sa geôle va occuper son temps en réfléchissant sur les trigrammes de Fu Xi. Il va avoir l’idée de les assembler deux par deux créant ainsi les 64 hexagrammes ; il va leur donner à chacun un nom propre et écrire pour chacun un court paragraphe ; les jugements. D’où son nom Wen Wang le roi écriture ; son fils va lui succéder Wu Wang le roi guerrier qui va le venger et installera la dynastie des Zhou qui régnera durant 9 siècles, a la mort du roi guerrier son fils trop jeune ne peut lui succéder, son oncle se charge de la régence et de l’instruction du futur roi, il va rédiger pour chacune des 6 lignes des 64 hexagrammes une courte explication : « les textes des traits » .
La totalité du texte canonique du yi king est donc mis en place par les grands ancêtres de la dynastie des Zhou.
Enfin Confucius étudia de façon très assidu e le yi king et ses commentaires sont regroupés sous le nom de Dix Ailes et ceci 5 siècle avant notre ère .
Tous ces personnages ont exister mais à la manière d’Achille ou de Rolland accomplissant bien plus d’exploits morts que vivants.
A la différence des autres récits mythologiques exposant la genèse d’une civilisation, l’élaboration d’un récit fondateur, ou l’invention de l’écriture, l’histoire qu‘elle nous propose est d ‘un bout à l’autre présentée comme un processus collectif ne mettant en scène que des êtres humains : aucun dieu n’y parle, aucun démiurge n’y agit, aucune magie n’y opère. Personne n’invente le yi king. Il se fait de lui même en accompagnant le peuple chinois depuis l’origine de sa culture, se perfectionnant et s’auto-organisant de lui même de siècles en siècles.

Comment a été conçu matériellement le yi king

Le peuple chinois est passionné d’histoire, mais en chine l’histoire n’est pas considérée comme une branche des sciences, mais comme un chapitre de la morale.
Les offrandes consistant à donner les meilleurs morceaux de victuailles disposés sur des branches liturgiques ; là on les laissait brûler jusqu’à l’os, le feu pensait-on avait le pouvoir de « projeter » les offrandes humaines jusqu’au ciel ; il les rendait « céleste » c’est à dire comestible par les esprits.
Mais l’offrande avait-elle été agréée ? Pour répondre à cette question les prêtes Shang vont inventer la dialectique. Les prêtes ont observé qu’à l’issue de la crémation, les os restants étaient couverts de craquelures, qui n’existaient pas à l’état naturel, il fallait donc qu’elles soient liées à la cérémonie elle même. Les prêtes vont imaginer que le feu est l’agent, non pas d’une mutation, mais de deux qu’il engendre un double mouvement.
D’abord un aller, des humains vers les cieux, du monde visible vers le monde invisible des ancêtres et des dieux ; ensuite son complémentaire, un retour du haut vers le bas ; une impulsion qui venait de l’invisible se matérialiser au niveau humain, d’où les craquelures, c’est en quelque sorte l’accusé réception, le verdict de Dieu.

Ils auraient pu en rester là comme leurs collègues de la même époque sumériens et égyptiens, mais ils ont introduit une variable que nous n’avions pas l’habitude de prendre en considération : le temps, la qualité du moment.
Pour un peuple d’agriculteur sédentaire, ce qui commande à la terre c’est le temps, la bonne moisson dépend moins du grain que du moment
Des semailles. A la question de savoir pourquoi le même sacrifice au même Dieu est parfois agréer, parfois ne l’est pas, les prêtes apportent la réponse : celui là a été fait à un moment adéquate et celui ci à contre temps.
L’efficacité d’un sacrifice existe donc antérieurement à sa réalisation. Donc plutôt que d’aller recueillir après un sacrifice les preuves de son adéquation , pourquoi ne pas chercher à s’en assurer avant d’immoler les victimes ?
Pour affiner rendre plus visibles les craquelures, les os ronds sont abandonnés au profit des os plats type omoplate, puis au lieu de présenter directement les os plats au feu, on va utiliser un brandon qu'on appliquera en un seul point de l'os(naissance en vérité de l’acupuncture), puis les brandons seront remplacée par des aiguilles de bronze. Les prêtes Shang vont bâtir un système analogique.
En poursuivant leur raisonnement pour se repérer entre les différents moments qui rythment l’univers, ils vont directement l’interroger en utilisant comme support une forme vivante qui lui est liée analogiquement.
Ils prendront la tortue, elle ressemble à l’image qu’on s’en fait en chine, avec sa carapace supérieure ronde comme le ciel, et sa carapace ventrale carrée comme les champs de la terre ; de plus la tortue possède les qualités fondamentales de l’univers : sagesse et longévité.

Passer des os d’animaux aux carapaces de tortue non seulement un changement de support, mais une marque de raisonnement nouveau ; un nouveau type de pensée est en train de naître, créant ses propres hypothèses, à un niveau plus abstrait. Les devins Shang ont en quelque sorte inventé , l’écriture chinoise, en brûlant les os ils les stockaient ensuite pour avoir des moyens de comparaison avec les nouveaux os brûlés, mais il s’est rapidement produit un phénomène d’archivage comme avec les carapaces de tortue . Les devins ont gravés sur les pièces divinatoires des signes mnémotechniques résumant leurs commentaires. Ces signes sont des idéogrammes chinois.35 siècles après certains d’entre eux, inchangés, sont toujours en usage.
Mais il fallait faire correspondre de manière univoque un ensemble ouvert de questions avec un ensemble fermé de réponses ; les chinois ont répondu à ce problème en utilisant le hasard domestiqué par l’arithmétique, ils vont inventer à partir de 49 tiges d’achillée, une méthode pour définir à un instant T, l’établissement personnel de son hexagramme, la méthode est longue, mais défini à un instant précis l’état du sujet à étudier, à ce moment là il convient de faire ceci ou cela.

Cette méthode consiste à utiliser 50 tiges d’achillée, d’en retirer une avant toute manipulation, cette tige représente « l’unité ultime », puis en se concentrant sur sa question on partage au hasard en deux le faisceau restant avec le pouce de la main gauche, chaque tas représente le yin et le yang ; on ôte encore une tige d’un des deux tas qui représente l’être humain entre le ciel et la terre . Après l’avoir glisser entre l’auriculaire et l’annulaire on commence à compter l’autre tas quatre par quatre pour évoquer les quatre saisons, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que 4,3,2,1 tige, ce reliquat est placé entre l’annulaire et le médius ; on refait la même opération avec l’autre tas, le reste étant placé entre le médius et l’index ; toutes ces tiges sont rassemblées et placées de coté. L’ensemble des tiges restantes subit le même traitement et est placée à coté du premier tas. On ressemble alors une troisième fois les tiges restantes qui subiront le même sort ; puis après avoir ajouté le 3ème reste obtenue aux deux premiers, on obtient un reste final qui ne peut arithmétiquement contenir que 13,17,21,ou 25 tiges.

La convention suivante est appliquée ensuite13 et 21 sont yang ; 17 et 25 sont yin, cette convention permet de définir la nature et la qualité de la première ligne de l’hexagramme, pour obtenir les 5 autres il suffit de recommencer l’opération précédemment décrite.
Une autre méthode plus rapide et plus simple consiste à prendre trois pièces, à les lancer en l’air et suivant les faces pile ou face à tracer les traits en sachant que face est yang et pile yin.

Etudions le yin et le yang

Le yang est le trait continu, le yin le discontinu

- d’un point de vue positif ou négatif

notre logique nous amène à ces deux termes de positif et négatif, le yang affirmatif positif, « je pense donc je suis » est une affirmation positive donc yang, le « je » qui commande la phrase est aussi hautement positif; le yin le négatif est pourtant essentiel à une telle assertion, « je » se définit par rapport à ce qui n’est pas « je », la pensée par rapport à son absence et l’être par rapport au non être. Ainsi « non je ne pense pas et donc je ne suis pas » ne représente pas l’aspect négatif du raisonnement de Descartes . La seule façon de comprendre son aspect yin est de renoncer à toute affirmation, de se placer dans une perspective où l’on suppose qu’il n’y est rien, aucune « chose » n’est ce pas à partir de ce raisonnement que Descartes a commencé son travail.
Mais à l’inverse toute négation suppose l’affirmation correspondante. Echappons nous de la pensée rationnelle, le sentiment de manque yin suppose que quelque chose yang doit être là. L’impression d’un vide exige le souvenir d’un plein, il n’y a pas de vallée sans les montagnes qui la cernent. Les lignes yang d’un tableau ne sont perçues que grâce au vide dans lequel elles s’inscrivent. D’où le yin obscur pour la pensée rationnelle peut être lumineux pour la perception.
Un espace vide, sans limites, ne serait pas perceptible pour un « observateur » qui serait lui même illimité. La perception d’un tel espace suppose que « quelque chose « (je) s’est placé en dehors de lui et donc le limite.

- La lumière et l’obscurité

Nous utilisons les termes positif et négatif avec en arrière pensée que le positif est juste, bon et le négatif est mauvais ou faux, le yang positif tend vers la lumière, il est lumineux tandis que le yin obscur est assimilé aux hommes vulgaires ; ces jugements moraux se rapportent, dans une perspective utilitaire ; mais le yang et le yin ne sont ni bon ni mauvais. Il ne nous viendrait pas à l’idée que la lumière est une absence d’obscurité ; cette notion pourrait pour un aveugle de naissance être remplacée par celle de vide le yin et de plein le yang. Lequel de ces deux aspects du monde sera négatif ou positif pour lui . Le vide est pour l’aveugle une absence d’obstacles mais il manque en même temps les points de repère qui lui permettent de se diriger. Pour lui la conception du yang et du yin sera plus équilibrée, parcequ’il les jugera tantôt « bons » tantôt « mauvais » selon les circonstances.

- L’espace et le temps

Pour les anciens le temps se mesurait aux mouvements du ciel, tandis que l’espace était manifesté par l’étendue de la terre. Le temps était véritablement l’évolution des choses, on ne pouvait le représenter autrement que par un changement spatial.

- Le masculin et le féminin

Il paraît naturel d’attribuer le caractère yang au soleil, et celui de yin à la lune ; il n’en serait pas de même pour les Allemands dont la sensibilité est influencée par une attribution inverse des genres: die sonne, der mond. De même pur les Anglais dont les termes soleil, lunes sont neutres ; tout est question d’équilibre, le ji king nous apprend qu’il ne faut pas interpréter tout à la lettre, pour en revenir au masculin féminin, il faut admettre qu’il y a à la fois du yin et du yang chez toute femme et tout homme ; un sage adepte du Tao ( Dans la pensée chinoise ancienne, principe suprême et impersonnel d'ordre et d'unité du cosmos) qui savait qu’il avait affaire à une polarité autrement profonde que celle d’une interprétation littérale des symboles s’exprima ainsi :


« connais le masculin
adhère au féminin
fais toi le ravin du monde
être le ravin du monde
c’est faire corps avec la vertu et la voie
c’est rejoindre l’enfance »


Yin et yang ne sont pas des choses en soi. Ils n ‘existent pas au sens où les pierres existent ; ce ne sont que des descriptions, des types de mouvement, des indications alternatives de flux constants.
Pour parler d’une façon adéquate il faudrait dire « l’yin/yang » et non le yin et le yang ; ce ne sont pas des potiches sur une cheminée, l’essence du yin/yang, c’est le ballet qui les anime. Tant qu’on s’obstine à séparer yin de yang on ne peut espérer atteindre sa réalisation. Pour se déplacer en vélo, il ne faut pas appuyer sur les deux pédales à la fois, si l’on ne veut pas rester sur place ; le mouvement qu’il faut réaliser est appuyer, relâcher, chacun est à son tour la cause de l’autre.

Nous allons pouvoir entreprendre l’étude des trigrammes, en ayant ainsi défini le « yin/yang ».
Le système binaire de Leibniz fait usage d’une invention arabe le zéro, dont on peut dire qu’il est représenté par le vide qui sépare en deux le trait yin du yi king. Le yin est donc deux, pair et le trait unique du yang est impair. Yin plus yang, pair plus impair font eux même deux ; comme il ne saurait être séparés, il y eut trois, deux plus un , chiffre d’union et d’équilibre que l’on retrouve non seulement dans maintes expressions( trois exemples sont plus convainquant que deux ), mais aussi et surtout dans maintes sociétés et églises.

A trois nous avons un trigramme, qui assemblé à un autre donne un hexagramme, de même que le yin et le yang sont tributaires l’un de l’autre, de même aucun trigramme ne peut exister indépendamment. Ils peuvent être étudiés séparément, mais il n’est agissant que par les relations qu’il entretient avec lui même ou avec un autre trigramme au sein de l’hexagramme.
Les hexagrammes sont formés de deux types de lignes, continues ou séparées que nous avons définies précédemment par l’étude du yin et du yang.
Mais là encore il faut penser en chinois, prenons l’exemple d’une ouverture et d’une fermeture de porte ; en chinois Kun est l’ouverture, Qian la fermeture ; pour eux il s’agit d’une mutation ; ce qui va et vient sans entraves est nommé « libre pénétration »
Qian et Kun sont les noms des deux premiers hexagrammmes du yi king, ceux qui font démarrer le jeu des 64 mutations. Le yin avec kun, le yang avec qian. L’image du mouvement de la porte évoque celui qui se manifeste constamment au sein même des traits pleins et brisés. Yang est un mouvement centrifuge, d’expansion, il se dirige vers l’extérieur. Yin est un mouvement centripète, de concentration, il se tourne vers l’intérieur.
Il faut s’imaginer le trait yang s’étirant vers l’extérieur, s’allongeant à l’infini, jusqu’au point de rupture, pour s’ouvrir comme une porte ; le mouvement yang d’élongation a provoqué de lui même sa mutation en yin, qui va aussitôt se contracter et provoquer et poursuivre jusqu’à ce que les deux morceaux se touchent et ainsi de suite. L’ouverture et la fermeture de la porte se succéderont.

Il y a un autre mouvement intérieur traversant tous les hexagrammes, il résulte de la deuxième forme de pensée chinoise ; la loi d’analogie.
Pour qu’un emblème soit jugé comme représentant efficace d’une classe quelconque, il faut qu’il obéisse lui aussi à la loi générale définissant cette classe. Les figures du yi king ; emblème du tempo yin/yang sont soumises à la loi générale de toutes les choses vivantes : « poussée » de la terre vers le ciel. Les hexagrammes croissent du bas vers le haut ; ce qui entraîne une vectorisation de la figure sur l’axe du temps, un déroulement à l’intérieur du moment considéré. Les hexagrammes ne sont pas seulement des « arrêts » sur images, des étapes dans le balancement yin/ yang, ils sont aussi traversés par un mouvement qui leur est propre. Il n’y a pas 64 situations figées, mais pour comparer à un opéra qui se déroulerait en 6 actes, l’ouverture serait le premier trait du bas, les quatre actes principaux, les quatre traits centraux ; et le final le trait supérieur. Le détail de chacun de ces épisodes est donné par les textes des traits.

Cette organisation des figures les unes par rapport aux autres, non seulement insère chaque épisode particulier à l’intérieur d’un déroulement général, en faisant de chaque dernière ligne le germe de la situation suivante et de chaque première ligne l’écho de la situation précédente( cela nous rappelle quelque peu nos voyages) ; de plus les 64 hexagrammes ne sont pas organisés de façon linéaire mais de façon cyclique ; le 64ème et dernier se nomme « avant l’accomplissement ». Il ne représente pas l’ultime perfection vers laquelle tout doit tendre, ce rôle est tenu par le 63ème « tout est en place » ; la dernière figure du yi king est en fait l’avant première. Elle renoue la boucle avec « l’élan créatif le n°1 » et fait repartir l’ensemble pour un nouveau cycle.

Vous vous souvenez qu’au départ pour définir la méthode pour arriver au yi king, je vous avais dit que les chinois s’étaient inspirés de la carapace de tortue représentant le ciel et la terre. Les 64 hexagrammes pour obéir au rythme yin/yang seront représentés en rond pour la continuité, et en carré pour suggérer la discontinuité, c’est bien l’univers non pas dans sa diversité événementielle, mais dans l’unité de ses pulsations ; ce tableau a été réalisé au 11ème siècle de notre ère par Shao Yong.
Nous avons défini les sources et les moyens d’appréhender le yi king, je ne rentrerai pas dans le détail de l’étude de chacun de ces 64 hexagrammes, chacun pouvant faire l’objet d’un morceau d’architecture, mais intéressons nous à son influence sur la pensée occidentale.

J’ai fait deux approches par rapport à une description dans la croix de Guenon, et par rapport à Yung dans sa théorie sur la synchronicité, quand aux mutations j’en ferai une approche plus maçonnique et personnelle.
Prenons l’étude de Guenon sur l’étude de la croix et plus particulièrement sur le chapitre où il traite de la représentation géométrique des degrés de l’existence, je n’ai pas lu le symbolisme de la croix de Guenon, mais j’ai assisté à une tenue dans un chapitre bien proche du notre, où un chevalier l’a brillamment exposé, il nous a entre autre parlé du symbolisme du tissage.
Dans le symbolisme géométrique sont représentés les degrés de l’Existence universelle, et les états de chaque être. Si l’on envisage l’être dans son état individuel humain , l’individualité corporelle est en réalité une portion restreinte, une simple modalité de l’individualité humaine.
Chaque modalité détermine un ensemble de conditions qui délimitent les possibilités qui prises isolément peuvent s’étendre au delà du domaine de cette modalité.

Chacun des domaines contenant une modalité d’un certain individu peut contenir des modalités similaires appartenant à une indéfinité d’autres individus, dont chacun de son coté, est en état de manifestation d’un des êtres de l’Univers : ce sont là des états et des modalités qui se correspondent dans tout ces êtres.
Nous pouvons représenter un degré de l’Existence par un plan horizontal s’étendant indéfiniment suivant deux dimensions qui correspondent, d’une part à l’idéfinité des individus et, d’autre part, aux domaines particuliers aux différentes modalités des individus.
Chacune de ces deux catégories comprend une infinité de droites parallèles entre elles. Chaque point du plan sera déterminé par l’intersection de deux droites appartenant respectivement à ces deux catégories, et représentera une modalité particulière d’un des individus compris dans le degré considéré.

Prenons l’exemple de la représentation graphique du tissage pour éclairer ce qui vient d’être dit.
Le tissu est constitué de deux « nappes » de fils nommé trame et chaîne. Si nous observons un morceau de tissu assez lâche, nous constatons que les fils de trame et ceux de chaîne se croisent à angle droit, et cette intersection marque un point.
Le morceau de tissu représente le plan cité plus haut et l’indéfinité des droites parallèles entre elles représentent d’une part les fils de trame, et d’autre part, les fils de chaîne. Le point marqué à l’intersection d’un fil de trame et d’un fil de chaîne représente une modalité particulière pour un des individus compris dans le degré considéré.
Chacun des degrés de l’Existence universelle, pourra être représenté de même, dans une étendue à trois dimensions, par un plan horizontal.
L’étendu à trois dimensions correspondrait à une superposition d’étoffe, en ayant soin d’aligner verticalement les points définis par le croisement chaîne trame.
Le plan ou le morceau de tissu, correspond à un être dans sa totalité, à travers une multitude indéfinie d’états marqués par les points d’intersection.
Ce symbolisme du graphique du tissage m’avait interpellé lors de l’audition de ce travail pour le rapprocher des méthodes d’investigations du yi king, mais peut-être ai-je tout faut.


Jung médite sur le livre des mutations et vers 1920 décide de l’expérimenter : « je résolus, dit-il, d’attaquer sous tous les angles l’énigme qu’il représentait » ; au bout de nombreuses « consultations » il fut frappé par un certain « parallélisme acausal », entre l’état psychique du « questionnant », les « réponses » du livre ses mutations et les événements qui suivaient.

Pour Jung le hasard est une personnification de « l’acausalité », il est persuadé dans les phénomènes historiques humains, d’une véritable relation « acausale » qu’il appelle, la synchronicité.
« Ce que nous appelons causalité passe pour les chinois, presque inaperçu, ils s’occupent surtout de l’aspect chanceux ou hasardeux des événements, des coïncidences ….Pour eux le principal effort de l’homme doit être de combattre ou e restreindre le hasard.
Les philosophes occidentaux ne se sont jamais souciés d’attaquer le hasard, ils l’ignorent, en organisant un système défensif, une vertigineuse citadelle scellée avec le mortier de la logique.
Les quelques pages consacrées par Jung à l’analyse de « l’instant mystérieux où la lumière se produit » restent très abstraites et très verbales. Il s’attache à un aspect à peu près exprimable de l’instant magique, « de ce qui se passe alors…. » , cette relation il la nomme « confrontation », il donne l’exemple de la chute de la boîte d’allumettes qui en tombant à terre s’éparpillent, il y a une confrontation entre la boîte d’allumettes éparpillées et celui qui regarde. Les chinois ont eu le courage d’essayer de se servir de ce moment où se produisait cette chute, en admettant qu’à ce moment précis correspondait un hexagramme du livre des mutations. A ce niveau, l’hexagramme n’est plus que « l’indicateur » d’une situation intéressante. Et la « correspondance » de cet hexagramme et de la situation s’appelle la « synchronicité ».

Pour Jung :
Il existe dans la vie des situations momentanées qui échappent au critère de la causalité, c’est ce qu’on nomme le hasard.
Les chinois utilisent à cette fin des symboles ( les hexagrammes) dont le but est d’occulter ce hasard.
Jung s’est opposé à Freud, pour ce dernier la psychanalyse cherche dans le passé, le pourquoi des explications présentes ; pour Jung et la maçonnerie il faut chercher dans le présent le potentiel pour faire sa projection dans l’avenir. Nous sommes tout à fait dans la démarche du yi king, en s’analysant à un temps « T » nous sommes censé nous intérioriser pour retrouver en nous cette lumière qui nous guide et défini l’espérance ; espérance qui ne s’éteint jamais.

En conclusion

La loge symbolique est composée de trois colonnes : force, sagesse, beauté ; tous les maçons travaillent sur ces colonnes, en chapitre nous n’avons plus de colonnes mais des vertus théologales : foi, charité, espérance. Le livre des mutations nous démontre qu’il nous faut en permanence évoluer de force, sagesse, beauté à foi, charité, espérance n’y a t-il pas une profonde mutation, c’est une question qui me paraît prim
ordial.

J\P\ L\


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