Le Yi
King
En chinois le yi king est un
tout petit livre. Le texte
canonique comporte à peine 4000 caractères ; en
ajoutant les commentaires
officielles environ 6000 caractères( les dix ailes) ; une
édition complète du «
classique des changements » n’occuperait
qu’une trentaine de pages. La création
remonte à environ 3000ans.
Au cours de ce travail je citerai, des textes et des
définitions chinoises qui
pour moi semblent d’une telle clarté
qu’elles évitent maints bavardage.
« On appelle
continuité ce qui délivre les choses de leur
torpeur et les met en
mouvement. On appelle changement ce qui leur confère une
autre forme en les
ajustant les unes aux autres. Quand à ce qui les exalte pour
les rendre
accessibles à tout homme sur la terre c’est ce
qu’on appelle le domaine de
l’action »
Dès les premiers contacts sérieux entre
l’Empire chinois et les pays
occidentaux, s’est posé le problème de
la transcription en lettres latines des
sons de la langue chinoise.
Or chaque langue européenne prononce à sa
manière les lettres de l’alphabet ;
d’où le risque de cacophonie, en 1972
l’Organisation des Nations Unies a
décidé
d’adopter officiellement une orthographe unique : le
système pinyin (pin :
combiner ; yin : sons) mis au point par les chinois eux mêmes
; d’où la même
signification pour yi king ou yi jing.
YI : Le sens de ce mot se comprend en regardant
l’idéogramme ; il est divisé en
deux parties : en haut le soleil et en bas
l’évocation de liquide en train de
tomber : le soleil et la pluie.
Le premier sens de yi se rapporte aux changements de temps, au passage
du
soleil à la pluie et de la pluie au soleil. De là
vient son sens général de :
changement, transformation.
Mais il a aussi deux sens dérivés . Le premier
est : facile, simple, naturel ;
aux yeux des chinois, la qualité essentielle du changement
c’est d’être la
fluctuation même de la vie.
Le second sens dérivé est stable, fixe,
règle. Que le même idéogramme signifie
à la fois changement et stabilité
paraît assez paradoxal. L’explication est
elle même fourni par le yi king ; il y est dit que la seule
chose durable ;
c’est que tout change toujours tout le temps . Le changement
est le seul repère
fixe, le seul rythme naturel dont on puisse faire une loi raisonnable :
les
quatre saisons changent et se transforment continuellement, et ainsi le
cycle
annuel s’accomplit durablement.
Ying est le nom général de tous les «
livres maîtres » . Le sens propre du
caractère est : trame, règle, norme,
expérience .
En feuilletant une édition chinoise du « classique
des changements », on
remarque au milieu du fourmillement des idéogrammes, de
curieuses figures,
toutes différentes, formées d’un
empilement de six lignes, pleines ou brisées, qui
reviennent comme en en-tête au début de chacun des
64 « chapitres » du texte
canonique. Ces figures sont à la fois la
particularité et l’universalité du yi
king ; nous les nommons les hexagrammes ( néologisme
inventé par les
traducteurs du 19ème siècle en combinant les
racines hexa 6 et grammes signe
d’écriture) Ce sont les
éléments de base de tout le système du
livre des
mutation. Ils représentent des situations types, des
mouvements de la vie de
tous les jours, mais débarrassés de tout
coté anecdotique.
Voyons maintenant les origines les moyens de définir ces
trais
La légende dorée du yi king
Fi Xi 1er en ancienneté comme en importance,
préfondateur de l’identité
chinoise, c’est lui à qui on attribue
l’invention de l’écriture
idéographique,
les rites de bienséance, l’art de compter avec des
cordelettes nouées et celui
de la cuisine, et surtout le Ba Gua ou huit trigrammes.
La légende
« au commencement, il n’y avait rien. Les vapeurs
qui étaient légères se sont
rassemblées, et de même les vapeurs qui
étaient lourdes. Celles ci s’appellent
Yang, celles là Yin.
Et ainsi il y eut deux.
Un sage des temps anciens Fuxi, dont l’identité et
l’époque se sont perdues
dans l’antiquité profonde, a crée les
trigrammes, des figures faites à partir
de trois éléments qui sont soit yin soit yang. Il
y a huit trigrammes et ils
symbolisent les éléments de base d’un
univers reconnaissable : le ciel, la
terre, le tonnerre, l’eau, la montagne, le vent, le feu, et
le lac. Ainsi il y
eut huit
Les millénaires
ont passé, avec l’essor et la chute des dynasties
légendaires ;
aux alentours de 2000 ans avant notre ère, un gigantesque
déluge a couvert
toute la terre. Y a réussi à le
maîtriser, en travaillant sans relâche pendant
9 ans ; occupé, il l’était tellement
que « par
trois fois il est passé devant
sa propre maison, sans même regarder à
l’intérieur.
En
récompense de son exploit, l’Empereur lui a
donné le trône. Ainsi a commencé
la dynastie de Xia, la 1ere dynastie héréditaire
en chine. Mille ans plus tard,
à la fin de la dynastie Shang, le roi Wen de
l’état de Zou a empilé les
trigrammes deux par deux, créant 64 hexagrammes. Et ainsi il
y eut 64 »
Voilà pour la légende
Le génie de Fu Xi est d’avoir su remarquer et
agencer des signes surgis au
hasard ; il n’a pas inventé les ba gua ; mais il
les a discerné sur le dos
d’une tortue sortie du fleuve jaune.
Après Fixi une longue période
s’écoule sans événements
notables.
Puis intervint un incident entre Wen Wang ( le roi Wen) et le tyran Di
Xin.
Di Xin dernier souverain de la dynastie Shang a fait emprisonner le roi
Wen,
celui ci du fond de sa geôle va occuper son temps en
réfléchissant sur les
trigrammes de Fu Xi. Il va avoir l’idée de les
assembler deux par deux créant
ainsi les 64 hexagrammes ; il va leur donner à chacun un nom
propre et écrire
pour chacun un court paragraphe ; les jugements.
D’où son nom Wen Wang le roi
écriture ; son fils va lui succéder Wu Wang le
roi guerrier qui va le venger et
installera la dynastie des Zhou qui régnera durant 9
siècles, a la mort du roi
guerrier son fils trop jeune ne peut lui succéder, son oncle
se charge de la
régence et de l’instruction du futur roi, il va
rédiger pour chacune des 6
lignes des 64 hexagrammes une courte explication : « les
textes des traits » .
La totalité du texte canonique du yi king est donc mis en
place par les grands
ancêtres de la dynastie des Zhou.
Enfin Confucius étudia de façon très
assidu e le yi king et ses commentaires
sont regroupés sous le nom de Dix Ailes et ceci 5
siècle avant notre ère .
Tous ces personnages ont exister mais à la
manière d’Achille ou de Rolland
accomplissant bien plus d’exploits morts que vivants.
A la différence des autres récits mythologiques
exposant la genèse d’une
civilisation, l’élaboration d’un
récit fondateur, ou l’invention de
l’écriture,
l’histoire qu‘elle nous propose est d ‘un
bout à l’autre présentée
comme un
processus collectif ne mettant en scène que des
êtres humains : aucun dieu n’y
parle, aucun démiurge n’y agit, aucune magie
n’y opère. Personne n’invente le
yi king. Il se fait de lui même en accompagnant le peuple
chinois depuis
l’origine de sa culture, se perfectionnant et
s’auto-organisant de lui même de
siècles en siècles.
Comment a été conçu
matériellement le yi king
Le peuple chinois est passionné d’histoire, mais
en chine l’histoire n’est pas
considérée comme une branche des sciences, mais
comme un chapitre de la morale.
Les offrandes consistant à donner les meilleurs morceaux de
victuailles
disposés sur des branches liturgiques ; là on les
laissait brûler jusqu’à l’os,
le feu pensait-on avait le pouvoir de « projeter »
les offrandes humaines
jusqu’au ciel ; il les rendait « céleste
» c’est à dire comestible par les
esprits.
Mais l’offrande avait-elle été
agréée ? Pour répondre à
cette question les
prêtes Shang vont inventer la dialectique. Les
prêtes ont observé qu’à
l’issue
de la crémation, les os restants étaient couverts
de craquelures, qui
n’existaient pas à l’état
naturel, il fallait donc qu’elles soient liées
à la
cérémonie elle même. Les
prêtes vont imaginer que le feu est l’agent, non
pas
d’une mutation, mais de deux qu’il engendre un
double mouvement.
D’abord un aller, des humains vers les cieux, du monde
visible vers le monde
invisible des ancêtres et des dieux ; ensuite son
complémentaire, un retour du
haut vers le bas ; une impulsion qui venait de l’invisible se
matérialiser au
niveau humain, d’où les craquelures,
c’est en quelque sorte l’accusé
réception,
le verdict de Dieu.
Ils auraient pu en rester
là comme leurs collègues de la même
époque sumériens
et égyptiens, mais ils ont introduit une variable que nous
n’avions pas
l’habitude de prendre en considération : le temps,
la qualité du moment.
Pour un peuple d’agriculteur sédentaire, ce qui
commande à la terre c’est le
temps, la bonne moisson dépend moins du grain que du moment
Des semailles. A la question de savoir pourquoi le même
sacrifice au même Dieu
est parfois agréer, parfois ne l’est pas, les
prêtes apportent la réponse :
celui là a été fait à un
moment adéquate et celui ci à contre temps.
L’efficacité d’un sacrifice existe donc
antérieurement à sa réalisation. Donc
plutôt que d’aller recueillir après un
sacrifice les preuves de son adéquation
, pourquoi ne pas chercher à s’en assurer avant
d’immoler les victimes ?
Pour affiner rendre plus visibles les craquelures, les os ronds sont
abandonnés
au profit des os plats type omoplate, puis au lieu de
présenter directement les
os plats au feu, on va utiliser un brandon qu'on appliquera en un seul
point de
l'os(naissance en vérité de
l’acupuncture), puis les brandons seront remplacée
par des aiguilles de bronze. Les prêtes Shang vont
bâtir un système analogique.
En poursuivant leur raisonnement pour se repérer entre les
différents moments
qui rythment l’univers, ils vont directement
l’interroger en utilisant comme
support une forme vivante qui lui est liée analogiquement.
Ils prendront la tortue, elle ressemble à l’image
qu’on s’en fait en chine,
avec sa carapace supérieure ronde comme le ciel, et sa
carapace ventrale carrée
comme les champs de la terre ; de plus la tortue possède les
qualités
fondamentales de l’univers : sagesse et
longévité.
Passer des os
d’animaux aux carapaces de tortue non seulement un changement
de
support, mais une marque de raisonnement nouveau ; un nouveau type de
pensée
est en train de naître, créant ses propres
hypothèses, à un niveau plus
abstrait. Les devins Shang ont en quelque sorte inventé ,
l’écriture chinoise,
en brûlant les os ils les stockaient ensuite pour avoir des
moyens de
comparaison avec les nouveaux os brûlés, mais il
s’est rapidement produit un
phénomène d’archivage comme avec les
carapaces de tortue . Les devins ont
gravés sur les pièces divinatoires des signes
mnémotechniques résumant leurs
commentaires. Ces signes sont des idéogrammes chinois.35
siècles après certains
d’entre eux, inchangés, sont toujours en usage.
Mais il fallait faire correspondre de manière univoque un
ensemble ouvert de
questions avec un ensemble fermé de réponses ;
les
chinois ont répondu à ce
problème en utilisant le hasard domestiqué par
l’arithmétique, ils vont
inventer à partir de 49 tiges
d’achillée, une
méthode pour définir à un instant
T, l’établissement personnel de son hexagramme, la
méthode est longue, mais
défini à un instant précis
l’état du
sujet à étudier, à ce moment
là il convient
de faire ceci ou cela.
Cette méthode
consiste à utiliser 50 tiges
d’achillée, d’en retirer une avant
toute manipulation, cette tige représente «
l’unité ultime », puis en se
concentrant sur sa question on partage au hasard en deux le faisceau
restant
avec le pouce de la main gauche, chaque tas représente le
yin et le yang ; on
ôte encore une tige d’un des deux tas qui
représente l’être humain entre le
ciel et la terre . Après l’avoir glisser entre
l’auriculaire et l’annulaire on
commence à compter l’autre tas quatre par quatre
pour évoquer les quatre
saisons, jusqu’à ce qu’il ne reste plus
que 4,3,2,1 tige, ce reliquat est placé
entre l’annulaire et le médius ; on refait la
même opération avec l’autre tas,
le reste étant placé entre le médius
et l’index ; toutes ces tiges sont
rassemblées et placées de coté.
L’ensemble des tiges restantes subit le même
traitement et est placée à coté du
premier tas. On ressemble alors une
troisième fois les tiges restantes qui subiront le
même sort ; puis après avoir
ajouté le 3ème reste obtenue aux deux premiers,
on obtient un reste final qui
ne peut arithmétiquement contenir que 13,17,21,ou 25 tiges.
La convention suivante est
appliquée ensuite13 et 21 sont yang ; 17 et 25 sont
yin, cette convention permet de définir la nature et la
qualité de la première
ligne de l’hexagramme, pour obtenir les 5 autres il suffit de
recommencer
l’opération précédemment
décrite.
Une autre méthode plus rapide et plus simple consiste
à prendre trois pièces, à
les lancer en l’air et suivant les faces pile ou face
à tracer les traits en
sachant que face est yang et pile yin.
Etudions le yin et le yang
Le yang est le trait continu, le yin le discontinu
- d’un point de vue positif ou négatif
notre logique nous amène à ces deux termes de
positif et négatif, le yang
affirmatif positif, « je pense donc je suis » est
une affirmation positive donc
yang, le « je » qui commande la phrase est aussi
hautement positif; le yin le
négatif est pourtant essentiel à une telle
assertion, « je » se définit par rapport
à ce qui n’est pas « je », la
pensée par rapport à son absence et
l’être par
rapport au non être. Ainsi « non je ne pense pas et
donc je ne suis pas » ne
représente pas l’aspect négatif du
raisonnement de Descartes . La seule façon
de comprendre son aspect yin est de renoncer à toute
affirmation, de se placer
dans une perspective où l’on suppose
qu’il n’y est rien, aucune « chose
» n’est
ce pas à partir de ce raisonnement que Descartes a
commencé son travail.
Mais à l’inverse toute négation suppose
l’affirmation correspondante. Echappons
nous de la pensée rationnelle, le sentiment de manque yin
suppose que quelque
chose yang doit être là. L’impression
d’un vide exige le souvenir d’un plein,
il n’y a pas de vallée sans les montagnes qui la
cernent. Les lignes yang d’un
tableau ne sont perçues que grâce au vide dans
lequel elles s’inscrivent. D’où
le yin obscur pour la pensée rationnelle peut être
lumineux pour la perception.
Un espace vide, sans limites, ne serait pas perceptible pour un
« observateur »
qui serait lui même illimité. La perception
d’un tel espace suppose que «
quelque chose « (je) s’est placé en
dehors de lui et donc le limite.
- La lumière et l’obscurité
Nous utilisons les termes positif et négatif avec en
arrière pensée que le
positif est juste, bon et le négatif est mauvais ou faux, le
yang positif tend
vers la lumière, il est lumineux tandis que le yin obscur
est assimilé aux
hommes vulgaires ; ces jugements moraux se rapportent, dans une
perspective
utilitaire ; mais le yang et le yin ne sont ni bon ni mauvais. Il ne
nous
viendrait pas à l’idée que la
lumière est une absence d’obscurité ;
cette
notion pourrait pour un aveugle de naissance être
remplacée par celle de vide
le yin et de plein le yang. Lequel de ces deux aspects du monde sera
négatif ou
positif pour lui . Le vide est pour l’aveugle une absence
d’obstacles mais il
manque en même temps les points de repère qui lui
permettent de se diriger.
Pour lui la conception du yang et du yin sera plus
équilibrée, parcequ’il les
jugera tantôt « bons » tantôt
« mauvais » selon les circonstances.
- L’espace et le temps
Pour les anciens le temps se mesurait aux mouvements du ciel, tandis
que
l’espace était manifesté par
l’étendue de la terre. Le temps était
véritablement l’évolution des choses,
on ne pouvait le représenter autrement
que par un changement spatial.
- Le masculin et le féminin
Il paraît naturel d’attribuer le
caractère yang au soleil, et celui de yin à la
lune ; il n’en serait pas de même pour les
Allemands dont la sensibilité est
influencée par une attribution inverse des genres: die
sonne, der mond. De même
pur les Anglais dont les termes soleil, lunes sont neutres ; tout est
question
d’équilibre, le ji king nous apprend
qu’il ne faut pas interpréter tout à la
lettre, pour en revenir au masculin féminin, il faut
admettre qu’il y a à la
fois du yin et du yang chez toute femme et tout homme ; un sage adepte
du Tao (
Dans la pensée chinoise ancienne, principe suprême
et impersonnel d'ordre et
d'unité du cosmos) qui savait qu’il avait affaire
à une polarité autrement
profonde que celle d’une interprétation
littérale des symboles s’exprima ainsi
:
« connais
le masculin
adhère
au féminin
fais
toi le ravin du monde
être
le ravin du monde
c’est
faire corps avec la vertu et la voie
c’est
rejoindre l’enfance »
Yin et yang ne sont pas des choses en soi. Ils n ‘existent
pas au sens où les
pierres existent ; ce ne sont que des descriptions, des types de
mouvement, des
indications alternatives de flux constants.
Pour parler d’une façon adéquate il
faudrait dire « l’yin/yang » et non le
yin
et le yang ; ce ne sont pas des potiches sur une cheminée,
l’essence du
yin/yang, c’est le ballet qui les anime. Tant qu’on
s’obstine à séparer yin de
yang on ne peut espérer atteindre sa réalisation.
Pour se déplacer en vélo, il
ne faut pas appuyer sur les deux pédales à la
fois, si l’on ne veut pas rester
sur place ; le mouvement qu’il faut réaliser est
appuyer, relâcher, chacun est
à son tour la cause de l’autre.
Nous allons pouvoir entreprendre l’étude des
trigrammes, en ayant ainsi défini
le « yin/yang ».
Le système binaire de Leibniz fait usage d’une
invention arabe le zéro, dont on
peut dire qu’il est représenté par le
vide qui sépare en deux le trait yin du
yi king. Le yin est donc deux, pair et le trait unique du yang est
impair. Yin
plus yang, pair plus impair font eux même deux ; comme il ne
saurait être
séparés, il y eut trois, deux plus un , chiffre
d’union et d’équilibre que
l’on
retrouve non seulement dans maintes expressions( trois exemples sont
plus
convainquant que deux ), mais aussi et surtout dans maintes
sociétés et
églises.
A trois nous avons un
trigramme, qui assemblé à un autre donne un
hexagramme,
de même que le yin et le yang sont tributaires l’un
de l’autre, de même aucun
trigramme ne peut exister indépendamment. Ils peuvent
être étudiés
séparément,
mais il n’est agissant que par les relations qu’il
entretient avec lui même ou
avec un autre trigramme au sein de l’hexagramme.
Les hexagrammes sont formés de deux types de lignes,
continues ou séparées que
nous avons définies précédemment par
l’étude du yin et du yang.
Mais là encore il faut penser en chinois, prenons
l’exemple d’une ouverture et
d’une fermeture de porte ; en chinois Kun est
l’ouverture, Qian la fermeture ;
pour eux il s’agit d’une mutation ; ce qui va et
vient sans entraves est nommé
« libre pénétration »
Qian et Kun sont les noms des deux premiers hexagrammmes du yi king,
ceux qui
font démarrer le jeu des 64 mutations. Le yin avec kun, le
yang avec qian.
L’image du mouvement de la porte évoque celui qui
se manifeste constamment au
sein même des traits pleins et brisés. Yang est un
mouvement centrifuge,
d’expansion, il se dirige vers
l’extérieur. Yin est un mouvement
centripète, de
concentration, il se tourne vers l’intérieur.
Il faut s’imaginer le trait yang
s’étirant vers l’extérieur,
s’allongeant à
l’infini, jusqu’au point de rupture, pour
s’ouvrir comme une porte ; le
mouvement yang d’élongation a provoqué
de lui même sa mutation en yin, qui va
aussitôt se contracter et provoquer et poursuivre
jusqu’à ce que les deux
morceaux se touchent et ainsi de suite. L’ouverture et la
fermeture de la porte
se succéderont.
Il y a un autre mouvement intérieur traversant tous les
hexagrammes, il résulte
de la deuxième forme de pensée chinoise ; la loi
d’analogie.
Pour qu’un emblème soit jugé comme
représentant efficace d’une classe
quelconque, il faut qu’il obéisse lui aussi
à la loi générale
définissant cette
classe. Les figures du yi king ; emblème du tempo yin/yang
sont soumises à la
loi générale de toutes les choses vivantes :
« poussée » de la terre vers le
ciel. Les hexagrammes croissent du bas vers le haut ; ce qui
entraîne une
vectorisation de la figure sur l’axe du temps, un
déroulement à l’intérieur du
moment considéré. Les hexagrammes ne sont pas
seulement des « arrêts » sur
images, des étapes dans le balancement yin/ yang, ils sont
aussi traversés par
un mouvement qui leur est propre. Il n’y a pas 64 situations
figées, mais pour
comparer à un opéra qui se déroulerait
en 6 actes, l’ouverture serait le
premier trait du bas, les quatre actes principaux, les quatre traits
centraux ;
et le final le trait supérieur. Le détail de
chacun de ces épisodes est donné
par les textes des traits.
Cette
organisation des figures les unes par rapport aux autres, non seulement
insère chaque épisode particulier à
l’intérieur d’un déroulement
général, en
faisant de chaque dernière ligne le germe de la situation
suivante et de chaque
première ligne l’écho de la situation
précédente( cela nous rappelle quelque
peu nos voyages) ; de plus les 64 hexagrammes ne sont pas
organisés de façon
linéaire mais de façon cyclique ; le
64ème et
dernier se nomme « avant
l’accomplissement ». Il ne représente
pas
l’ultime perfection vers laquelle
tout doit tendre, ce rôle est tenu par le 63ème
«
tout est en place » ; la
dernière figure du yi king est en fait l’avant
première. Elle renoue la boucle
avec « l’élan créatif le
n°1 » et
fait repartir l’ensemble pour un nouveau
cycle.
Vous
vous souvenez qu’au départ pour définir
la
méthode pour arriver au yi
king, je vous avais dit que les chinois s’étaient
inspirés de la carapace de
tortue représentant le ciel et la terre. Les 64 hexagrammes
pour
obéir au
rythme yin/yang seront représentés en rond pour
la
continuité, et en carré pour
suggérer la discontinuité, c’est bien
l’univers non pas dans sa diversité
événementielle, mais dans
l’unité de ses
pulsations ; ce tableau a été
réalisé
au 11ème siècle de notre ère par Shao
Yong.
Nous avons défini les sources et les moyens
d’appréhender le yi king, je ne
rentrerai pas dans le détail de l’étude
de chacun de ces 64 hexagrammes, chacun
pouvant faire l’objet d’un morceau
d’architecture, mais intéressons nous à
son
influence sur la pensée occidentale.
J’ai fait deux approches par rapport à une
description dans la croix de Guenon,
et par rapport à Yung dans sa théorie sur la
synchronicité, quand aux mutations
j’en ferai une approche plus maçonnique et
personnelle.
Prenons l’étude de Guenon sur
l’étude de la croix et plus
particulièrement sur
le chapitre où il traite de la représentation
géométrique des degrés de
l’existence, je n’ai pas lu le symbolisme de la
croix de Guenon, mais j’ai
assisté à une tenue dans un chapitre bien proche
du notre, où un chevalier l’a
brillamment exposé, il nous a entre autre parlé
du symbolisme du tissage.
Dans le symbolisme géométrique sont
représentés les degrés de
l’Existence
universelle, et les états de chaque être. Si
l’on envisage l’être dans son
état
individuel humain , l’individualité corporelle est
en réalité une portion
restreinte, une simple modalité de
l’individualité humaine.
Chaque modalité détermine un ensemble de
conditions qui délimitent les
possibilités qui prises isolément peuvent
s’étendre au delà du domaine de cette
modalité.
Chacun des domaines
contenant une modalité d’un certain individu peut
contenir
des modalités similaires appartenant à une
indéfinité d’autres individus, dont
chacun de son coté, est en état de manifestation
d’un des êtres de l’Univers :
ce sont là des états et des modalités
qui se correspondent dans tout ces êtres.
Nous pouvons représenter un degré de
l’Existence par un plan horizontal
s’étendant indéfiniment suivant deux
dimensions qui correspondent, d’une part à
l’idéfinité des individus et,
d’autre part, aux domaines particuliers aux
différentes modalités des individus.
Chacune de ces deux catégories comprend une
infinité de droites parallèles
entre elles. Chaque point du plan sera déterminé
par l’intersection de deux
droites appartenant respectivement à ces deux
catégories, et représentera une
modalité particulière d’un des
individus compris dans le degré
considéré.
Prenons
l’exemple de la représentation graphique du
tissage pour éclairer ce
qui vient d’être dit.
Le tissu est constitué de deux « nappes
» de fils nommé trame et chaîne. Si
nous observons un morceau de tissu assez lâche, nous
constatons que les fils de
trame et ceux de chaîne se croisent à angle droit,
et cette intersection marque
un point.
Le morceau de tissu représente le plan cité plus
haut et l’indéfinité des
droites parallèles entre elles représentent
d’une part les fils de trame, et
d’autre part, les fils de chaîne. Le point
marqué à l’intersection d’un
fil de
trame et d’un fil de chaîne représente
une modalité particulière pour un des
individus compris dans le degré
considéré.
Chacun des degrés de l’Existence universelle,
pourra être représenté de
même,
dans une étendue à trois dimensions, par un plan
horizontal.
L’étendu à trois dimensions
correspondrait à une superposition
d’étoffe, en ayant
soin d’aligner verticalement les points définis
par le croisement chaîne trame.
Le plan ou le morceau de tissu, correspond à un
être dans sa totalité, à
travers une multitude indéfinie d’états
marqués par les points d’intersection.
Ce symbolisme du graphique du tissage m’avait
interpellé lors de l’audition de
ce travail pour le rapprocher des méthodes
d’investigations du yi king, mais
peut-être ai-je tout faut.
Jung médite sur le livre des mutations et vers 1920
décide de l’expérimenter :
« je résolus, dit-il, d’attaquer sous
tous les angles l’énigme qu’il
représentait » ; au bout de nombreuses «
consultations » il fut frappé par un
certain « parallélisme acausal », entre
l’état psychique du « questionnant
»,
les « réponses » du livre ses mutations
et les événements qui suivaient.
Pour Jung le hasard est
une personnification de « l’acausalité
», il est
persuadé dans les phénomènes
historiques humains, d’une véritable relation
«
acausale » qu’il appelle, la
synchronicité.
« Ce que nous appelons causalité passe pour les
chinois, presque inaperçu, ils
s’occupent surtout de l’aspect chanceux ou
hasardeux des événements, des
coïncidences ….Pour eux le principal effort de
l’homme doit être de combattre
ou e restreindre le hasard.
Les philosophes occidentaux ne se sont jamais souciés
d’attaquer le hasard, ils
l’ignorent, en organisant un système
défensif, une vertigineuse citadelle
scellée avec le mortier de la logique.
Les quelques pages consacrées par Jung à
l’analyse de « l’instant
mystérieux où
la lumière se produit » restent très
abstraites et très verbales. Il s’attache
à un aspect à peu près exprimable de
l’instant magique, « de ce qui se passe
alors…. » , cette relation il la nomme «
confrontation », il donne l’exemple de
la chute de la boîte d’allumettes qui en tombant
à terre s’éparpillent, il y a
une confrontation entre la boîte d’allumettes
éparpillées et celui qui regarde.
Les chinois ont eu le courage d’essayer de se servir de ce
moment où se
produisait cette chute, en admettant qu’à ce
moment précis correspondait un
hexagramme du livre des mutations. A ce niveau, l’hexagramme
n’est plus que «
l’indicateur » d’une situation
intéressante. Et la « correspondance »
de cet
hexagramme et de la situation s’appelle la «
synchronicité ».
Pour Jung :
Il existe dans la vie des situations momentanées qui
échappent au critère de la
causalité, c’est ce qu’on nomme le
hasard.
Les chinois utilisent à cette fin des symboles ( les
hexagrammes) dont le but
est d’occulter ce hasard.
Jung s’est opposé à Freud, pour ce
dernier la psychanalyse cherche dans le
passé, le pourquoi des explications présentes ;
pour Jung et la maçonnerie il
faut chercher dans le présent le potentiel pour faire sa
projection dans
l’avenir. Nous sommes tout à fait dans la
démarche du yi king, en s’analysant à
un temps « T » nous sommes censé nous
intérioriser pour retrouver en nous cette
lumière qui nous guide et défini
l’espérance ; espérance qui ne
s’éteint
jamais.
En conclusion
La loge symbolique est composée de trois colonnes : force,
sagesse, beauté ;
tous les maçons travaillent sur ces colonnes, en chapitre
nous n’avons plus de
colonnes mais des vertus théologales : foi,
charité, espérance. Le livre des
mutations nous démontre qu’il nous faut en
permanence évoluer de force,
sagesse, beauté à foi, charité,
espérance n’y a t-il pas une profonde mutation,
c’est une question qui me paraît primordial.
J\P\ L\
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