Obédience : NC Loge : NC - Orient d'Agen 18/02/1999


Au centre du cercle…


Vous m’avez demandé de présenter un travail sur le thème : « Au centre du cercle »…
Cet énoncé évoque d’emblée pour moi plusieurs images (que l’on pourrait superposer à nos 3 premiers degrés…) que je souhaiterais vous livrer :
-         d’abord , celle du caillou jeté dans la pièce d’eau calme , provoquant des ondes concentriques qui soulèvent les feuilles sans qu’elles s’écartent, disparaissant successivement comme le point central de chute du caillou…
-         ensuite, le dessin célèbre de Léonard de Vinci qui inscrit l’homme dans un cercle avec le nombril comme centre de ce cercle…
-         enfin, plus en rapport avec notre démarche rituelle, la circumambulation des neuf maîtres partis à la recherche d’Hiram dont il est le centre…

Quelques définitions s’imposent pour tenter de mieux cerner le sujet :

-         LE CENTRE, c’est le point, c’est l’Un, l’origine, le principe, le réel absolu, l’être pur , autrement dit Dieu…
Ce point est sans forme, sans dimension et indivisible : c’est l’origine, la concentration de l’énergie, le départ vers le multiple, la source de tous les nombres… De là, l’esprit va rayonner.
Son existence est totalement indépendante de la circonférence, laquelle ne saurait exister sans son centre.
Centre-origine, canal de communication (nombril), lieu de rencontre de forces opposées, axe vu d’en haut, le centre n’est donc pas une position statique : il est le foyer d’où partent les mouvements de l’intérieur vers l’extérieur, du non manifesté au manifesté, de l’éternel au temporel, de la non forme à la forme, du microcosme au macrocosme, de l’alpha à l’omega…En s’éloignant du point central, tous se divise et se multiplie ; à l’inverse, au centre du cercle, tous les rayons coexistent dans une unique unité et un seul point contient en soi toutes les lignes droites.
Proclus a écrit : « le centre est le père du cercle et le point a contenu le cercle ; tous les points de la circonférence se retrouvent au centre du cercle qui est leur principe et leur fin ».
Contemporain de la création, le centre symbolise l’éternité, le temps des origines comme celui de la fin ; point équidistant de tous les points du cercle, point qui partage le diamètre en 2 parties égales, le centre est également le milieu, le « lieu où s’unifient les contraires, où se résolvent toutes les oppositions ». Point de départ mais aussi d’aboutissement, lieu de cristallisation où se rejoignent les processus de convergence et de retour, dans leur recherche de l’unité.

-         LE  CERCLE, tracé initialement par le cordeau puis par le Compas, est une ligne courbe fermée plane dont chaque point est à égale distance d’un point appelé centre ; le cercle est donc composé du centre et de la circonférence. Tout en ouvrant des perspectives infinies à l’esprit, le cercle, par la matérialisation effective de sa périphérie limite et contient, exerçant une réelle fascination sur l’imagination humaine ; limite magique et infranchissable, le cercle « protecteur » se retrouve dans la bague, le bracelet, le collier, la ceinture, la couronne…
C’est le monde spirituel, c’est aussi le mouvement, donc le temps, le signe du renouvellement, l'éternel recommencement.
Symbole de la divinité, de la Manifestation, de l’Univers, le cercle exprime l’idée du temps en mouvement, sans commencement ni fin et se retrouve dans la roue (perfection du cercle et imperfection des recommencements, logo de l’universalité, symbole solaire…) mais également dans le cycle du temps, des saisons et du zodiaque…

-         En fait, le CENTRE et  le  CERCLE ne font qu’un et il s’agit bien d’un symbole unique ( dans le cercle il y a le centre, virtuel et la circonférence)  nous ramenant au Grand Architecte de l’Univers car « Dieu est circonférence et centre, lui qui est partout et nulle part » a dit Nicolas de Cluse ; Pascal relatant Hermès Trismégiste a lui aussi écrit : « Dieu est une sphère dont le centre est partout et la circonférence nulle part »…

Mais le Grand Architecte a crée l’homme à son image et cet effet « miroir » se retrouve « au centre du cercle »…
- le Centre représente l’esprit humain, foyer de la connaissance qui projette la lumière sur les choses et réfléchit l’Idée.
- le Cercle représente le champ des connaissances humaines et la Réalisation.
- de l’Idée à la Réalisation, du concept à la création avec retour à l’idée car il y a interactivité permanente.

La démarche du Maître Maçon est de chercher le Centre (est-ce la parole perdue ?..), sachant que centre et cercle sont deux aspects d’une même réalité.
Ce thème « Au centre du cercle » qui inclut à mon avis une dynamique fait donc poser plusieurs questions :
-         où est le centre du cercle ?
-         qui est au centre du cercle ?
-         comment atteindre le centre du cercle ?

A la première interrogation, je répondrai que nul ne sait…car le centre est partout et nulle part ; nul ne connaît le rayon du cercle et seule compte l’Idée que l’on se forge du centre du cercle…

Qui ? Quoi ? : je pense qu’au centre du cercle nous retrouvons le Grand Architecte et par essence l’homme crée à son image et dont l’esprit va rayonner.

Enfin, pour tenter de retrouver le chemin du centre, l’esprit doit méditer le cercle, et comme sur une orbite faire d’abord le tour de soi-même ( c’est le « connais-toi toi-même » de Socrate) ; mais cette recherche de connaissance du moi (cercle) passe par une appréciation du soi (centre) parcelle de dépôt divin. Cette quête ne s’effectue pas que dans un plan horizontal, mais aussi vertical.
Cette aspiration à la Transcendance donne donc une dimension spatiale qui fait de ce centre virtuel un axe de communication, de passage entre les différents niveaux de la manifestation reliant le visible à l’invisible.
Cette recherche est exacerbée dans le rituel des derviches tourneurs ou  dans certaines danses tribales autour du totem : entrer en transe permet de communiquer avec le « centre »…
Le Centre prend ainsi une dimension « cosmique » et le cheminement vers le Centre (qui me semble être une des plus importantes recherches individuelles en maçonnerie) amène à la compréhension, du sensible (le visible) à l’intelligible (l’invisible).
Selon Platon, ce centre du monde intelligible est réglé par l’idée de bien…

Ce cheminement, cette mise en tension vers le centre, cette « con-centration » pourrait se faire en ligne droite ; mais le plus souvent elle va se faire en spirale selon le mode : progression-transgression-regression ; ou bien par passages concentriques sur une orbite plus rapprochée du centre, suivant l’évolution personnelle de chacun dans cette démarche; parfois l’éloignement provisoire du centre permettra de s’en rapprocher plus vite.
Mais la question éternelle et fondamentale, qui donne une autre dimension à notre existence, à l’image de celle posée par Parsifal demeure : « Où est le Graal ? où est le Centre ? »…

C’est la voie extrême-orientale du Mandala qui au sens ordinaire du mot en  sanscrit signifie cercle : « le Mandala est non seulement le symbole du moi dans la totalité psychique mais en même temps une image de Dieu puisque le centre, le cercle (et le carré) sont les symboles bien connus de la Déité »…

J’ai dit , Très Vénérable Maître.

J\F\ G\ 

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