GLCI Loge : NC Date : NC


La Quête Perpétuelle du Centre

La Tradition révèle que la Queste ou Quête Initiatique suit des parcours identiques selon trois axes majeurs tous passant par une initiation:

1. Il y a un Centre ;
2. Je me dirige vers le Centre ;
3. je deviens le Centre.

1 - Il y a un Centre
Un symbole de l’unité indivisible (chiffre 1)
 
Le Centre, en tant que Point, est effectivement un symbole de l’Unité. En cela, il est le principe de l’étendue, qui n’existe que par son rayonnement: géométriquement, c’est par le biais de points que sont créés droites et plans dans l’Espace. Ces points, sans dimension intrinsèque, invisibles donc, forment pourtant l’espace et tout ce qu’il contient.
Étant matériel, le Centre est donc l’Un manifesté, ou pour parler le langage théologique, Dieu se faisant "Centre du Monde" par son Verbe.
 
L’intersection de la croix
 
Lorsque l’on veut désigner un trésor sur une carte, l’on dessine automatiquement une croix à son emplacement. L’intersection des deux droites localise le Centre, invisible de par son essence abstraite.
Citons Clément d’Alexandrie lorsqu’il dit que de Dieu, " Cœur de l’Univers, partent les
étendues indéfinies qui se dirigent, l’une en haut, l’autre en bas, celle-ci à droite, celle-là à gauche, l’une en avant et l’autre en arrière "
Il n’est donc pas étonnant de retrouver le Chœur d’une Église comme étant l’intersection de la nef et du transept, et, on peut aller jusqu’à le dire : le Christ, de par son essence elle-même divine, ne pouvait que mourir sur une Croix, symbole de Dieu au Centre du Monde. Car en effet, pour reprendre l’idée développée plus haut par Clément Alexandrie, le Centre (1, divin) développe la Croix (4, symbole de la Terre). Tel est le symbole de Jésus Christ: Dieu fait Homme.
 
La rose et la croix
 
« Au Centre d’or de la rose éternelle, qui se dilate et va de degré en degré, et qui exhale un parfum de louange au soleil toujours printanier », Dante
 
Le développement du Centre Divin en Croix, peut faire penser à l’épanouissement d’une fleur. Or la fleur mystique par excellence en Occident est la Rose, remarquable par sa beauté, sa forme, et son parfum. Son symbolisme est d’ailleurs très proche de celui de la roue
(en latin Rosa / Rota), comme le montre son emploi courant dans le terme Rose des Vents pour indiquer les différentes positions de l’espace.
Il est remarquable que les Rose-croix placent la rose au Centre de la Croix. La rose qui par sa couleur originellement rouge fait penser au sang.
 
Le Centre implique la périphérie donc son contraire ; cette permanente dualité comprend la force et la faiblesse, et aussi la nécessité de l’existence d’un Autre pour exister. Le serpent Ouroboros des égyptiens représentait le jour et la nuit, mais en même temps nous rappelait qu’il n’y a pas de début ni de fin, cela n’est pas sans rappeler la Chaine d’Union qui même rompue reste virtuelle et continue de lier les FF. au-delà de l’espace et du temps. Cette permanente dualité sous entend une Harmonie Universelle qui provient de l’équilibre de ses contraires et la quête perpétuelle du Centre en est la démonstration.
Quelques mots de Teilhard de Chardin, extraits de son «  Hymne à l’Univers », nous reviennent à l’esprit : « Baigne-toi dans la Matière, fils de l’Homme. Plonge-toi en elle, là où elle est la plus violente et la plus profonde ! Lutte dans son courant et bois son flot ! C’est elle qui a bercé jadis ton inconscience ! C’est elle qui te portera jusqu’à Dieu ! » Et cet hymne résonne comme un écho à la pensée de St Martin : « la matière avait été donnée à l’homme, comme un lieu de repos au milieu de ses grandes fatigues. C’était l’ombre d’un arbre, sous lequel le moissonneur pouvait dormir quelques heures pendant la forte chaleur du jour. »
Sous une apparente contradiction, la même idée apparait ; la Matière est le point d’appui du Chercher de Dieu, le passage du Travail au Repos (autrement dit, la re-création) la ligne de départ vers le Ciel. Comme l’indique la formule V.I.T.R.I.O.L ou la Chaine d’Or d’Homère nous montrant un schéma synthétique de progression de la Matéria Prima à l’Or le plus pur. Bien sûr ces symbolismes se rejoignent et s’expliquent les uns les autres, en s’interpénétrant. Il faut descendre jusqu’à la Matière la plus dense pour se re-Créer, se re-Construire par étape afin d’atteindre la présence immanente et transformante de Dieu : c’est l’initiation au Nadir.

Dans une Respectable Loge où se trouve le Centre ?

Le Temple lui-même, qui ouvre une porte à la cosmogonie ou macrocosme et à l’échelle humaine le microcosme, Le Vénérable Maitre de la Loge, le VSL (symbolisant l’ascension verticale grâce à l’Echelle de Jacob), l’Equerre et le Compas, le Soleil et la Lune, le Pavé Mosaïque et la Circumambulation polaire ou solaire (en FM), définissant un Centre à chaque passage dynamique à fonction ordonnatrice et protectrice dans certains rites, la Chaine d’Union, qui nous unit en dehors de l’espace et du temps. Le monde nous montre nos corps prisonniers en apparences dans ce temple où nos bras enlacés, mais nos esprits libres au-delà de ces murs. 
Terre céleste, ou encore le Monde de l’Âme, et c’est alors un Ange qui se présente à eux, au seuil de cette nouvelle terre, un Ange qui est à la ressemblance de leur âme, qui est leur propre âme. « Christus und Sophie », dit Novalis. Cet Ange devient leur compagnon oriental au cours de leur pérégrination dans la Terre céleste.
Cette Terre céleste présente, comme le monde terrestre, un Occident et un Orient. Autrement dit, l’Orient de notre monde terrestre est l’Occident de la Terre céleste. Mais il ne suffit pas d’y entrer comme l’Ange y invite, on ne pénètre vraiment dans cette Terre céleste qu’en l’ayant parcourue toute entière depuis son Occident jusqu’à son Orient. C’est ainsi que l’ascension continue sous la conduite de l’Ange oriental, vers les états supérieurs de l’Être, en direction de la « Terre promise de l’union divine ». L’analogie avec la FM est palpable.
Toutefois, quelles que soient les formes de l’expérience intérieure de chacun des pèlerins de l’esprit, il s’agit bien, à chaque fois, d’approcher l’Absolu, de tendre à cet ultime Orient, l’Orient de l’âme, au-delà duquel « il n’y a plus de chemin », parce qu’il confine à l’Océan divin, comme le suggère Sainte Gertrude à propos du disciple bien-aimé et du Cœur de Jésus dans une célèbre vision  : « Elle vit (…) l’immense océan de la divinité refermé dans le sein de Jésus, et dans cet océan le bienheureux Jean (…) nager comme un petit poisson avec une ineffable jouissance et en toute liberté. Et elle comprit qu’il faisait plus habituellement sa demeure en ce Cœur où le flot de la divinité se déverse avec plus de puissance dans l’humanité », ou encore Ibn ‘Arabî dans une prière non moins fameuse : « Fais-moi entrer, ô Seigneur, dans les profondeurs de l’Océan de ton unité infinie ».

L’initiation

On peut affirmer un premier principe : pas d’ésotérisme, sans initiation. Qu’est-ce que l’initiation ? « Le but réel de l’initiation, écrit René Guénon, dans L'ésotérisme de Dante, ce n’est pas seulement la restauration de « l’état édénique » qui n’est qu’une étape sur la route qui doit mener bien plus haut, puisque c’est au-delà de cette étape que commence le « voyage céleste » ; ce but c’est la conquête active des états « supra-humains ».
C’est ainsi que l’initiation marque le commencement de la quête pour ceux qui ont répondu à l’appel, autrement dit, qui ont « une certaine aptitude ou disposition naturelle » à la recevoir. C’est elle aussi qui assure la transmission d’une influence spirituelle, faute de laquelle il leur est impossible de progresser sur « le chemin mystérieux qui va vers l’intérieur ». C’est elle, enfin, qui leur permet, par le « travail intérieur » qu’elle favorise, de parvenir au terme de l’ascension, ou en d’autres termes d’accomplir la totalité du chemin, d’un Orient à l’autre.

Le maître

Un second principe est celui-ci : pas d’ésotérisme sans un maître.
Ce maître est le guide du pèlerin de l’Orient, maître visible ou invisible, vivant ou non, qui le conduira jusqu’au terme de sa première étape, à la Source de la Vie. C’est pourquoi ce maître peut être celui que les musulmans nomment al Khadir, le Verdoyant, et qui est Saint Élie pour les chrétiens. Il est donc celui qui confère l’initiation, qui transmet l’influence spirituelle à laquelle le pèlerin aura recours tout au long de son cheminement vers l’intérieur
Ce peut même être une certaine disposition intérieure comme le dira Marie-Madelaine Davy : « A l’égard de mon itinéraire, je me pose la question : quel fut mon initiateur, mon véritable maître spirituel ? / Je réponds sans la moindre hésitation : la solitude. / Elle est un abîme ! Une profondeur ! Une béance ! / Dès ma jeunesse, j’ai perçu son appel. Et j’ai été séduite. Depuis, je n’ai jamais regretté l’union de nos amours. »

Le Maître intérieur

Le Maître intérieur, lui, « oriente » le pèlerin de l’esprit vers l’Orient majeur.
Il se manifeste dans l’intime du cœur, au « Centre » du « château de l’âme », comme dit Sainte Thérèse d’Avila, « où se passent les choses les plus secrètes entre l’âme et Dieu ». Tantôt il y demeure caché, car « la sagesse mystique a caché l’âme en Elle », tantôt il se découvre dans une vision « théophanique » et parfois même sous les apparences d’un être vivant. L’exemple le plus remarquable d’une telle vision nous est fourni par le prophète de l’Islam lui-même, telle qu’elle est décrite dans ce qu’on appelle justement le hadith de la vision : « J’ai vu mon Seigneur sous une forme de la plus grande beauté, comme un Jouvenceau à l’abondante chevelure, siégeant sur le Trône de la grâce ; il était revêtu d’une robe d’or ; sur sa chevelure, une mitre en or ; à ses pieds, des sandales d’or ».        
Ceci pour la vision. Quant à la connaissance de ce Maître intérieur, elle est réservée aux stades ultimes de la voie ésotérique, car ce Maître est le Seigneur, et Le connaître, c’est connaître son Soi.
Tous les chemins usant de prismes pour mieux voir les allégories mystiques et hiératiques des anciens dogmes sous le sceau de tous les Volumes de la Loi Sacrée, des plateaux Dogons aux ruines de Ninive ou de Thèbes, au travers des peintures qui traduisent pour les croyants de l’Inde les pages sacrées des Védas, dans les étranges emblèmes de nos vieux grimoires d’alchimie, dans les cérémonies pratiquées par toutes les sociétés mystérieuses, on retrouve les traces d’une doctrine partout la même et partout visible que par l’élite.
La philosophie occulte semble avoir été la nourrice ou marraine de toutes les religions, le levier de toutes les forces intellectuelles, de toutes les obscurités divines, et la reine absolue de la société. Elle avait régné en Perse avec les mages, doté l’Inde des plus merveilleuses traditions et d’un luxe incroyable de poésie ; civilisé la Grèce aux sons des lyres d’Orphée ; elle cachait les principes de toutes les sciences et de tous les progrès de l’esprit humain dans les calculs audacieux de Pythagore.
La quête perpétuelle du Centre  est d’ordre spirituel ou ésotérique selon Fabre d’Olivet, métaphysique selon Kant ou Pascal. Dieu est une sphère dont le Centre est partout et la circonférence nulle part disait Pascal. La recherche du Centre ne serait elle pas la recherche du moi, la meilleure compréhension de ce dernier permettant de mieux appréhender l’autre mais surtout le divin. Car in fine, le G.A.D.L.U ne se voit pas et ne se laisse pas voir pour que l’on puisse mieux l’appréhender :
-  A sa mesure,
-  A sa juste mesure  en fonction de ses convictions et de sa raison. 

Le Centre est une force dotée d’une inertie centripète, tournée vers l’intérieur, ésotérique mais aussi d’une ou plusieurs forces centrifuges, tournée vers l’extérieur, exotérique.

Le Centre est la référence, le modèle.  La recherche du moi est une ouverture intellectuelle vers cette intériorité palpable et tout autour, vers les hommes et l’univers. Cela permet de parcourir la dimension horizontale des connaissances immanentes, tendre ainsi vers la verticalité et ainsi, l’élévation spirituelle. Ce désir de s’élever vers la spiritualité transcendantale pour laquelle il y a peu d’élus.
Immense effort que l’Ecole de St Victor dénommait le « Sublevatio-mentis », ce soulèvement de l’esprit réservé à celui qui désire sublimer sa nature aux prix d’efforts incessants. Cette longue et pénible marche mènera, peut-être, l’adepte à «  l’Excessus-mentis », l’esprit dépassé au-delà duquel s’ouvre le domaine de la spiritualité.
V.I.T.R.I.O.L. correspond à l’idéal de la quête. La visite à l’intérieur  pour la recherche du temple intérieur. Visite l’intérieur de la terre et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée. L’or des alchimistes était l’âme idéale, la pierre philosophale, la source de toutes les énergies.
La correction de ce moi permettra la réalisation du grand œuvre, c’est une voie appelée plénitude (ZEN), soufisme (Musulmans), Kabbale (Juifs) et retraite (Chrétiens). Par cette quête l’invisible caché est retrouvé et la voie utilisée est celle de la spiritualité.
La Quête perpétuelle permet de (re-)chercher continuellement, mettre en Lumière ce qui est obscur et ce depuis la nuit des temps. (Re)chercher dans les exégèses les messages cachés.
Adieu dit le Renard : « voici mon secret, il est très simple. On ne vient bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible avec les yeux » (St Exupéry).

Dieu ne se voit pas, ne se laisse pas voir pour que l’on puisse l’appréhender chacun à sa mesure juste et parfaite, et ce, en fonction de ses convictions et de sa raison.

L’Harmonie universelle provient de l’équilibre découlant de l’analogie des contraires et la quête perpétuelle du Centre en est la démonstration. Pour avoir un Centre existant, il faut une périphérie ou plusieurs comme le soulignait Pascal. Dieu est absolu : la raison existante par elle-même. La Preuve d’harmonie que cette circonférence qui est partout et nulle part à la fois est une mesure dynamique impalpable, intangible de l’homme au milieu du néant(Sartre).
Dieu est visible car il est manifestation de l’invisible. Pourquoi se chercher si ce n’est pour mieux appréhender l’autre, l’autrui, l’autre moi, celui qui est en face ?

2 - Je me dirige vers le Centre

A quel moment en Loge sommes nous confrontés à ce vécu. Et en dehors de la Loge ? En devenant initié nous possédons la Clef des secrets nous permettant d’atteindre tous les mystères et ce, dès le commencement. L’ambition mystique est aussi de retrouver le Nom véritable que Dieu nous a donné en nous offrant la Vie en jurant sur le VSL.
Pour V.I.T.R.I.O.L, la signification alchimique signifie le retour de l’être au noyau le plus intime de la personne humaine, ce qui revient à dire : descends au plus profond de toi-même et trouve le noyau insécable, sur lequel tu pourras bâtir une autre personnalité, un homme nouveau. Il s’agit de se reconstruire pour retrouver le G\A\D\L\U\ au plus profond de nous même. Grand problème de toutes les époques : tracer, compléter et fermer le Cercle des connaissances humaines, puis, par convergence trouver un Centre qui est Dieu.

La voie.

Ce Mat que je prenais pour modèle pouvait être aussi celui du fou, enivré par cette liberté sauvage qui se suffit à elle-même, ne voyant plus dans le voyage que le chemin. Certes, qui veut penser grandement doit errer grandement disait Heidegger. Au risque de l’errance perpétuelle, celui de se perdre en route sans arriver au but, sans possibilité de retour.
Singulière fortune où le but se déplace. Et, n’étant nulle part, peut être n’ importe où ! La raison me soufflait que tous les chemins ne sont pas à prendre, que je devais trouver et choisir parmi eux une Voie. Au sens abstrait, la Voie est une conduite, une suite d’actes orientés vers une fin et considérée comme un chemin que l’on peut suivre (Le petit Larousse). Une Voie est une Conduite finalisée; le chemin est le moyen. Prendre une Voie c’est adopter une Conduite pour atteindre un But.

Partir sur le chemin du perfectionnement.

Le livre du compagnon se termine par un commentaire sur les pas du compagnon : «Le compagnon ne se contente pas de marcher dans la  direction de l’Orient ; il veut connaître le monde dans son ensemble, … étudier le bien et le mal, la lumière et les ténèbres, la vertu et le vice, la vie et la mort. De chaque valeur positive il cherche le complément négatif et grâce à son intelligence, il ramène à l’unité les termes contraires ».
Dans ce même livre, à la question : Pourquoi le compagnon touche un salaire plus élevé ? Il est répondu : Afin d’avancer avec d’autant plus d’ardeur sur le sentier du perfectionnement. Après l’immobilité silencieuse de l’apprentissage, devenu compagnon, je suis incité à prendre la route dans la grande tradition du compagnonnage de métiers.
Va de chantiers en chantiers, dit-on au compagnon, que la main qui tient les outils s'affermisse, apprend des meilleurs ouvriers, ouvre-toi aux autres techniques, soit conscient de tes lacunes et faiblesses, en bref va t’enrichir et te perfectionner dans ton métier et reviens nous montrer la preuve de ta maîtrise par la présentation de ton chef-d’œuvre.

Pour tous, profane comme initié, partir est un puissant et attractif appel à aller regarder ailleurs :

...monter en des cieux ignorés
Du fond de l’océan des étoiles nouvelles.

Ne sommes-nous pas tous nomades de lointaine origine, curieux de ces autres horizons dont se nourrissent nos songes, impatients d’admirer les merveilles du vaste monde, de ressentir mille nouvelles émotions, de s’approprier de multiples petits ou grands secrets ! Clairement le voyage à accomplir n’est pas un congé sabbatique, une parenthèse "loisir" dans mon parcours de cherchant, ou encore une fuite pour me faire oublier ou m’oublier moi-même. La destination du voyage n’est pas un lieu mais un nouvel état de conscience né de ma propre transformation. Il n’est donc pas nécessaire d’aller loin pour l’entreprendre car le monde tout entier est là, devant ma porte et de partout on voit le ciel étoilé. Ce voyage, action dynamique par excellence, est en fait statique dans son essence.

Son essence se trouve dans la définition que lui donne Daniel Ligou dans son Dictionnaire de la franc-maçonnerie : « le voyage est l’épreuve de l’homme, c’est à la fois une nécessité de sa condition, le moyen de son émancipation, l’occasion de faire ses preuves, de découvrir d’autres aspects de monde et de soi-même ». Ainsi, le voyage que je me dois d’accomplir est un travail structuré et structurant  le long du sentier du perfectionnement. Mon voyage ne peut donc être qu’une prolongation des voyages rituels accomplis. Une trans-formation : partir en un voyage qui me conduira vers un ailleurs (lumière, perfection, vérité, paradis ?) que je dois chercher, découvrir ou  créer. Partir pour m'instruire, c’est-à-dire me former, me reformer, me réformer.
Reformulant ce que j’ai écrit plus haut, je crois que le but premier d’un voyage est d’accroître sa connaissance des outils et de la matière sur laquelle ils s’appliquent. Cette connaissance mise en pratique concoure à l’élaboration d’une forme parfaite, symboliquement représentée par la pierre polie, qui, bien travaillée, peut  alors prétendre s'intégrer utilement et harmonieusement au temple que nous construisons.
L’outil maîtrisé utilisé sur soi va faire apparaître de nouvelles valeurs, de nouveaux modes d'agir et d’être par dépouillements besogneux. Cette transformation opérée, l’unité de l’être, dispersé dans la multiplicité de ses désirs et de ses renoncements, est retrouvée. Cette  finalité, cet ultime but, difficile sinon impossible à atteindre peut cependant s'approcher en accomplissant pleinement ses devoirs d’homme en l’harmonie avec soi et avec les autres.
Partir pour accomplir ET pour s’accomplir.

Quelle conduite mène au centre? 

Je me disais que c’est celle qui fait de chaque pas une occasion de se connaître pour se dépasser. Il n’y a pas d’accomplissement sans dépassement et pas de dépassement sans effort.
Le premier effort est de maintenir une attention soutenue propre à découvrir, lever le voile au sens  étymologique du terme. Derrière ce voile, il faut trier ce qu’on y trouve : des habitudes et des pensées faites de préjugés et d’intolérance qu’il faut chasser ; d’autres enfouies et affaiblies par de mauvais mélanges qu’il faut ôter avant de les remonter à la lumière de sa conscience pour les faire renaître, grandir et renforcer.
Se con-Centrer sur soi-même, à travers les mille chemins des sensations, des émotions et des idées ; laisser venir l’intuition pure ; la combiner au logos afin de s’armer pour une action  plus efficace et plus juste sur soi et sur le monde.
Puis recommencer ce mouvement de flux et de reflux de bas en haut, de la périphérie au noyau des choses et de soi-même, jusqu’à la rencontre de la cohérence harmonieuse, reflet du jardin d’Eden, du sens véritable. Faire en sorte que ce qui est en haut devienne comme ce qui est en bas.
Et en tant que Maçon ? Les voyages des Maçons sont pour nous les références les plus immédiates. L’allégorie du Labyrinthe semble être la plus parlante.

Ce Labyrinthe ou Matrice fait appel à l’aspect féminin, intuitif, irrationnel de notre personnalité, fait d’hésitations, d’engagements et de retour sur ses pas. C’est un chemin nécessaire à la compréhension de soi et par là, de l’univers et des Dieux. Il symbolise la démarche de l’individu en quête de secret de la vie et du sens de l’humanité. Il exprime les deux grandes difficultés de l’ouvrage alchimique : accéder à la chambre intérieure, puis avoir la possibilité d’en sortir. D’abord vaincre les embûches du dédale pour atteindre le Centre, enfin, en sortir. Ce Centre, c’est l’image du moi profond, enfoui dans les ténèbres de l’inconscient apparaissant dans toute sa hideuse nature. C’est là dans cette crypte que se retrouve l’unité perdue de l’être, qui s’était dispersée dans la multitude des désirs. Il faut ensuite ramener cette image à la conscience, c'est-à-dire au grand jour, à la Lumière, pour acquérir la pleine conscience, la pleine connaissance de soi, qui est celle de la Lumière initiale, et ainsi faire rayonner cette Lumière dans le monde. Ce chemin passait naturellement par les autres mais aussi par l’intérieur de moi et  y descendait au plus profond. V.I.T.R.I.O.L : je devais aller au fond de la caverne, à la matrice, à l’origine, là où, m'enseigne-t-on, l’âme est encore en contact avec l’Un.

Le véritable itinéraire était donc intérieur :
Amer savoir, celui que l’on tire du voyage !/Le monde, monotone et petit, aujourd’hui,
Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image:/ Une oasis d’horreur dans un désert d’ennui !
Je devais trouver l’harmonie avec moi et avec les autres. Prendre ce chemin qui me permettrait de communier, dans un nouvel état de conscience, avec toutes les présences en moi et hors de moi.

3 - Je deviens le Centre

Je tends vers le Grand Je, l’Homme Cosmique. Je le deviens car l’intérêt de cette quête ? C’est la Conscience en usant d’un Schéma (Schin Mem= le Nom), celui que nous dicte nos rituels. Il convient de rechercher ce qui est épars pour revenir à l’unité première, même si cette Unité n’est qu’un ersatz, une Unité substituée par le biais d’un mot de passe.
Le travail est entièrement dédié à la taille de la pierre, sous bien des aspects, le plus difficile car il requiert de l’ouvrier d'accepter d’être guidé, ce que certains M\M\ oublient, croyant par je ne sais quelle vanité que le Milieu est le Centre.
Ainsi donc le G\A\D\L\U\ a choisi pour nous inviter au travail de façon inattendue et c’est son dessein de nous conduire à l’intérieur de nous-mêmes par la voie du chantier des A\. Est-ce à dire qu’il l'estimait nécessaire?
Peut-être nous a-t-il invité à revenir vers nous-mêmes, là où la vraie Lumière n’est pas celle que l’on voit mais celle, mystérieuse qui nous illumine. Plus précisément encore, celle qui parmi les gravas de la vie nous guide. Non point pour nous épargner de quelque façon que ce soit, mais pour amener à saisir des réalités profondes, celles que notre ego nous masque volontiers en nous faisant croire que nous sommes au-dessus d’elles.
Vous le savez bien, il ne s’agit pas de repousser la juste reconnaissance de nos actes les meilleurs. Sachant que le chantier où nous somme est celui du dégrossissage, prenons garde à ce que la main qui conduit le marteau ne soit pas détournée dès son acte salutaire par celle qui tient le ciseau et qui, par peur du résultat, cherche inconsciemment à dévier l’action vers un coup dont le résultat sera nécessairement moins décisif que celui voulu par notre « MOI ».

N’oublions pas mes T
\C\F\ qu’aussi bien taillée que puisse être sa pierre elle ne présente aucun intérêt si elle n’est pas conçue et pensée pour décorer l’édifice qu’ensemble, avec nos forces et nos faiblesses, nous avons décidé d’ériger pour le bien de l’Humanité.
Pour accomplir cette construction, nous devons sans cesse nous souvenir que c’est de l’apport de tous qu’il naîtra et rayonnera au-delà de nos espérances. Ensembles, nous nous sommes déjà posé la question de savoir pourquoi les ténèbres seraient-elles plus propices à cette mise en perspective que la Lumière. Tout simplement car c’est depuis les ténèbres que l’on peut le mieux observer les ombres. Celles de notre vanité et notre ignorance étant celles qui portent le plus loin et qui assombrissent le plus nos actes et, dans certains cas, les bloquent.
En nous conduisant sur le chantier de l’A\, le G\A\ a, selon moi, voulu nous rappeler que tout est impermanent. Hier puissant aujourd’hui modeste tel est l’exercice que le vrai M\ doit pouvoir accomplir, non pas comme une fatalité mais comme la source d’enrichissement la plus noble qui soit, celle qui permet de se remettre en cause.

Une fois encore, il n’est pas question une seconde de se dénigrer mais de savoir qu’en réalité, il n’y a qu’une seule vérité, celle qui permet de mourir pour mieux renaître. Nous l’avons tous expérimenté lors de notre Initiation à tous les rites.

Ainsi donc le M\ est toujours le novice de son propre chantier, au même titre que le dernier A :. rentré dans notre O :. Puisque pour l’un comme pour l’autre,  chaque jour le chantier recommence avec ses défis, ses inconnues, ses joies et ses peines. C’est de leur cohabitation que peut fermenter l’élixir de la Connaissance du Centre.
Tout simplement pour que notre quête dans les ténèbres ne soit pas vaine et qu’en permanence nous nous souvenions qu’elle est conduite dans l’humilité.

La partie la plus complexe de notre chantier est celle qui consiste à se rapprocher de notre « ÊTRE »  sans lequel « FAIRE » et « AVOIR » n'ont soit pas de sens soit sont impossibles à réaliser.

Pour atteindre l’ « ÊTRE » nous devons commencer par mettre notre mental à l’arrêt car celui-ci veut, en permanence catégoriser et comparer, et devient l’écran qui bloque l’accès à l’ « ÊTRE ».

Le chemin qui conduit à l’ « ÊTRE » est celui de la paix profonde et ceux qui ne parviennent pas à quitter les turbulences de leur mental ne sauront le trouver et seront, inévitablement des mendiants, même si, matériellement, ils sont très riches car ils sont condamnés à se tourner vers l’extérieur, seul espace qui leur permet de briller et de grappiller les miettes d’un bonheur nécessairement éphémère.

« ÊTRE » est la parcelle d’éternel qui est en nous et qui existe par delà le cycle de la naissance et la mort. L’ « ÊTRE » est inaccessible par le mental, il n’est accessible que lorsque le mental s’est tu. En réalité, ni Dieu ni ÊTRE ni quelque autre expression que ce soit qui est rattachée à ces mots ne peuvent permettre de définir l’ineffable réalité qui se cache derrière l’expression. Il en découle que l’unique question pertinente qu’il convient de se poser est de savoir si elle permet ou empêche l’expérience qui la désigne.
En d’autres termes le mot ou expression employé est-il directement lié à la réalité transcendantale qui existe au-delà de lui-même, ou bien son emploi abusif l’a-t-il réduit à une simple idée dont l’exploitation n’est que mentale et donc vide.

L’invitation à l’introspection qui nous est faite en ce moment précis est de savoir écouter le silence en toute tranquillité. Rien n’est possible dans le bruissement continuel de notre mental et le meilleur moyen de parvenir à ce calme nécessaire pour passer de l’autre côté de notre « MOI » est une respiration lente, mesurée qui accapare la totalité de votre pensée. Cet exercice, d’une simplicité déconcertante est, en fait d’une très grande difficulté et demande une très grande concentration. Livrez-vous à l’exercice, dans le calme et vous sentirez, petit à petit, la sérénité venir en vous.

La paix intérieure a besoin du calme extérieur pour exister. La concentration extrême sur votre seule souffle, celui sans lequel vous mourrez, vous emporte en douceur mais avec certitude loin du vacarme de votre mental. Il vous entraîne au dépouillement de la plénitude. Installons-nous dans le don, pas le seul don matériel qui est fait de peu, mais le don de nous-mêmes par nos actions. Veillons à ce que le don soit nôtre et pas celui de nos héritiers. Le proverbe ne dit-il pas que la chemise du mort n’a pas de poches ?
Le dépouillement, mes B\A\F\ est l’outil indispensable à notre esprit pour que la Lumière puisse l’atteindre, mais veillez à ne pas confondre dépouillement et pauvreté. Ne devenez pas votre propre mendiant, cela voudrait dire que vous êtes, une fois de plus, abusé par votre mental. Notre don n’a d'intérêt que s’il permet aux deux, donateur et récipiendaire de grandir.
L’ « ÊTRE » qui s’exprime pleinement dans l’unité avec le Tout est donc dans la Paix.

De ce voyage dans le voyage, qu’ai-je rapporté? Avant tout une certitude : celle que le voyage initiatique, forme maçonnique de pèlerinage, est une voie vers la connaissance ; connaissance de soi et, par extension, « de l’univers et des dieux ». Cette connaissance est le moyen de bâtir une vie intérieure libre et harmonieuse. Cette vie intérieure apaisée ne sera une perspective d’accomplissement que partagée avec les autres qui viendront à leur tour la consolider, l’entretenir. Voilà le sens que je donne à cette belle parole qui clôt les travaux: L’harmonie par la fraternité.

Ne retrouve-t-on pas là un paradoxe dans cette quête intérieure ? On avance, on se transforme mais la véritable transformation ne nous amène-t-elle pas à être immobile au Centre de nous même, en équilibre avec l’univers, n’est-ce pas le contraire même de notre transformation physique due au vieillissement ? Est-ce là, peut-être, toute la difficulté que l’on retrouve également dans la méditation zen où il s’agit de laisser couler ses pensées sans jamais s’y accrocher ? Ainsi, ce voyage au Centre de moi-même va bien plus loin qu’une auto analyse telle que l’on peut la pratiquer en psychologie. Il va également bien plus loin qu’une réflexion sur le sens de la vie.
La quête du Centre reste un mystère, puisqu’elle participe du développement intérieur personnel. Il est probable que nombre de cérémonies d’initiation se déroulent autour du symbolisme de Centre du Monde, puisqu’il s’agit en fait d’une renaissance, au sens alchimique du terme.
D’ailleurs pour conclure, en alchimie les étapes essentielles du Grand Œuvre sont l’œuvre au blanc et l’œuvre au rouge. Elles correspondent selon l’hermétisme occidental aux petits mystères et aux grands mystères.
Il s’agirait en fait de l’atteinte du Centre et de l’état édénique ;
 
L’image de Jacob qui se rencontre (rencontre intérieure, retour au Centre) et qui, en tant que poussière, c’est-à-dire le Point ou Centre, s’étend dans les quatre directions de la croix. La rencontre avec Dieu se fait en gravissant l’échelle, ou Axis Mundi à la recherche de la vraie Lumière, non celle que l’on voit, mais celle qui nous illumine.
 
Dans le manuscrit de Graham(1726) nous pouvons lire ces phrases dites lors de l’instruction
-        Où avez-vous été reçu M. ?
-        Dans une loge juste et parfaite
-        Qu’est ce qu’une Loge juste et parfaite ?
-        Le Centre d’un cœur sincère.
Je ne pourrais terminer cette planche, car j’ai la conviction que ce voyage n’est pas terminé et ne le sera probablement jamais. Il est à faire et à refaire pour que  grandisse l'homme nouveau qui germe lentement en moi. À chaque retour, un nouveau partage avec mes frères  qui me donneront un nouvel élan, une nouvelle force pour le prochain départ.
Jusqu’au dernier.

J’ai dit.


Christian Soumah, MM


 
EN RESUME
Quand cela a-t-il commencé ?
De temps immémorial cette quête a existé et apparaît dans les fondements initiatiques les plus secrets des civilisations traditionnelles qui nous ont précédées.
Pourquoi le Centre ? Quels sont le(s) but(s) ?
Parce que c’est pour le M. le « point autour duquel nul MM ne saurait faillir » ;
Parcourir les dimensions horizontales et verticales des connaissances immanentes ;
Désir de s’élever vers la spiritualité transcendante pour laquelle il y a peu d’élus ;
Rechercher continuellement pour mettre en lumière ce qui est obscur  et pouvoir la transmettre;
Grand problème de toutes les époques : il s’agit de tracer, compléter et fermer le cercle des connaissances humaines, puis par convergence des rayons, trouver le Centre qui est le G.A.D.L.U.
Qui aujourd’hui recherche le Centre et comment ?
Celui parmi les MM qui par un immense effort que l’Ecole de St Victor appelait le « Subelevatio-mentis », ce soulèvement de l’esprit réservé à celui qui désire sublimer sa nature aux prix d’efforts incessants ; cette longue et pénible marche mènera peut-être l’adepte à « l’Excessus-mentis », l’esprit dépassé au-delà duquel s’ouvre le domaine de la spiritualité ;
Celui qui selon les alchimistes utilise le Vitriol pour se transfigurer et trouver la source de toutes les énergies.
Si nous ne pouvons atteindre le Centre que devenons-nous ?
            Nous restons l’égal les profanes.
Que nous apprennent le rituel et l’usage des rites en Franc maçonnerie ?
            Ils nous dirigent dans notre quête.
 Le maçon peut il s’assimiler à ce myste ?
Assurément et il a pour devoir de perpétuer cette quête.
 
 
ADDENDUM
1 VISION FRANC MACONNIQUE

En quoi la méthode maçonnique se distingue-t-elle des autres méthodes d'évolution spirituelle dans la Quête du Centre ?


En suivant des rituels plus ou moins élaborés: un homme et une femme s’unissent.
Il se peut que par la suite, et durant des mois un enfant grandisse dans le délicieux paradis qui est matrice féminine !
Mais un jour maman veux voir l'enfant… et peut être l'enfant veux voir la lumière.
Pour pouvoir naître il faut oublier le contact avec l'eau agréablement tempérée et avoir envie de prendre beaucoup d'air… il faut INSPIRER.
La naissance était notre initiation à la vie… mais la mère et le père ont aussi été initiés avec cet événement !
Pour un profane : naissance - vie - mort,  est le cycle biologique de base.
  • La naissance: marque le début du temps à disposition.
  • La mort: marque la fin du temps à disposition ! ….et c'est cette certitude  qui pousse les êtres humains à se questionner sur l'emploi du temps qui lui est accordé…
  • Y a-t-il plusieurs manières de vivre ? Et alors :  comment les vivre ?
  • Qu'est-ce que la matière  
  • Qu'est-ce que l'esprit ?
  • Peut-on concilier des besoins matériels et spirituels ?
Pour répondre, plus ou moins bien, à ces questions existentielles le profane dispose d'une multitude d'avis que l'on trouve dans les philosophies, religions, partis, associations, etc.
La plupart des ces groupes disposent de rituels, d'un langage  propre, de symboles, musique, dogmes, objectifs, et bien d'autres éléments leur permettant de se reconnaître comme membres du groupe.
Mais avant de choisir une méthode il convient d'étudier.
Tout profane sait qu'il peut apprendre des ses expériences personnelles (la mort d'un proche, une naissance, un divorce, etc.).
Il peut aussi apprendre en lisant (c'est ne pas les bibliothèques qui font défaut), et bien entendu en écoutant et en conversant (c'est ne sont pas les orateurs qui manquent).

Mais, alors pourquoi être franc-maçon ?

Parce que les francs-maçons ont créé un système organisé et organique permettant que tous ces événements, et en particulier les expériences, ne se produisent pas par hasard, on les génère !
Le profane devenant initié commence à construire sa propre histoire.
S'il est vrai qu'un rituel profane permet de s'identifier à un groupe, cela ne veut pas dire qu'il permet une évolution personnelle.
Chaque rituel maçonnique a pour but un ensemble d'enseignements aux moyen des expériences individuelles, et qui sont mises en place soigneusement par ses frères.
Dans un temple maçonnique chaque frère vit une partie du rituel, et très particulièrement lors des initiations et des élévations.
Bien que le principal concerné dans chaque passage symbolique soit le profane, l'apprenti ou le compagnon, les frères apprentis, compagnon et maîtres vivent aussi chaque tenue sous un angle de vue nouveau, donc avec une nouvelle possibilité d'apprendre.
De son entrée dans la franc-maçonnerie l'apprenti doit travailler sur lui-même, il doit vivre chaque passage sans être un spectateur.
Et c'est cette différence symbolique, mais bien réelle, entre être acteur ou être spectateur qui permet de comprendre  que le franc-maçon ne doit pas chercher de voies tracés, il doit les explorer toutes et à chaque instant de sa vie il fera un choix en vue de se construire, lui même, chaque jour un peu plus !

Si l'on fait attention aux rituels on s'aperçoit aussi que chaque mot a été soigneusement choisi.

A un nouvel apprenti on ne lui demande pas de démolir sa vie profane, on lui propose de construire une vie maçonnique.
Lors de chaque rituel on met à contribution la vue, l'ouï, le goût, l'odorat, le toucher, mais aussi les textes que l'on doit entendre et que l'on doit répéter sous forme de serment. Et en revivant les rituels nous exerçons nos mémoires maçonniques.
Et ce la que l'on constate que du point de vue cognitif chaque rituel est une synthèse équilibré de toutes les perceptions humaines tant physiques que psychiques permettant de transmettre un message intellectuel où les émotions et le raisonnement interagissent en vivifiant l'esprit.
Chaque étape dans une vie maçonnique n'est pas un fait unique, chaque étape est en fait une partie d'un long processus, au langage symbolique certes, mais permettant à un FM accompli d'avoir une autre lecture sur la vie, sur les gestes et sur la parole des ses semblables.
S'il est évident que la connaissance de l'alphabet, ne permet pas de devenir un grand écrivain, l'ignorer ferme une des grandes portes d'accès à la bibliothèque de la connaissance universelle.
De même, ignorer le langage symbolique, ferme la porte aux messages que le langage courant ne permettra jamais  ni de concevoir ni de transmettre.

La franc-maçonnerie ne se reçoit pas ! … elle ne se donne pas !

La franc-maçonnerie chaque frère doit la vivre, mais c'est tous les frères qui l'on provoqué !
Mais en fait nos questions sur la vie ?
Encore une fois rappelez-vous mes frères :
Etre un homme libre et des bonnes mœurs !
Cela parait pourtant simple.
S'il espère être initié le profane doit être un homme libre, mais le franc maçon accompli sait qu'il doit toujours s'appliquer, parce que nul n'est à l'abri d'un préjugé.
Un homme libre ne doit pas avoir son esprit sous aucune influence, et ce qui peut paraître simple est en fait la base même du bonheur d'appartenir à notre ordre.
Aucun dogme ne doit assombrir l'intelligence ou pervertir les sentiments d'un maçon.
Etre libre d'exprimer ses opinions sans avoir à craindre des sanctions permet de comparer ses points de vue avec ceux des ses frères.
Donc d'évoluer.
Simple encore ?
C'est pour ces raisons que les francs maçons ont conçu et bâti les loges.
Un lieu où l'on prend parole pour défendre ses convictions mûrement réfléchies.
Un lieu où l'on sait garder un silence respectueux pour que le cœur et l'esprit soient plus réceptifs aux valeurs que ses frères expriment.

On ne copie pas ses Frères !
On prend référence !
ON S'INSPIRE !

Dans une loge on n'apporte pas de l'argent.
Mais chaque frère repart plus riche !
Le premier geste vital c'est d'aspirer, et il sera le dernier !
Et durant toute leur vie les franc maçons on choisi la méthode de la fraternité: s'inspirer sans relâche de chaque idée et de chaque sentiment des ses frères afin de bâtir un temple dans chaque cœur.
L'assiduité a la loge mère permet de travailler pour perfectionner son esprit, et en se perfectionnant chaque frère comprend que le travail à accomplir est infini : premier pas vers la modestie…
et avec les années le franc maçon apprend un nouveau mot: MERCI !
…MERCI à chaque frère qui lui a permis d'avancer,
…mais ce mot on a pas besoin de le dire en loge: on l'exerce grâce à notre fraternité.
Savoir écouter et savoir parler !
Devenir son propre maître !

Les objectifs maçonniques sont tellement nobles et élevées que l'on peut jamais prétendre être un franc Maçon.
Et pourtant mes frères me reconnaissent comme tel !

2 - VISION ESOTERIQUE : LE CENTRE

Antérieurement à notre présent cycle, l’Agarttha portait le nom de Paradêsha (ou contrée suprême, en sanscrit). De là vient le mot « Paradis ». Le Paradis terrestre n’est donc autre chose que cette contrée suprême, désormais inaccessible à tous les hommes, sinon au terme de leur vie, dans la voie du salut, car entrer en Paradis, c’est bien en retrouver l’accès et, par là-même reconstituer pour soi l’état édénique qui était celui de l’humanité avant qu’elle n’entre dans son cycle actuel. Au Centre de ce Paradis – qui est notre Orient métaphysique – se trouve une montagne qui est mentionnée dans toutes les traditions, y compris dans le christianisme, (le Mont-Salvat de la Quête du Graal et tous les « Sauveterre »). C’est le Mont Méru dans l’hindouisme, ou la montagne de Qâf dans la tradition islamique. Elle est naturellement inaccessible et se trouve située « hors de l’atteinte de tous les cataclysmes qui bouleversent le monde humain à la fin de certaines périodes cycliques ». Elle figure donc le Centre du monde.  
On trouve une illustration de cette géographie spirituelle dans le Récit de l’exil occidental de Sohravardî. La montagne de Qâf porte ici le nom de Sinaï : 
« Je sortis des grottes et des cavernes, et j’en finis avec les vestibules : je me dirigeais droit vers la Source de la Vie. Voici que j’aperçus les poissons qui étaient rassemblés en la Source de la Vie, jouissant du calme et de la douceur à l’ombre de la Cime sublime. « Cette haute montagne, demandai-je, qu’elle est-elle donc ? Et qu’est-ce que ce grand rocher ? »
« Je fis l’ascension de la montagne. Et voici que j’aperçus notre père à la façon d’un grand Sage, si grand que les Cieux et la terre étaient près de se fendre sous l’épiphanie de sa lumière. Je demeurai ébahi, stupéfait. Je m’avançai vers lui, et voici que le premier, il me salua. Je m’inclinai devant lui jusqu’à terre, et j’étais pour ainsi dire anéanti dans la lumière qu’il irradiait. »
 « Sache que cette montagne est le mont Sinaï ; mais au-dessus de celle-ci, il y a une autre montagne : le Sinaï de celui qui est mon père et ton aïeul, celui envers qui mon rapport n’est pas autre que on propre rapport avec moi »
« Et nous avons encore d’autres aïeux, notre ascendance aboutissant finalement à un roi qui est le Suprême Aïeul, sans avoir lui-même ni aïeul ni père. Nous sommes ses serviteurs : nous lui devons notre lumière ; nous empruntons notre feu à son feu. Il possède la beauté la plus imposante de toutes les beautés, la majesté la plus sublime, la lumière la plus subjugante.
Il est au-dessus de l’Au-dessus. Il est Lumière de la Lumière et au-dessus »

René Guénon fait remarquer que toutes les pierres sacrées, les bétyles, et autres Omphalos sont des symboles de cette montagne sacrée. A son sommet, et comme « au-dessus » de celle-ci, commence une autre terre, un « paradis céleste » qui est l’Orient de l’âme. Ce Paradis céleste fait référence ici au « Centre premier et suprême » qui est Tula, dont les Grecs ont fait « Thulé ». Il est aussi une « île blanche » : 

« La brise me pousse vers ces rivages où l’Ange m’a entraîné au temps de mes rêves d’adolescent. Vers ces îles inconnues, perdues dans l’immensité de l’Océan, ou vers ce royaume de Thulé que j’ai abordé autrefois dans la lumière hyperboréenne. Vers ce mont Saber, enfin, où l’ange du Yémen m’attend, sur le seuil de la Caverne des Ahl al-Kahf.
La brise me conduit vers toi. Elle n’a cessé de m’accompagner, pour me guider, de souffler sur ma barque solitaire, d’en gonfler les voiles, de remplir le Silence de la mer. Il me suffisait de penser à toi, à ton visage de beauté, à ton cœur blanc comme l’écume, pour que ma barque s’anime, portée par la vague. Voici les rivages tant désirés, les plages de sable, la ligne des palmiers, et, dressée sur l’horizon, la mosquée blanche. Et puis te voici, toi, ma brise douce et parfumée, mon souffle, marchant le long du rivage, le visage tourné vers l’Océan. Je reconnais tes pas, ta démarche gracieuse. Seul ton visage me reste invisible... Mais son image ne m’a pas quitté un seul instant et demeure dans le secret de mon cœur comme le visage même de l’Amour et de la fidélité amoureuse. Tu t’avanceras au-devant de moi et je verrai ton visage. Je verrai l’Ange de la beauté, et la beauté de l’Ami ne me sera plus jamais voilée.
Mais la brise garde son secret. Tu n’es encore qu’une silhouette lointaine, tandis que grandit la plage où tu m’attends solitaire comme moi et silencieuse : dans le Silence de l’amour. Que seront les premiers mots que nous échangerons ? Les mots du Secret qui est le nôtre ne se divulguent pas - le regard seul les exprime : silencieusement. L’Océan les connaît ainsi que nos deux cœurs. Et c’est assez. »         
L’accès à ce Paradis céleste s’opère donc dans des conditions bien particulières, soit en progressant régulièrement dans « les états supérieurs de l’être », soit de manière directe, à travers des visions, comme celle-ci, décrite par Rûzbehân Baqlî : « Il arriva que je me vis au-dessus du mont Sinaï. Je vis Dieu – gloire à Lui – venant des jardins de l’éternité sans commencement. C’était comme si se répandaient là des roses rouges et blanches, des perles et des joyaux. »

3 - VISION ISLAMIQUE : L’ECORCE ET LE NOYAU
(El Qishr wa el-Lobb)

Ce titre, qui est celui d'un des nombreux traités de Seyidi Mohyiddin ibn Arabi, exprime sous une forme symbolique les rapports de l'exotérisme et de l'ésotérisme, comparés respectivement à l'enveloppe d'un fruit et à sa partie intérieure, pulpe ou amande'. L'enveloppe ou l'écorce (el-qishr) c'est la shariyâh, c'est-à-dire la loi religieuse extérieure, qui s'adresse à tous et qui est faite pour être suivie par tous, comme l'indique d'ailleurs le sens de « grande route » qui s'attache à la dérivation de son nom. Le noyau (el-lobb), c'est la haqîqah, c'est-à-dire la vérité ou la réalité essentielle, qui, au contraire de la shariyah, n'est pas à la portée de voir sous les apparences et l'atteindre à travers les formes extérieures qui la recouvrent, la protégeant et la dissimulant tout à la fois (1). Dans un autre symbolisme, shariyah et haqiqah sont aussi désignées respectivement comme le « corps » (el jism) et la « moelle » (el-mukh) (2), dont les rapports sont exactement les mêmes que ceux de l'écorce et du noyau; et sans doute trouverait-on encore d'autres symboles équivalents à ceux-là.
Ce dont il s'agit, sous quelque désignation que ce soit, c'est toujours l'« extérieur » (ez-zâher) et l'« intérieur » (el-bâten), c'est-à-dire l'apparent et le caché, qui d'ailleurs sont tels par leur nature même, et non pas par l'effet de conventions quelconques ou de précautions prises artificiellement, sinon arbitrairement, par les détenteurs de la doctrine traditionnelle. Cet « extérieur » et cet « intérieur » sont figurés par la circonférence et son Centre, ce qui peut être considéré comme la coupe même du fruit évoqué par le symbolisme précédent, en même temps que nous sommes ainsi ramené d'autre part à l'image, commune à toutes les traditions, de la « roue des choses ».En effet, si l'on envisage les deux termes dont il s'agit au sens universel, et sans se limiter à l'application qui en est faite le plus habituellement à une forme traditionnelle particulière, on peut dire que la shariyah, la « grande route » parcourue par tous les êtres, n'est pas autre chose que ce que la tradition extrême-orientale appelle le «courant des formes», tandis que la haqîqah, la vérité une et immuable, réside dans l'« invariable milieu » (3). Pour passer de l'une à l'autre, donc de la circonférence au Centre, il faut suivre un des rayons : c'est la tarîqah, c'est-à-dire le « sentier », la voie étroite qui n'est suivie que par un petit nombre (4).Il y a d'ailleurs une multitude de turuq, qui sont tous les rayons de la circonférence pris dans le sens centripète, puisqu'il s'agit de partir de la multiplicité du manifesté pour aller à l'unité principielle : chaque tarîqah, partant d'un certain point de la circonférence, est particulièrement appropriée aux êtres qui se trouvent en ce point; mais toutes, quel que soit leur point de départ, tendent pareillement vers un point unique (5), toutes aboutissent au Centre et ramènent ainsi les êtres qui les suivent à l'essentielle simplicité de l'« état primordial ».

NOTES

(1) On pourra remarquer que le rôle des formes extérieures est en rapport avec le double sens du mot « révélation », puisqu'elles manifestent et voilent en même temps la doctrine essentielle, la vérité une, comme la parole le fait d'ailleurs inévitablement pour la pensée qu'elle exprime; et ce qui est vrai de la parole, à cet égard, l'est aussi de toute autre expression formelle.
(2). On se rappellera ici la « substantifique moelle » de Rabelais, qui représente aussi une signification intérieure et cachée.

(3) Il est à remarquer, à propos de la tradition extrême orientale, qu'on y trouve les équivalents très nets de ces deux termes, non comme deux aspects exotérique et ésotérique d'une même doctrine, mais comme deux enseignements séparés, du moins depuis l'époque de Confucius et de Lao-tseu : on peut dire en effet, en toute rigueur, que le Confucianisme correspond à la shariyah et le Taoïsme à la haqîqah.
(4). Les mots shariyak et tarîqah contiennent l'un et l'autre l'idée de « cheminement »; donc de mouvement (et il faut noter le symbolisme du mouvement circulaire pour la première et du mouvement rectiligne pour la seconde); il y a en effet changement et multiplicité dans les deux cas, la première devant s'adapter à la diversité des conditions extérieures, la seconde à celle des natures individuelles; seul, l'être qui a atteint effectivement la haqîqah participe par là même de son unité et de son immutabilité.

(5) Cette convergence est figurée par celle de la qiblah (orientation rituelle) de tous les lieux vers la Kaabah, qui est la a maison de Dieu » (Beit Allah), et dont la forme est celle d'un cube (image de stabilité) occupant le Centre d'une circonférence qui est la coupe terrestre (humaine) de la sphère de l'Existence universelle.
Bibliographie
• GUENON René. - Le Symbolisme de la Croix. - Ed. Guy Trédaniel, 1996.
• GUENON René. - Symboles de la Science Sacrée. - Ed. Gallimard, 1976.
• CHEVALIER, GHEERBRANT. - Dictionnaire des Symboles. - Ed. Robert Laffont, 1982.
Ecrits apocryphes chrétiens. - Bibliothèque de La Pléiade, Ed. Gallimard, 1997.

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