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La Cène



Très Sage Athirsata, et vous tous mes FF\ Chevalier Rose+Croix, pour ma première intervention à notre grade, Notre Très Sage, m'a proposé de faire une planche avec pour thème: « La Cène ».

Quel défi pour un frère élevé dans la plus pure tradition judéo-chrétienne par sa famille et avec l’aide appuyée des Frères des Écoles Chrétiennes et ensuite des Jésuites et pour qui la Foi reste une valeur spirituelle essentielle dans sa vie, que de traiter dans cet illustre chapitre d’un symbole aussi « chrétien » que la Cène

Mais il est des chemins comme des hommes, souvent plein de paradoxe et de contradictions qui permettent, du moins je l’espère, de faire progresser les uns par la connaissance et le partage avec les autres, le tout dans l’Amour fraternel, car tel est notre loi

Tous les Chevaliers Rose-Croix au Rite Écossais Ancien et Accepté, connaissent la cérémonie de la cène qui se pratique  ou devrait se pratiquer à la fin de chaque tenue. Tous les premiers rituels connus, dès le début des années 1760, en font déjà mention et la décrivent, pratiquement telle que nous la connaissons aujourd’hui.

La Cène :

Dans le manuscrit de la « Maçonnerie Adhonhiramite » de 1787, on trouve précisé que le 3eme point du Rose Croix  est la Cène et se déroule toujours après un chapitre.

Lors de la réception d’un nouveau chevalier, le rituel de la cène, ou troisième point de sa réception, marque l’intégration d’un nouveau chevalier dans le cercle des anciens. Il est le plus souvent décrit ainsi : « Tous les chevaliers se rangent autour de la Table. Le TS fait face à l’Occident, les surveillants, ayant encadré le candidat entre eux, se placent en face du TS Quand le cercle est formé, le TS rompt le pain, en prend un morceau et le mange. Il passe ensuite le plateau à l’Orateur qui est à sa droite et dit : « Prenez et mangez ; donnez à ceux qui ont faim ». le plateau passe successivement aux mains de tous les Chevaliers qui en prennent chacun un morceau. Quand le plateau revient au TS, il le pose sur la table. Il verse ensuite du vin dans le verre et en boit et le présente à l’Orateur en disant : » Prenez et buvez ; donnez à boire à ceux qui ont soif ». le verre passe successivement aux mains de tous les chevaliers et lorsqu’il revient au TS, celui-ci le verse dans le réchaud le reste du vin. »

Irène  Mainguy pense que « la pratique de la Cène »  en chapitre tire son origine d’un enseignement caritatif tel que celui qui apparaît dans les proverbes 25 :21-22 et dans l’Épitre aux romains 12 :20
« Si ton ennemi a faim, donne lui à manger, s’il a soif, donne lui à boire »

Notre rituel maçonnique a une autre traduction de la Cène.

Comme souvent, le rituel est la source de l'enseignement du Franc-Maçon et à notre grade, celui du Chevalier Rose Croix. Les phrases prononcées par le Très Sage au moment de la Cène et le décor ont leur importance. Je vais tenter d'en capter le sens.

Le Très Sage explique  la suspension des travaux et la mission du Chevalier R+C est fixée : « répandre hors de notre Temple, notre message d'Amour de la Vérité et d'Amour de l'Humanité ». Les grandes lignes de notre Grade sont données. Notre mission : parler d'Amour, non pas d'amour charnel, mais d'Amour de la Vérité, qui est notre mission première en maçonnerie et aussi Amour de l'Humanité. Nous sommes ceux dont le travail est de répandre ces Amours. La Vérité, nous la cherchons en permanence, comme l'amélioration de l'humanité. Mais le mot Amour est mis en avant, ce qui démontre la passion, la sincérité, la profondeur avec laquelle nous devons travailler et je ne peux que constater que notre chapitre le démontre à chaque tenue…..

Le Très Sage nous parle ensuite  de la canne, baguette qui nous a été remise à chacun de nous pour la Cène. Il s'agit la d'un autre rappel de notre rôle dans la Franc-Maçonnerie « elle doit servir dans vos voyages. Emblème de la vigilance, elle aussi le signe du commandement et du droit de l'exercer ». Si jusqu'à maintenant, nous devions répandre  les vérités que nous avons acquises désormais, le Très sage nous explique que nous devons être vigilant : la définition de ce mot est intéressante « Qui veille avec beaucoup de soins ou de dévouement sur quelqu'un ou quelque chose. » et « Qui est exercé avec grand soin, avec une attention soutenue ». La vigilance, notre grade nous en parle pour la première fois. Cette canne est donc le symbole de celui qui a pour mission de voyager et de surveiller, d'être attentif à ce qui se passe. Et cela sous entendu en permanence.

Le Très Sage explique aussi que nous avons tout pouvoir, que nous sommes ceux qui commandent. Nous ne commandons surement pas d'autres FF.°. au sens de hiérarchie, mais je crois, surtout, que nous détenons une certaine autorité morale avec les obligations qui vont avec, et que cela doit s'appliquer à chacun de nous. Notre chemin initiatique nous autorise à avoir une perception plus fine de ce qu'est la Franc-Maçonnerie, et surtout, nous avons l'obligation de voyager et cette baguette, qui rappelle le bâton du Compagnon, pourrait nous donner du pouvoir, car symbole d'une fonction, mais aussi un moyen pratique de se faire reconnaître. « Mes FF.°. me reconnaissent comme tel » finalement, cette reconnaissance doit exister : à notre comportement, nos FF.°. doivent percevoir notre expérience, notre cheminement maçonnique.

 Le bâton du Chevalier R+C est surtout celui du pouvoir moral, plutôt celui du Sage qui peut répondre aux questions, celui qui est prêt à aider..

Quand nous voyageons aujourd'hui, et j'entends par voyage, voyage dans le monde maçonnique, autant que dans le monde profane, nous n'avons pas ce bâton.
 Mais ce symbole, comme les autres symboles, nous le détenons en nous, nous l'avons intégré, nous finissons par faire comme si nous l'avions en permanence. Le regard que nous devons porter sur notre mission est d'être vigilant. Pourquoi? Mais parce que tel est notre devoir à ce stade de notre chemin initiatique. Nous avons appris, nous avons plus ou moins assimilé.

Le décantage de notre apprentissage nous permet d'avoir une vue plus élevée de ce que doit être le travail maçonnique.

Notre situation actuelle de Chevalier R+C est de ne plus être en bas, de ne pas être encore en haut, mais d'être entre deux étages, si je peux dire . A la fois au dessus mais largement en dessous. Le signe et le contre signe, qui montre l'infiniment grand et l'infiniment petit, me semble confirmer notre position.

Mais continuons le rituel :
« nous allons échanger nos accolades fraternelles et faire circuler le message de paix grâce au pain et au vin. Ainsi nous renforcerons d'avantage les liens qui nous unissent et notre amour fraternel en sera fortifié ».

Le pain et le vin et nos accolades sont donc le ciment de notre action. Le rituel nous donne donc la force qui nous portera en dehors du temple : il s'agit, comme toute construction et comme nous l'avons appris depuis notre initiation, d'avoir des bases solides : ces bases sont celles des liens qui nous unissent, liens qui sont tout le cheminement que nous avons fait, pas forcément ensemble, mais dans nos temples et dans nos loges, à des dates différentes, mais toujours sur le même chemin initiatique. Nos liens sont prioritaires. Cela veut dire aussi, que sans cela, nous serions inefficaces. Sans nos bases, c'est à dire, sans tout ce que nous avons appris en loge, nous ne sommes rien, nous devons, nous avons l'obligation en plus être unis.

L'Amour fraternel est une obligation et un vrai travail, c'est comme cela que je le ressens aujourd'hui.

Poursuivons le rituel :
« prenez et manger et donnez à manger à ceux qui ont faim »
« prenez et buvez et donnez à boire à ceux qui ont soif »

Ces 2 phrases sont claires et sont pleine d'amour : elle rappelle la Cène d'origine, mais la, le message n'est pas de se souvenir du Christ, il donne et définit une de nos missions : donner à manger à ceux qui ont faim et à boire à ceux qui ont soif. Cette tache est vaste.

L'un des symboles du grade Chevalier Rose Croix est le pélican. Son choix a été de s'ouvrir le flan pour donner à ses petits son sang. Jésus, en offrant le vin qui symbolisait son sang et le pain qui symbolisait son corps, a-t-il la même volonté?
Dans le rituel de la Cène, nous, chevalier R+C, nous ne le disons pas, mais ce message est sous entendu : nous sommes prêts à aller jusqu'au don de soi pour donner à manger et donner à boire à ceux qui sont dans le besoin. Ceci signifie que sommeille en nous un pélican et qu'il est prêt à s'éveiller à tout moment.  Prêt au sacrifice de soi après avoir cherché l'Amour en suivant la trilogie de notre grade, Foi, Espérance et Charité.
 
Mais lors de cette Cène, avant ces 2 phrases, un message est transmis à chacun des F.°. à charge qu'il revienne sans faute : il s'agit du mot de passe du grade : Emmanuel et sa réponse Paix Profonde.

Pourquoi, dans la Cène, le mot de passe et sa réponse doivent-ils circuler? La Cène raconte l'histoire de Jésus et de son dernier repas. Emmanuel, en hébreu, signifie Dieu est avec nous.

Nous francs- Maçons, en tant que Chevalier R+C, nous avons atteint la conscience de ce que nous sommes et que nous considérons avoir retrouvé la parole perdue. Emmanuel est aussi le premier nom donné à Jésus par les bergers de Bethléem, car dans la prophétie d'Isaïe, il était annoncé que la mère enceinte donnerait ce prénom à son fils.

Paix Profonde ou La Paix avec Vous ou en Vous, cette réponse, semble contenir ce que doit être le chevalier R+C : par le sens Dieu est avec nous, nous, Francs-Maçons, nous pouvons penser autre chose, comme Grand Architecte de L'Univers ou aussi comme Force Cosmique, ou Puissance au dessus de tout ou tout autre appellation qui indiquerait quelque chose de supérieur. Supérieur parce qu'à une autre échelle, celle de l'Univers.

Le fait d'être conscient de ce que nous sommes et de ce que représentons à l'échelle de l'infiniment grand, est le signe du bon cheminement et de l'évolution nécessaire que tout homme, après avoir été initié et suivi le cheminement dans son temple intérieur, peut affirmer que l'univers, l'immensément grand est aussi dans l'infiniment petit.  Et réciproquement.

La conséquence : une forme de sérénité. Une vision du monde plus claire, vue d'un niveau un peu plus élevé que l'homme ordinaire. Un sens du devoir.

Continuons à lire le rituel :
Après le retour du mot de passe que le Gardien de la Tour a bien reçu venant des 2 côtés, le Très Sage dit « Que ce pain nous maintienne en force et santé! Que ce vin nous élève ! »

le Très Sage émet alors ce qui ressemble à un vœux : que le pain nous maintienne en force et santé : la nourriture terrestre – ce qui représente, dans la Cène,  le corps de Jésus, et cela afin de nous maintenir en force et en santé pour poursuivre notre mission. Le pain représente la matière.

Le vin nous élève , le vin représente alors l'esprit. Dans la Cène, elle représente le sang du Christ. Cet esprit que nous récupérons en buvant ce vin, nous élève. Élévation spirituelle nécessaire aussi pour continuer notre mission. 

Nous retrouvons ici, à un autre niveau, l'équerre et le compas. La domination de l'esprit sur la matière. Mais jamais l'un sans l'autre.

Une grande précision : c'est ce pain et ce vin là, ici pendant la Cène, à cette occasion, le pain et le vin que nous prenons ensemble. N'importe qui peut manger du pain et boire du vin chez lui. Nous Chevalier R+C, nous mangeons et buvons ensemble.

Ceci contribue à nous unir et à maintenir entre nous le lien fort. Le symbole d'un acte commun et collectif de pensée et de deux actions, boire et manger, représente l'importance donnée à un travail maçonnique de chacun mais tous ensembles.

« Et maintenant mes FF\, prenez et mangez et donnez à manger à ceux qui ont faim, prenez et buvez et donnez à boire à ceux qui ont soif »

Dans cette phrase, le Très Sage redit ce qu'il a déjà dit avant la circulation du mot de passe. S'agit-il d'une manière de commencer et de finir, ce qui veut dire que ce qui est important est ce qu'il y a entre les deux phrases ?  Je remarque tout simplement que la demande du très Sage est de prendre et de manger d'abord et de donner à manger après et de prendre et de boire avant de donner à boire... Cela me rappelle qu'il faut d'abord travailler sur soi-même et la pierre brute avant de pouvoir prétendre transmettre quelques choses à d'autres. Les bases de notre temple intérieur doivent être solidement implantées.

Faisons attention aux dernières paroles du Très Sage après avoir frappé les 7 coups avec sa canne :
« Tout est consommé...
Mes FF\, retirons-nous en Paix et souvenons nous que nous avons juré de propager toutes les vertus qui naissent de la Fraternité. »

Tout est consommé.... :
une phrase étonnante : à première écoute, j'ai envie de dire ben oui, nous avions faim en cette fin de matinée et il ne reste plus rien ! mais le sens n'est pas celui-là. Jésus, sur la croix, l'aurait dit cette phrase et pour lui, cela annonçait la fin de sa mission sur terre. En allant sur la croix, il a terminé la dernière étape de sa mission, qui l'amène ou le ramène auprès de Dieu.
Mais si tout est consommé, cela veut dire que ce que nous avons en nous, après cette Cène, après avoir rompu le pain , l'avoir mangé et bu le vin, que tout ce qui est en nous, constitue une intégration importante de la fin d'un événement. Ces 2 éléments forment ensemble le corps et l'esprit et, en nous rassasiant d'abord, indique que, si notre travail commence par nous-mêmes, nous sommes prêts, par la suite à aider les autres. Un peu de Aides toi et le ciel t'aidera? Non, notre travail a un sens, même si on comprend un but, mais je dirais un sens de fonctionnement. Depuis l'apprentissage jusqu'au grade de Chevalier Rose+Croix, le travail est fait sur nous-mêmes pour mieux le faire sur les autres.

Un parallèle avec Jésus, qui a fait tout un cheminement pour partir de sa naissance jusqu'à sa mort, mais en laissant un message très fort et très riche.
La Cène se termine par un rappel à notre serment de Chevalier R+C, toujours avec cette insistance sur la Fraternité qui est notre force et toutes les conséquences de cette Fraternité.

En guise de conclusion de cette planche imparfaite, je dirais que la Cène est un symbole fondamental qui remonte à la plus ancienne antiquité, elle n’est certes pas l’apanage de la tradition chrétienne, le partage du pain et du vin se retrouve dans l’Agapé antique.

Il faut voir dans la pratique de la Cène, un pacte d’union entre les frères Chevaliers Rose Croix et un encouragement à pratiquer une charité fraternelle active.

Également, nous pouvons assimiler cette pratique à une chaine d’union beaucoup plus intense que celles des loges bleues, puisqu’il y a partage réel du pain et du vin.

En fait cette pratique devrait être étendue à tout être humain, maçon ou non, ce qui permettrait d’entendre au dehors les nobles valeurs et l’ethnique maçonnique.

Mais ne rêvons pas, il nous faut d’abord appliquer à nous-mêmes ces principes pour  pouvoir être capables de les porter au dehors de nos temples.

A la fin de la Cène, Jésus ne dit-il pas «  A ceci, tous vous reconnaitront pour mes disciples, a cet amour que vous aurez les uns pour les autres (Jean 13 :35)
Alors notre chemin est encore long…

P
\ A\

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