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De la Cène au Banquet d’Ordre

Le sujet pourra en surprendre plus d’un ce soir,
Inattendu donc à priori, mais comme toujours après avoir étudier et peaufiner le thème, on peut y trouver des rapprochements intéressants et instructifs.
Et en ouvrant le livret du rituel du banquet d’ordre, quelle ne fut pas ma surprise de trouver en verso de couverture la reproduction d’un vitrail du 13ème siècle de la cathédrale de sens intitulé ‘ la cène ’ ou l’on devine Jésus et ses apôtres debout près d’une table avec vin et pain accompagnés comme nous ce soir par de la musique. On peut lire en latin « Hic epulantur cum gaudid » signifiant : alors ils prirent part au banquet avec joie.
Il y a donc bien un rapprochement possible. Nos anciens eux aussi y avaient pensé.

En premier, la toute classique définition :
La cène[1] est le nom donné par les chrétiens au dernier repas que Jésus-Christ prit avec les douze apôtres le soir du Jeudi, avant la Pâque juive, la veille de sa crucifixion et de sa passion. Il aurait alors institué l'Eucharistie en disant : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang, Faites ceci en souvenir de moi ».

Je me permets de rappeler que l’évangile de Jean, auquel nous faisons si souvent référence, est le seul à ne pas reprendre ce qui fera le centre de la doctrine catholique : l’eucharistie

Pour Jean, le disciple bien aimé, Jésus, au cours de ce repas spécifique, transmet aux apôtres un testament sur les instructions à conserver après son départ. Et pour Jean ce ne sera ni le pain ni le vin, mais le commandement : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn, 15, 12) qui primera sur l’eucharistie.

Revenons au repas.
Le menu consommé ce soir là ne nous est jamais parvenu. On pourrait croire que mélangeant souvent cet acte avec la Pâque juive, il pouvait y avoir eu un agneau rôti ; ce n’est pas si sur.

Non lu ?
Une mosaïque du 6ème siècle symbolise autre chose
Jésus et les 12 apôtres sont allongés à l'antique autour d'une table. Sur celle-ci, deux gros poissons et des pains rappelant le miracle de la multiplication au bord du lac. Mais aussi jouant sur les initiales de "Jésus Christ Fils du Dieu Sauveur" qui en grec, donne "ichthus" ce qui signifie "poisson".

Car l’église a, depuis le 2ème siècle, isolé seulement le pain et le vin comme symboles eucharistiques.
Avec en plus du pain azyme [2](sans levain, sans fermentation, donc sans germe entraînant la corruption) symbolisant la résurrection du Christ, qui n'a pas connu la putréfaction du tombeau.

Je rappellerai pourtant que comme tant d’autres symboles, la sacralisation du pain et du vin, préexistait bien avant cet époque :
   *  Le pain et la bière (pas de vigne forcement à cette latitude) étaient dans l'ancienne Egypte, les deux nourritures que le défunt se devait d’emporter pour le voyage dans l'au-delà ;

   * Dans la Genèse, Abram bénit Melchisédek, Roi de Salem (Jérusalem) et partagent le pain et le vin, en signe d'alliance.
   * Dans le culte de Mithra, le taureau immolé est le symbole du cycle de la vie, le sang et la chair donnent non seulement la force corporelle, mais aussi de la force à l’âme afin de s’unir dans l’immortalité de la lumière éternelle. En cas d’impossibilité de trouver un taureau, la chair et le sang sont remplacés par le pain et le vin.

Pendant la Cène, les disciples doivent à leur tour rompre le pain et boire à la coupe. A l’encontre du repas pascal juif qui comporte le sacrifice de l’agneau, pas de viande dans ce repas de communion. Cet événement est essentiel et son omission n'est qu'apparente : "La mise à mort et la manducation[3] de l'agneau ne pouvaient qu'être absents de la dernière Cène, parce que le Christ lui-même a voulu être l'agneau pascal. [4]

Partie non lue
" Pour comprendre les paroles 'ceci est mon corps, ceci est mon sang', il faut toujours se souvenir, dit cet auteur, que le Christ se charge du rôle de l'agneau sacrifié".
La tradition juive donne la même guématrie[5] à vin et à secret (In Vino Veritas : les mots YYN, Yayin, Vin, et XWD, Sod, Secret, ont la même valeur de 70.[6]). Avoir « soif de vin », c’est désirer avoir accès au secret, c’est vouloir monter vers la connaissance[7]

Par le biais de la parabole, le Christianisme est explicite. Aux Noces de Cana a lieu le premier prodige du Christ. Il réside en ceci qu'une boisson impure, car polluable, l'eau fut transformée miraculeusement en une boisson pure, le vin.
Le vin est bien "La plus saine et la plus hygiénique des boissons" comme l'a dit Pasteur
Nous ne pouvons que le confirmer encore ce soir …

Parlons de notre repas de ce soir, il ne s’agit pas d’agapes, mais bien de banquet et recherchons quelques similitudes avec la cène.

Pour elle, Léonard de Vinci raconte qu’il a peint les apôtres selon des attitudes décrites dans les Ecritures, d’où la différence d’age affichée par certains apôtres. Il y a unité de lieu mais non unité de temps. La notion de temps n’existe plus car ‘celui qui sème et celui qui moissonne se réjouissent ensemble. ‘ (Jean 4, 36). Mes FF\ apprentis, vous avez bien sur noté que ce soir, notre V\M\ en ouvrant nos travaux de table n’a pas demandé aux FF\ Surveillants de lui donner d’heure d’ouverture, tel que nous le pratiquons d’habitude. Pas de midi ni de minuit. Ainsi, après la 7ème santé, notre Vénérable fermera ce banquet sans autre précision. Nous sommes ce soir dans le non temps. Est ce l’heure du parfait maçon ?
Nous sommes dans un espace-temps particulier, l’endroit ou nous sommes ce soir s’apparente au temple, mais ce n’est pas le temple, et pourtant, le F\ Maître des cérémonies nous a fait entrer rituellement et placé spécifiquement. Nos décors sont incomplets, pas de tablier, cela signifie-t-il que nous n’allons pas travailler ? Et notre acclamation écossaise sonne ‘insolite’ sans nos gants.

Comme pour la cène, notre table est garni de pain et de vin, et dès le début de la cérémonie, le V\M\ a devant l’ensemble des FF\rompu le pain en disant: « que ce pain que nous allons partager réconforte notre corps et éveille notre intelligence »et bu le vin : «  que ce vin qui va réchauffer nos cœurs, inspire notre amour fraternel. »
Dans notre rituel, aucun lien n’est à faire avec une quelconque eucharistie[8]. Le pain est là pour symboliser la force du blé nous apportant l’éveil à la recherche et le vin pour épancher notre soif de connaissance. L’ensemble nous donnant le courage de persévérer sur le chemin de l’appropriation de la lumière.
Boire et manger ensemble sont des actes tellement chargés de sens et d'émotion qu'ils se trouvent souvent liés à des événements n'ayant rien à voir avec le besoin de se nourrir[9]

Ainsi donc, à travers ce repas, allons nous communiquer à propos de nous-même: notre philosophie de la vie, notre vision de la communauté et surtout notre attitude envers les autres. Car ce banquet d’ordre est bien différent d’une Agape ordinaire. C’est une réception de tradition purement maçonnique. Nous sommes dans une cérémonie solennelle, nous avons reçu un faire-part,… la décoration de la salle,… son décorum, …le raffinement du repas,… la musique vivante,… tout tend à ce que cela soit une fête portée par tant de symboles. Nous sommes des FF\venus là pour célébrer ensemble le renouveau de la vie.

Et ‘célébrer ensemble’ m’amène tout naturellement à utiliser un autre mot : « Communier. »
Comme le compagnon ‘ com panis’, celui qui partage avec l’autre le même pain.
Oui bien sur, nous communions ensemble ce soir pour fêter la fin de la chute du soleil et de son renouveau, mais dans ce pur moment de convivialité, nous sommes vraiment là pour confirmer à tous, à chacun et à soi-même, notre avancement spirituel. Nous sommes là pour affermir et ratifier notre démarche. Notre alliance, l’union de nos individualités vibreront ce soir à l’unisson vers notre volonté d’accomplissement spirituel.
Notre cœur doit pénétrer dans les profondeurs du respect de chacun. Nous avons tous le désir de regarder vers la lumière et personne ne peut l’obstruer. C’est notre engagement
Alors nous pourrons affirmer ensemble, en levant nos verres, que notre banquet d’ordre unit le Franc-maçon à sa destinée d’amour et de partage

Et ainsi tout sera consommé.

J’ai dit V\M\

B
\ P\

[1] (du latin cena : repas du soir, pour les exégètes le repas du midi se nomme le prandium)
[2]  Le pain avec levain utilisé dans les Églises orientales évoque quant à lui la transformation intérieure de l'être humain.  
[3] La manducation est l’acte théologique de manger du pain ou de l’agneau en guise de communion
[4] (Joannis Zizioulas, évêque orthodoxe, métropolite de Pergame)
[5] Valeur des lettres dans l’alphabet hébreu.
[6] Cité par Georges Ifrah
[7] Claude Guerillot, ‘j’ai ce bonheur’
[8] on appelle épiclèse, la transformation du pain en corps du christ et du vin en sang.
[9] Farb et Armelagos, 1980.

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