Obédience : NC Loge : NC 16/04/2018

 

La transgression

Lorsqu'on évoque la transgression et ses différents aspects, on s'interroge bien sûr sur sa nature mais la question se pose ensuite, du pourquoi transgresser, et comment?

Il vient rapidement à l'esprit la notion de tradition. Celle qui défini la valeur des choses, les transmet, les conserve, comme si la continuité dans le temps était immuable.

Le présent serait identique au passé, sans rupture, sans mouvement.

La tradition est transmise dans le dessein de faire perdurer les acquis, de créer du lien, d'engendrer la cohésion d’un groupe, et même parfois sa survie (le feu).

Il apparaît alors 2 types de tradition

  • La Tradition avec un grand T, universelle, vivante, libérale, ouverte et progressiste. Celle dont parle Jaurès, inséparable du souci d’évolution. « Héritiers de nos aïeux, de leur flamme, nous ne devons pas n’en garder que les cendres». fin de citation.
  • Et il y a ce qui relève des us et coutumes, la tradition avec un t minuscule, qui présente parfois une conduite orthodoxe, rigide, mère de tous les pouvoirs et les abus. Cette tradition ne prend pas en compte les mutations sociales, ce que l'on appelle les transformations silencieuses. Elle résiste, refuse de voir les métamorphoses du monde, perd le sens pour n'en garder qu'une forme obsolète et aveugle.

C’est face à cette tradition figée, qu'apparaît la nécessité de transgresser, portée par un élan créateur qui autorise l'émancipation.

Respecter la tradition doit résulter d'un examen critique, avec une ouverture d'esprit qui prend en compte ces mouvements transformateurs.

Certes, la tradition est un socle, et à l'image de la nature, le monde a besoin de racines pour croître. Mais le vivant n’est pas gravé dans le temps, le futur doit s'inventer sans cesse.

Le modèle social est basé sur une reconstruction des savoirs, sur des fondements nouveaux, poussé par une dynamique d'exploration et de découverte.

Cette adaptabilité respecte et préserve le sens des valeurs considérées comme universelles.

Refuser de se renouveler c'est répondre à l'immobilisme craintif, au pessimisme qui nous fait croire à l'échec, à l'isolement. C’est s’enliser dans la zone de confort, l'inertie et la passivité.

Notre société actuelle connaît des bouleversements exceptionnels, très rapides, et qui peuvent dégrader nos conditions de vie. Nous devons nous adapter, allumer les désirs, les énergies, trouver en nous l’élan pour nettoyer les schémas obsolètes, néfastes au bien vivre et au progrès pour tous.

L'histoire est riche de transgresseurs, certains ont marqué leur temps: savants, philosophes, chercheurs, hommes politiques, francs maçons, et aussi les explorateurs, les artistes, les inconnus, les oubliés de l'histoire.

La liste est longue, de ceux qui n'ont pas craint de sortir de la facilité des certitudes installées, de résister à l'enlisement, à l’usure, à l'ordre dominant devenu inadapté, appauvrissant, aberrant et parfois cruel.

Ils ont eu le courage de dénoncer l'injuste, l'obscurantisme, l'oppression, pour faire émerger des voies innovantes. Pour employer un mot à la mode utilisé par notre président, ils ont fait acte de disruption: terme qui désigne un arrêt, une rupture.

Ils ont outrepassé les règles, bouleversé le cours ordinaire des choses, bravé l'opinion au risque parfois de leur vie.

La transgression à un coût. C'est une prise de risque, un sursaut moral, un impérieux besoin de refuser le suivisme.

Pour transgresser il ne faut pas craindre de s’affirmer, se hasarder, et surtout il faut y croire. L'optimisme et le courage jouent alors un rôle de levier.

Cela sous-entend que l'on doit avoir acquis des expériences, une certaine maturité, et un esprit de discernement.

C’est sur ces bases que l’on invite le compagnon à aller plus loin, comme il est demandé lors du rituel d’ouverture, à découvrir d’autres pratiques, à faire bouger ses propres lignes, en faisant le pas de côté. L’excitation de la liberté, de la nouveauté peut provoquer des désordres et des égarements. Il éprouve l’envie de transgresser, mais on lui fait comprendre qu’il n’est pas encore vraiment prêt. La transgression ne peut être impulsive, irraisonnée, ou juste réactive et violente.

Si le transgresseur flirte avec la désobéissance, il n’est pas pour autant un révolutionnaire.

Après cette approche sociale, profane, et après avoir souligné les dangers de la jeunesse des compagnons, en quoi la cérémonie au grade de maître nous ouvre t’elle sur un autre mode d’action et de pensée ?

Le travail en loge met en lumière notre propre affranchissement. Il offre à notre entendement les outils pour repousser nos propres limites, en utilisant à la fois nos savoirs et nos doutes sans idoles et sans modèles.

La transgression, dite positive est elle initiatique ?

La voie initiatique autorise une véritable expression du caractère unique de chaque être et est censé faire de nous des êtres éclairés, lucides et responsables.

La transgression relève d'une maturation fine et silencieuse, un appel intime.

Elle se doit d’être une affirmation sans provocation, sans colère aussi.

Les trois compagnons ont voulu brûler les étapes en outrepassant les règles établies.

Il y a là un double aspect. La transgression s'est transformée en violence, en avidité, en désir impulsif.

Un acte criminel qui mérite un jugement sévère.

Mais, il y a un mais, qui nous a tous plus ou moins traversé l'esprit. Hiram dirige les travaux d'une main de fer. Le récit légendaire démontre soumission, discipline implacable, et pourquoi ne pas imaginer injustice, et non considération des ouvriers ?

Ce pouvoir avait-il dépassé les limites jugées acceptables ?

Les compagnons ont commis un sacrilège. Les ouvriers avaient sacralisé Hiram. Il était intouchable, le considérant avec respect et admiration, obéissant à son autorité sans même imaginer le désapprouver.

Et c'est la, si j'ose dire, que la disparition d'Hiram devient intéressante. Chacun va devoir réfléchir, apprendre et s'approprier des méthodes plus complexes. Chacun devra se prendre en charge, s'organiser, s'entraider pour achever la construction du temple.

Ils doivent terminer leur mission, être capables de devenir eux-mêmes les architectes de leur vie. Ils ont tué le père pour acquérir leur autonomie. Le cours de leur vie change radicalement.

Ils ne sont plus sous tutelle. Ils doivent s’initier par eux-mêmes.

Cependant, Hiram va emporter avec lui une partie de son secret. Le temple était presque achevé dit le rituel, son savoir-faire ne sera jamais intégralement transmis.

Tout progrès est inévitablement accompagné d'une perte.

Devenir maître, c’est éprouver un choc, et c’est ce choc orchestré lors de la cérémonie qui va déclancher une prise de conscience, une forme de renaissance.

Ce passage ne peut être paisible, dans une continuité sans heurts.

Au-delà de la dualité entre le bien et le mal quels enseignements, quelles nouvelles perspectives se font jour dans la pensée du jeune maître ?

La cérémonie d'exaltation à la maîtrise a-t-elle pour but de nous faire rejeter ou adhérer à la transgression ?

L'intérêt pour moi, n'est pas de trancher, ou de me positionner sur une réponse formelle.

Ce qui me paraît important, c'est de situer la transgression dans le sens de l'histoire de l'humanité, de réfléchir à ce qu'elle a de bénéfique ou de malsain.

Je laisse la question ouverte, à vos paroles, vos expériences, vos observations.

J’ai dit.


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