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L’œil, lampe du corps

Alors que je me sentais absolument sans aucune idée de sujet pour une planche éventuelle, un beau jour, une phrase s’imposa à moi et me poursuivit, même après avoir retrouvé le texte exact :

Matt VI, 22 : " La lampe du corps, c’est l’œil. Si donc ton œil est sain, ton corps tout entier sera lumineux. Mais si ton œil est malade, ton corps tout entier sera ténèbres. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, quelles ténèbres ! "

Luc XI, 34/36 : " La lampe du corps, c’est ton œil. Lorsque ton œil est sain, ton corps tout entier aussi est lumineux ; mais dès qu’il est malade, ton corps aussi est ténébreux. Vois donc si la lumière qui est en toi n’est pas ténèbres ! Si donc ton corps tout entier est lumineux, sans aucune partie ténébreuse, il sera lumineux tout entier, comme lorsque la lampe t’illumine de son éclat. "

A rapprocher de Jean ; XI, 9/10 : " N’y a-t-il pas douze heures de jour ? Si quelqu’un marche le jour, il ne bute pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais s’il marche la nuit, il bute, parce que la lumière n’est pas en lui! "

Donc cette phrase m’a littéralement assaillie et obsédée. Quel œil, quel corps, quelle lumière ? Mais surtout quel œil ? quel est cet œil unique, par opposition à d’autres phrases où il est question des yeux et des oreilles. Jésus ne s’adressait pas à des Cyclopes que je sache. L’idée qui m’est venue à l’esprit comme cela, c’est qu’il s’agissait du troisième œil, cet œil qui s’ouvre sur les réalités spirituelles. Ce qui voudrait dire que cet œil ouvert sur les réalités spirituelles laisse entrer la lumière et inonde l’être de lumière, mais si l’on rapproche de la phrase de Jean " il bute parce que la lumière n’est pas en lui ", il semble que cette lumière qui pénètre par ce troisième œil, est aussi une lumière qui, non contente d’inonder l’être, va aussi éclairer sa route, se manifester à l’extérieur. Et, dans le même temps, je tombe par hasard, si tant est qu’il y ait du hasard, dans la bibliothèque d’un ami, sur le livre de M. M. DAVY, LA LUMIERE DANS LE CHRISTIANISME, que je perds dans le train, et que j’avais chez moi !, pas étonnant que les bribes que j’avais pu déchiffrer aient eu une résonance familière ! M. M. DAVY parle, et des Pères du Désert et des Pères de l’Eglise, de la croyance que nous avons en nous un corps spirituel, avec des organes spirituels, qui, lorsque l’être progresse, prennent une sorte de réalité. Par rapport à cette lumière, elle évoque des histoires de Pères du Désert qui, lorsqu’ils étaient en prière, devenaient lumineux. Ce qui rejoint des faits similaires rapportés au sujet des grands Yogis de l’Inde. N’est-ce pas aussi ce que le Livre rapporte de Moïse, dont le visage, au retour de ses entretiens avec El Shaddaï, rayonnait d’une lumière insoutenable, de même Noé au sortir de l’Arche. Faits réels paranormaux que la science analysera un jour, légende dorée, reflet d’une croyance : l’être dont l’âme est lumineuse,quelque part cette lumière transparaît, une lumière se dégage d’eux. J’ai rencontré deux ou trois fois de ces êtres d’exception qui rayonnaient une lumière quasi palpable, même si elle ne l’était qu’aux yeux de l’âme. Rassurez-vous, mes SS.°., il paraît que l’on peut voir et photographier les auras, cela ne m’est encore jamais arrivé.

D’autre part, cela éclaire pour moi cette phrase, apparemment incongrue de notre Rituel : " Sic transit gloria mundi. ". Que vient faire ici cette mise en garde du Rituel de Couronnement des Papes ? pour eux répétée trois fois, pour rappeler à l’homme élevé à cette haute fonction, investi d’une telle puissance, surtout aux époques anciennes, qu’il ne devait pas se laisser griser par le pouvoir, les honneurs... Pour notre nouvelle initiée, cette phrase, si elle était en relation avec le monde profane, se comprendrait en parallèle de l’abandon des métaux. Au moment où on lui redonne la lumière ?, faudrait-il la mettre en relation avec le discours de réception de l’Oratrice ? mise en garde contre l’orgueil d’être par l’Initiation placée hors du troupeau. Mais ce me semble peu satisfaisant, le travail silencieux sur la Colonne des Apprenties la rappellera durant des mois à une certaine modestie, voire humilité. Mais si cette phrase concernait tout bonnement ces yeux de chair et cette lumière qu’effectivement, elle recouvre après la nuit du bandeau ? Elle prend pour moi une signification intense : tes yeux sont certes éblouis, mais cet éclair presque insoutenable n’est qu’une pâle image de la Lumière que tu dois chercher, cette lumière des Etoiles, du Delta, du Soleil, de la Lune, est aussi fugitive que cet éclair. La vie terrestre passe comme un songe, ces yeux que tu écarquilles se fermeront, mais si ton travail t’obtient l’ouverture sur la vraie Lumière, qualifiée parfois d’inaccessible, alors il n’y aura plus en toi et pour toi de ténèbres. Je ne résiste pas à la tentation de citer deux extraits du Psaume 90 ou 89 selon la numérotation :

" Tu fais revenir le fils d’Adam à la poussière ...
Car mille ans sont à tes yeux
comme le jour d’hier qui passe,
comme une veille dans la nuit
.
..
Nous consommons nos années comme un soupir
( à quoi je préfère une traduction allemande :

nous passons le temps de notre vie comme un vain bavardage)
Le temps de nos années, quelque soixante-dix ans,
quatre-vingt, si la vigueur y est ;
mais le grand nombre n’est que peine et mécompte,
car elles passent vite, et nous nous envolons. "

Arrivée à ce point de ma réflexion, je me suis demandé si cet œil frontal pouvait avoir un rapport avec l’Arbre des Séphiroth, je me suis donc tournée vers Annick de Souzenelles, et comme la lecture à l’aide d’appareils offre quelques difficultés dans une recherche rapide, j’y ai retrouvé quelques petites merveilles, parmi lesquelles j’ai dû choisir celles qui me paraissaient s’intégrer le mieux dans ce travail, sans alourdir, et sans tomber dans la simple ressention.

D’abord que, d’une manière générale, pour les anciens Hébreux, l’œil n’était là qu’en tant qu’ouverture sur le divin, ce qui confortait mon idée. Il semble que les Ethiopiens aient gardé cette idée dans leur approche du Christianisme. Ensuite que la lettre AYIN, dont l’idéogramme est un œil, signifiait comme nom : OEIL en premier sens et

SOURCE, en second sens. Donc l’œil semble n’être là que pour conduire notre regard vers la source de l’être, de la connaissance. Parmi les mots souchés sur AYIN, le verbe CONNAITRE, formé du mot MAIN et de AYIN = OEIL, ce que l’auteur interprète, la Connaissance s’effectue par la main, est en quelque sorte purement expérimentale. Ce à quoi je désire apporter ce complément : d’une part, il semble que la première appréhension du monde par le nouveau-né soit tactile, d’autre part, cette phrase d’un homme de 86 ans, tombé aveugle vers la quarantaine, et devenu professeur de Braille : " On a des yeux au bout des doigts. " Et c’est vrai ! Certes,on a du mal à passer de la lecture visuelle à la lecture tactile, et surtout à faire confiance, au début, à ses doigts. Souvent, j’éprouvais le besoin de contrôler avec yeux et loupe, surtout pour surmonter une difficulté. Maintenant, en cas de difficulté, ce procédé ne m’aide plus du tout. Il me faut découvrir le mot en tactile pur, éventuellement, bien sûr, portée par le sens de la phrase.

A de Souzenelle dit : " La Connaissance est toucher des profondeurs d’où jaillit la vision. C’est à ce niveau que la communication est totale. "

Dans la mesure où, la main est aussi la lettre YOD, qui amorce le divin tétragramme, " connaître, ajoute-t-elle, c’est entrer en contact avec Dieu. "

Entendu dans une émission de FC : " L’âme est comme la main et la main est comme l’âme. " Aristote

Dans le même ordre d’idée et même émission, Claudel aurait écrit quelque part : " C’est l’œil qui écoute. "

A noter que cette lettre est aussi en relation d’abord avec l’errance, puis avec le voyage, ce qui nous ramène à notre Queste, quête que nous entreprenons sous l’influence d’une lumière qui, à la fois est extérieure, à la fois intérieure, et qui, s’intériorisant de plus en plus, éclaire, de ce fait, notre route.

Par rapport aux Séphiroth, cet oeil frontal me semble à mi-chemin entre Binah, l’Intelligence, et Hochmah, la Sagesse, au point d’intersection de la colonne du milieu, médiatrice du triangle supérieur. De même que notre vision corporelle implique que les images appréhendées par chaque œil se superposent parfaitement, de même, cette vision de l’œil frontal suppose une parfaite congruence entre Intelligence et Sagesse, pour donner naissance à la Connaissance, Intelligence du Cœur, cette intelligence de la vie spirituelle qui n’a pas grand chose de commun avec l’intellectualité, même si cette dernière peut la servir éventuellement.

Si donc, ton Œil frontal est ouvert, et s’il est intact, sain, c’est à dire fidèle à sa vocation, tout ton corps sera dans la lumière, et tu marcheras sans buter, car la lumière sera en toi.Avertissement, mise en garde, si cet œil qui se retrouve sous des formes différentes dans diverse traditions, Troisième œil de Schiva en Inde, Ureus au front des Pharaons, baiser morsure de Karidwenn, il est aussi l’Emeraude qui brillait au front de Lucifer, le plus beau des Anges, le porteur de Lumière, qui s’est laissé griser par l’orgueil, entraînant dans sa chute toute une élite, et est censé avoir introduit le Mal dans la Création.

Mais l’œil lui-même semble être l’organe qui, dans de nombreuses traditions, représente le divin et la relation de l’homme avec ce divin.

Pour l’Egypte, c’est " l’œil étincelant " qui est nommé en premier avant tous les autres modes de création : 

" tu es Rê
Qui parais dans le ciel.
Qui illumine la terre avec les perfections
De ton Œil étincelant,
Qui est sorti du Noun ;
Qui est apparu au-dessus de l’eau primitive,
Qui a créé chaque chose... ",
(cité par C. Jacq, in Pouvoirs et Sagesse selon Egypte ancienne 
Le Livre des Morts est plein de références à l’Œil/Lumière/Soleil,
cette lumière que l’Initié Egyptien devait recréer.)

" Je me suis présenté au nombre des êtres
Qui peuvent voir l’œil unique.. "
" Que j’honore l’éclat du soleil
Comme lumière de mon Œil...
Je connais le chemin...
Je reconstitue l’Œil,
Je vois la lumière... " (id.)

" Dans l’Antiquité, on jugeait un homme par ses yeux. Dans la mesure où ils avaient de l’éclat, on le pensait de race divine. " (M.M.DAVY)

Dès ces traditions, œil et soleil, lumière intérieure sont liés, et cela se continue aussi bien dans l’Ancien que le Nouveau Testament. Primitivement, les Prophètes étaient appelés des Voyants.

Macaire (4ème s.) dira plus tard que " l’homme tout entier doit devenir œil ", c’est à dire qu’il doit dépasser le stade de l’audition, qui l’emporte le plus souvent au cours de l’existence terrestre.

Devenu œil, l’homme est ainsi inondé de la lumière fondamentale, divine, qui se substitue, en son cœur, à la lumière humaine.

Cette " Lumière du Cœur " est évoquée aussi en Inde dans certaines Upanishad : " La lumière... au-delà de tout... reste, en vérité, la même lumière qui brille à l’intérieur de l’homme "

Syméon le Nouveau Théologien dira :
" Si tu as été uni à la Lumière
elle t’enseignera, elle-même, toutes choses,
elle te révélera tout
...
ce qu’il importe d’apprendre
et d’une autre manière que par des mots. " (cité p.106)

Cette lumière circule, nous la cherchons au plus profond de notre être, au-delà de notre être, vers l’Etre, nous la projetons, ou elle informe notre action, descentes et remontées, circulation, circumambulation tout au long de la vie, des vies terrestres, jusqu’à l’ultime montée vers et au-delà de Kether, la Couronne, vers la Lumière infinie, cette lumière qui semble être perçue quand on franchit l’ultime porte, ce Mehr Licht de notre F.°. Goethe, que l’on cite toujours comme un désir, et qui était peut-être éblouissement.

J’ai dit.

E\ DSM\


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