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Le Caducée du pharmacien

D’après les dictionnaires, le caducée est un insigne de héraut, officier du moyen-âge dont les fonctions étaient la transmission des messages, les proclamations solennelles et l’ordonnance des cérémonies. Il est l’attribut du Dieu romain Mercure et de ses homologues grec Hermès, et égyptien Thot plus connu sous le nom d’Hermès Trismégiste.

Il est représenté en pharmacie par un serpent qui s’enroule autour d’une coupe et qui semble vouloir s’y abreuver. Il y a donc association de deux symboles.

Le Serpent

Il faut savoir qu’au départ le caducée était figuré avec deux serpents se lovant sur un bâton : le Savoir et la Connaissance. Les mauvaises langues ont dit que la médecine moderne a laissé tomber la Connaissance. Ceci pour rappeler qu’au temps des Grecs la médecine avait un côté sacré qui lui conférait la Connaissance. Devenu un art empirique, elle a perdu en divin. La symbolique du bâton, arbre de vie ou de la connaissance est trop riche et ne concerne pas ici le pharmacien. Abandonner un serpent ne doit pas nous faire perdre notre foi en la médecine. De plus cela élimine toute symbolique inutile de dualité reposant sur un « équilibre dynamique de forces opposées ».

La tentation de l’Eden : dans la Genèse le serpent tentateur apparaît dans l’arbre, conseillant à Eve de cueillir la pomme, le fruit défendu. Sur un linteau du XIIème siècle de la cathédrale d’Autun on peut voir une Eve alanguie et couchée qui dérobe sans doute sournoisement une pomme auprès de laquelle veille un serpent. La chute nous guette et la malédiction divine n’est pas loin. Cet arbre est-il à la fois celui de la Connaissance et de la Vie ? Parce que s’il y a deux arbres, il serait normal que nous ayons deux serpents ! Et quels sont ces arbres ? Palmier, coloquinte, pavot, séné, vigne, ou vraiment pommier comme cité dans Le cantique des cantiques ? La croix en forme de Tau ferait aussi un bon support. Mais passons en nous souvenant que les quatre arbres aux côtés de celui de la Kabbale sont : palmier, olivier, vigne et pommier.

Dans le récit de l’Exode, Moïse voit son bâton transformé en serpent. Plus tard il en fabriquera un en airain sous la direction de Dieu, qu’il suffira de regarder pour être guéri. Il est paradoxal de noter que dans la tradition chrétienne il est quand même le symbole du mal.

Esaïe, dans l’ancien testament s’écrit contre les Juifs révoltés :

« Voilà les bêtes chargées pour aller au midi ; ils porteront leurs richesses sur le dos des ânons, et leurs trésors sur la bosse des chameaux, vers un peuple qui ne leur servira de rien, au pays de détresse et d’affliction, d’où viennent le vieux lion et le lionceau, la vipère et le serpent brûlant qui vole. »
Serpent volant, serpent ailé, qui tue ou qui guérit comme chez les Grecs, qui fertilise quand il est Eau, indestructible quand il se referme sur lui-même (ouroboros) image même du Grand Œuvre, lumière astrale, guide bénéfique ou incarnation du mal ?
Ce serpent sans commencement ni fin, pénètre le pur mouvement circulaire, l’évolution consciente dans le Temps éternel ; par lui nous accédons au monde de la puissance bienfaisante, au monde de l’infini. 

Dans la tradition Gréco-Romaine on trouve de nombreux contes difficiles à résumer.
La ville d’Epidaure est consacrée à Asklépios (Esculape). Asclépios est un demi-Dieu de l’Olympe né des amours illégitimes de Coronis, femme d’Apollon. Apollon tue Coronis, mais sauve le bébé du feu et confie son fils adoptif à Chiron le savant centaure. Asclépios fait des miracles, et Hadès craint la fermeture des Enfers, aussi demande-t’il à Zeus de le foudroyer. Ce qu’il faut retenir, c’est que en Asclépios les deux tendances de l’art médical, spiritualisation et profanation, les deux figures mythiques, Apollon et Chiron sont réunies.

Vers 500 avant J.C, furent associés Asclépios et Hygie, déesse de la santé. Plus tard on apprend qu’Hygie est la fille d’Asclépios. On lui donnera la coupe d’offrande et le serpent d’Epidaure comme attributs. Le caducée des pharmaciens en dérive.

Souvent associé aux devins et magiciens, le serpent annonce les grands évènements ou la mort prochaine, comme le font certains oiseaux dans le ciel. Energie de la matière, le serpent est naturellement guérisseur et soigne ceux qui le respectent. C’est pourquoi Salus, divinité de la santé était représentée accompagnée d’un serpent tandis que Bona Dea qui se métamorphosait en serpent pratiquait tous les arts.

Chez les Celtes, c’est un animal au symbolisme chthonien (fils de la Terre), possesseur de la Connaissance et du pouvoir de vie et de mort, dont les différentes apparences, dragons, lézards, illustrent les niveaux (phases) initiatiques où il intervient. Dans la Tradition, le serpent lové est une image de la spirale, ce qui ajoute l’infini à son symbolisme.

Pour les Egyptiens, quatre serpents et quatre grenouilles sont à l’origine de tous leurs dieux. Le serpent protège et agresse les dieux et le hommes. Né d’un œuf réchauffé par le soleil, il semble émerger de la Terre comme le monde naquit un jour de l’Abîme. C’est un serpent que Seth  envoya contre son frère dans une première tentative d’assassinat. C’est sur son dos que la barque funèbre d’Osiris fût placée pour atteindre le rivage qui lui était finalement destiné. Comme le défunt au cours de son voyage nocturne, le serpent subit de nombreuses transformations et mues tout au long de sa vie, ce qui fait de lui le symbole des cycles de métamorphoses de l’âme humaine, le modèle de l’Ouroboros.

De nos jours, dans la mythologie Australienne, le Serpent est le Grand Aïeul et le mythe que les bushmen racontent est l’histoire d’un inceste. La voix du serpent est le tonnerre ; le serpent vit dans un puits dont l’eau brille comme un arc-en-ciel. Trop riche pour être vu ici.
 
La coupe d’Hygie

La coupe fait aussi partie des symboles porteurs.

Le Saint Calice en terre Adamique.

La coupe est l’image traditionnelle de la colère de Dieu. Le calice sera bu jusqu’à la lie et le châtiment absolu : « Le seigneur tient en main une coupe, il verse un vin âpre et fermenté : ils le boiront, ils en laperont même la lie, tous les impies de la terre ». Il n’y a pas loin de cette coupe à celle qui est bue lors de l’initiation.

« Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Pourtant, non pas comme je veux, mais comme tu veux ». Cette coupe est aussi l’image du destin, doux ou amer comme on vient de le voir.

Le Saint Graal, cette coupe sanctifiante sur laquelle Galaad se penche avant d’être ravi au ciel nous reste comme symbole fort de la chevalerie mystique en maçonnerie. Pour tout le haut Moyen-Age, le Graal est cette coupe qui servit à Jésus lors de la cène. Joseph d’Arimathie y recueillit le sang du Seigneur blessé par le centurion romain Longin. Le Graal serait le Feu créateur, le Deus absconditus dans le mot INRI.

Les Egyptiens avaient leur Gardal, coupe présentée à Pharaon, au défunt ou à l’initié et symbolisant l’onction : c’est la coupe de béatitude. Proche du vase primordial et de l’océan Noun, possédant la forme du croissant de lune, c’est dans la coupe que se mêlent les éléments constituant un nouvel être. Le trône de pharaon repose sur une grande coupe, car l’avènement royal était considéré comme une nouvelle naissance, initiée par Isis, Osiris et Horus. 

Nous retrouvons ensuite le vase cosmogonique de Platon, la coupe d’Hermès et de Salomon : c’est la fermentation ignée de la vie, la mixtion génératrice. C’est en fait le vase des philosophes, des alchimistes, la demeure du feu mystérieux, l’enveloppe et la matrice du noyau central où sommeillent toutes les facultés latentes qui doivent bientôt se libérer.

La coupe avec sa concavité s’apparente à l’Arche ; l’une et l’autre peuvent flotter sur les eaux, alors que l’arc en ciel soutient les eaux supérieures. Ces deux ensembles associés donnent une figure circulaire, un ensemble cyclique, la coupe d’une sphère.

Tout cela est sans doute exagéré, mais comme l’homme assigne toujours des bornes à tout ce qu’il ne connaît pas, n’oublions pas quant à nous de toujours chercher l’Idée derrière le Symbole.

Le serpent et la coupe

Le serpent entoure donc une vaste coupe dans laquelle il vient s ‘abreuver du liquide nourricier offert par Hygie. Il puise sans doute sa connaissance dans cette demi-sphère (que nous imaginerons fermée vers le haut par un arc-en-ciel), matrice où la lumière continue éternellement de briller. Il est bien probable que cette coupe est de couleur verte, couleur équidistante du rouge infernal et du bleu céleste, tous deux absolus et inaccessibles. Le vert est tout simplement une couleur à dimension humaine : espérance, force, longévité et, vanité des vanités, immortalité. Le feu secret des alchimistes est un cristal translucide et vert. La paix du vert est celle de la neutralité : il est et c’est tout.

Ce serait en 1222 que, pour la première fois au monde, les apothicaires de Padou auraient utilisé, comme symbole distinctif de la Pharmacie, le serpent d’Epidaure enlaçant une coupe, en l’adoptant comme motif principal de leur bannière. En 1942 cet emblème est officialisé en France par le Conseil supérieur de la Pharmacie.

Les formes et les couleurs diffèrent selon les fabricants ; la coupe est verte ou rouge, le serpent noir ou vert. 

Dans le lent processus amenant à la Connaissance, Sophia est aussi bien vierge que mère, la Mater Materiae de la gnose et de la kabbale. Sophia en aurora (solaire) est rouge, alors que la Sophia lunaire est noire. La semence qu’elle reçoit donne un triple fruit. Et ce fruit, en son sein, c’est le Caducée tripartite : le Christ-Mercure, le serpent guérisseur, l’eau bienfaisante qui coule dans l’Hadès pour ramener à la vie les cadavres des métaux et pour opérer le salut de sa mère et épouse.

La prime matière de la nature, c’est le vitriol vert (sulfate de fer) à partir duquel l’art, par des opérations répétées de distillation (les aigles), obtient le vitriol rouge (le lion), et c’est l’ultime matière, l’ultima materia. Le mercure philosophique (l’oiseau Azoth) et le vitriol se trouvent enlacés par les serpents du caducée. 

Comme nous avons dit en préambule, pourquoi le seul serpent rescapé du caducée ne figurerait-il que le Savoir ? Ne représente-t-il pas la Connaissance, le seul côté bénéfique de la force cosmique ? S’il est la Connaissance, il est bien inutile de situer un autre serpent, ou tout autre serpent, car à quoi bon virtualiser les quatre colonnes du Temple pour celui qui est au centre de toutes choses, de toutes idées et qui de là rayonne dans la compréhension totale de tout ce qui nous entoure ? Pour l’initié tout paraît simple, concis puisqu’il peut tout voir, tout entendre, tout comprendre. Celui qui a le pouvoir de guérir n’est pas au dessus des autres, mais pour pénétrer l’esprit de la nature, l’essence des choses il faut être en état de réceptivité, avoir reçu un don. Celui qui guérit devrait avoir un pouvoir de compréhension lui permettant de donner un médicament, un remède qui complètent une nature imparfaite. Les initiés ont ce pouvoir car ils sont des enfants de Dieu. Et quand le génie parle…la véritable guérison, la véritable résurrection, sont celles de l’âme. 

Espérons en confiance et sérénité !

J’ai dit.


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