Obédience : NC Loge : La Rose et l’Acacia - OR de MOANDA 13/05/2011

Le maître-maçon : assassin et régénéré

D’abord, un bref rappel de la légende d’Hiram, un mythe qui n’apparaît qu’au 3ème degré de la Maçonnerie bleue. Voici donc, en résumé, la merveilleuse histoire de ce véritable psychodrame que nous avons tous vécu avec émotion à l’occasion de notre exaltation à la Maîtrise.

Le roi David forma le dessein d’élever un Temple à l’Eternel. Mais voulant que celui qui « bâtira sa demeure soit pur et net » l’Eternel demanda au roi d’en charger son fils Salomon. Ce dernier fit appel pour cela à Hiram, grand Maître bâtisseur. Et comme les travaux touchaient à leur fin, trois misérables compagnons formèrent un complot pour arracher, de gré ou de force, à Hiram, les signes et mots des Maîtres et décidèrent de le tuer s’il les leur refusait.

A cet instant du récit de l’histoire par le T\ V\ M\, le F\ Expert s’empare du récipiendaire pour lui faire jouer le rôle de Maître Hiram, comme dans une pièce de théâtre. C’est le psychodrame. Face au refus du Maître qui voulait sortir par la porte de l’Occident, le 1er compagnon le frappa d’un lourd fil à plomb à l’épaule. A la porte du Nord, face au même refus du Maître, le 2ème compagnon le frappa d’un coup de levier à la nuque. A la porte de l’Orient, et pour les mêmes raisons, le 3ème compagnon assena un coup de maillet violent au Maître qui tomba mort à ses pieds.

Les trois assassins transportèrent le corps de leur victime hors de la ville et l’ensevelirent dans un lieu solitaire à l’ombre de l’acacia. Neuf Maîtres furent désignés pour aller à la recherche d’Hiram dont ils ne trouvèrent le cadavre qu’au bout du septième jour. La mort d’Hiram est rapportée selon un véritable scénario initiatique. On conte la mort d’Hiram ; on en fait le récit. Puis, brusquement, le récipiendaire prend la place du Maître. Il reçoit les mortelles blessures et il est enseveli. Puis, il ressuscite, ou mieux, le Maître Hiram ressuscite en lui.

L’on constate ici, comme à chaque grade, que la Maçonnerie veut créer une situation particulière, qui marque l’individu ; il y a identification entre le mythe, l’archétype et le destin du candidat.

Un rappel sommaire nous permettra de mieux appréhender la permanence de cette recherche à chacun des trois degrés de la Maçonnerie bleue.

Le 1er degré a pour thème : la naissance, l’initiation à une vie nouvelle. Le profane, après une mort symbolique, doit créer en lui, par sa volonté et son esprit, un homme nouveau, un homme meilleur, capable de s’élever vers les réalités spirituelles et d’agir selon un Idéal.

Le 2ème degré a pour thème : la vie. C’est le degré de la connaissance de soi-même, donc le commencement de la sagesse. Guidé par l’Etoile Flamboyante, le compagnon apprend à se dominer, à travailler à la pierre cubique, symbole de la Perfection de l’esprit et du cœur.

Le 3ème degré a pour thème : la mort ; mort et résurrection ; mort et régénérescence. Le Compagnon est tombé avec les passions de l’humanité, il doit se relever purifié, éclairé et illuminé.

Il est évident que la légende d’Hiram nous interpelle à plusieurs égards. Mais nous retiendrons pour l’essentiel, et dans le cadre de notre sujet, trois questions auxquelles nous allons tenter de répondre, à savoir : qui est Hiram ? Qui sont ses meurtriers ? Hiram est-il mort ? Qui est Hiram ?

Hiram est le bâtisseur du Temple que le roi Salomon a dédié à l’Eternel. C’est le Maître Maçon que nous sommes et qui s’applique à construire son temple intérieur en vue de son insertion harmonieuse dans le Temple universel. Dans le mythe maçonnique, le récipiendaire figure Hiram. Comme le Maître, il fuit les trois mauvais compagnons qui lui portent les trois coups fatidiques et il s’écroule renversé dans le cercueil. Puis, Hiram ressuscite en la personne du récipiendaire.

Le T\ V\ M\ manifeste alors, à voix haute, toute sa joie : « Gloire au G\ A\ D\ L’U\. Le Maître est retrouvé et il reparaît aussi radieux que jamais ! » Et, s’adressant au récipiendaire, il ajoute : « c’est ainsi, mon T\ C\ F\, que tous les Maîtres Maçons affranchis d’une mort symbolique, viennent se réunir avec les anciens compagnons de leurs travaux et que, tous ensemble, les vivants et les morts, assurent la pérennité de l’Oeuvre ! » Et, à l’adresse de tous les F\ F\ « Célébrons, mes F\ F\, par des acclamations de joie, ce jour heureux, qui ramène sur notre Loge attristée la Lumière que nous croyions à jamais perdue. Notre Maître a revu le jour ; il renaît dans la personne de notre T\ C\ F\ N\ » Hiram, c’est le Bien qui est en nous.

Qui a tué HIRAM ?

Ce sont, dit le Rituel, trois misérables compagnons, les plus corrompus, qui n’étaient pas encore en possession du mot des Maîtres et résolurent de pénétrer dans la Chambre du Milieu, de gré ou de force. Ils décidèrent d’arracher le mot au Maître Hiram lorsqu’il viendrait inspecter les travaux, et de lui donner ensuite la mort, afin de se soustraire au juste châtiment que devait attirer sur leur tête une audace aussi criminelle.

D’après le rituel, ces trois mauvais compagnons représentent l’IGNORANCE, le FANATISME, et l’AMBITION. Pour lutter contre l’IGNORANCE, la franc-maçonnerie prône la CONNAISSANCE, la GNOSE.

Contre le FANATISME, elle propose la TOLERANCE. Contre l’AMBITION, c'est-à-dire le désir immodéré de gloire, de fortune, d’honneur ; la convoitise, la prétention, la franc-maçonnerie prône l’HUMILITE, la TEMPERANCE, la MAITRISE DE SOI.

La légende d’HIRAM est aussi un avertissement à tous les Maîtres Maçons. Selon le rituel en effet, les trois assassins sont représentés par les trois principaux officiers de la Loge qui peuvent laisser apparaître des insuffisances dans l’exercice de leurs fonctions. Ce qui affaiblit l’Atelier et même l’Ordre maçonnique tout entier.

Le premier assassin, porteur du fil à plomb, représente le 2ème surveillant qui devrait être particulièrement instruit dans le symbolisme et la Tradition maçonnique. Il arrive malheureusement qu’il se trouve dans un état d’ignorance avancé.

Le 2ème assassin, porteur du niveau (le 1er surveillant) qui devrait assister particulièrement le Vénérable Maître et exercer un contrôle éclairé sur les travaux, peut leur faire subir, au contraire, une contrainte étouffante à cause de son fanatisme. Le 3ème assassin, porteur du maillet le T\ V\ M\, qui devrait diriger les travaux avec un dévouement total, parfois, préoccupé par des visées personnelles dérivant de son ambition, fait du maillet, symbole de son autorité fraternelle, l’instrument par lequel Hiram est abattu. Par ailleurs, ce sont les trois assassins d’Hiram (le T\ V\ M\ et les deux surveillants) qui, en joignant leurs efforts le ramènent à la vie par les 5 points parfais de la Maîtrise.

Le Maître Maçon est donc aussi l’assassin d’Hiram à travers le Mal qui l’habite. Ainsi, les assassins d’Hiram sont tous les préjugés qui s’opposent au développement des connaissances humaines, tous les défauts qui paralysent le perfectionnement de l’homme. Hiram est-il mort ?

Hiram poursuivi par ses meurtriers, modifie trois fois son chemin. Sous l’effet de trois coups, la transformation s’opère. Il y a là un pouvoir bien particulier.

Au théâtre, l’action ne débute qu’après les « trois coups » qui résonnent tant à la porte du temple que durant les cérémonies maçonniques. L’écho de ces trois coups de maillet propulse les F\ F\ du monde profane dans le monde sacré. Jésus crucifié avec trois clous reste trois jours en terre.

La mort d’Hiram symbolise la loi cyclique de la régénération ; c’est la mort symbolique de tout être qui aspire à passer d’une vie qu’il connaît à une vie idéale qui ne peut être attente qu’après le passage par certaines épreuves (les rites de passage). Ce thème de mort et de résurrection est commun à toutes les traditions.

La destruction de la forme apparente est le plus souvent la conséquence d’un acte de violence : le phénix périt dans les flammes, Osiris est démembré par ses frères, le Christ meurt sur la croix. Hiram reçoit les trois coups.

La mort d’Hiram est une mort rituelle. Les trois mauvais F\ F\ accomplissent un meurtre cyclique ; l’esprit du supplicié va vivre dans la pensée des hommes grâce à une véritable résurrection. Les trois mauvais compagnons ne sont sans doute que les instruments aveugles du destin ; ces trois hommes qui ont cherché, qui ont été nommés compagnons, laissent apparaître leurs convoitises. Alors ils commettent le crime rituel. L’apprenti doit tuer son maître, son initiateur, car il doit se soustraire à son influence s’il veut s’affirmer dans sa liberté créatrice. Il faut également que le sang du juste régénère et féconde la terre nourricière.

Ce thème du sacrifice se retrouve également dans bien des récits et dans les religions. Dans toutes les légendes, l’adepte tue celui qui l’a instruit, il doit le dépasser par sa propre réflexion.

Le Maître transmet et meurt ; son disciple s’élève et s’épanouit.

Les trois assassins d’Hiram suivent ainsi un processus évolutif que l’on peut condamner. Assez paradoxalement, on peut ainsi affirmer que les trois mauvais compagnons sont des êtres nécessaires, puisque leurs demandes inconsidérées et le meurtre qui en découle font naître un rituel allant vers une compréhension mystique de la vie : ils ont un désir du devenir. Et, sur un plan plus général, le Maître Maçon, à la fois Hiram à travers ses vertus et assassin d’Hiram à travers ses défauts, symbolise le dualisme du Bien et du Mal.

Il apparaît en effet à tout esprit méditatif que le monde terrestre est soumis à deux influx éthiquement opposés et apparait comme un vaste champ de bataille entre ces deux influx. Et même selon les saintes écritures, ce n’est qu’en l’Apocalypse, où le combat entre le Bien et le Mal prend une ampleur cosmique, qu’on nous décrit enfin la défaite de Satan : « Il fut précipité sur la terre et ses Anges furent précipités avec lui ». (Apocalypse XII, 7, 9). Mais pour nous, Franc-Maçons, le Bien et le Mal sont les deux faces d’une même réalité ; c’est un binaire qui se fond dans l’Unité, dans l’UN PRINCIPIEL. Autre exemple : le pavé mosaïque et le chemin de l’initié. L’homme est ainsi écartelé entre chair et esprit et doit retrouver son équilibre, rétablir en lui l’harmonie.

F\ Visiteur

L\ A\


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