Obédience : NC Loge : NC 24/03/2011

 

Commenter ce souhait de Jules FERRY : « Organiser l’Humanité sans Dieu sans Roi. »

Les premiers hommes, dits « homo sapiens sapiens », d’il y a 40.000 ans, s’interrogeaient sur le monde où ils vivaient, cherchant à s’expliquer les phénomènes naturels se produisant dans leur quotidien, tels que le feu, la pluie, la lumière, la nuit, la tempête, le tonnerre, …etc. Leurs descendants n’eurent d’autre solution que de les attribuer à des puissances surnaturelles, dont ils se sont mis à implorer les faveurs ou le pardon par des prières, des sacrifices et la construction d’édifices religieux élevés à leur gloire, pour calmer leurs angoisses. Cette peur permanente des surprises du lendemain amena les groupes sociaux à se soumettre à une organisation du pouvoir spirituel qui édictera leurs règles de vie en instituant leurs coutumes et traditions. Conjointement, un chef temporel dut se faire valoir au sein du groupe qui avait besoin de se protéger contre les attaques extérieures, tout en s’alliant avec le chaman pour invoquer le soutien des puissances surnaturelles. La dualité des deux pouvoirs, spirituel et temporel, était née.

Par la suite, le pouvoir spirituel, jusque là de type chamanique, se transforma en religion, avec un rituel exécuté par des prêtres dans un cérémonial forçant l’admiration et la crainte, et unissant l’ensemble de la communauté autour des mêmes croyances transcendantales. Simultanément, il se trouva que, face aux menaces extérieures et aux divisions intérieures, le groupe social, uni derrière son pouvoir religieux, dut avoir recours à un combattant respecté qui devint Chef du pouvoir temporel, lequel fut soutenu par le pouvoir religieux, soucieux de la sécurité tant de ses fidèles que de la sienne propre. Et, come cette charge de protection de la communauté devait rester permanente, elle fut reconduite de génération en génération, pour finir par former un clan, regroupant les familles des combattants qui assuraient la paix sociale. Les autres membres de la communauté, agriculteurs et artisans, devaient, par contre, être reconnaissants envers leurs protecteurs et donc leur procurer tout ce qu’il leur fallait pour bien les satisfaire. Cela donna naissance à une classe sociale supérieure, qui n’avait pas besoin de travailler pour vivre, tandis que la casse inférieure devait travailler plus pour satisfaire les besoins de la première, qui lui apportait sa protection sécuritaire. Et ces deux classes sociales devaient, chacune à son niveau, chercher le soutien des forces métaphysiques auprès du pouvoir spirituel du clergé, constituant une autre classe sociale coiffant les deux autres. Et à partir des diverses relations entre ces trois classes sociales jailliront les diverses civilisations humaines, définies par les particularités de leur philosophie de vivre sous l’autorité d’un pouvoir dual, spirituel et temporel.

Ainsi naquit la division des sociétés humaines en trois classes sociales hiérarchisées : d’abord, l’ordre religieux, chargé d’invoquer la protection des puissances surnaturelles ou métaphysiques sur la communauté, suivi de l’ordre des combattants, chargé de veiller sur la sécurité physique de la population, et enfin le reste de la population, tenue de produire les vivres et autres biens servant au bien-être des deux classes supérieures. Et, pour les besoins de stabilité de cette hiérarchie sociale, cette division de la société en trois classes devint naturellement héréditaire.  Et dans cette organisation sociale naissante, le chef temporel, commandant les combattants, dut s’allier au chef du pouvoir religieux pour souder l’ensemble de la société autour de lui et lui permettre d’en devenir le Roi naturel.

Mais alors, pourquoi Jules Ferry s’oppose-t-il à ce que « ni Dieu ni le Roi » n’interviennent plus dans l’organisation de l’humanité ?

L’alliance structurelle de l’église et du Roi etouffait la libérté de conscience et le progres de l’humanité

Dans les premières civilisations humaines, le polythéisme ambiant impliquait une certaine tolérance idéologique en offrant une liberté de choix entre les divinités à glorifier. Ces croyances n’imposaient point de dogme, respectant la liberté de conscience des fidèles.

Tout changea à partir du XII° siècle av. JC, quand le « prophète » Moïse imposa les « Tables de la Loi » au peuple juif, qui devait croire en un Dieu unique et jaloux, Yahvé, qui en exigea la foi en sa seule Vérité révélée pour mériter d’être son « peuple élu ». C’est alors que naquit le dogme avec ses corollaires, l’intolérance et l’exclusion, dans la soumission des consciences des fidèles, désormais privées de liberté et du libre arbitre.

A partir de l’an 396 où Théodose imposa le christianisme comme religion d’Etat, c’est l’Eglise, héritière du monothéisme juif et de la structure des préfectures romaines, qui étendra son emprise spirituelle sur toutes les populations composant l’empire romain. Et sa mainmise sur les consciences fut renforcée par la menace d’excommunication de tout fidèle transgressant le dogme, aussitôt accusé d’hérésie et soumis à la torture pour avouer sa faute, et pouvant être condamné à mort par le feu purificateur de l'âme damnée.

Ce pouvoir absolu et terrifiant de l’Eglise mettant son Haut Clergé au dessus de tout soupçon, il arriva que ce Haut Clergé succombât aux tentations de la corruption, comme toute dictature. Et l’on assista, au cours du Moyen-âge européen, à une dérive des mœurs du Haut Clergé, recruté parmi la Noblesse et menant une vie opulente et dissolue grâce à ses « bénéfices », obtenus du Roi en récompense du sacre de son pouvoir de droit divin.

C’est cette alliance structurelle du sabre et du goupillon qui permit à l’Eglise et à son allié le Roi, de soumettre ensemble les consciences de leurs fidèles et sujets, à la fois : d’une part, le Roi, divinisé par l’Eglise, avait droit de vie et de mort sur ses sujets ; d’autre part, l’Eglise, soutenue par l’Administration royale, terrorisait ses fidèles en les menaçant d’être brûlés vifs pour hérésie, s’ils osaient interpréter librement les textes sacrés.

C’est ainsi que Galilée, par crainte d’être excommunié et brûlé pour hérésie, dut, en 1633, renoncer à sa grande théorie copernicienne sur l'héliocentrisme, parce que l’Eglise demeurait attachée au dogme du géocentrisme de Ptolémée, puisé dans la Bible datant du II° siècle, et reconfirmé au XIII° siècle par St Thomas d’Aquin, « le docteur angélique ». Entretemps, en 1600, Giordano Bruno, moine dominicain et savant, avait été brûlé vif à Rome, pour servir d’exemple à tous ceux qui seraient tentés par des recherches blasphématoires à l’égard des Saintes Ecritures : il soutenait l’existence possible de plusieurs mondes comme le nôtre à travers l’univers qu’il pensait, en outre, infini et non fini.

Et, ce qui révoltait Jules Ferry à la fin du XIX° siècle, c’est cet obscurantisme religieux, entretenu, jusque là, par le pouvoir d’Etat, qui continuait à régner sur les consciences des citoyens, un siècle encore après la Révolution de 1789. C’est pourquoi, il voulait laïciser l’enseignement, pour émanciper les consciences de la tutelle de l’Eglise, de façon à offrir aux futurs citoyens la liberté de conscience, indispensable pour l’accomplissement de soi et pour le progrès des sciences et de la société dans son ensemble. C’était aussi l’objectif de tous les républicains qui avaient gagné les élections de 1875 pour instituer la III° République.

Or, en analysant l’histoire dans ses méandres, nous pourrions découvrir que c’est seulement en 1757 que le Pape Benoît XIV permit aux catholiques, donc aux Français, de se consacrer à la recherche scientifique en astronomie, considérée jusque là comme la reine des sciences : l’Eglise admit, alors, l’héliocentrisme de Copernic et Galilée, alors que le savant anglais, Isaac Newton, avait déjà établi la loi de gravitation universelle en 1687… Il est donc aisé d’en déduire que les pressions obscurantistes de l’Eglise avaient freiné le progrès des sciences en France, ce qui permit à l’Angleterre, anglicane et libérale, de prendre une grande avance technologique sur la France et de devenir la 1ère puissance mondiale au XIX° siècle, alors que la France avait dominé l’Europe de Henri IV à Napoléon.

Cette analyse historique du développement comparé de l’Angleterre et de la France ne fait que renforcer l’idée de Jules Ferry d’« organiser l’humanité sans Dieu ni Roi », c.à.d. de bâtir une nouvelle société, débarrassée de l’obscurantisme religieux allié au pouvoir royal, et où un enseignement laïque et républicain permettrait d’émanciper les consciences et de former de nouveaux citoyens, libres, égaux et solidaires. Etudions donc son projet.

Jules Ferray à introduit la laïcité à l’école publique

La phrase de Jules Ferry, « organiser l’humanité sans Dieu ni Roi », date de 1883 où ill était Président du Conseil, donc chef du gouvernement de la III° République. Il mettait en garde la population contre le risque de retour de la monarchie, farouchement soutenue par l’Eglise lors des élections générales de 1875, dont l’enjeu était de choisir le type de régime politique qui allait diriger la France après l’abdication de Napoléon III, défait en 1870.

Cette tension farouche entre les républicains et l’Eglise royaliste explique le courant anticlérical qui anima les députés républicains, majoritaires à l’Assemblée Nationale, et qui votèrent la loi de 1881 instituant l’école publique, gratuite et obligatoire pour tous les enfants de moins de 14 ans. L’Eglise se retrouva ainsi privée de son monopole séculaire sur l’enseignement primaire, où elle pouvait formater les consciences, à travers le catéchisme obligatoire, la messe quotidienne, le cours d’Histoire et autres enseignements.

En faisant voter cette loi de 1881, institua l’école laïque, à la fois gratuite et obligatoire pour tous les enfants âgés de moins de 14 ans, Jules Ferry posait la première pierre de l’édifice républicain laïque qui allait être couronné un quart de siècle plus tard, en 1905, par la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, après que l’expérience d’enseignement laïque eut porté ses fruits en ayant formé une génération entière de citoyens républicains, ce qui garantissait aux Français de ne plus retourner sous un régime monarchique.

En effet, Jules Ferry tenait à ce que le principe de laïcité soit, d’abord, appliqué à l’éducation nationale, où les jeunes enfants recevront un enseignement laïque, comportant des leçons de morale et une instruction civique qui leur donnent goût à servir le bien commun de la société, en remplacement du catéchisme de l’Eglise qui soumettait les jeunes élèves et futurs citoyens, au service de Dieu et du Roi, sans liberté de conscience.

C’est dans cet esprit que Jules Ferry, Ministre de l’instruction publique sous le 1er gouvernement de la III° République, dut expliquer aux instituteurs comment s’y prendre pour enseigner à leurs élèves les leçons de moralité et d’instruction civique de façon à sauvegarder leur liberté de conscience et à former, à travers eux, de futurs citoyens libres. C’est ainsi qu’il adressa sa fameuse « Lettre à Monsieur l’Instituteur », destinée à leur expliciter le contenu de la loi du 28 mars 1882, confiant à l’Instituteur, fonctionnaire de la République, la charge d’enseigner les préceptes républicains à leurs élèves, sous la forme d’une instruction civique et morale, rendue gratuite et obligatoire à tous les enfants.

En précisant que les coûts de cette nouvelle école publique, étant entièrement financés sur le budget de l’Etat républicain, Jules Ferry estime qu’il n’y a plus lieu de recourir aux enseignants dépêchés par l’Eglise pour former les enfants de la République. En effet, il faut savoir qu’en ce temps-là, les enseignants religieux avaient toujours dispensé une idéologie engagée au service de l’Eglise et de la monarchie, contre la République considérée comme athée et anticléricale. Par contre, en homme tolérant, Jules Ferry estime que l’enseignement religieux à donner aux enfants relève du ressort de leurs parents, qui s’adresseront à l’Eglise pour cela. Et d’ajouter, qu’à la différence des croyances métaphysiques qui doivent demeurer personnelles, les connaissances sociales doivent être enseignées à l’école laïque parce qu’elles sont indispensables pour le vivre ensemble des futurs citoyens qui doivent connaître les règles élémentaires de la moralité et de la vie en société, non soumises à l’emprise des considérations religieuses. C’est à cela que doit veiller l’Instituteur.

De la sorte, Jules Ferry estime sauvegarder la liberté de conscience de l’enfant à travers l’enseignement humaniste de l’instituteur, ce qui contribuera à l’élévation du niveau des mœurs, en attendant que d’autres professeurs complètent cette formation morale de l’enfant par une culture philosophique consolidant ces fondements civiques.

La politique d’une éducation nationale laïque de Jules Ferray illustre bien “L’esprit des lumières”

Dans sa stratégie politique républicaine, Jules Ferry veut faire de l’éducation nationale son fer de lance pour bâtir une nouvelle société démocratique qui verra le jour grâce au succès de l’école laïque, ouverte à tous les enfants de la III° République, dont il fut le 1er  Ministre de l’instruction publique. Tout est tracé dans sa « Lettre à Monsieur l’Instituteur ».

Il s’inspire, notamment, de « L’esprit des lois » de 1748, où Montesquieu écrit que la soumission au pouvoir du Roi repose sur l’ignorance et le droit divin de l’Eglise, tandis qu’un Etat républicain a besoin de toute la puissance d’une éducation populaire appropriée pour pouvoir se faire aimer et se maintenir au pouvoir.

Il s’inspire aussi du « Journal d’instruction sociale » de 1793, où Condorcet écrit : « il ne peut y avoir d’égalité si tous les citoyens ne peuvent acquérir des idées justes sur les objets dont la connaissance est nécessaire à la conduite de leur vie ». A cet effet, la Constitution de 1791 prévoyait « une instruction publique commune à tous les citoyens, gratuite à l’égard des parties d’enseignement indispensables à tous les hommes ».

Ainsi, a-t-il assumé cet héritage révolutionnaire dans son discours du 10 avril 1870 au Palais Bourbon, traitant « de l’égalité de l’éducation ». Il y dénonce notamment la loi Falloux de 1850 (votée sous la II° République !), qui renforçait le rôle des religieux dans l'organisation de l'enseignement scolaire. Et, pour que l’Etat républicain ait le monopole de l’éducation nationale, il fit voter le financement de l’école publique par le budget de l’Etat, comme le préconisait Condorcet. Sa stratégie se poursuivit en faisant voter, en 1879, la création d’une Ecole Normale par département, chargée de combler les besoins de la République en instituteurs laïcs, écartant ainsi le concours de l’Eglise et son immixtion dans l’éducation des jeunes élèves de l’école publique, rendue gratuite et obligatoire en 1881.

Sa foi dans les vertus de l’éducation laïque est illustrée dans son discours de 1870 au Palais Bourbon : « Entre tous les problèmes, j'en choisirai un auquel je consacrerai tout ce que j'ai d'intelligence et de cœur : c'est le problème de l'éducation du peuple ». Et d’ajouter : « la société humaine moderne n'a qu'un but : atténuer, à travers les âges, les inégalités primitives établies par la nature ; et, si les 18° et 19° siècles ont anéanti les privilèges rattachés à la naissance, l'œuvre de la III° République sera de faire disparaître la plus redoutable des inégalités, l'inégalité d'éducation, qui est le plus grand obstacle à franchir pour l’avènement d’une vraie démocratie ». Et, croyant que « L'égalité est la loi même du progrès humain », il conclut son discours par ces mots: «désormais, l'enfant appartient à la République, comme auparavant il appartenait à l'Église ».

Conclusion : Pour une laïcité républicaine, responsabilisant chaque citoyen dans sa volonté de vivre ensemble avec ses concitoyens

Qu’en est-il aujourd’hui, 130 ans après la phrase de Jules Ferry, où les institutions françaises sont définitivement acquises à la République, et où l’Eglise a définitivement reconnu les bienfaits de la démocratie républicaine tout en se contentant de la loi de 1905 la séparant de l’Etat ?

Il faudrait que le Français musulman, comme le français catholique, juif ou bouddhiste… respecte le principe de base de la laïcité, qui stipule ceci : la loi garantit à tout citoyen le libre exercice de sa foi, tandis que la foi du citoyen doit demeurer personnelle et ne pas s’exercer en gênant les autres citoyens, ni prétendre dicter sa loi, car la loi est la même et égale pour tous au sein de la République. Tout comme la loi sur la laïcité républicaine de 1905 avait poussé l’Eglise catholique à adapter progressivement sa vision du monde, au fur et à mesure des avancées sociales républicaines, auxquelles l’Eglise avait été réticente sinon opposée dans le passé, de même le Français musulman devrait apprendre, par devoir civique, à distinguer sa vie religieuse qui doit demeurer privée, de sa vie profane qui est publique.

En effet, la laïcité sépare la vie de la foi individuelle de la vie publique en société, tout en assurant à chaque citoyen de vivre en paix et en harmonie avec tous ses concitoyens, sans ingérence de la religion dans leurs rapports, parce que la religion divise les hommes selon leurs croyances qui doivent demeurer métaphysiques, c'est-à-dire, en dehors de la vie sur Terre. C’est une condition impérative d’accompagnement de toute volonté politique visant à l’intégration sociale dans l’unité nationale de tous les concitoyens de confessions religieuses diverses. Sans cela, on retomberait dans les guerres civiles dues aux religions monothéistes différentes qui ont toujours divisé les populations d’un même pays dans le passé, avant l’apparition de la politique de laïcité.

La phrase de Jules Ferry souhaitant un monde « SANS DIEU NI ROI » fait penser au Journal d’Auguste Blanqui, créé en 1880, sous le titre « Ni Dieu ni Maître », où cet homme politique exprimait ses thèses révolutionnaires et anarchistes, tout en critiquant tous ceux qui manipulaient les consciences des Croyants catholiques en conditionnant leurs réflexes dans le but de les amener à agir contre la politique laïque des républicains.

Par cette phrase, Jules ferry dénonce l’alliance politique des royalistes et de l’Eglise, représentant une grave menace contre la liberté de conscience et l’égalité des droits, comme sous l’Ancien Régime. Elle a été rédigée pour défendre l’institution d’une école publique laïque, où ne devrait plus interférer l’Eglise à travers son catéchisme et ses enseignants qui prêchaient pour le retour au pouvoir d’un régime monarchique après la chute de Napoléon III en 1870.  
Cependant, Et nous pourrions conclure que ce vœu de Jules Ferry d’ « organiser une humanité sans Dieu ni Roi », a été exaucé puisque seulement 8% des Français baptisés catholiques, reconnaissent être pratiquants ! Cela signifie bien que l’influence politique de l’Eglise sur les consciences s’en retrouve très limitée, et ce, d’autant plus qu’il n’y a plus de risque de retour d’un Roi au pouvoir…

Néanmoins, ce qui pose problème actuellement, c’est l’intégration à la logique de laïcité des générations récentes de Français de confession musulmane, issus de l’immigration de travailleurs provenant d’anciennes colonies françaises d’Afrique. Elles n’ont pas connu la période de lutte pour la laïcité, qui avait marqué et formé idéologiquement les citoyens Français du dernier quart du XIXème siècle et jusqu’à la 2nde guerre mondiale.

Or, en ce début du XXIème siècle, se pose le problème d’intégration sociale et culturelle des nouvelles données démographiques associées à la modification profonde du paysage religieux de la France, où des citoyens de confession musulmane regroupent désormais plus de 10% de la population, alors que cette religion et culture musulmane n’en faisait pas partie en 1905, où il n’était question que de concilier l’opposition entre religion catholique et des républicains laïques cherchant à laïciser l’Etat. A présent, il s’agit de gérer une cohabitation religieuses, et partant culturelle, au sein même de l’école publique, réputée laïque, d’élèves d’éducations différentes reflétant le mode de vie culturelle de leurs parents respectifs. Il s’agit bien de nouveaux problèmes d’intégration républicaine, où l’éducation musulmane des élèves d’origine maghrébine pose le problème de véhicule culturel différent et même rétif au changement et à l’adaptation aux principes républicains et laïques. Et cela se ramène, en fait, à débattre du contenu de l’enseignement du fait religieux, propre à la religion musulmane telle qu’elle est pratiquée par certaines confréries fanatiques, dites islamistes, ce qui les fait se heurter à l’esprit de tolérance qui anime les républicains français.  Et, du fait de l’absence d’une vraie politique spécifique d’intégration de cette nouvelle vagues d’immigrés musulmans depuis 1960, leur ghettoïsation a dû aiguiser une affirmation identitaire accrue.

Que faire, face au renforcement de ces tentations communautaristes ?

Il faut néanmoins reconnaître que c’est grâce à l’Eglise que diverses universités furent créées à travers toute l’Europe chrétienne, et que, par voie de conséquence, diverses disciplines y furent enseignées, ce qui permit à la pensée et à la recherche de se déployer malgré l’épouvantail de l’Inquisition ou de l’Index. Et, suite à l’adoption de la logique aristotélicienne par St Thomas d’Aquin au XIII° siècle, cette nouvelle façon de penser et d’analyser les observations, jeta les bases de la méthode expérimentale qui aboutira à la naissance de la science moderne. En outre, l’Eglise a eu tort de trop se méfier des découvertes scientifiques, craignant qu’elles ne contredisent les données géophysiques de la Bible, car elle aurait dû aborder la lecture de la Bible sous sa forme symbolique ou morale au lieu de se limiter à sa forme littérale, au pied de la lettre. D’ailleurs, l’Eglise n’avait-t-elle pas enseigné la scolastique, où les mots peuvent avoir plusieurs sens cachés ? Pourquoi donc ne l’a-t-elle pas appliqué à l’interprétation des textes bibliques, ce qui en opposa le contenu géophysique aux nouvelles découvertes de l’astronomie, ce qui opposa bêtement science et religion !

La question primordiale que devrait se poser tout citoyen ayant des convictions religieuses propres, est la suivante: qu’est-ce qui unit, en droit, tous les citoyens français ?

Au Moyen-âge européen et sous l’absolutisme royal de la Renaissance, prévalait le principe monarchique de « un royaume, un roi, une religion ». En réaction contre cette vision archaïque du pouvoir, confondant le spirituel et le temporel, Victor Hugo avait écrit : « Je veux l'État chez lui et l'Église chez elle ».

C’est avec l’avènement de la République que naquit un nouveau principe, définissant la Laïcité par les 3 valeurs républicaines suivantes :

-la liberté absolue de conscience;
-l’égalité de tous en droit;
-l’indivisibilité de la nation, unie par l'identité universelle des droits et devoirs.

Et il se trouve que dans ce principe trinitaire, rien ne s’oppose pas à l’existence ni à la diversité de la foi religieuse des uns et des autres, pourvu qu’elle n’empiète pas sur la liberté absolue de conscience ni sur l’égalité de tous en droit ni sur l’absence de discriminations. C’est ce monde de droits et devoirs, communs à tous, qui unit le peuple dans cet espace public qu’est la « RES PUBLICA », où la liberté de chacun et l’égalité de tous doivent générer l’esprit de solidarité entre tous les concitoyens républicains.

Ainsi définie, la Laïcité assure le respect de la diversité dans l’acceptation de l’Autre, différent de soi, sans morcellement communautariste de l’espace civique, qui devient alors un espace de concorde universelle, ouvert à tous et pour le bien de tous.

Il est donc clair que la Laïcité n’est pas hostile aux religions tant qu’aucune religion ne prétend pas s’imposer politiquement. Pour cela, l’Etat doit rester neutre envers toutes les religions pratiquées sur son territoire, tout en veillant à ce qu’il n’y ait pas de comportements racistes ou xénophobes qui inciteraient à la discrimination ou à la haine. Cependant, la Laïcité se doit pas se contenter de sa neutralité religieuse, car elle doit toujours veiller à la promotion du bien commun à travers l’émancipation de chacun par l’instruction publique de la morale et du civisme. Et c’est cette instruction publique qui doit permettre à chaque citoyen de conquérir sa liberté absolue de conscience, qui se trouve à la base de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat. Cette loi de 1905 permet à la République de devenir la chose de tous, la « res publica », par laquelle chaque citoyen use de sa liberté de conscience pour pouvoir progresser en lui-même et par lui-même, sans exclusion de l’Autre dont la différence doit pouvoir l’enrichir en préservant l’espace public de tout empiètement des communautarismes, ce qui évite les discriminations, pour le bien de tous.

Mais il ne faut pas interpréter cela comme l’effacement des différences et de la diversité, car, ces différences et la diversité des cultures demeurent compatibles avec la loi commune, qui respecte la liberté de conscience et l’égalité en droit de chaque citoyen. En effet, la coexistence de cultures différentes ne doit pas se confondre avec enfermement et exclusion. L’espace public, commun à tous, ne doit pas être enseveli sous une mosaïque de communautarismes juxtaposés. Tous doivent s’ouvrir les uns aux autres, dans la tolérance mutuelle et dans le respect de la loi commune qui doit toujours pouvoir pleinement s’exercer sur l’espace public où tous coexistent dans l’union et la paix, dans la « res publica ». De même, dans la Laïcité, tous les enfants de l’école publique doivent être considérés comme des enfants de la République, sans considération religieuse, afin de permettre l’instruction civique à tous, sans exception, dans le but d’éviter les fanatismes et l’intolérance qui avaient marqué l’histoire de France sous la royauté.

L’idéal républicain qui a mis en place la loi sur la laïcité, vise à mettre en place un Etat de droit qui conjugue dans l’harmonie les trois principes de Liberté absolue de conscience, de l’égalité de droit de tous les citoyens, et de priorité absolue à servir le bien commun.

Essai de synthèse : définition raisonnée de la laïcité

La laïcité est à la fois un idéal politique et le dispositif juridique qui le réalise. L'idéal vise à la fondation d'une communauté de droit mettant en jeu les principes de liberté de conscience, d'égalité, de priorité absolue au bien commun. Le dispositif juridique assure et garantit la mise en œuvre de ces principes en séparant l'Etat et les institutions publiques des Églises et plus généralement des associations constituées pour promouvoir des particularismes. La distinction juridique du public et du privé est essentielle, car elle permet de concilier sans les confondre le sens de l'universel qui vivifie la sphère publique et la légitime expression individuelle ou collective des particularités qui se déploie à partir de la sphère privée. La laïcité est un idéal de concorde : elle recouvre l'union de tout le peuple (le laos) sur la base de trois principes indissociables inscrits dans le triptyque républicain, qu'elle explicite et spécifie au regard de la diversité spirituelle des citoyens : la liberté de conscience, que l'école publique entend asseoir sur l'autonomie de jugement, l'égalité de tous sans distinction d'options spirituelles ou de particularismes et sans discrimination liée au sexe ou à l'origine, l'universalité d'une loi affectée exclusivement à la promotion du bien commun. Ainsi comprise, la laïcité, c'est le souci de promouvoir ce qui peut unir tous les hommes. Elle vise par conséquent à exclure tout privilège mais aussi tout facteur de dépendance ou de mise en tutelle. La laïcité constitue le cadre qui rend possible la manifestation de la diversité sans morcellement communautariste de l'espace civique, préservé à la fois comme fondement de paix et comme horizon d'universalité. Attentive à l'émancipation de la personne humaine sur les plans intellectuel, éthique, et social, la laïcité l'est par là même à la justice de l'organisation politique comme fondement d'un monde commun à tous par-delà les différences.

La méthode initiatique

Dès son initiation le Franc-maçon s’engage au service l’humanité, en contribuant, dans la mesure de ses moyens, à son amélioration morale, intellectuelle et matérielle. Cela s’exprime à travers son action personnelle au dehors. Mais tout commence avec la vertu d’exigence de soi, exigeant beaucoup de courage et d’altruisme, consistant à tailler sa pierre, où repoussent sans cesse des aspérités à chacune des épreuves de la vie.

Ce comportement vertueux relève effectivement de l’exigence de soi, en cherchant d’abord à se perfectionner intellectuellement et moralement, avant de pouvoir agir dans le monde profane, en y faisant rayonner la devise « Liberté-Egalité-fraternité ».

Et la méthode initiatique lui apprend à se servir des outils symboliques pour maîtriser ses passions, et mieux se connaître en découvrant l’Autre, dont il s’enrichit de la différence pour corriger ses propres défauts et pouvoir mieux réussir dans son action au dehors grâce à une conscience sociale au service du bien commun.

Bien sûr, grâce au bon usage de ses outils symboliques, il aura conquis sa liberté absolue de conscience, lui permettant d’user de sa force intérieure libérée de tous préjugés et autres influences extérieures, de façon à pouvoir agir en homme responsable, avec assez de lucidité pour rechercher la vérité de toute chose, et avec assez de force pour lutter contre toutes les formes d’injustice.

A défaut d’avoir bien compris cet engagement humaniste, l’Initié échouera dans sa quête initiatique. Il aura seulement porter un tablier d’apparat en tenues, brillant d’un éclat trompeur pour tous ceux qui l’auront « reconnu comme tel ».

Il faut, en effet, comprendre qu’un franc-maçon accompli est celui qui reconnaît s’être recréé en un « homme nouveau », conforme à ses efforts vertueux d’autoformation lui offrant de devenir un homme responsable, libre et agissant au service de l’idéal humaniste, le bien commun de l’humanité.

En cela, comme le dit si bien Gilbert Schulsinger, la FM est « le Parti de l’Homme ».

J’ai dit,

NMK\


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