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La Circumambulation ou Circulation en Loge


Tout d’abord, décortiquons ce mot :
circum : préfixe  latin qui signifie environ, autour,
ambulation : ambulant, qui n’est pas sédentaire, qui se déplace,
circumambulation : qui se déplace autour.

Il est peu de rites aussi universellement attestés que la circumambulation :
- les Hébreux la pratiquaient autour de l’autel ;
- les Arabes la pratique autour de la Ka’ba, de la Mecque, reprenant en cela un rite préislamique ;
- les Bouddhistes la pratique autour des stûpa (le Bouddha l’avait faite autour de l’arbre de Bogh Gaya) ;
- les Tibétains (Bön-Po et Lamaïstes) autour des temples, autour des chorten ;
- les Cambodgiens tournent autour d’une maison neuve, autour d’un autel ;
- le roi tourne autour de la capitale dont il prend possession ;
- l’Evêque catholique n’en fait-il pas autant autour de l’église qu’il consacre ?
- le prêtre autour de l’autel qu’il encense ;
- la circumambulation est pratiquée largement en Inde ;
- en Chine elle l’était par l’Empereur dans son Ming-T’ang ;
- elle est connue des populations central asiatiques et sibériennes ;
- c’est après une circumambulation autour du pilier céleste que s’unit le couple  primordial selon la mythologie nippone.

Dans la plupart de ces rites, on peut constater que l’ambulation a le plus souvent lieu en gardant le centre à sa droite, c'est-à-dire dans le sens du mouvement apparent du soleil vu de l’hémisphère boréal (c’est le cas de l’Inde, du Tibet, du Cambodge).

En d’autres circonstances, pourtant, on utilise le sens polaire, celui dans lequel on voit les étoiles tourner autour du pole (c’est le cas de l’Islam).

On voit que, si la circumambulation est parfois un rite d’hommage, elle a surtout une valeur cosmique.

En ce qui concerne la franc- maçonnerie, comment doit-on circuler dans le Temple ?  de droite à gauche, de gauche à droite, indifféremment comme on le fait le plus souvent ?

C’est en ces termes que Jules Boucher, dans la symbolique maçonnique, aborde cette question délicate et difficile à résoudre.

Il importe avant tout de bien préciser les termes employés.

Le sens du mouvement des aiguilles d’une montre est sinistrorsum – il s’accomplit de gauche à droite.

Le sens inverse  est dextrorsum – il s’accomplit de droite à gauche.

Remarquons que ces termes «de droite à gauche » et « de gauche à droite » ne suffisent pas pour préciser le sens du mouvement circulaire.

En effet, dans le sens sinistrorsum, les aiguilles de la montre vont bien de gauche à droite dans la partie supérieure du cadran, mais elles vont de droite à gauche dans  la partie inférieure.

Il en est de même lorsqu’on dit que le mouvement d’un astre s’accomplit d’Orient en Occident ou d’Occident en Orient.

Afin d’éviter toute confusion Jules Boucher nous propose d’utiliser deux adjectifs rapportant les circumambulations à notre propre droite et à notre propre gauche.

Nous dirons donc sens dextrocentrique  lorsque nous tournerons en ayant constamment la droite vers l’intérieur du cercle et la gauche à l’extérieur et sens sinistrocentrique en ayant la gauche vers l’intérieur du cercle et la droite à l’extérieur.

D’une façon générale, dans les figurations statiques, la droite est considérée comme bénéfique et la gauche maléfique.

Il en sera de même dans les mouvements qui iront soit vers la droite, soit vers la gauche.

En latin dexter signifie droite et sinister gauche. Chez les Augustes romains ce qui était à gauche était défavorable et de mauvaise augure. De la est venue la signification du mot sinistre.

Les raisons à ces diverses interprétations de la gauche et de la droite sont ancrées depuis très longtemps dans les rites et les traditions.

Dans les circumambulations rituelles, en Inde, par exemple, tourner de droite à gauche était néfaste, de gauche à droite propice.

Les séances de magie noire donnent priorité à la gauche.

Dans la tradition chrétienne d’occident, la droite possède le sens actif, la gauche est passive. Aussi la droite va signifier l’avenir et la gauche le passé sur lequel l’homme est privé d’entreprise.

Commentant le texte du Cantique des Cantiques : « son bras gauche est sous ma tête et sa droite m’étreint », Guillaume de Saint Thierry précise que la droite exprime la sagacité et la raison et s’exerce dans l’effort, alors que la gauche, amie du repos, désigne la vie contemplative et la sagesse et se réalise dans la paix et le silence.

Il ressort de ces exemples que dans l’ensemble de la tradition occidentale droite et gauche s’opposent identiquement comme mâle et femelle, actif et passif, jour et nuit, extroversion et introversion, activité et passivité …, tandis que les civilisations extrêmes orientales renversent point pour point ces analogies symboliques, en proclamant la gauche Yang et la droite Yin.

Notons toutefois que, dans un cas comme dans l’autre, c’est le principe mâle ou Yang qui est valorisé au détriment du principe femelle ou Yin.

En politique, et pour fermer cette parenthèse, la droite symboliserait l’ordre, la stabilité, l’autorité, la hiérarchie, la tradition, une relative satisfaction de soi – la gauche, l’insatisfaction, la revendication, le mouvement, la recherche de plus de  justice et de progrès, la libération, l’innovation, le risque.

En réalité, il semble que ces schémas simplificateurs ne correspondent qu’à des fantasmes mobilisateurs et à des mythes dans l’esprit des citoyens électeurs.

On vient de voir que les circumambulations sinistrocentriques se rapportent le plus souvent à des opérations néfastes.

Victor Henry, dans la magie dans l’Inde antique, explique que dans les rites de magie noire, la droite le cède à la gauche – si l’on saisit un objet c’est de la main gauche, si l’on avance un pied c’est le pied gauche, on présente le flanc gauche au feu, etc. …

Un sens sinistre est attaché à la rotation par la gauche et un sens propice à la rotation par la droite. Parce que dans le premier cas  le mouvement va à l’encontre du cours apparent du soleil et dans le second cas suit ce cours.

Dans le premier tome des croyances, rites, institutions, Goblet d’Aviella précise que les circumambulations dans les rites de deuil étaient suivies immédiatement d’une circumambulation dextrocentrique.

René Guédon appelle polaire le sens sinistrocentrique et solaire le sens dextrcentrique. Ce dernier mode, précise l’auteur, solaire ou dextrocentrique, c'est-à-dire  s’accomplissant en ayant constamment le centre à sa droite est en usage, en particulier dans les traditions hindous et tibétaines, tandis que l’autre se rencontre notamment dans la tradition islamique.

Il n’est peut-être pas sans intérêt, ajoute-t-il, de remarquer que le sens de ces circumambulations, allant respectivement de droite à gauche et de gauche à droite, correspond également à la direction de l’écriture dans les langues sacrées de ces mêmes formes traditionnelles.

Dans la maçonnerie, sous sa forme actuelle, le sens des circumambulations est solaire, alors que dans l’ancien rituel opératif, selon lequel le trône de Salomon était placé à l’occident et non à l’orient, afin de permettre à son occupant de contempler le soleil à son lever, il semble avoir été tout d’abord polaire.

On sait que la rotation de la terre sur son axe est sinistrocentrique et qu’elle tourne autour du soleil dans le même sens. Les planètes se meuvent également dans le même sens, mais la combinaison des différents mouvements semble leur donner parfois un sens de marche inverse, c'est-à-dire dextrocentrique.

Pour nous, qui sommes parties intégrantes de la terre, dont le sens de rotation sur elle-même et sinistrocentrique, la voûte céleste semble tourner de  droite à gauche (mouvement sinistrocentrique) et le soleil de gauche à droite (mouvement dextrocentrique). En fait la rotation  réelle du système solaire est sinistrocentrique.

Partant du principe que l’initiation des cycles astraux a pour but d’assurer l’harmonie du monde, en adaptant les rythmes du microcosme à ceux du macrocosme, en résumant et rassemblant l’Univers dans le Temple qui en figure le centre, par conséquent, la Loge représentant l’Univers et les officiers les planètes, il paraîtrait logique de faire circuler ceux-ci dans le sens réel, c'est-à-dire sinistrocentrique.

Mais, dans ce cas, on viendrait  heurter la tradition qui veut que tout mouvement sinistrocentrique est maléfique. Le Temple est orienté vers l’est et la Lumière ou le soleil se lèvent à l’Orient, passe au midi et se couchent à l’occident.

La circulation sinistrocentrique irait donc a l’encontre du soleil. Dans cette circumambulation, on entrerait par la droite et on sortirait par la gauche. On irait vers l’Orient en passant par le Midi et on sortirait par l’Occident en passant par le Nord.

Logiquement et symboliquement cette circumambulation devrait être la seule possible en maçonnerie – le Maçon allant vers la Lumière en entrant dans le Temple et retournant dans les Ténèbres en sortant.

Jules Boucher préconise la circumambulation sinistrocentrique mais ne s’oppose pas à ce qu’une Loge admette la circulation inverse, à condition, dit-il, qu’elle expose les raisons valables de son choix.

L’essentiel dans tout cela e st d’adopter l’un des deux sens, de l’imposer et de s’y tenir.

Il est inadmissible que la circulation se fasse indifféremment dans un sens ou dans l’autre.

Cette règle ne peut supposer qu’une seule exception, lors de l’ouverture des travaux, les Surveillants doivent marcher l’un à droite, l’autre à gauche, devant les colonnes formées par les Frères, se croiser une première fois devant le Vénérable et une seconde devant le Couvreur, en retournant à leurs places. S’ils agissaient autrement, c'est-à-dire s’ils marchaient l’un derrière l’autre dans un mouvement dextrocentrique ou sinistrocentrique, les Frères de la deuxième colonne devant laquelle ils passeraient auraient ainsi la possibilité de voir le signe qu’ils doivent exécuter devant leur surveillant.

Dans tous les autre cas le sens rituélique  doit être obligatoire.


J\M\ P\

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