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La connaissance repose à l’ombre de l’acacia

Après m’être pendant un moment posé la question sur la façon d’entreprendre ce travail, je me suis souvenu du conseil de mes maitres : tout est dans le rituel… Ou presque comme nous le verrons au fil de ces lignes.

Qu’est-ce que la connaissance ?

Il y a deux possibilités de traduction latine pour ce mot ; l’une vient de agnoscere, l’autre de illuminaré, et pour cette dernière, ceux qui détiennent la connaissance sont les « illuminati » encore un autre vaste sujet. Mais Je ne vais pas analyser ce mot par ses définitions encyclopédiques, mais par une approche plus personnelle et surtout bien évidement plus maçonnique.

On peut pour moi la diviser en deux parties, la première, une version simple, presque scolaire me fait penser que c’est l’appropriation et l’interprétation par l’homme des informations d’infinies sources et domaines, qu’il entend,apprend, mémorise et tente de comprendre ou pas.

Cette connaissance se transmet le plus généralement de façon orale, visuelle, écrite ou manuelle ; on est dans l’apprentissage, nous apprenons des autres et de notre environnement. A un niveau plus élevé, c’est l’approfondissement des connaissances que pratiquent les chercheurs que sont entre autres les scientifiques et les historiens : ces chercheurs-là, s’intéressent plus au factuel et au réel, qu’ils mesurent et analysent et décortiquent, d’avantage pour autrui que pour eux même.

Pour Albert Einstein, « la principale source de connaissance est l’expérience »

La deuxième, certainement la plus importante et je crois plus complexe et personnelle fait appel à la réflexion voire à l’intuition, à l’intelligence analytique et surtout à l’introspection. La connaissance dans cette seconde partie est le fruit des croisements et recoupements multiples de toutes ces informations entre elles afin d’ouvrir à l’esprit de plus larges champs de compréhension et d’investigations.

Deux ou plusieurs informations reliées entre elles par réflexion ou intuition peuvent permettre bien souvent d’apporter des réponses simples à des questions complexes.

Le « cherchant » qu’est le Franc Maçon s’interroge et doit trouver en lui, fut-ce à l’écoute de l’autre, notamment pour les apprentis, privés de la parole, une partie des réponses à ses questionnements.

Cette connaissance intérieure est une forme de vérité propre, très personnelle, et difficilement transmissible, car elle repose sur l’expérience intime de chacun ; cette connaissance la, ne se décrète pas, elle se cultive et se travaille en permanence.

C’est une quête qu’une vie entière ne saurait rendre parfaitement lisible et aboutie. En plus des connaissances, Hiram avait l’expertise donc l’expérience, c’est-à-dire la maitrise d’un ensemble de savoirs spécialisés, techniques et scientifiques, qui le rendait seul capable d’évaluer et mettre en pratique cet acquit. Il était l’homme de son art, reconnu pour tel, et apte à transformer un projet en réalisation tangible.

Mais qu’aurait valu cet ensemble de connaissances si l’homme n’avait pas en plus été doté de qualités morales et spirituelles d’exception…c’est l’ensemble qui a pu convaincre Salomon de lui confier la réalisation du temple, il était à la fois chercheur et cherchant.

Ses références étaient multiples, ce fils d’une veuve modeste de la tribu de Nephtali n’était pas seulement architecte, mais il connaissait parfaitement aussi le travail du bronze et de l’airain.

A ce titre le temple du roi Salomon n’était vraisemblablement que son second édifice, Hiram devait déjà travailler sur le sien, le premier le plus personnel, son temple intérieur. Il avait sans aucun doute en lui cette incitation majeure qu’est le « connais-toi toi-même » de Socrate que l’on peut traduire par étudies toi en profondeur pour mieux te découvrir, qui est la première grande ouverture sur une progression personnelle que l’on retrouve au rituel du premier grade.

Mais que vaut la connaissance si elle n’est pas transmise pour être partagée ? Hiram ne pouvais pas transmettre son être profond, mais il était en mesure de donner des pistes importantes pour qu’apprentis et compagnons puissent sur ces différents édifices tailler leur pierre de bonne façon.

Le mythe, en a fait l’un des fondements de la Franc maçonnerie. Il était un guide, l’un des trois grands piliers de ce ternaire que l’on retrouve au rituel, il représentait la beauté, Hiram roi de Tyr la force, et bien sûr Salomon la sagesse : shalom en hébreu.

Cette légende n’aurait aucun sens si les trois mauvais compagnons en avait seulement voulu a la personne du maitre ; non ! ces trois hommes postés chacun a l’une des trois portes du temple l’attendaient pour lui réclamer sous la menace la parole sacré.

Parole que bien évidemment le maitre refusa de leur communiquer : c’est pourquoi il fut frappé par eux avec les outils des maçons, a des endroits du corps très symboliques. Le premier, d’un coup de règle, outil du compagnon, dirigé vers la tète, le frappa à l’épaule droite après avoir été dévié par le maitre.

Le second, lui porta un coup de pince, a la nuque, alors que le misérable la encore visait la tête. Le troisième, l’acheva d’un coup de maillet sur le front, l’un des premiers outils de l’apprenti :

Si les trois ont voulu atteindre la tête, c’est bien par elle, que le centre de la spiritualité était visé. Qui étaient vraiment ces trois mauvais compagnons, qui selon les rites portent des noms très différents, tels Jubulas, Jubulos, Jubulum, mais que l’on peut résumer par ignorance, fanatisme, et ambition ?

Etaient-ils vraiment compagnons ? Comment s’appelaient-ils réellement ? Étaient-ils instrumentalisés ?

Ils étaient postés aux trois portes du temple. Midi, occident et orient, qui s’avèrent être étrangement la position des trois principaux officiers dans la loge...surement pas une coïncidence !

Les trois mauvais compagnons avaient en eux la clef pour accéder à la maitrise : le travail, mais leur introspection était insuffisante, leur jalousie trop forte et leur prétention démesurée.
Pour savoir où l’on va, il faut savoir qui on est ! Ils étaient trop présomptueux quant à l’estimation de leur instruction de compagnons ! Et d’ailleurs, que sont devenus ces trois mauvais frères après leur forfait ? Ont-ils été expulsés du chantier, le roi Salomon les a-t-il jugés et châtiés.

Ou dans sa grande sagesse, leur a-t-il offert une possibilité de rachat et de rédemption ? Ils ont en tout état de cause par ce crime abominable, stupidement obtenu un résultat totalement opposé à leur attente. Ils ont en quelque sorte exacerbé et sanctifié la connaissance du maître.

Une question se pose à moi, le maître a-t-il subi un échec en n’ayant pas su transmettre à ces trois-là ? Ou au contraire, s’est-il sacrifié de façon volontaire afin de mieux ressusciter dans chaque nouveau maître ?

Ne peut-on pas également établir un parallèle avec le Christ dont la bible dit qu’il est mort pour racheter les péchés des hommes ? On pourrait voir dans l’intitulé du travail qui m’a été demandé une ébauche de réponse. La connaissance repose, donc elle est en sommeil, elle n’attend qu’une occasion d’être réveillée.

Gerard de Nerval évoque la mort d’Hiram dans son livre voyage en Orient par ces mots
« Il faut savoir mourir pour naitre à l’immortalité ».

Je penche humblement pour cette dernière hypothèse, car ce n’est qu’au moment de son élévation que le franc maçon non seulement est nommé maitre, mais qu’il devient à la fois dès cet instant fils et successeur d’Hiram.

Moabon, qui signifie fils du père, ou vie nouvelle, en est la confirmation. Bien modeste maitre toutefois, car comme je l’ai dit plus haut, la connaissance est infinie et le travail d’une vie n’y suffira pas.

Une partie de la réponse à ma question se trouve dans la cérémonie d’élévation : le récipiendaire est étendu sur un drap noir qui préfigure la tombe, pieds à l’est et tête à l’ouest, avec comme sur la tombe de maitre Hiram un compas ouvert à 90° vers l’occident au pied et à la tête une équerre ouverte aux mêmes degrés également vers l’occident.

Une règle coté septentrion et une pince ou levier coté midi viennent compléter l’ensemble. Le compas associé à l’équerre est un important symbole cosmologique. Le premier est entre autre symbole du ciel, le second de la terre.

Pourquoi d’ailleurs ce positionnement inverse a la logique, les pieds, sont l’emprise au sol, a la terre, alors que la tête, c’est le ciel, le spirituel. Et pourquoi également, hormis le fait d’avoir la même ouverture que l’équerre, est-il ouvert à 90° précisément, et non pas à 30,50, ou 70° ?

L’ouverture du compas selon la tradition maçonnique représente les possibilités et degrés de la connaissance : faut-il y voir une relation de cause à effet à mon interrogation précédente ?
Le compas crée l’une des deux figures géométriques parfaites : le cercle.on dit de lui qu’il trace le motif du cycle de la vie.

Peut-être une grande raison d’espérer, si au pied de la tombe, il est ouvert à 90°, c’est qu’une autre forme de la vie est d’une certaine façon encore présente, ou tout au moins possible.
Dans le cas contraire, n’aurait-il pas dû être fermé ? Si ce n’est pas une renaissance à la vie humaine, c’en est donc une à la vie spirituelle.

Ne pourrait-on pas en déduire qu’un compas ouvert à 180°, serait le symbole de la parfaite connaissance, mais je m’égare, elle n’existe pas, ou alors elle est divine. L’image de cette sépulture serait incomplète si l’on n’y voyait planté a la tête une branche d’acacia ;
L’acacia arbre a grandes grappes de fleurs blanches, couleur de la pureté, et légèrement rosées en leur centre, comme teintées de sang.

Qui plus est, ses branches sont couvertes d’épines acérées. C’est avec ce bois imputrescible, que fut tressée la couronne du Christ, quelle belle représentation pour un arbre qui est à la fois le symbole de l’immortalité et symbole solaire, astre suprême !

Symbole solaire car les rayons de la couronne d’épines sont ceux d’un soleil. Il me vient à ce moment de mon travail une comparaison ; celle-ci concerne la statue de la liberté, œuvre d’un illustre frère, Bartholdi. Outre le flambeau tenu dans la main droite, dans lequel certains y voient une allusion aux lumières.

Il y a la couronne de la statue, faites de 7 pointes acérées (comme les épines de l’acacia), censées représenter pour les profanes, les 7 continents ou les 7 océans selon les interprétations, mais aussi pour nous maçons un nombre symbolique et une phrase oh combien rituelle, « 7 la rendent juste et parfaite », et tout cela tourné vers l’orient ! Mais je digresse.

Pour en revenir à l’immortalité.

Qui pense immortalité pense renaissance.

Êtes-vous maitre ? L’acacia m’est connu ! C’est par ces mots que sont ouverts les travaux en chambre du milieu.

A ce stade, l’acacia devient un pont entre l’humain et le spirituel.

René Guénon disait de lui qu’il était arbre de dualité, arbre de mort pas sa partie enterrée, et arbre de vie par sa partie aérienne, là encore un trait d’union entre le zénith et le nadir, entre l’ombre et la lumière.

Avant tout et surtout, presque le chainon manquant entre l’humain et le spirituel. Il est écrit dans la genèse, 3 : 22-24 que l’un des deux arbres plantés dans le jardin d’Eden était l’arbre de la connaissance.

Tout un symbole, la branche d’acacia marque le tombeau du maitre passé, mais également le berceau du maitre à venir.
Mais c’est aussi un arbre chargé d’histoire et de légende, il est dit que l’éternel exigea que son bois serve à bâtir les autels du veau d’or dans le Sinaï.

N’est-il pas écrit dans la bible, que l’arche d’alliance, construite il y a environ 3000 ans par les hébreux dans le désert était faite de bois d’acacia à l’extérieur et plaquée d’or à l’intérieur. Ce végétal est si particulier qu’il est mentionné plusieurs fois dans l’exode 3 ; 22-24. Outre les usages ci-dessus mentionnés, il fut utilisé pour construire le tabernacle et on lui confia les tables de la loi. Dans certaines tribus arabes, l’acacia est vénéré, on le nomme « arbre des initiés ».

En tant que symbole de la maçonnerie, l’acacia relie le maitre maçon d’aujourd’hui à la légende maçonnique et à l’histoire biblique. La bible justement, j’appartiens à une loge de Saint Jean, et c’est au prologue de celui-ci que s’ouvrent les travaux de notre atelier.

« Au commencement était le verbe et la parole était avec Dieu, et la parole était Dieu ». La parole depuis l’assassinat du maitre est considérée comme perdue, mais comment peut-elle l’être, puisqu’il faut que trois maitres la connaissent pour que la loge soit opérative. Celle-ci ne serait-elle pas plutôt un laisser passer vers le travail qui est le principal accès a la connaissance ?

En partant de là, c’est au nouveau maitre, toujours en devenir, de non seulement continuer à œuvrer sur lui-même, mais d’assurer la transmission du mot de passe substitué et du mot sacré. Pas la transmission de la connaissance en elle-même, mais de l’un de ses chemins d’accès.

Là encore, voir le rituel :
Q : Quel Age avez-vous ?
R : 7 ans et plus.
Q : que veut dire ceci ?
R : que le Maitre parvenu à la sagesse est en mesure d’approcher la connaissance. De l’approcher seulement ! Si au troisième degré, l’on parvient à la sagesse, toute relative, que de travail encore pour accéder à la force et à la beauté, et ainsi boucler la trilogie des trois piliers essentiels.
« B...Z », la chair quitte les os,
« J…N » Tout se désunit.

La dépouille en putréfaction du maître devient symboliquement l’humus, le terreau fertile sur lequel la jeune pousse va germer.

Réjouissez-vous mes frères, après cette période de putréfaction, le maitre nouveau que je suis devenu lors de mon élévation a vu le jour ; mais plus que la vive lumière, ce n’est encore pour moi qu’une aube naissante teintée d’ombre.

J’ai dit V\ M\.

B\ H\


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