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Question de cravate
ou la question d’être ou du paraître !

Avant d’essayer de dénouer, d’un point de vue symbolique, la question du port de la cravate en tenue, un peu d’histoire me paraît nécessaire pour y voir un peu plus clair et ne pas s’embrouiller dans un sac de nœuds. 

Le mot cravate apparaît pour la première fois en France en 1651 : il désigne alors une bande d’étoffe, que les cavaliers croates portaient autour du cou, et en même temps, le cheval de ces cavaliers auxquels louis XIII avait fait appel pour servir dans ses armées.

Forme francisée de Croate, pendant longtemps il désigne en fait un type de cheval et, par extension et référence aux cavaliers croates, de cavalier militaire léger, utilisé comme estafette ou pour mener des raids éclairs.
Louis XIV institua un régiment de « royale cravates » au sein duquel le simple soldat portait un simple nœud en lin alors que le sous-officier avait droit au coton, l’officier à la soie et le général à un ruban de dentelle.

Dans la foulée, la cravate se mit à désigner aussi l’écharpe brodée, généralement de soie, dont on ornait les drapeaux, et dans le langage des marins, le cordage qui entoure un mât ou une ancre. Puis de chanvre, elle devint la corde avec laquelle on pendait les condamnés à mort. Elle se fera aussi instrument de torture pour l’inquisition.

Par extension toujours, à partir du XVIIIème siècle, la cravate devient l’insigne de grades élevés de certains ordres, l’exemple le plus connu est la Cravate de commandeur de la légion d’honneur.

Ce n’est qu’au XVIIéme siècle que, en France, la cravate se mit à désigner une pièce vestimentaire pour les hommes, en l’occurrence, une bande d’étoffe de matière souple, étroite et longue, portée sur le dessus de la chemise et nouée autour de cou tandis que, pour les femmes, la même bande de tissus s’appelait une lavallière du nom de la favorite du roi.

C’est à cette époque que se forgèrent les expressions familières telles « s’en jeter une dernière la cravate » « s’en mettre derrière la cravate », sans doute parce que les aristocrates s’essuyaient la bouche avec, c’est pourquoi ils changeaient ce bout de tissus plusieurs fois par jour.

Plus tard, la cravate devient un terme sportif, à savoir le coup par lequel, dans la savate ou boxe française, on donne un coup de pied à son adversaire au niveau du menton.

Bien sur et vous vous en doutez, la cravate si elle n’est apparue en France qu’au XVIIéme siècle, son port est beaucoup plus ancien, on l’a trouve en chine portée par des soldats chinois au 3éme sicle avant JC, on l’a trouve aussi en Egypte à Rome etc.…

En Europe, à partir du XVI éme siècle, pour certains, en réaction au puritanisme luthérien, les hommes et plus particulièrement ceux de cour, se mettent à enrichir leur costume au point de les rendre extravagants : broderie, dentelles, cols ornés de pierres précieuses.

On porte alors des jabots de dentelle de Flandres ou de Venise qui en se désolidarisant progressivement du col deviennent un accessoire du vêtement à part entière : la cravate moderne est née.

La cravate devenait une pièce distinctive du statut social et de la richesse de celui qui la porte.

Arrivons maintenant plus prés de notre époque, au début du XIXéme siècle, les Britanniques inventent le costume dit habillé qui en définitive, n’est rien d’autre que la tenue correcte que nous connaissons aujourd’hui.
 Elle se compose d’un pantalon, d’un gilet, d’une veste et d’une chemise dont le col est orné d’une cravate.
Le canon de cette tenue fut fixé par George Bryan BRUMMEL, surnommé « the beau » ou encore le roi de la mode.
En raison de sa simplicité et de son confort, cette tenue fut rapidement adaptée par toutes les classes de la société anglaise, le peuple, il est vrai, se contentant d’en faire une tenue d’exception que l’on portait le dimanche ou lors de cérémonies importantes « mariage ou enterrement ».

Bien évidemment les Français se laissèrent convaincre facilement par ce style d’habillement qui fut vite adopté, par la bourgeoisie.

C’est peu après la première guerre mondiale, que la cravate que nous connaissons aujourd’hui prend véritablement forme et c’est dans les années 1920 qu’elle est définitivement déterminée.

Je vais à présent après ce petit historique que j’ai essayé de faire bref, examiner et vous donner mon point de vue sur port de la cravate.

La cravate depuis le standard « du costume habillé » défini par BRUMMELL, n’est plus une pièce  vestimentaire de décoration, d’ornement, de mise en valeur, elle fait partie intégrante de ce standard.
Ainsi, même si le costume habillé ne comporte plus nécessairement un pantalon un gilet et une veste assortis et donc du même tissu et de la même couleur, la cravate n’en demeure pas moins la marque « costume habillé » en l’absence de laquelle la tenue, même relativement correcte devient alors une tenue décontractée sportive ou de loisir.

Or, le costume habillé, tel que défini par ce standard, n’est pas seulement un accoutrement vestimentaire dit correct, il est resté et marque un signifiant social.
Dans certains cas, en plus, il est devenu une tenue d’appartenance et de représentation (un métier, une fonction, une charge, une corporation, une institution, un groupe social, un club, un ordre)

Je noterai toutefois, que a priori, la cravate est indissociable des autres éléments « du costume habillé » ; pourtant, elle peut se différencier des autres pièces pour par exemple, tout en restant dans le cadre d’une tenue correcte, marquer une opposition (par exemple une cravate en cuir, une revendication la cravate rose pour les homosexuels, une conviction politique (une cravate rouge  ou verte ), elle marque aussi l’appartenance à un club, elle devient alors signe de reconnaissance.

Pourtant pour ma part je pense que la cravate reste et demeure un signifiant social très fort, presque aristocratique. La cravate a été en France grande bourgeoise pour devenir bourgeoise et maintenant « petite bourgeoise ».

D’ailleurs, il suffit de se promener tous les jours en ville pour constater, que la cravate n’est pas portée par des pans entiers de la population, seul ceux qui veulent marquer leur correspondance à une certaine classe sociale ou à un certain milieu professionnel l’exhibent.

C’est pourquoi, la cravate à l’instar du costume habillé renvoie à un statut ou à une reconnaissance.
Un exemple parmi tant d’autre. Aujourd’hui tous les jours à la télévision ou sur les marchés des villes, nous apercevons les candidats aux municipales ou aux cantonales, s’exhiber avec de beau costume et de belle cravate de bonnes marques mais discrètes toutefois car il ne faut rien d’ostentatoire. Et bien, regardez, observez, les candidats se disant de la vrai gauche ou les candidats altermondialistes ne portent ni costume ni cravate, en ne mettant pas ces accessoires dit habillé, ils se placent directement en phase et en rapport avec ceux d’en bas, ils veulent marquer leur différence avec ceux d’en haut qui détiennent et veulent garder le pouvoir.

C’est pourquoi pour ma part je pense que le port du costume et de la cravate peu même  constituer un obstacle, culturel ou psychologique dans la relation avec l’autre. Bernard WEBER, note « on n’écoute plus ce que les gens disent, on se contente de regarder comment ils le disent, quel regard ils ont en le disant et si leur cravate est assortie avec leur pochette »
Paul COELHO de son côté déclare « de nos jours, la cravate est devenue un symbole d’aliénation de pouvoir ou le signe d’une attitude discriminatoire ».

Car en fait la cravate, présentée comme un accessoire de mode, ne présente aucune utilité pratique, à la différence, par exemple de la ceinture, du mouchoir ou des bretelles.
Il en va de même pour le costume habillé. Les vêtements que nous portons, doivent nous protéger du froid et des intempéries ils ont pour but aussi de protéger notre intimité. Lorsque nous portons un pantalon, une chemise, avec un pull et un blouson, nous sommes habillés correctement et nous pouvons déambuler tranquillement en ville ou au bureau sans nous faire remarquer. Alors pourquoi un costume et une cravate ?

Ils  ne sont donc  que des  accessoires qui appartiennent à la forme et non au fond, donc je le répète, le costume habillé et la cravate qui est son corollaire, n’existe que pour marquer une différence sociale ou un statut.

Je n’aborderai pas le système de consommation dans lequel nous sommes, et qui met en exergue le port des marques connues et reconnues. Car aujourd’hui non seulement il faut porter le costume habillé avec la cravate, mais il faut aussi choisir la marque avec soin, celle qui permettra de mettre en valeur son pouvoir d’achat « il faut être tendance ».

Si la cravate ne présente aucune utilité et si elle n’est que le signe d’une appartenance, et quelle que soit ce à quoi on revendique d’appartenir, n’y a-t-il pas là une contradiction entre la tolérance et l’universalisme revendiquée par la Franc-maçonnerie, et une pratique qui, du triple point de vue sociologique, psychologique et culturel, est vécue par beaucoup comme une ségrégation ?  

La cravate serait-elle la barrière entre ceux qui détiennent un pouvoir et ceux qui n’en ont pas, on pourrait penser en fait, les en dedans et les en dehors. Pourtant le rituel nous enjoint de laisser les métaux à la porte du temple, rappelons nous le sens de cette demande.
Les Francs-maçons prônent l’égalité en loge et hors des temples.

Mes frères suis je différent avec cravate ou sans cravate, vais je moins réfléchir, ou vais je mieux réfléchir ? Un clin d’œil, si je porte une cravate trop serrée j’aurai mois d’oxygène qui irriguera mon cerveau et je deviendrai moins performant dans ma réflexion.

Paul COELHO encore lui considère que la seule utilité de la cravate, c’est qu’on la retire sitôt rentré chez soi pour se donner l’impression d’être libéré de quelque chose, mais on ne sait pas de quoi.
D’ailleurs observons, que les frères aussitôt après la tenue retirent leur cravate avant de passer à table lors des agapes.

J’ai dit que la cravate, à l’origine était aristocratique, elle était le signe d’appartenance à la noblesse. Ne pouvons pas supposer alors que si l’on porte la cravate c’est uniquement pour se convaincre que l’on fait partie d’une nouvelle élite.

J’ose espérer que lorsque nous nous rendons en tenue nous francs-maçons, si nous mettons un costume et une cravate ce n’est pas pour faire comme le dimanche quand on va à la messe, car si on veut honorer quelqu’un ou quelque chose dans une église, dans un temple maçonnique il n’y a rien à honorer et surtout par le Grand architecte de l’univers, s’il existe.

Pour ma part, l’important n’est pas le port ou le non port de la cravate, l’important est de donner un sens à ce que l’on fait, l’important est de ne pas se cacher derrière la coutume, pour moi le fond prime sur la forme.
L’important est l’assiduité, le travail fait en loge et en dehors de la loge et l’implication à essayer de devenir meilleur.
Alors pourquoi porter la cravate, ou pourquoi ne pas la porter, c’est à chacun d’y réfléchir, et surtout, lorsque le sens est trouvé, respecter le choix de l’autre.

Peut être une piste à suivre, allons mes frères jusqu’au bout du raisonnement, si je porte une cravate, que celle ci n’est qu’un accessoire et non pas un signe de pouvoir ou de reconnaissance sociale, donnons un sens à ce que nous faisons, devenons des esthètes, attachons-nous au goût, et à la beauté, portons la cravate mais portons la, chamarrée, de couleur flamboyante avec originalité peut être aussi avec humour, que cette cravate nous rende plus beau et plus élégant, d’autant qu’au grade d’apprenti, nous sommes en pleine lumière,  nous vivons une nouvelle naissance, c’est une joie, et nous ne somme pas triste ni en deuil.

Enfin, permettez-moi, cet ultime questionnement : le bon sens populaire dit que l’habit ne fait pas le moine, serait ce la tenue habillée et donc la cravate qui font le maçon ? Un franc-maçon qui ne porte pas la cravate dans le monde profane mais seulement en tenue ne serait-il que maçon qu’à mi-temps, de midi à minuit, alors mes frères posons-nous la question, voulons nous  aborder l’être ou rester dans le paraître.

Enfin pour détendre cette planche à nœud, une réponse en clin d’œil à des questions que les hommes se posent souvent sur la cravate et particulièrement celle de notaire, si, si lorsque l’on parle de cravate tous les hommes y pensent, et l’imaginent, alors pourquoi cravate de notaire, je vais vous donner mon interprétation : les notaires ont souvent de gros problèmes de réflexion car il faut toujours résoudre le nœud du problème et comme souvent, on ne sait pas à quel sein se vouer, on doit  donc toujours rester entre les deux.

J’ai dit Vénérable Maître.

J\M\ D\

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