Obédience : NC Site : http://www.prismeshebdo.com 08/11/2007


Qui était
François Honoré Sylvain Delaulnaye ?

"Quoique profane, confiez-moi les cahiers, et je vous ferai un bon Tuileur avec les mots rectifiés et leur signification."
"Si l’homme fût toujours demeuré dans l’état de simple nature, il est plus que probable que jamais il n’eût conçu l’idée de la divinité." Disc. prélim. de l’hist. des relig. in-8, pag. 4.
De l’astrologie à la Franc-Maçonnerie :
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C’est à partir de la prise en considération de l’argument de la précession, qu’à la fin du siècle il sera permis à Charles François Dupuis, auteur de l’Origine de tous les cultes, à Volney, l’auteur des Ruines, à Delaulnaye d’élaborer une histoire des religions liée au déplacement du point vernal, c’est-à-dire le lieu du ciel - l’étoile, en fait - à laquelle est conjoint le Soleil ou dont il est proche quand commence le printemps (25 920 ans pour revenir à son point de départ). Le culte du Taureau aurait correspondu à un point vernal dans la constellation du Taureau, celui du Bélier lorsque celui-ci se trouvait dans la constellation du même nom : par la suite, on proposa que le christianisme, qui fut souvent symbolisé par le poisson, correspondît au décalage suivant. Mais étaient-ce les étoiles qui imposaient leurs décrets aux hommes ou les hommes qui se servaient d’elles comme d’un calendrier céleste ? Pourquoi ne pas annoncer une ère nouvelle, au bout de deux mille ans environ - l’ère chrétienne coïncidant grosso modo avec le début de l’ère des Poissons -, correspondant à la constellation qui, bientôt, accueillera le point vernal, ce qui rejoint le millénarisme de l’an 2000 ? Voici comment on passe d’une théorie explicative à une « prophétie » - celle de l’ère du Verseau. Ce serait donc en France que serait née, sous la Révolution, la théorie des ères qui fera le tour du monde et qui, prenant le relais de la théorie des grandes conjonctions, se situe dans le prolongement de la grande année de Platon.

Dupuis, membre de la convention, a également cherché à relier les travaux d’Hercule avec les signes zodiacaux, dès lors qu’on avait affaire à deux séries de douze. On retrouve en effet le héros solaire - proche de Samson (de shamash : « soleil » en sémitique) affrontant des êtres qui figurent également dans le zodiaque. C’est le cas du lion de Némée, du taureau de Crète. On pourrait le faire tout aussi bien pour Gilgamesh, le héros babylonien. L’astrologie devient une clef pour comprendre les cultures et faire apparaître une certaine identité de structure, ce qui annonce, d’une certaine manière, le comparatisme moderne.

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Séparée de l’astronomie, passée du service d’une élite dirigeante et puissante vers celui des particuliers, certes plus nombreux, désireux eux aussi de se trouver un destin et de se protéger contre la pression sociale, l’astrologie allait séduire la mère de famille, et serait d’ailleurs de plus en plus symbolisée par une femme, une Madame Irma dont l’archétype est Mlle Lenormand, la « sibylle du XIXe siècle », qui publie pendant la Restauration ses Mémoires sur l’impératrice Joséphine, au point que certains auteurs prirent des pseudonymes féminins, tel Collin de Plancy...

Delaulnaye : un profane éclairé ?

Delaulnaye figure dans le dictionnaire de D. Ligou comme « écrivain maçon français », auteur du Tuileur des trente-trois degrés de l’Écossisme ancien dit accepté (1813 pour la première édition, 1821 pour l’autre), « le plus ancien Tuileur de ce Rite en langue française que l’on connaisse », et de Mémoires sur la Franc-Maçonnerie (1806). Est-ce que ceci explique cela, je veux dire, Delaulnaye est-il maçon parce que le titre de ces ouvrages implique un auteur maçon ?

J.-M. Ragon, qui à la fois se sert de lui et le contredit dans son Cours philosophique et interprétatif des Initiations anciennes et modernes, explique ainsi les erreurs d’interprétation qu’il impute à Delaulnaye :

M. Delaulnaye n’était pas initié : sa pensée le prouve. Je lui ai souvent reproché de n’avoir qu’une clé (la génération des corps), ce qui l’empêchait de se rendre un compte vrai de la plupart des mystères anciens. Je connus, en 1808, chez le frère Fustier, vénérable de la loge le Point-Parfait, tenant une agence maçonnique rue Jean-Jacques Rousseau à Paris, M. Delaulnaye, homme fort érudit, employé chez le frère Fustier. Un jour que je me plaignais, devant les officiers du Grand Orient, de la manière plus qu’inexacte dont étaient copiés les cahiers de grades [...] et dans lesquels les mots se trouvaient, pour la plupart, travestis au point d’être indevinables, M. Delaulnaye, qui connaissait l’hébreu, s’écria : Quoique profane, confiez-moi les cahiers, et je vous ferai un bon Tuileur avec les mots rectifiés et leur signification. Je le pris au mot. Je lui remis la collection, fort rare alors, des trente-trois grades, et deux ans après parut LE TUILEUR qui effectivement était alors le meilleur des ouvrages de ce genre. Mais, en 1820, il fut surpassé, pour l’exécution, par le Manuel Maçonnique, ou Tuileur de tous les rites, par le frère Willaume, Maçon fort instruit, auteur de l’Orateur Franc-maçon.


Le Thuileur de Delaulnaye se relie doublement à l’ouvrage inachevé des années 1790. Il est, comme l’indique son titre, « suivi de l’exposé du système de la génération universelle des êtres, selon la doctrine symbolique des Anciens », où se trouve, sous forme brève et condensée, la théorie de l’Histoire des religions (l’édition de 1813 le présente comme « extrait d’un ouvrage encore manuscrit ») :

L’Aspect de l’Univers offre aux yeux de l’observateur une rotation perpétuelle de Créations (aggrégations), de Destructions (disgrégations), et de Régénérations [...] le Mouvement, ou, si l’on veut, Dieu, l’Esprit, le Feu,les Atomes, la Matière subtile, l’un de ces principes, dis-je, est la cause efficiente de ces divers états de la Nature [...] C’est le bienfaisant Osiris, c’est le redoutable Typhon. Ces Dieux sont frères, ou plutôt ils ne font qu’un seul Dieu.

Les mythologies, sous une « immense variété de fables, de rites, de symboles » (quelques catalogues chantent la litanie de l’identité et de ses variantes), toutes également physiques, mâchent et remâchent les « combinaisons » de figures qui expriment ce « système ». C’est par lui que Delaulnaye explique les symboles du grade maçonnique de Maître, pour instruire, dit’il, des initiés ignorants d’eux-mêmes. Ainsi dans l’Histoire des religions, le système de la génération des êtres expliquait la mythologie, les Mystères anciens comme modernes, c’est à dire maçonniques : par exemple, « les préceptes des francs-maçons sur le nombre des lumières qui doivent éclairer leurs loges », la lettre G, le « sénaire hiéroglyphique des francs-maçons », etc. Deuxième trait de proximité : l’auteur s’en prend au principe et à l’existence des Mystères. Si le système physique des Anciens est beau, son occultation volontaire, cet accaparement de la science, est un crime. Les pages préliminaires du Thuileur, dans son édition de 1821, commencent par montrer le poing fermé de Fontenelle, rétenteur de la vérité. Verdict : Théocratie !


Théocratie :

les premiers Théocrates eurent pour objet, en instituant les Mystères,
 1° De fixer des éléments des diverses connaissances acquises [...]
 2° De mettre ce dépôt précieux à l’abri du ravage des siècles [...] et des bouleversements
 3° D’EN INTERDIRE FORMELLEMENT LA CONNAISSANCE AU VULGAIRE.
 4° D’ASSERVIR l’homme par un culte de latrie, dont eux seuls connaîtraient l’allégorisme, en présentant à son adoration une suite d’emblèmes matériels, susceptibles à dessein de plusieurs interprétations afin de mettre en défaut la pénétration des profanes et de les tenir ainsi dans une perpétuelle dépendance.

Même effet de soulignement outrancier, un peu plus bas, pour dire «  l’insatiable SOIF DE DOMINER  ».
En outre, écrit Delaulnaye, on n’a plus besoin d’emblèmes pour étudier la nature : « les sociétés secrètes, de quelle nature qu’elles soient » sont donc « ou dangereuses, ou inutiles, et, par conséquent, dangereuses encore ; car dans un sage gouvernement, tout ce qui n’est pas utile nuit. »

« Toute corporation partielle est un monstre » : c’est le ton même de Volney, dans les Ruines, sur les « associations secrètes », les « corporations ennemies du reste de la société ».

On peut s’étonner de trouver un Tuileur introduit par un tel réquisitoire !

Les Francs-Maçons, nous dit-on, étudient la Nature. Sont-ils donc les seuls ? Et, depuis qu’ils l’étudient, ont-ils fait quelque découverte qui appartienne exclusivement à l’Ordre ? Ils pratiquent les Vertus !... Faut-il donc s’isoler de ses semblables pour les pratiquer ? faut-il surtout les regarder comme profanes ? [...]


Il voit proliférer « toutes les folies, toutes les monstruosités » :

Mais, allez-vous vous écrier, ce sont les abus de la Maçonnerie que vous signalez [...] De grâce, calmez-vous, cher Enfant de la Veuve. Retranchons, j’y consens, toutes les folies que je viens d’entasser, et qui figureraient mieux dans le roman de Cervantès que parmi des hommes sensés. Que vous restera-t-il ? Une société de citoyens, honnêtes et paisibles (je veux bien le supposer), jouant tristement à la chapelle autour d’un cercueil, et déplorant la mort d’Hiram, comme madame Dacier pleurait celle d’Homère.
L’édition de 1813 n’arborait pas à son début ces pages virulentes (ni la même épigraphe), quoique l’Avertissement semble faire sonner assez ironiquement les « secrets ineffables ». Le texte même du Thuileur contient un certain nombre de pointes. L’interprétation de Tubalcaïn, par exemple, possessio orbis :
On veut communément que ce nom ait été choisi pour mot de passe, parce que Tubalcaïn fut, suivant l’Ecriture, le premier qui forgea les métaux. Mais, si l’on réfléchit à la signification des deux mots hébreux, on reconnaîtra facilement, dans leur assemblage, le vœu secret de l’Hiérophante, du Templier, du Franc-Maçon, de tout sectaire mystérieux, celui de gouverner le monde par ses principes et même par ses lois...
L’érudition, qui fait la leçon sur la vraie origine, s’accompagne d’une dérision (toujours très sensible chez Delaulnaye) du dégradé, de l’usuel, qu’il trouve absurde :
"Benchorim, Akar, Iakinaï.
En loge, on traduit ces trois mots par Franc-Maçon, ô Dieu, tu es éternel !
Cette traduction rappelle celle des mots turcs du Bourgeois-Gentilhomme. Si, en ajoutant des liaisons qui n’existent point, on voulait former un sens avec ces trois mots, cela signifierait..."

C’est une espèce de mordant érudit, qui dans l’exercice même de l’érudition, et se consacrant à elle, découvre un arrière-rire typiquement voltairien,

"Zizon que l’on traduit par Balustrade. Voici un exemple frappant d’une altération qui a fait perdre jusqu’au sens du mot primitif.
Zizon n’est d’aucune langue ; à la place de cette parole insignifiante, il faut dire : Ziza + (Splendor) (Paral. I, 2, 33) C’est un fils de Jonathan, d’où les Rabbins ont fait leur fameux oiseau Ziz, qui, lorsqu’il ouvrait les ailes, dérobait à la terre les rayons de l’astre du jour. Mais Dieu le sala prudemment au commencement des siècles, ensemble avec le poisson Leviathan de Job, et ce mets exquis doit faire, pendant l’éternité bienheureuse, la nourriture des Fidèles. Ils auront pour breuvage le vin recueilli par Noé lui-même dans les celliers du Paradis."
L’effet caustique est propre à Delaulnaye. Ainsi le Tuileur concurrent de Vuillaume (1820) donne Ziza sans sel, et Benchorim, Achar, Jachinaï sans commentaire.

Son interprétation de Thubalkain par possessio mundana prend position contre Delaulnaye, intention qu’explicite la note dans l’édition de 1830 : « L’auteur du Tuileur de l’écossisme traduit Thubalkain par possessio orbis, pour arriver à imputer à la maçonnerie une ambition qu’elle n’eut jamais, et qui ne peut entrer dans l’esprit tolérant de sa constitution. »

Si l’on compare les propos préliminaires de Delaulnaye et de Vuillaume, la personnalité provocatrice du premier Thuileur se dessinera mieux encore, par contraste. Mais il semble qu’elle reste le plus souvent invisible, comme transparente pour les utilisateurs. Ragon dispute sur un point d’interprétation, tout en rendant hommage à la science de l’auteur. Il ne relève pas, semble-t-il, sa prise de position agressive : il l’ignore.

Thory accorde une mention assez flatteuse au Thuileur de Delaulnaye ; J. Tourniac la rappelle, dans sa préface à la réimpression de 1975 du Tuileur de Vuillaume. Paul Naudon, dans Histoire, rituels et tuileurs des Hauts Grades Maçonniques, va droit au contenu savant et documentaire, traversant ce qui ne relève pas de lui. Il fait plus de cas de Delaulnaye que de Vuillaume.


Sa lecture est celle d’un historien du rite plus encore que du « rituel » ou du « tuileur » (pris comme des formes elles-mêmes historiques). Ainsi le souligne la formule de la conclusion, « cette étude, que nous avons voulue essentiellement historique et objective sur le plan de l’institution des hauts grades maçonniques et sur celui des idées qu’ils représentent. » Dans l’utilisation instrumentale du Thuileur (P. Naudon renvoie à l’édition de 1821), ce qui tient au renseignement sur le rite reste, ce qui tient à l’historicité même du Thuileur disparaît.


Delaulnaye, s’il vit encore, vit ainsi par son Thuileur, et par le sérieux de son engagement dans l’érudition maçonnique. C’est un paradoxe que ce fracasseur de mystères, et de « sectaires », écrive finalement pour un public bien spécialisé. L’Histoire des religions, et tous les énormes projets, aboutissent ainsi à de petits ouvrages d’érudition maçonnique, le Thuileur, la Récapitulation de toute la Maçonnerie, ou Description et explication du l’hiéroglyphe universel du Maître des Maîtres105, nouvelle exposition du système de la génération universelle et explication par les mystères antiques. On lui attribue encore des Mémoires sur la Franc-Maçonnerie (« par une Société de Maçons », 5806, 16 p.), où s’expriment la même théorie, et la plus grande admiration pour les cosmogonies antiques et primitives,
« ce corps imposant de doctrine, cette science universelle et secrète, partage des seuls initiés, qui traversa les siècles sans éprouver d’altération sensible », la « description de la force vitale, dans la formation, dans la reproduction du Monde », le « tableau figuré [...] de l’opinion des premiers hommes sur le phénomène de la Génération universelle. »

On reconnaît aussi un sens caractéristique de l’ironie. Voici la question, en un mot : Delaulnaye est-il un maçon, ou un savant de la maçonnerie ? On serait tenté de croire que cet original suit une voie bizarre, s’installant dans une espèce d’à-côté de la maçonnerie, initié en quelque sorte par l’érudition de l’antiquité.


Pour lui, la maçonnerie a un Sens, le sens ancien, original, - le beau système, mais périmé, des Cosmographes et Mythographes, système de la nature universelle, lui-même universellement redit sous mille formes, système du Feu générateur, de la Vie circulante, que Delaulnaye répète, de texte en texte, dans un style ardent, tout en rappelant que c’est l’opinion des Anciens, non la sienne : on dirait que cette Science périmée, dont il réinvente le système, lu entre les lignes des énigmes, est un bonheur pour la sensibilité matérialiste ; qu’elle sert, sans qu’il y ait d’illusion sur sa valeur scientifique, de représentation comblante du monde, de son circulus, de son roulement de vie, de sa « force expansive »...

Ce qui n’est pas ce sens appartient à la végétation de la folie humaine, entretenue par le couple du sot et du fripon. « J’entreprends un long et pénible ouvrage » : ainsi commençait l’Histoire des religions, affrontée à la « multitude d’absurdités religieuses » :
« C’est icy, vous eût dit Rabelais en son vieux langage, que sont pourtraites au naturel toutes les mimes et momeries, qui, depuis tant et si grand nombre d’années, fascinent les pauvres humains, et les tiennent comme affolés de crainte vaine [...] Crois-moy, chasse au loin ces pestes publiques [...] et si tu rencontres jamais des hommes se querellant sur des points épineux de leur théologie [...] dis avec le poète philosophe :
« Spectatum admissi risum teneatis, amici »
Ainsi la conclusion du Thuileur tranche entre un absurde et un antique (synonyme de sens) :
"Excepté les trois premiers grades de la Maçonnerie, qui, par eux mêmes, n’ont rien de bien dangereux,
Qui sont vraiment antiques,
Qui sont Éthiopiens, Égyptiens, Assyriens, Persans, Juifs, Turcs, Chrétiens, qui sont UNIVERSELS, parce qu’ils ont pour objet unique, immédiat, la connaissance de la nature, laquelle est une, universelle, invariable, Qu’excepté ces trois premiers grades, Tout le reste n’est que chimère, extravagance, futilité, mensonge, etc."
Aucun n’est valable : l’absurde est absurde, l’antique, avec ses emblèmes, ses métaphores, son système et le langage de son système, est dépassé.

Delaulnaye donne l’exemple, me semble-t-il, d’un matérialisme chaleureux et intuitif : il voit la matière vivante, mais qui a peur de tomber au piège de ses images et de ses mots :

" C’est ce prétendu principe créateur, qui, chez les peuples de l’antiquité, reçut les noms divers de Pan, d’Isis, de Cneph, de Jupiter ; qui fut le Spiritus orbis, le Rouach des Hébreux, le Dieu tout-puissant des chrétiens, et que plusieurs philosophes, quoique matérialistes, n’ont pu s’empêcher de personnifier, l’appelant à leur gré Nature, Ame de la vie, Essence, Principe vivifiant : expressions plus poétiques qu’exactes, et qui me sont échappées à moi-même au début de cet ouvrage."

Il reste à habiter le matérialisme au passé -la Science belle et morte-, celui qui donnait des images, la Philosophie poétique et scientifique. La maçonnerie n’est-elle pas pour Delaulnaye cette présence de l’Antique ? cela fait d’elle, telle qu’elle est, un objet à la fois recherché et nié. Ses secrets sont au savant de l’origine, qui, seul, armé seulement de ses lumières et de son courage, a parcouru les souterrains labyrinthiques de l’allégorie, faisant un texte avec les débris.

«  Quoique profane, je vous ferai un bon tuileur.  »

Ces mots, s’ils sont exacts, entrent en écho avec l’Avertissement de 1813, où l’auteur, répondant aux Maçons qui l’accuseraient de divulguer les secrets, prend position en face d’eux : « Vous seuls êtes coupables »... Vous avez perdu, par « le désordre et l’ignorance », le « trésor précieux que vous avaient transmis les anciens sages ».

Delaulnaye a nettoyé « cette étable d’Augias » :
« vous devez applaudir à ses efforts, de même qu’il admire les leçons de sagesse et d’humanité que peut offrir à ceux qui les savent connaître, les emblèmes et les cérémonies maçonniques. » Le Thuileur est un envoi aux Maçons de la part de celui qui connaît la maçonnerie. Cela rejoint le motif du savant qui connaît mieux que l’apôtre, le prêtre ou le fidèle, la doctrine de ces derniers. Destutt de Tracy, analysant l’Origine de Dupuis, admirait le sujet « unique en son genre » : dans les sciences physiques, on fait des expériences, il faut bien voir et bien conclure ; en histoire, recueillir, comparer, etc. « Mais ici, il ne s’agit de rien moins que de savoir mieux que ceux que l’on consulte, ce qu’ils ont voulu dire, et de comprendre mieux qu’eux-mêmes le sens de leurs écrits. »

Excellente définition de ceux qu’il ne faut certainement pas appeler des historiens, mais des savants de l’origine. Delaulnaye est un auteur peu fréquenté. On sait peu de chose de lui. Voici l’épitaphe par Michaud : « littérateur savant et laborieux, mais que sa bizarrerie et ses goûts crapuleux ont empêché d’obtenir la réputation due à ses utiles travaux ». Français, et bientôt ramené en France, il est né en 1739 à Madrid. D’où peut-être sa ponctuation curieuse (inspirée de l’espagnol ?), qui met le point d’interrogation avant la question, et en met parfois un autre, à l’envers, à la fin ; qui met de même le point d’exclamation au début : En effet ? qu’est-ce qu’une religion ¿ ; c’est l’institution d’une ou plusieurs divinités [...] Mais ? qu’a-t-on entendu par ce mot divinité ¿ (P. 35.)  ! Combien le genre humain se fut épargné de maux. (P. 34.)

Études brillantes et variées. Intérêt particulier pour la musique115. Connaissance des langues anciennes et modernes.

Récompensé par l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 1789 pour sa dissertation De la Saltation théâtrale, ou Recherches sur l’origine, les progrès et les effets de la pantomime chez les anciens (imprimée en 1790). Il se tient à l’écart pendant la Révolution, et reparaît à Paris en 1796. Partisan de la douceur dans les réformes, il a lancé plusieurs pamphlets contre la Révolution. Il est partisan des Bourbons en 1814.


Dissipateur de sa fortune, et forcé d’écrire pour vivre. Bibliographie abondante, qui commence en 1786, par la Description et usage du respirateur antiméphitique... Activité d’édition considérable : Oeuvres de Rousseau (avec l’abbé Brizard, 1788) ; Lettres d’Abailard, avec une Vie d’Abailard (1796) ; Apulée (Fable de Psyché, avec une Dissertation, 1802). Édition et commentaire de Rabelais (1820-1823), traduction de Cervantès (1821). Erotica verba, Rabeloesiana, etc.

Il a aussi beaucoup promis : un Essai de bibliographie encomiastique, une Bibliothèque antiencomiastique, une Théologie des nombres, un Traité des Mystères... Goût remarquable pour les éditions de luxe (typographie, gravures, papier).
« Il avait fait une étude spéciale des sciences occultes et s’était livré à des recherches très étendues sur les mystères de l’antiquité, sur les sociétés secrètes du moyen âge et sur les jeux et débauches des différents peuples » (Michaud).
Solitude, ivrognerie, misère. « Ses manuscrits furent vendus au poids par l’administration de l’Assistance publique » (Grande Encyclopédie Berthelot), leur auteur étant mort à l’hospice de Sainte-Périne de Chaillot en 1830.
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Voir la présentation de l’éditeur
Claude Rétat : Chroniques d’histoire maçonnique n° 50 / Année 1999 CNRS - Institut des Sciences de l’Homme (IHS)Lyon
Bibliographie  : Hiram ou la malédiction de Caïn. Voir le dossier de presse et commander le livre ici

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