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A la recherche de la parole perdue

Quand j’ai fait ma demande pour entrer en F\ M\ ma motivation principale était une remise en cause de moi-même, de mes idées, de ma façon de voir les choses.

J’ai travaillé les symboles, je me suis servie d’outils mais c’est avec cette planche, source de nombreuses réflexions et questionnements que je pense être allée le plus loin dans mon introspection personnelle à la recherche de ma vérité.

Adam et Eve, Noé, Isis et Osiris, Hiram, paradis, parole, objet, de nombreuses traditions font allusion à un bien perdu ou disparu mais quelque soit le mythe, la symbolique a toujours la même signification : il faut nécessairement une mort, une perte, une rupture pour permettre l’accomplissement du cycle mort-renaissance.

Bereskniak a écrit « la tradition enseigne la nécessité absolue d’une transgression afin d’obtenir la progression ».

Mourir et renaître, c’est voir le monde autrement, c’est aller plus loin.

De nombreuses légendes mettent en scène le thème du meurtre de l’initiateur par l’initié, celui qui sait doit communiquer mais le novice doit arracher le secret car il doit s’approprier la connaissance mais doit surtout la dépasser par sa propre réflexion et sa propre expérience s’il ne veut pas rester sous la dépendance du maître. L’élève doit dépasser le maître pour progresser.

Nous venons toutes des loges de St-Jean. Certaines ont la bible comme 3ème lumière. Bible ouverte au prologue de l’évangile de St Jean qui débute ainsi : « au commencement était le Verbe », le Verbe qui n’est rien d’autre que la Parole.

Dans la pensée grecque, la Parole, le Logos a signifié non seulement le mot, la phrase, le discours mais aussi la raison et l’intelligence.

Alors quels que soient les croyances et les dogmes, la Parole symbolise d’une façon générale la manifestation de l’intelligence dans le langage. Elle est un outil de transmission. Elle est la vérité et la lumière de l’être.

« Mot » vient du latin « muttum » qui veut dire « ne souffler mot - ne prononcer aucun son - ne dire mot ». Plus tard, il prit le sens de parole, « Parole » dont la définition est mot ou ensemble de mots servant à exprimer la pensée.

Cependant, on peut faire une différence entre « mot » et « parole », entre écrit et oral. Le mot est écrit, la parole est prononcée.

Tout au long de notre chemin initiatique maçonnique, le rapport à la parole est important. Notre 1er devoir d’apprentie est l’obligation de silence, d’où l’absence de parole, difficile pour certaines, bienvenue pour d’autres dont je fais partie. Mais la vrai raison de ce silence n’est-elle pas de permettre l’écoute, écoute de l’autre mais écoute de soi-même et se taire ne signifie-t-il pas de faire taire tous les préjugés qui nous encombrent et nous empêchent de voir et d’entendre.

L’enseignement initiatique commence par la culture du silence, c’est-à-dire à l’opposé de la parole.

Nous possédons cependant un mot sacré mais nous avançons prudemment, nous ne sommes pas capable de le prononcer, nous épelons seulement.

« Je ne sais ni lire ni écrire, je ne sais qu’épeler » est l’expression même de notre ignorance.

Une fois Comp\ la 1ère fois que l’on prend la parole, c’est souvent en se forçant un peu et en bravant une timidité naturelle.

Au cours du 3ème voyage, la comp\ découvre les arts libéraux avec la grammaire et la rhétorique et pourtant quelle difficulté nous éprouvons pour dire et énoncer correctement notre pensée.

Outre un mot sacré comme au 1er grade, la Comp\ possède un mot de passe, mot de passe qui est une nouveauté pour la Comp\.

Ce mot de passe « SCHIBBOLETH » s’il est mal prononcé entraîne la mort selon le récit biblique de la guerre entre Galaad et Ephraïm alors que s’il est correctement dit, il permet le passage du gué.

La Comp\ doit donc le connaître et savoir le prononcer correctement car elle va en avoir besoin, besoin pour passer…pour accéder à quelque chose d’autre.

Symboliquement, ce passage est une épreuve, c’est entrer dans un autre monde qui va nous conduire encore plus loin.

Mais pour nous Comp\ il ne suffit pas le prononcer correctement, encore faut-il en comprendre le sens et chercher à l’approfondir, nous qui sommes la graine que l’on enfouit dans la terre et qui va renaître en épi.

Ce mot de passe est utile afin de poursuivre notre chemin et continuer notre progression avant l’élévation à la maîtrise.

Lors de cette cérémonie, si elle en est jugée digne, la Comp\ reçoit une preuve de mérite, un nouveau mot de passe. Ce mot est « Tubalcain ».

Tubalcain, aïeul d’Hiram, maître du feu, façonne les métaux, les transformant en outils ou en armes.

Il nous est dit dans notre rituel que Tubalcain suggère « possession du monde » mais ne faut-il pas interpréter ce mot, non comme domination du monde mais comme domination de soi. La référence à Tubalcain comme mot de passe signifie donc que l’on ne saurait être maître tant que l’on n’est pas descendu dans ses propres enfers afin de se rendre maître de son énergie intérieure.

Notre quête initiatique exige donc une remise en cause permanente de nous-même. Remettre en cause toutes les certitudes que l’on a acquises peut se révéler très difficile et même souvent très douloureux pour notre propre ego.

Si l’app\ et la comp\ cherchaient à se connaître, pour la maîtresse, cette tâche n’est pas terminée. Rassembler ce qui est épars à condition de savoir chercher, savoir et vouloir trouver ce qu’on pense être perdu, ce qui va nous conduire à la recherche de la parole perdue.

En F\ M\ la recherche de la Parole Perdue constitue l’essence même de notre démarche initiatique et donne un sens à la légende d’Hiram, Hiram, maître de l’œuvre, symbole de la connaissance.

Pour que la légende d’Hiram existe, il a fallu que celui-ci soit détenteur d’un mot, un mot qui fera du compagnon un maître.

La connaissance du mot de maître est le résultat à la fois de la transmission initiatique et de l’aptitude à le recevoir.

Les 3 mauvais compagnons ne le possèdent pas mais ils désirent l’acquérir.

Hiram a préféré mourir plutôt que de révéler le mot de Maître. Une fois le maître tombé sous le troisième coup mortel, la parole ne peut plus être transmise, elle est perdue à tout jamais.

Mais quelle est donc cette parole perdue du Maître ? Parole dont l’importance parut telle à notre Maître Hiram qu’il préféra la mort plutôt que de la donner à ceux qui la lui demandaient avec des menaces, prêts à les exécuter ?

Les 3 mauvais Comp\ pensaient qu’avec ce mot secret, ils obtiendraient la communication d’un savoir qui ferait d’eux des Maîtres.

« Insensé » dit Hiram au 1er comp\ avant que celui-ci ne le frappe. « Ce n’est pas ainsi que je l’ai reçu ni qu’il doit se demander. Travaille et tu seras récompensé ».

Et en tant qu’app\ nous l’avons travaillé notre pierre brute, avec le maillet, le ciseau et le fil à plomb, symbole qui nous ramène au plus profond de nous-même mais aussi grâce à l’approfondissement du « Connais-toi toi-même » et de « V.I.T.R.I.O.L. »

Notre propre construction passe donc par la connaissance de notre être intérieur et par une transformation qui nous mènera à notre propre accomplissement.

Au grade de comp\ nous avons taillé, construit, glorifié inlassablement le travail pour chercher toujours et encore le centre de nous-mêmes, ce qui va nous conduire à la recherche de la parole perdue.

Toute notre démarche initiatique nous indique que nous devons rechercher inlassablement cette Parole Perdue.

L’objet de notre quête est donc la parole perdue qui sera désormais le centre de notre réflexion. Il faut rechercher ce qui a été perdu, oublié qui se trouve dans les profondeurs de notre conscience, pratiquer l’introspection. D’où viens-tu ? Qui es-tu ? Où vas-tu ? Nous invite constamment à nous situer dans la bonne orientation et donner un sens à notre vie.

La parole perdue serait-elle alors la clé de la construction du temple ? De la construction de notre propre temple ? Serait-elle la clé de voûte, symbole de l’équilibre, de la solidité et de la stabilité de notre propre édifice ?

Nous devons alors nous plonger à l’écoute de notre conscience et chercher sans relâche. Cette Parole a-t-elle été perdue ? Oubliée ou mal prononcée ? Est-elle incommunicable ? La Parole perdue ne le fut peut-être pas en tant que mot, mais la prononciation en a peut-être été altérée ?

Dans les traditions égyptiennes, seuls certains prêtres initiés connaissaient le nom secret de dieu et pouvaient le prononcer, qui plus est, correctement sinon la mort les frappait. Si la parole est perdue, le secret nous échappe, donc la connaissance.

Les 3 mauvais comp\ cherchaient la connaissance dans le secret de Maître Hiram, sans réflexion ni travail, à l’extérieur d’eux-mêmes. Ce n’est qu’en nous-mêmes que nous le découvrirons. Ce travail est un travail personnel intérieur de longue haleine, débuté dans le cabinet de réflexion, le jour de notre initiation. On ne devient pas maître en un instant, il faut 7 ans et plus.

On ne peut accéder à la maîtrise que par des efforts constants, par une remise en question, par la marche à reculons.

La Parole perdue va-t-elle nous apporter la lumière, la tolérance, le savoir ? Ne faut-il pas avant se débarrasser de toutes nos imperfections, vanité, égoïsme, orgueil, se débarrasser des idées reçues, des certitudes, être conscient de ses forces et de ses faiblesses, des vérités que nous imposons aux autres, des changements que nous refusons ? Quelles difficultés de trouver l’équilibre.

Cette parole perdue se rapporte-t-elle à la langue universelle et symbolique permettant à tout initié de comprendre l’enseignement initiatique, tel le mythe de la tour de Babel où les hommes, par orgueil, ont perdu la connaissance ?

Si le symbole est perdu, il appartient au Maître d’en retrouver le sens, d’en retrouver le symbole pour que nous F\ M\ nous construisions notre temple avec les outils des constructeurs de cathédrales.

Avoir accès à cette connaissance initiatique est l’objectif de toute quête symbolique. Maître Hiram meurt sous les coups des 3 mauvais comp\ mais c’est l’initiée substituée à Hiram qui est ressuscitée par 3 MM\.

Et à cette nouvelle M\ relevée et verticalisée par les 5 points de la maîtrise, il n’est révélé qu’un mot substitué puisque la parole a été perdue avec la mort d’Hiram…

La signification de ce mot substitué MOABON, dont les initiales figurent sur le tablier de M\ n’est guère précise.

Des kabbalistes chrétiens à l’arbre séphirotique, selon les rites et les auteurs, les traductions varient. Le mot veut-il dire « Bon maçon » « fils de la putréfaction » « vie nouvelle » ? Raoul Bertaux, citant un catéchisme de 1725 propose « Marrow in the Bone » (« la moelle est dans les os ») indiquant que le secret de la F\ M\ doit être caché comme la moelle l’est dans l’os et une fois de plus nous invite à rechercher la vérité au plus profond de nous-mêmes.

Dans le REAA MOABON est le nom approximatif du fils de Loth né d’un inceste avec sa fille aînée.

Moab qui signifie « issu du père » et Ben qu’on traduit par « fils du père » laissent supposer que l’homme mort devient fils de la lumière en ressuscitant. Le Maître se perpétue ainsi dans chaque Comp\ qui revit par lui et forme ainsi une chaîne d’immortalité.

Ce mot MOA BON est le moyen de passage de la mort vers la vie, car c’est par ce mot que la V\ M\ achève le relèvement et la verticalisation de la nouvelle M\.

Maintenant c’est à la nouvelle M\ en devenir, d’être porteuse du secret de l’œuvre commencée et d’en assurer la transmission.

Transmission double puisqu’il y a transmission du mot sacré et transmission de la lumière puisque la Comp\ reparaît en « Hiram plus radieux que jamais ».

Selon la bible, Boaz a épousé Ruth, la glaneuse de blé, qui vit au pays de Moab, dans la vallée de Cithim qui est aussi le nom de l’acacia.
MoaBon serait donc lié à l’acacia, donc à la connaissance.
Alors, une fois élevée à la maîtrise et en possession des mots substitués, possédons-nous la connaissance ?
Le travail sur soi ne finit jamais, le but à atteindre ne s’achève jamais, alors faut-il se contenter de la parole substituée ?

Ne faut-il pas sans relâche poursuivre cette remise en cause, cette descente en soi, cette visite intérieure, c’est-à-dire cette quête à la recherche des secrets véritables de la M\ M\ pour chercher ce qui a été perdu, rassembler ce qui est épars, répandre la lumière et essayer de retrouver cette parole perdue, c’est-à-dire la vérité de soi ?

Ce travail m’a vraiment fait progresser par les recherches que j’ai faites et par ce que j’ai découvert en moi-même, j’ai appris à mieux me connaître, à me réconcilier avec moi-même. Ce travail m’a fait faire un pas de plus en Franc-Maçonnerie, il m’a permis d’aller plus loin…

Mots sacrés, mots de passe, parole perdue, mots substitués, je m’en suis servie de fil conducteur comme un fil d’Ariane pour me guider dans le long voyage initiatique que j’ai commencé le jour de mon initiation et que je poursuis inlassablement à la recherche de la parole perdue, mythe de l’éternel retour.

J’ai dit.

M\ J\


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