Obédience : NC Loge : NC 22/03/2011

Le Tableau de loge au 3è degré

D’entrée de jeu, évacuons un problème d’étymologie ; le Tableau de Loge correspond au Tapis de Loge qui ne doit pas être confondu avec le Tableau de la Loge, nom donné à la liste détaillée des renseignements des membres d’un Respectable atelier.

Le Tableau de loge  n’a pas toujours été tel qu’il se présente de nos jours. D’abord, tracé à la craie au sol au gré des endroits où les premiers Francs-maçons se réunissaient afin de sacraliser un local profane et requis pour le travail rituelique, on en est arrivé à une impression sur tissus et autres matériaux aux Tableaux ou Tapis de loge actuels.

Nous retrouvons sur un  Tableau de loge les différents emblèmes et symboles usuels du grade. Rappelons aussi qu’il est placé au point central de la Loge dans l’axe central du pavé mosaïque.

Le Tableau de loge du 3è degré objet de cette planche, tranche nettement avec ceux des 1er et 2è degrés; sur deux points au moins.

Premièrement : aux premier et deuxième degrés, sont représentés les outils, le Temple avec ses deux colonnes et l’escalier à trois ou cinq marches, les lacs d’amour, la pierre brute, la pierre cubique à pointe, l’étoile flamboyante et bien d’autres symboles et emblèmes. L’environnement ou plutôt le monde est ici terrestre, existentiel, le Temple est à construire. Dans le Tableau du 3e  degré nous découvrons la mort. En effet, au 3è degré, nous vivons un drame maçonnique nous invitant à réfléchir sur la mort à partir de la légende d’Hiram, le Maître Architecte qui, lors de l’inspection des travaux du Temple de Salomon est surpris et tué par les «trois mauvais compagnons».

Deuxièmement : au 3è degré, deux cas de figures se présentent :

-         Primo : le Tableau de Loge lors d’une Tenue normale au 3è degré (comme celle-ci)

-         Secundo : le Tableau de loge "vivant" lors de la cérémonie d’exaltation

Dans l’un et l’autre cas de figure, comment se présente le Tableau de loge ?

Le Tableau de loge normal : C’est un "carré long" avec un cercueil en son centre et, orienté tête à l’ouest et pieds à l’est. Les  dimensions, symboliques du cercueil sont : 3 pieds de largeur, 5 de profondeur et 7 de longueur.

On peut voir sur le cercueil :

-         En son milieu, un crâne posé sur deux ossements entrecroisés.

-         A la tête, un compas est ouvert, branches orientées vers l’orient.

-         Entre le crâne et le compas les initiales "M.B" ;

-         Après le crâne, un maillet, une perpendiculaire et un niveau entrecroisés.

-         Et enfin au pied du cercueil une équerre, branches tournées vers l’occident.

Avant le cercueil, sur le sol git une branche d’acacia. Certains tableaux de Loge représentent la branche d’acacia surmontant un monticule de terre.

Après le cercueil, en progressant vers l’Orient on note :

-         Côté nord : une planche à tracer

-         Côté sud : les trois grandes lumières, disposées rituellement

A l’Ouest, le  pavé mosaïque déborde dans le Tableau.

Enfin, trois issues aux côtés Ouest, Sud et Est complètent  la description du Tableau.

Le Tableau de loge "vivant" : nous l’avons dit, est « utilisé » lors de la cérémonie de réception au 3è degré. Il est vivant car dans un cercueil placé toujours sur la Pavé mosaïque prend place un Maître (généralement le dernier Maître reçu), les pieds tournés vers l’est. Son visage est couvert d’un mouchoir blanc tâché de sang. Nous savons aussi que dans la suite du Rituel, le Compagnon prend la place du Maître avant d’être relevé par les cinq points parfaits de la Maîtrise.

Les outils sont vrais, la branche d’acacia aussi ; mais les positions du compas et de l’équerre ont changé. A sa tête est plutôt placée l’équerre et à ses pieds le compas, ouvert vers le cercueil.

Analysant la scène, le corps est en fait inversé par rapport à une position qui pourrait sembler logique... pieds vers l'occident et tête vers l'orient, les outils restant en place ; c’est-à-dire le compas à la tête et l’équerre aux pieds.


Deux questions peuvent se poser à ce sujet :
S’agirait-il d’un arrangement "technique" pour donner un coup de main à la forme initiatique que doit prendre la scène du relèvement ?
Ou alors, comme les auteurs du meurtre du Maître architecte sont des Compagnons, ne serait-ce pas là encore la preuve de leur ignorance ?
Il y a là matière à débat.

Après cette première partie consacrée à l’approche descriptive de notre sujet, esquissons en une autre, maçonnique et rituélique.

A l’Ouest du Tableau de loge, il n’y a qu’une partie du pavé mosaïque visible. C’est comme s’il y avait eu un déplacement de celui-ci vers l’occident ou  comme si l’on avait avancé vers l’intérieur du Temple en le laissant derrière soi. C’est ce qui explique que l’Etoile flamboyante qui était à l’Orient lors de la réception au 2è degré, se retrouve ici à l’Occident face au compagnon quand celui-ci est introduit à reculons dans le Temple lors de la cérémonie d’exaltation. En réalité, me semble t-il, c’est la première fois au cours des trois premiers degrés que l’on pénètre réellement dans le Temple, le « Hékal.  Jusque là nous étions dans le «Ulam», le vestibule, le parvis. Rappelons-nous que les Apprentis et les Compagnons reçoivent leurs salaires auprès de leurs colonnes respectives, situées en dehors du Temple. Même pas; puisqu’ils ne peuvent gravir que le nombre de marches correspondant à leur âge!

Ensuite il y a la branche d’acacia. Représentée des fois surmontant un monticule de terre avons-nous dit plus haut. Dans le Rituel, le premier Surveillant répond : « l’acacia m’est connu » à la question suivante du Très Respectable Maître : « Seriez-vous donc Maître ? ». Dans le mémento du grade, cette réponse est plus complète : «L’acacia symbole de la vie perpétuelle m’est connu ». A dessein, j’ai évoqué le monticule terre…Dans nos campagnes, les morgues et les routes étaient rares et presque inexistantes dans le passé. Quand un parent décédait au village et qu’on résidait dans une ville lointaine, il fallait quelques jours pour se rendre aux obsèques. Neuf fois sur dix, à l’arrivée au village, elles avaient déjà eu lieu. L’on descendait du car (pour ceux dont le coin était désenclavé par une route); à la vue de l’arrivant, les pleurs qui avaient trouvé une certaine accalmie reprenaient. L’arrivant se dirigeait mécaniquement derrière la maison, allait vers la tombe. Il savait où elle se trouvait. Elle était là ; reconnaissable : par deux branches d’arbres plantées sur un monticule de terre ; la sépulture du défunt. C’est souvent un être cher : un enfant, une mère, un père, un parent proche. Les deux branches plantées à la tête de la sépulture m’ont fait penser à l’acacia dont on dénombre près de mille cinq cent espèces à travers le monde. En effet cet arbuste ne meurt pas. Les branches plantées sur la tombe poussent toujours et identifient à jamais la sépulture. C’est un symbole universel me suis-je dit. Laissons donc l’arrivant en pleine méditation auprès de la tombe de son parent.

Pour parler de ce qui l’a conduit dans son village : la mort.

La mort est figurée ici par le crâne et les os entrecroisés sur lesquels il repose.  La chair a quitté les os comme pour mettre en évidence ce qui restera de nous quand nous partirons pour la Grande Loge Eternelle. Le crâne c’est la certitude que l’on est bien mort. A l’ouest du Cameroun chez les Bamilékés, le crâne de l’ancêtre repose dans la case sacrée, sorte de Temple. Au Rwanda, les crânes des victimes du génocide peuplent le musée du génocide pour bien illustrer l’ampleur de la tragédie, il en est de même au Cambodge où les crânes des victimes du régime polpotien sont exposés aussi dans un musée.

Le crâne ou la tête, c’est surtout l’esprit, c’est ce qu’il y a d’impérissable en nous car la chair pourrit et «rejoint la matière». C’est aussi le siège de la bouche, origine de la parole perdue. Les deux os entrecroisés représentent comme une croix, la croisée des chemins, le centre où pointe le compas, l’endroit où on retrouve le Maître s’il est perdu. Endroit délimité sur le Tableau de loge par l’équerre et le compas ; compas à la tête, équerre aux pieds, les deux instruments par lesquels  le maître est éprouvé.

Entre le compas et les ossements, il y a les initiales "M.B" ; le mot sacré des Maîtres. Lui seul permet le relèvement du nouvel Hiram par les cinq points parfaits de la maîtrise. Qu’il s’agisse pour nous de lui donner la signification du REAA (Mohabon – fils du père) ou celle du Rite Français (MAC BENAH – La chair quitte les os), "M.B" nous donne la clé de la renaissance ; la chair a quitté les os, le père est mort mais l’esprit et l’âme survivent, le fils du père (Moab), renaît en son père.

Aux pieds, avant l’équerre, la perpendiculaire,  le niveau et enfin le maillet entrecroisés nous accompagnent dans notre voyage. La perpendiculaire et le niveau nous rappellent que notre voyage a commencé apprenti, puis compagnon. Maître, nous devons travailler autrement. Non plus pour dégrossir la pierre ou la polir, mais pour prendre la tête de la construction, diriger les ouvriers chargés d’édifier le Temple ; d’où le maillet.

Mais la construction ne peut être réalisée sans plans. C’est la raison de la présence de la Planche à tracer. Face donc à la Planche à tracer nous  permettant de réaliser les plans, le compas et l’équerre sont placés rituellement  sur le volume de la loi sacrée. Toute construction relevant de la modification de l’univers, nous Francs-maçons du REAA, avons coutume de placer nos travaux sous l’égide du GADLU afin qu’il nous inspire et nous protège. Il est coutume de demander une prière ou une messe d’actions de grâces avant de commencer la construction d’une maison ou d’un immeuble ; les peuples dans le passé offraient des sacrifices aux divinités avant chaque entreprise de construction. Ne nous étonnons donc pas que nos travaux soient placés sous l’égide du GADLU. Ici le Compas est sur l’Equerre, pour signifier que désormais l’esprit domine la matière. Le tout est soutenu par le Volume de la loi sacrée. Ces trois symboles nous renvoient aux différents serments que nous prêtons en Loge. Et dont la portée n’est pas toujours mesurée à juste titre. Nous ne mesurons pas assez la réalité du Volume de la loi sacrée. Quel qu’il soit : la Constitution Internationale au Droit Humain ou au Grand Orient de France, ou la Bible ailleurs. Méditant un jour à ce sujet, je me suis imaginé une Loge maçonnique dans mon village, une Loge composée des personnes de mon terroir natal, je dirais plutôt terroir ancestral dans la région du Mbam. A la place du Volume de la loi sacrée, on y mettrait une carapace de tortue. Nous pouvons être sûrs que dans ce cas, on aurait assurément une loge modèle ; point de retard (encore moins d’absence aux tenues), pas de cotisation payées en retard, respect strict des règlements ; etc. Et pourquoi ? La Tortue dans cette région est « Taboue ». On jure sur la Tortue (ou ce qui en tient lieu) comme le fait le président des Etats-Unis sur la Bible, celui de France sur la Constitution, ou la Sœur et le Frère du Droit Humain sur la Constitution internationale. Cette méditation m’a fait mieux comprendre la portée du serment maçonnique, partant aussi, du parjure.

Ceci étant  dit, projetons-nous dans le symbole que représente le Tableau de loge. Qu’est-ce que cet exercice  m’a apporté ?

Représentation graphique du Temple, le Tapis de Loge est donc « Le Temple ». De ce fait, mon travail aurait tout aussi bien pu s’intituler « Le Temple au 3è degré ». Mais le Temple c’est le monde, c’est l’univers, c’est aussi nous, en tant que créatures humaines, en face de la mort, seule certitude réelle que nous possédons. Mais la légende d’Hiram nous instruit et nous enseigne à ne pas nous arrêter à la mort. Car si nous mourrons, le monde, l’univers lui nous survit. Et si nous pensons que nous sommes le Temple en construction, que le monde ou l’univers sont le Temple, nous ne mourrons donc pas. Hiram meurt mais Hiram ressuscite en le nouveau Maître. Vivons donc notre vie présente en offrant aux autres et au monde ce que nous avons de nous en meilleur ; laissons aux nouveaux Hiram, une prospérité meilleure que celle qui nous a été léguée, afin qu’un monde meilleur continue à se bâtir. C’est aussi cela la recherche de la Parole perdue. Il ne faudrait donc pas voir ici seulement la mort physique et nous y arrêter. Transcendons cette situation pour nous positionner dans un autre plan : la chute de l’Homme, le Paradis perdu à retrouver.

De la mort d’Hiram se dégage la notion de pérennité, symbolisée par la branche d’acacia. Quand le Maître dit : «L’acacia m’est connu », cela ne voudrait-il pas dire qu’il connaît le secret de son immortalité, qu’il s’est identifié à cet arbre dont la vie ne s’arrête pas ? Mais toute vie suppose un travail ; toute vie doit être maintenue pour se perpétuer. Elle ne nous est jamais offerte gratuitement. Si nous n’offrons jamais rien, pourquoi nous serait-elle offerte gratuitement ? La loi du Talion « Œil pour œil, Dent pour dent » prend ici tout son sens ; On ne récolte que ce que l’on sème.

Elevé au grade de Maître, l’on peut avoir l’impression d’arriver au terme du voyage initiatique. Pure illusion ! L’initiation est un voyage qui transcende notre vie et qui continue outre-tombe, aux parvis de la Grande loge éternelle. Au sein de son atelier, le Maître est appelé à perpétuer le travail commencé depuis la nuit des temps, à faire vivre sa Loge, son Obédience et la Franc-maçonnerie. Avec les plaisirs et les amertumes, les hauts et les bas ; il s’aperçoit alors qu’il doit se remettre en cause tout le temps; tout lui a été dit et donné le premier jour quand il fut reçu Apprenti Franc-maçon : V.I.T.R.I.O.L, la Porte basse, la cérémonie des coupes et, aussi et surtout les trois voyages initiatiques. Comme pour nous aider à bien vivre notre vie, à bien continuer notre cheminement initiatique, des outils symboliques nous sont offerts ; ceux représentés sur le Tableau de loge. Il en sera ainsi jusqu’à notre minuit. Le Maître mourra certainement ; mais, ressuscitera à travers les autres.

La méditation sur le Tableau de loge m’a permis aussi en tant que Grand-Expert de me plonger attentivement dans le Rituel. Ainsi, j’ai pu m’apercevoir de la non concordance des positions du compas et de l’équerre, entre le Tableau de loge et la cérémonie d’exaltation. Nous en avons parlé au début de la Planche.

Bien vécu et bien exécuté, le Rituel du troisième degré nous amène très loin. Le deuxième paragraphe de la page deux du mémento dit : "les Maçons allant plus loin, nous font descendre dans la tombe; et là, tandis que nous allégeons notre esprit de nos anciens préjugés, ils nous instruisent encore par la vie du Maître". Fin de citation. Bien exécuté, l’on doit s’imaginer descendre assurément dans la Tombe.

Enfin, tracer le Tableau de loge constitue en lui-même un rituel dans le Rituel. De par l’endroit où il est tracé ou déroulé : le Pavé mosaïque, situé au-dessous du fil à plomb, dans l’"axis mundi", au centre du la Loge, du Cercle où on retrouve le Maître. Ceci m’a fait penser au Tabernacle des Hébreux avec son Arche d'Alliance protégée par des peaux, et décrite dans le Livre d’EXODE, dans la Bible. En effet, l'Arche d’alliance était confiée aux lévites ; personne ne devait la toucher. Dans le deuxième livre de Samuel, le roi David ayant décidé de monter à son palais l’Arche qui résidait à dans la maison d'Abinadab, il se produisit un accident ; le chariot, tiré par des bœufs, était conduit par Oza. En cours de route, il y eut une mauvaise manœuvre;  celui-ci toucha l'Arche pour la retenir et l'empêcher de tomber. Et Oza tomba foudroyé. Peut-être est-ce la raison pour laquelle  il est de coutume en Franc-maçonnerie de recouvrir le Pavé mosaïque, concentré de tous les antagonismes, contraires, différences, etc… par le voile protecteur qu’est le Tableau de loge…

Pour qu’ainsi protégés des radiations foudroyantes de toutes sortes, nous voyagions de l’orient vers l’occident, du  nord au sud et sur toute la terre afin de «retrouver ce qui a été perdu, rassembler ce qui est épars et répandre partout la lumière».

J’ai dit !

L\B\ G\                                                                                                                                 

Bibliographie :

-         Mémento de l’apprenti du Droit Humain

-         Mémento du Maître du droit Humain

-         Rituel du 3è degré du Droit Humain

-         Rituel du 3è degré de la GLDF tiré du site www.cherchant.net

-         La Bible de Jérusalem


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