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Le Tableau de Loge au Grade de Maître

Le tableau de loge du 3ème degré que nous découvrons après notre « affranchissement de la mort symbolique » nous interpelle car nous avons beaucoup de peine de prime abord à faire le lien entre les tableaux que nous avons connu auparavant. Ce qui nous frappe d'emblée c'est cette impression de sobriété, de dépouillement, qui s'en dégage, nous qui avons été habitués au foisonnement d'images symboliques contenues dans le tableau d'apprenti et de compagnon. Les deux tableaux nous apparaissaient quelque peu semblables et les quelques différences ne se justifiaient que par le degré d'avancement des frères. Au premier et au deuxième degré figuraient les outils, le temple, la chaîne d'union. Au troisième degré un cercueil, une tête de mort sont offerts à nos yeux médusés. Quel est le lien, la logique qui préside à ce qu'il convient d'appeler une rupture ? Et pourquoi cette impression de pénétrer dans une autre Dimension ?

L'inspection attentive du tableau de loge nous amène à découvrir les éléments suivants : Au centre du tableau un cercueil, sur celui ci l'ouest en est un compas ouvert vers l'est, deux lettres MB, une tête de mort avec deux os entrecroisés, des outils : un niveau, un fil à plomb et un maillet, et, enfin une équerre ouverte vers l'ouest. A la tête du cercueil, à l'occident, une branche d'acacia.

Au bord du tableau, à l'ouest une partie de Pavé Mosaïque, à l'est une planche à tracer et de nouveau l'équerre et le compas réunis au-dessus du volume de la loi sacrée. Dans l'orientation du cercueil les pieds sont à l'est et la tête à l'ouest dans la direction du « pays des morts » (J. P BAYARD « Symbolisme Maçonnique traditionnel », orientation que nous retrouvons dans le rituel de l'église catholique, mais aussi chez certains peuples de l'antiquité notamment les Celtes, où le corps des défunts est placé dans la même position : Les pieds à l'orient afin que leur visage soit tourné vers le soleil levant. Notons que dans le rituel c'est la position que prend le récipiendaire après avoir été frappé au front avec le maillet du Très Vénérable Maître.

Les outils symboliques sont encore présents : maillet, fil à plomb niveau. Comme l'écrit Paul CARO dans Point de vue initiatiques n°64 cahier de la grande loge : « l'outil représente le fond de la symbolique et ces outils sont ceux du tailleur de pierre ils permettent au maçon de bâtir de construire ». « L'outil représente la nécessité de l'effort, il exprime l'exigence du travail pour mettre en œuvre toutes les possibilités de la pensée humaine ». Les outils sont indispensables pour construire le temple symboliquement.

La planche à tracer est là pour suggérer au F\ M\ qu'avant de s'engager dans l'action, avant de réaliser une œuvre, il convient d'abord de penser, la concevoir tracer les plans de la construction avant d'édifier la construction elle-même. Le maître est sensé être capable de se servir et de maîtriser les outils propres à la construction de l'édifice et accédé ainsi à un autre stade : celui de concepteur, d'architecte. L'équerre et le compas, outils du géomètre, servent à construire des figures, à raisonner sur leur propriété, à vérifier, à mesurer.

L'étymologie du Mot géométrie signifie mesure de la terre BERESNIAK dans Rite et Symbole de la F\ M\ ce que disent les vieux devoirs : « la géométrie, cinquième des sciences (selon la classification médiévale) scolastiques des sept sciences libérales, est l'art de mesurer toute chose sur la terre et dans le ciel, elle est appelée aussi la Franc Maçonnerie ». L'équerre et le compas sont associés aux outils de l'homme libre, les outils de la pensée qui reconnaît pouvoir rendre compte de la réalité, de reconnaître les lois et de la modifier pour améliorer la condition humaine. L'équerre est associée au carré, à la terre, à la matière et le compas est associé au cercle, au ciel et à l'esprit dans presque toutes les traditions.

A l'ouverture des travaux au degré d'apprenti l'équerre est posée sur le compas en vue de signifier que la matière domine l'esprit, au degré de compagnon l'équerre et le compas sont entrecroisés marquant l'équilibre entre les deux. Les maîtres eux « maîtrisent » parfaitement la matière au moyen de l'esprit, de ce fait le compas est posé sur l'équerre.

Oswald WIRTH (la F\ M\ Le Maître), dans « le rituel catéchisme interprétatif du grade de maître », indique que la réunion de ces deux instruments signifie que « l'équerre contrôle le travail du maçon qui doit agir en tout avec rectitude et en s'inspirant de la plus scrupuleuse équité. Le compas dirige cette activité en l'éclairant afin qu'elle trouve son application la plus judicieuse et la plus féconde ».

Pourtant l'équerre et le compas apparaissent encore sur le cercueil, mais séparés. La redondance de ces symboles nous oblige donc à les analyser séparément. Robert AMBELAIN, dans la « symbolique des outils dans l'art royal » écrit que l'équerre se dit en latin « Norma » signifiant règle, modèle, exemple. Ce même terme d'équerre tire son origine du latin « quadrare » et du préfixe « é » signifiant les cercles du monde. BERESNIAK (Rites et Symboles) nous écrit que, dans le paradis de la « Divine Comédie » Dante ALIGHIERI définit Dieu ainsi : « Celui qui de son compas marqua les limites du monde et régla au-dedans tout ce qui se voit et tout ce qui est caché ».

Le compas est l'outil plus spécialement réservé au maître, dans « le catéchisme interprétatif du grade de maître » Oswald WIRTH nous rapporte le dialogue suivant : « Comment avez vous été reçu Maître ? En passant de l'équerre au compas. Le compas est-il plus spécialement réservé au maître. Oui car eux seuls savent manier cet instrument avec profit. Quel usage font-ils du compas ? Ils mesurent toute chose en tenant compte des relativités. Leur raison, fixe comme la tête du compas, se reporte sur les objets en modifiant l'écartement des branches qui les relient. Le jugement de l'unité s'inspire non des rigides graduations de la règle mais d'un instrument basé sur l'adaptation rigoureuse de la logique à la réalité. Si un modèle était perdu où le trouveriez-vous ? Entre l'équerre et le compas, ce qui signifie que le maître cherché se distinguera par la moralité de ses actes et par la justesse pratique de son raisonnement ».

Notre rituel ajoute « ou au centre du cercle » qui est le centre de la conscience, de la vision vers une perception spirituelle, expression de la lumière intérieure. Au-delà des outils, le cercueil, l'idée de la mort et l'acacia sont prégnants dans ce tableau. Il semble nous dit TORT NOUGES, dans « La lecture des tableaux de loges » qu'au premier et au deuxième degré le F\ M\ était dans le monde cosmique et humain, celui de la vie quotidienne, un espace « intramondain » où l'homme doit écouter, bâtir, agir avec les autres hommes. Dans le 3ème degré apparaît la situation existentielle de l'homme : c'est l'idée de la mort symbolisée par le cercueil et la tête de mort. Mais contrebalançant cette idée, c'est aussi celle d'une éternité, d'une renaissance symbolisée par la branche d'acacia. L'homme ordinaire est effrayé par l'idée de la mort ; il perd de vue que tout ce qui vit prépare sa mort pour poursuivre la vie.

A chaque seconde, des cellules meurent et d'autres poursuivent la vie, des idées meurent et d'autres surgissent. Pour l'homme ordinaire, la mort a un sens lointain est effrayant à la fois. Il sait que la seule certitude qu'il puisse avoir c'est qu'il va mourir. Pourtant, cette perspective engendre bien des peurs et des douleurs. Il préfère occulter la mort dans sa vie. S'il existe un rythme naturel dans l'univers c'est bien pour que l'homme en tire un enseignement. Des morts de proches jalonnent notre vie, parfois au bout de souffrances insoutenables. Elles devraient être plutôt un soulagement qu'une tristesse. La mort ne trouble jamais l'ordre cosmique, mais suscite des remous dans l'égotisme des vivants, de ceux qui restent et veulent s'opposer au courant de la vie.

Tout meurt il en l'homme ? Ne reste t-il rien de sa vie et de sa pensée ? Nous n'en savons rien avec certitude, mais le tableau de la loge associé au rituel nous invite à examiner le mystère de la mort. Ils nous invitent à réfléchir, à méditer sur le sens de la mort de l'Architecte Hiram l'homme juste, et, à travers ce sens à réfléchir à la signification de notre vie sur cette terre et sur celle de la vie humaine.

La légende de la mort d'Hiram interpelle notre conscience dans toute sa profondeur. Elle indique et enseigne que tel l'Architecte qui veut rester fidèle à son devoir et à l'idée qu'il se fait de la vérité et du bien, il doit aussi accomplir son devoir et cela jusqu'au sacrifice suprême. Tout ce que pense et fait le F\ M\ doit être accompli et pensé à la lumière de la mort et à la lumière du bien et de la justice.

Pour le maître, la mort n'est pas sa mort mais sa renaissance symbolisée par la branche d'acacia, symbole de régénération spirituelle déjà en Egypte ancienne. Sur les monuments égyptiens figurait un sarcophage d'où sortait un acacia et la devise : « Osiris s'élance » signifiant la vie sort de la mort ou la Renaissance. N'est ce pas cet aspect que représente l'acacia dans la F\ M\ ?

Pour Oswald WIRTH, l'acacia représente « la survivance des énergies que la mort ne saurait détruire ». Le maître doit saisir la branche d'acacia pour « se rattacher à tout ce qui survit de la tradition maçonnique sans se laisser détourner par un archaïsme contraire au goût du jour ». Hiram « relevé » et non « ressuscité » grâce aux cinq points de la maîtrise, vivant à travers le nouveau Compagnon.

Il est remarquable de constater que l'acacia se situe à l'occident, car au cours de chacune de nos tenues funèbres le rituel nous invite à revivre le moment où la Chaîne d'Union rompue à l'occident est fermée à l'invitation du Vénérable Maître. Et ceci par le Frère apprenti dernier initié : « Frère N\…veuillez remplacer les Frères disparus et fermer la chaîne » suivi de la Parole d'Espérance : « Rien ne meurt tout est vivant ».

Nous avons tenté d'analyser le Tableau de Loge au grade de maître à travers ses diverses composantes, sans prétendre être exhaustif pour faire, comme le dit le Grand Maître JC. BOUSQUET en préface au livre du Frère H\ T\ N\ : « Raisonner les idées à partir des images ». Partant de la signification des outils symboliques qui permettent au F\ M\ de bâtir le Temple, celui de l'homme et de l'humanité. Nous avons exploré l'autre dimension où veut nous conduire le tableau de loge. Cette dimension c'est la réflexion profonde sur le mystère de la mort, sur l'idée de la mort et sa signification pour le F\ M\ et pour l'homme car le F\ M\ est un homme.

Associé à la légende d'Hiram il veut engager la F\ M\ à méditer sur la mort et la renaissance, sur l'éternité symbolisée par la branche d'acacia. Il n'y a pas de fin dans l'accomplissement du chemin initiatique, la mort n'est qu'un simple changement d'état ou autrement dit de direction.

J'ai dit.

M\ F\

Bibliographie :

1. « Lecture des Tableaux de Loge » d'Henri TORT NOUGES (Guy Tredaniel).
2. « La Franc Maçonnerie : le Maître » d'Oswald WIRTH (Dervy livres).
3. « Rites et Symboles de la Franc Maçonnerie » de Daniel BERESNIAK (Detrad).
4. « A La Lumière de l'Acacia » d'Alain POZARNIK (Dervy).
5. « Le Symbolisme Maçonnique Traditionnel » de J. Pierre BAYARD (Edimaf).


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