GLDF Loge : NP 21/03/2006


Les Particules fondamentales

Si l’on s’efforce de définir avec précision le terme de particule fondamentale, on tombe immédiatement sur une difficulté, dont l’explication va me permettre d’articuler clairement l’orientation de  cette Planche, et sur laquelle je vais un peu m’attarder :

En Physique des Particules, on appelle particule élémentaire une particule qui compose un ensemble de particules plus grandes. Par exemple, les atomes sont constitués de particules plus petites appelées électrons, protons et neutrons. Les protons et les neutrons sont à leur tour constitués de particules plus élémentaires appelées les quarks. Un des problèmes clés de la Physique est de mettre le doigt sur les particules les plus élémentaires, encore appelées particules fondamentales, c’est-à-dire les particules qui ne sont pas composées de particules plus petites.

Cette définition des particules fondamentales pose aujourd’hui deux types de problèmes :

Le premier, c’est que l’on se trouve sur un terrain mouvant dans lequel le film nous en apprend plus que la photographie : on n’arrête pas de découvrir des particules plus fondamentales que les autres, sans que le consensus final ne semble jamais atteint. Aujourd’hui, par exemple, le CERN (Centre d’Etudes et de Recherche Nucléaires), dépense plusieurs milliards d’euros, pour mettre en évidence, dans un accélérateur de 30 km de diamètre, le fameux boson de Higgs, qui n’est fameux que pour ceux qui en cernent, vous noterez le jeu de mots, la signification. Incidemment, et sans doute pas par hasard, le déroulement de cette expérience soulève d’importantes contestations politiques, compte tenu de l’ampleur des coûts engagés, et de l’impression de malaise qui commence à émerger quant aux finalités de l’opération.

Le deuxième problème est de nature beaucoup plus fondamentale. Parallèlement aux progrès de la Physique des Particules au 20ème siècle, ont émergé trois courants de pensée majeurs :
En Physique, la Physique Quantique, qui ébranle tout l’édifice, en disant qu’une particule ne peut être une particule que dans la mesure où l’on essaie de la voir comme particule, celle-ci se comportant comme une onde dans le cas contraire, introduisant pour la première fois formellement le concept de subjectivité en sciences, et créant un bouleversement dont 70 ans après, aujourd’hui, on commence à peine à percevoir les échos.

En Mathématiques, le fameux théorème de Gödel, qui dit en gros que tout formalisme scientifique rationnel contient nécessairement en germe ses propres limites, ce qui veut dire encore qu’il ne peut y avoir de formalisme scientifique universel.

Beaucoup plus récemment, en Psychologie Cognitive, et en Neurosciences, ces nouvelles approches qui tendent à promouvoir l’idée que finalement une démarche scientifique réadaptée serait utile aux progrès de la compréhension du monde subjectif, c’est-à-dire de la conscience, ne faisant en cela que retrouver les ancestrales visions animistes et bouddhistes.

Par conséquent, dire que l’on est en terrain mouvant est un euphémisme, et l’on peut se poser la question de savoir quelle démarche peut nous permettre de progresser sur ce terrain, ici et maintenant, dans notre Loge.

Celle que je vous propose est la suivante. Plutôt que de détailler encyclopédiquement le contenu foisonnant de la Science officielle d’aujourd’hui en matière de particules, ou plutôt en particules de matière, il me paraît beaucoup plus fécond de comprendre comment l’idée de particule fondamentale a évolué dans le temps, parallèlement aux modes de pensée dominants, afin de mieux appréhender quelle est la croisée des chemins aujourd’hui, dans le Monde, la Franc-Maçonnerie, et notre Loge.

Pour ce faire, j’ai subdivisé en cinq époques, l’histoire du monde, ou plutôt, comme on le verra, le sous-ensemble du monde qui a considéré comme essentielle l’approche particulaire de l’Univers. Chaque époque a eu son modèle dominant, intitulés respectivement
1.      Le Modèle des Quatre Eléments
2.      Le Modèle Atomique
3.      Le Modèle Nucléaire
4.      Le Modèle Standard
5.      Au-delà du Modèle Standard
 
     1. Le Modèle des Quatre Eléments

De nombreuses philosophies anciennes ont fait reposer leur explication de l’Univers sur une classification en quatre ou cinq éléments archétypaux. Le terme archétypal n’est pas neutre. Il veut dire que cette classification a été utilisée par toutes les cultures, c’est-à-dire essentiellement la Grèce Présocratique, aussi bien que la Chine ou l’Inde, où elle constitue les fondements du Bouddhisme et de l’Hindouisme. Archétypal veut dire aussi que cette classification a résisté au temps, et que loin d’être désuète, il n’est pas exclu, à mon avis, qu’elle revienne en force, par quelque détour inattendu de la Science. Archétypal veut dire enfin, en référence aux travaux de Jung, qu’il est fort possible que cette classification corresponde à une réalité profonde de l’esprit humain, en relation avec l’Univers.

Parmi toutes ces cultures, c’est la Grèce qui a été le ferment de la vision particulaire de la Nature qui nous intéresse ici.

Les Quatre Eléments de la Grèce Présocratique sont le Feu, la Terre, l’Air et l’Eau qui évoqueront sans doute des réminiscences à chacun d’entre nous. A noter que les Pythagoriciens ont ajouté un Cinquième Elément, l’Idée, permettant de constituer le Pentagramme.

      2. Le Modèle Atomique

L’idée que la matière est composée de particules élémentaires remonte au 6ème siècle avant JC. C’est un philosophe Grec, Démocrite, né en –450 et mort vers –360, qui a laissé son nom comme père de la vision atomiste du monde.

Pour Démocrite, la matière est composée dans son ensemble de deux principes, les atomes (ce qui est plein) et le vide (ou néant). Les atomes sont des corpuscules solides et indivisibles, séparés par des intervalles vides, et dont la taille fait qu’ils échappent à nos sens.

On notera l’apparition d’une vision duale de l’Univers, par opposition à la vision quaternaire précédente, qui connaîtra son apogée avec la fameuse binarité de notre société de l’information.

Il faudra attendre 1802 Après JC, pour que John Dalton démontre formellement que la matière est faite d’atomes. L’aboutissement de ce courant fut l’établissement en 1869 le la table périodique des Eléments par Dmitri Mendeleev.

  1. Le Modèle Nucléaire
Comme souvent en Sciences, aussitôt établi formellement, le modèle atomique est aussitôt dépassé. Dès 1890, JJ Thomson démontre que les atomes sont constitués d’électrons légers et de protons lourds, suivi de Ernest Rutherford, qui montre en 1911 que les protons sont concentrés dans un noyau compact. Au 20ème siècle, à travers la Physique Nucléaire et la Physique Quantique, la fission nucléaire, qui permet de scinder des atomes lourds donne naissance à la bombe nucléaire et à l’industrie nucléaire, productrice d’énergie, tandis que la fusion nucléaire, qui permet de fusionner des éléments légers, donne une explication profonde du fonctionnement des étoiles, et permet de réaliser un vieux rêve des Alchimistes, transformer du plomb en or, quoique de façon non rentable.

  1. Le Modèle Standard
Le Modèle Standard représente l’état actuel de la classification des particules élémentaires. Il permet d’unifier 3 des 4 grandes forces fondamentales de l’Univers, la force faible, la force forte et la force électromagnétique. Cette unification laisse pour l’instant de côté la quatrième force fondamentale, la Gravitation, dont la meilleure explication a été donnée par Albert Einstein, avec la théorie de la Relativité Générale.

Dans le Modèle Standard, 24 particules fondamentales sont liées entre elles par des particules appelées bosons de jauge, qui comprennent les gluons, les bosons W+, W- et Z, et les photons. Par ailleurs, l’existence d’un boson complémentaire, appelé boson de Higgs, doit encore être démontrée, précisément par l’expérience du Cern que j’évoquais précedemment.

  1. Au-delà du Modèle Standard
Le Modèle Standard, qui représente l’état officiel de la connaissance scientifique est aujourd’hui fortement critiqué :

Pas d’Unification des Quatre Forces fondamentales, trop de Particules, pas d’observation du boson de Higgs, de gros problèmes de hiérarchisation.

Plusieurs théories spéculatives sont en compétition pour conquérir les podiums scientifiques, parmi lesquelles la Théorie de la Grande Unification, la Théorie des Anneaux, la SuperSymétrie et la Théorie des Préons qui propose des particules encore plus fondamentales que les quarks.


J’arrête là cette description, je regarde à l’intérieur de moi-même, et me pose la question que vous devez tous être en train de vous poser. Que veut dire tout cela ? Quel incessant tourbillon, quelle agitation !

A partir de là, je vous propose une interprétation de tous ces faits :

Très insidieusement enraciné dans la pensée grecque, un grand courant de pensée a progressivement émergé, puis envahi la pensée Occidentale. Ce courant de pensée dit que la nature complexe des choses doit être réduite à des éléments simples et fondamentaux afin de pouvoir expliquer le tout. Il a pour nom le Réductionnisme, et a envahi non seulement la Physique, mais la Philosophie, à travers le Cartésiannisme, notre mode de pensée et d’action, notre relation avec la Planète et l’Univers.

Les bienfaits du Réductionnisme, passage obligé de l’humanité ont été indéniables : je citerai la démocratie, l’économie de marché, l’industrialisation. En revanche, les défauts du Réductionnisme deviennent aujourd’hui criants : l’inégalité, les conflits, la pollution.

Si l’on regarde maintenant les Symboles de la Loge, combien sont-ils réellement réductionnistes ? Je n’en ai trouvé qu’un seul : la Pierre Brute, symbole central des Apprentis, et véritable particule fondamentale objectivée de la Loge ( l’autre particule fondamentale est le Frère, mais celle-ci est subjectivée).

De là à dire que l’humanité, face aux problèmes auxquels elle doit faire face aujourd’hui, termine sa Phase d’Apprentissage, il n’y a qu’un pas, et que tout est mûr aujourd’hui pour la naissance de véritables sciences et philosophies subjectives où, contrairement au Réductionnisme, le Tout constitue plus que la somme des Parties. Dans ce contexte, il apparaît que la Loge, dans son équilibre symbolique naturel, très peu réductionniste,  si elle sait réagir en conséquence, a à peine commencé à affirmer son pouvoir d’expression, dans le monde qui nous attend.

Pour terminer cette Planche, j’ai voulu demander l’aide d’un artiste, pour m’aider à répondre à une question : Comment puis-je me voir dans la Loge, à l’aube du nouveau Monde où le Sujet prend enfin le pas sur l’Objet. C’est le dessinateur Escher qui m’a répondu, à travers son fameux dessin « Print Gallery » de 1956, où l’on peut constater que, pour pouvoir s’observer agir, on ne peut avoir recours géométriquement qu’à un monde non manifesté, comme l’indique le vide central du dessin joint à cette Planche.

Il faut laisser les Métaux à la Porte du Temple,


J’ai dit V\ M\.
 

D\ S\.

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