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La portée Uni-vers-elle des Templiers

7238-5-1

« …Non nobis Domine, non nobis, Sed Nomini Tuo da Gloriam. Amen… »
Devise Templière

I Création et puissance religieuse, militaire et financière de l’ordre

II Organisation spirituelle et hiérarchique de l’ordre, et filiation templière

Introduction

…Il est bien juste que dans un si terrible jour, et dans les derniers moments de ma vie,

  • je découvre toute l’iniquité du mensonge, et que je fasse triompher la vérité :
  • je déclare don, à la face du ciel et de la terre, et j’avoue, quoique ma honte éternelle, que j’ai commis le plus grand de tous les crimes, mais ça n’a été qu’en convenant que ceux qu’on impute avec tant de noirceur à un Ordre que la vérité m’oblige de proclamer innocent… Et d’ajouter gravement et péremptoirement : « L’Ordre du Temple est pur. Il est saint et innocent de tous les crimes qu’on lui a imputés »…

C’est cette dernière confession que fit publiquement, sur la place du parvis de Notre-Dame, Jacques de Molay, 22e et dernier Grand-Maître de l’Ordre du Temple de Jérusalem, avant de monter sur le bûcher que Philippe le Bell, alors roi de France, fit dresser à la hâte sur l’île aux juifs (à l’emplacement du Pont-Neuf, où se situe la statue du roi Henri IV), le 18 mars 1314.

Mais, si aujourd’hui je vous parle de cet ordre de chevalerie, c’est pour vous dire que les Templiers, comme je vais m’efforcer de vous le montrer, étaient bien plus que de simples moines-soldats. Pendant mes recherches, j’ai beaucoup appris sur cet Ordre, et plus j’avançais dans mes recherches, et plus, sur le plan de l’ésotérisme, je trouvais des analogies profondes et évidentes entre l’Ordre du Temple et la Franc-Maçonnerie, qui tire probablement pour une grande part son origine des confréries médiévales des tailleurs de pierres, des guides compagnonniques « opératifs » nés dans les censives des Templiers.

Je vais commencer par un « bref » rappel historique sur les origines et la fin de l’Ordre, pour terminer sur la portée symbolique et « uni-vers-elle » des Templiers.

I. Création et puissance religieuse, militaire et financière de l’ordre

…Lorsque vit saint Bernard que dans la vive flamme, je plongeais mon regard et j’absorbais mon âme. Il attacha ses yeux sur elle avec ardeur, et mon extase en prit encore plus ferveur. (Dante, La Divine Comédie, le Paradis, chant XXXI)

A. Naissance de l’ordre

…Revêtez l’armure de Dieu pour pouvoir résister aux manœuvres du Diable. Car ce n’est pas contre des adversaires de chair et de sang. Mais contre les Régisseurs du monde de ténèbres, contre les Esprits du Mal. Qui habitent les espaces célestes…

Ecrivait Saint Bernard, l’abbé de Clairvaux, en faisant les louanges du nouvel Ordre qui venait de naître, et de continuer en disant : …Porter les armes est permis, à ceux-là, du moins, qui ont reçu leur mission d’en Haut…et d’ajouter avec certitude…ni la vie, ni la mort ne pourront vous séparer de la Charité de Dieu qui est en Jésus-Christ… (Saint Bernard).

Sous le règne du roi Baudouin II, furent créés deux Ordres :

  • le premier, au milieu du XI siècle, fut celui de l’Hôpital (aujourd’hui portant le nom de l’Ordre des Chevaliers de Malte, créé par des commerçants d’Amalfi) qui, à force de présents, avaient obtenu la permission d’établir un hospice dans Jérusalem pour recevoir les pèlerins latins qui viendraient visiter le Saint-Sépulcre.
  • Puis, en 1118, conduit probablement par un sentiment de pitié face à l’état de guerre continuelle où se trouvait le royaume de Jérusalem et du petit nombre de guerriers chrétiens qui se battait pour sa défense contre les « infidèles », fut créé l’Ordre des Pauvres Chevaliers du Christ du Temple de Salomon (l’Ordre du Temple).

En effet, les « infidèles », constitués essentiellement d’Arabes Bédouins, pénétraient fréquemment dans le royaume de Jérusalem, et les Sarrasins qui y habitaient attaquaient à l’occasion les voyageurs se rendant en pèlerinage en Terre Sainte, les dépouillaient, et souvent même les massacraient.

Ainsi, neuf gentilshommes français, motivés probablement aussi par la volonté de se donner en exemples, fondèrent une sorte de confrérie militaire spécialement consacrée à protéger les pèlerins dans leur voyage en Terre Sainte. Les chefs initiaux de cette association étaient Hugues de Payens (ou de Pains), et Geoffroi (ou Godefroi) de Saint-Aldémar ; mais leur chef spirituel, qui devait, le 14 janvier de l’an de grâce 1128 (10 ans après), lors du concile de Troyes, donner le jour à la Règle dite latine de L’Ordre du Temple (l’Ordre des Pauvres Chevaliers du Christ, du Temple de Salomon), fut, bien sûr, l’abbé Saint Bernard de Clairvaux.

Il s’agissait de faire reconnaître par l’Eglise un Ordre de Chevalerie constitué de moines soldats et dont l’axe était représenté par les neuf premiers membres fondateurs, et de lui donner les bases qui devaient fixer et préserver l’unité de l’Ordre. Trois vertus devaient garantir cette harmonie : la patience, l’humilité, et la charité.

Le Chevalier du Christ devait par conséquent être armé de :

  • Patience pour bouclier, qu’il porte et dont il s’entoure contre tout adversaire.
  • L’humilité pour cuirasse, qui préserve ses profondeurs intimes.
  • La charité pour lance, avec laquelle, se portant vers tous dans la provocation de la charité, et se faisant tout à tous, il combat le combat du Seigneur.

Mais il lui fallait aussi le heaume du salut, qui est l’espérance, protégeant la tête, c’est-à-dire l’élément fondamental de l’esprit. Qu’il ait également le glaive de la parole de Dieu et le destrier du bon désir. Plus tard, le pape Eugène II (1145-1153) accepta de faire mettre la croix rouge sur leurs habits blancs : le blanc comme emblème d’innocence et le rouge pour symboliser le martyre.

En 1139 (22 ans), dans sa bulle Omne Datum Optimum, le pape Innocent II, ami de Saint Bernard qui l’avait aidé à triompher des antipapes (Anaclet II et Victor II), accorde à l’Ordre du Temple de nombreux privilèges, dont trois très importants qui vont lui conférer une indépendance certaine :

  • Il permet aux templiers de conserver le butin pris aux Sarrasins.
  • Il confirme l’exemption des dîmes au profit de l’Ordre et son droit d’en percevoir.
  • Il place l’ensemble de l’Ordre sous la protection du Saint-Siège et sous sa tutelle exclusive ; l’Ordre, dont le siège de la maison « chêvetaine » était fixé à Jérusalem, se trouvait ainsi soustrait à l’emprise du patriarche de Jérusalem et à celle des évêques, ne relevant plus désormais que du Pape. Ce privilège était d’autant plus important que les Statuts de l’Ordre ne pouvaient être changés que par les Chevaliers eux-mêmes réunis en Chapitre qui, seul, pouvait élire un Maître.

Par cette bulle, Innocent II dégage donc l’Ordre de toute tutelle et de toute autre autorité autre que celle du Pape. Ainsi l’Ordre devient-il indépendant. Il est désormais « un Etat dans l’Etat, une Eglise dans l’Eglise ».

B. Puissance temporelle en occident et traces templiers en orient.

…O Dieu, vous m’avez permis ici-bas l’usage de l’épée que pour contenir la malice des méchants et pour défendre la justice…

…Faites donc que votre nouveau chevalier ne se serve jamais de ce glaive pour léser injustement qui que ce soit ;

…Mais qu’il s’en serve toujours  pour défendre tout ce qu’il y a ici-bas de juste et de droit. (Guillaume Durand, Benedicto novi militis, XIII siècle).

a) Puissance en Occident

Nous avons vu que l’Ordre a bénéficié de mesures exceptionnelles, et que personne, à part le Pape, n’avait plus le pouvoir de le contrôler.

Tout le monde cherchait à se placer sous la protection du Temple. Les « donnants » faisaient don de leur terre et de leurs biens divers à l’Ordre, dans le seul dessein d’assurer la protection terrestre et spirituelle de leurs familles.

Les Commanderies templières d’Occident s’avéraient la plupart du temps de prodigieuses exploitations agricoles, ce qui permettait aux templiers de vivre grassement des produits de leurs nombreux domaines. Ils cédaient leur excédent d’une part dans les villes, lors des grandes foires, d’autre part par l’intermédiaire de Commanderies citadines. Les Templiers accédaient aux moulins, boucheries, poissonneries… De plus, ils pratiquaient les prix les plus bas aussi parce qu’ils étaient exonérés de droits et taxes en tout genre et s’avéraient d’excellent commerçants.
Ceci d’ailleurs n’allait pas sans susciter jalousie, voire de la haine de la part des autres commerçants, qui se plaignaient de « concurrence déloyale ». Fort de ces diverses sources de revenu, l’Ordre du Temple pouvait effectuer aisément les dépenses afférentes à l’entretien des bâtiments ainsi qu’aux investissements d’ordre militaire.

Il n’y a aucune exagération à dire que le « Trésor du Temple » a été, pendant tout le XIII siècle, la caisse où étaient centralisées et administrées les ressources financières destinées aux croisades et aux différents besoins en Terre Sainte. En outre, il fallait assurer le réseau de communication routier des biens et des personnes ; pillages et meurtres étaient en effet de mise à cette époque, et les Templiers s’étaient mis en demeure d’assurer la sécurité de tous ceux qui étaient amenés à se déplacer, qu’ils fussent pèlerins, voyageurs, marchands…et créèrent pour cela un réseau routier fort complexe. Ils furent les premiers aussi à créer celle que nous appelons aujourd’hui « la lettre de change », issue du génie que l’Ordre déployait en matière d’opérations financières, les Templiers devenant ainsi pas seulement des maîtres en matière de commerce, mais aussi des banquiers. Ainsi, tout individu qui quittait au matin une Maison du Temple pouvait avoir la certitude d’arriver, sans rencontrer le moindre problème, dans une autre Commanderie avant la tombée de la nuit.

Plus tard, le roi Philippe Auguste prit même le soin de nommer un Templier pour gérer le « trésor royal » et le roi Philippe le Hardi n’hésitera pas un instant à décider que l’on entrepose les recettes publiques dans l’imposante tour de la Maison du Temple à Paris. Ainsi, le trésorier du Temple sera-il devenu le Trésorier du roi et du Temple.

Ceci nous permettra donc, mes T.C.F., d’imaginer aisément qu’un tel pouvoir, militaire, religieux tout autant que financier, associé à de grandes richesses, allait, au fil du temps, occasionner de grandes jalousies, que certains, comme on pourra le voir par la suite, ne tarderont pas à manifester.

b) Traces Templières en Orient.

La lutte engagée en Orient mettait aux prises les Templiers contre les Arabes. L’Ordre rencontrait des difficultés et, bien souvent, faisait les frais des erreurs politico-stratégiques des Croisés qui, au mépris de l’adversaire et, surtout, sans véritable expérience sur le terrain, s’engageaient dans des combats.

Le roi Louis VII rend hommage, dans sa lettre destinée à l’Abbé Migne, à l’action menée par les Templiers en Terre Sainte. Ces quelques mots, à eux seuls, étayent l’action et la mission menées par l’Ordre en Orient. Il écrivit :

…Nous ne voyons pas, nous ne pouvons pas nous imaginer comment nous aurions pu subsister un instant dans ce pays sans l’aide et sans leur assistance...

…Cette aide ne nous manque jamais depuis le premier jour de notre arrivée jusqu’au moment où ces lettres nous quittent, et ils se rendent toujours, toujours plus serviables… (Lettre de Louis VII à Suger, Abbé Migne)

Bien souvent, les Templiers firent aussi œuvre de diplomatie, comme en 1160, prenant soin d’éviter au royaume de Jérusalem de se voir attaquer simultanément sur deux fronts et, ce faisant, contractèrent une alliance avec le sultan d’Egypte. Et, lorsque le roi Amaury se lança dans une guerre contre l’Egypte, sans être un seul instant arrêté par la pensée qu’il était lié avec le Calife et son Vizir par un traité récent et solennel que les Templiers avait réussi en son nom et dans l’intérêt du royaume à contracter, les Templiers, fidèles à leur parole, manifestèrent  sans ambages leur refus de s’associer à ce conflit. Le Maître du Temple, à cette époque, Bernard de Blanquefort, exprima nettement son désaccord, tant :

  1. en ce qui concernait le caractère de la présomptueuse et déloyale entreprise de s’emparer de l’Egypte, qui  relevait de la pure folie,
  2. qu’en raison de la notion de parjure, qu’il ne pouvait accepter de facto par pur principe moral.

La « gloire du Temple » en Orient connut sa fin en août 1291 (200 ans) de, après la prise de Jaffa par Malek-Adel, frère et successeur de Saladin « le conquérant », qui avait su, dans sa démarche de conquérant, répondre à la « Croisade » par le « Jihad ».

…La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens…écrit Clausewitz (général et théoricien militaire prussien) ; mais quand il n’y a plus de politique, alors...!

Les Templiers renoncèrent alors contre leur gré à défendre « la Terre Sainte » et l’évacuèrent en bon ordre pour se replier symboliquement sur Chypre. Telle fut l’héroïque épopée militaire du Temple en Orient, qui avait passé le plus clair de son temps à tenter de redresser la situation si précaire du royaume de Jérusalem. Pendant toute la période des croisades, ils ont défendu la chrétienté, ce qui d’ailleurs, comme nous pourrons le voir fut un peu vite oublié au cours de leur procès. (Un autre jour)

c) Procès et « fin » de l’Ordre

Dès l’aube du vendredi 13 octobre 1307, on procéda à l’arrestation des Templiers du royaume de France, qui n’offrirent pour la circonstance aucune résistance, se soumettant en cela à leur Règle qui interdisait à tout Templier de prendre les armes contre d’autres Chrétiens.

Le 24 octobre, (11 jj) le Maître de l’Ordre, Jacques de Molay, reconnaissait, sous la torture, que lorsqu’il avait été initié à Beaune, on l’avait enjoint de cracher sur la croix et de renier le Christ par trois fois. Aveux sur lesquels il reviendra plus tard, en prenant la foule à témoin, dénonçant ainsi le fait que les aveux lui avaient été extorqués sous la torture par un simple hochement de la tête (lors de l’inquisition), et dit :

Au moins, laissez-moi joindre un peu les mains et faire à Dieu ma prière…c’en est bien le moment, je vais maintenant mourir. Dieu sait que c’est à tort. Il arrivera bientôt malheur à ceux qui nous condamnent sans justice. Dieu vengera notre mort ; je meurs avec cette conviction. …Pour vous, Seigneur, tournez-moi, je vous prie, le visage vers la Vierge Marie, mère de Jésus-Christ…

L’Ordre du Temple venait de mourir avec ses principaux dignitaires, mais les protagonistes de cette « sale affaire », soit ceux qui avaient comploté contre l’Ordre, n’allaient pas en profiter autant qu’ils l’espéraient, car pratiquement tous décédèrent la même année de mort violente ou « accidentelle »… (le pape, le roi, les ecclésiastiques de l’inquisition…).

S’agissait-il une « malédiction » proférée par les Templiers ? Ou bien s’agissait-il plutôt  d’une vision prophétique émise par le Grand Maître, juste avant sa mort ?

Quoi qu’il en soit, cette question ne fait qu’accroître l’épais mystère qui entoure, encore aujourd’hui l’Ordre du Temple.

II Organisation spirituelle et hiérarchique de l’ordre, et filiation templière

…Diversement de ce que l’on parle
Et où le monde est en bataille
L’on peut bien décevoir l’Eglise.
Mais on ne peut en nulle guise
Décevoir Dieu. Je ne dis plus
Qui voudra dire le surplus… (Geoffroy de Paris)

A. Structure spirituelle et organisation de l’ordre

a) Pensée spirituelle de l’Ordre

L’office de chevalier était de maintenir et de défendre la sainte foi catholique pour laquelle, selon saint Bernard…Dieu le Père envoya son Fils prendre chair humaine en la Vierge glorieuse, Notre Dame Sainte Marie. Ainsi Dieu a élu les clercs pour maintenir la sainte foi ; et élu les chevaliers pour que (selon saint Bernard)…par la force des armes, ils vainquent et soumettent les mécréants qui, chaque jour, s’efforcent à la destruction de la sainte Eglise.

Pour ce faire, tout chevalier devait connaître les sept vertus qui sont la racine et le commencement de toutes les bonnes coutumes, et sont la voie de la céleste gloire éternelle (la foi, l’espérance, la charité, la prudence, le courage, la tempérance et la justice).

Le Chevalier du Temple devait se vouer aussi à la pratique de toutes les autres vertus militaires et chrétiennes ; sa vie, une fois entré dans l’Ordre, était l’exil et la guerre sainte jusqu’à la mort. Pour ce faire, le Chevalier devait toujours :

  • Accepter le combat, fût-ce d’un contre trois (3, plan symbolique).
  • Ne jamais demander quartier.
  • Ne point donner de rançon de quelque sorte quelle soit (un Templier ne peut donner que son poignard et sa ceinture pour gage).
  • Il lui était défendu de combattre en désordre et de se laisser emporter témérairement par le courage ; mais il ne devait jamais s’avancer au combat que d’après le commandement de son chef, et en observant les règles de prudence.
  • Il devait toujours être le premier à attaquer, et le dernier à se retirer du combat (il lui était défendu, comme acte infâme, de fuir devant l’ennemi, ou de se retirer en désordre).

D’autre part, les frères de l’Ordre étaient soumis, comme tout membre de toute institution monastique, à une stricte discipline pour pouvoir se maintenir dans toute leur force ; ainsi, toute faute et négligence que les frères pouvaient commettre dans l’accomplissement de leurs devoirs était systématiquement, après mûr examen, dévoilées et punies.

C’est d’ailleurs aussi cette discipline austère qui animait les premiers Chevaliers, et qui leur permit de s’attirer le respect de leurs exploits, et la renommée de leur valeur.

b) Structure et organisation de l’Ordre.

Les structures de l’Ordre apparaissent très hiérarchisées, mais les pouvoirs ne sont pas totalitaires (il y a d’ailleurs un parallélisme évident entre les structures de la Franc-maçonnerie et celles du Temple). Les « Retraits » sont les statuts de l’Ordre qui soulignent la force et la souplesse de la Chevalerie.

A la tête se trouve le Maître, appelé aussi « le Maître du Temple de Jérusalem » ; l’appellation « Grand Maître » n’apparaît qu’au XIV siècle.

Le Maître est assimilé à un père abbé (ou souverain), cependant ses pouvoirs ne sont pas absolus car les Retraits précisent que…tous les Frères doivent obéissance au Maître, et le Maître doit obéissance à son Convent…

D’autre part, le Maître ne pouvait prendre aucune décision importante sans l’assentiment du Chapitre, qui pouvait aussi l’obliger à démissionner (ce fut le cas, en 1253, pour Renaud de Vichy, qui s’était laissé humilier par Saint Louis).

La Règle interdisait aux électeurs du Grand Maître réunis de divulguer les discussions et les incidents du Chapitre.

B. Mystères templiers et filiation ésotérique

C’est au sein de l’ésotérisme religieux qu’il convient de chercher avant tout la clef des mystères entourant l’Ordre du Temple, c'est-à-dire vers les origines du christianisme gnostique et mystique ; celui de saint Jean et de saint Paul, par leur écrits, mais aussi de saint Jacques et de saint Marc, par leurs actes. Selon l’école chrétienne, la « Gnose », communiquée par le Fils de Dieu, est « la sagesse ». Or la Gnose elle-même est un dépôt parvenu par transmission à quelques hommes ; elle a été communiquée oralement par les Apôtres, car les…choses secrètes se confient oralement et non par écrit et Dieu fait de même.

Or, saint Jean l’Evangéliste semble avoir été le dépositaire direct de cette Gnose salvatrice. Ainsi, il a été représenté par la tradition chrétienne comme le gardien du « Saint Graal » et, par conséquent, de la Tradition Primordiale révélée aux seuls initiés.

Nombreux aussi sont les rapprochements symboliques entre les deux saints Jean ; saint Jean Baptiste (le Précurseur) et saint Jean l’Evangéliste.

Il faut que celui-là croisse et que moi je diminue…disait saint Jean Baptiste en désignant les missions parfaitement complémentaires des deux Jean par rapport au calendrier liturgique :

  • Le 27 décembre, à la saint Jean Evangéliste (solstice d’hiver), les jours commencent à croître.
  • Tandis que le 24 juin, à la saint Jean Baptiste (l’été), les jours décroissent au profit de la nuit.

Les deux saints Jean ouvraient donc, suivant la liturgie chrétienne, les « deux portes solsticiales » de l’année, parfaitement assimilables aux « pôles » de l’initiation aux Mystères chrétiens ; c'est-à-dire sur des plans symboliques différents : « La descente aux enfers » (mort initiatique) qui conduit à la « nouvelle naissance », qui ouvre les portes du Ciel et favorise ainsi l’accès aux réalités spirituelles. De même, à un autre niveau, le « baptême par l’eau » doit être suivi par le « baptême par le feu » (ou du Saint- Esprit), c'est-à-dire l’accès à « l’illumination mystique » par celui qui est venu rendre témoignage de la Lumière conduisant, par la manifestation de la Grâce, à la véritable Connaissance des états intérieurs de l’être (Gnôsis).

Les Templiers appartenaient donc à la « bergerie », c'est-à-dire à la « maison » de saint Jean.

Le sceau de l’Ordre exprimait d’ailleurs la double nature des choses, ainsi que la dualité de chaque être. En effet, on y voyait deux frères monter sur le même cheval, en passant par les cases blanches et noires de leur beaucéant, opposant la lumière à l’obscurité. Le cheval devait symboliquement assurer (ou en être l’instrument) le passage entre les deux mondes : du céleste au terrestre, suggérant aussi que le corps n’est que le véhicule de l’âme et de l’Esprit divin.

Tout ceci implique que les Chevaliers  du Temple étaient bien plus que de simples « moines-soldats ».

Il faut fortifier le Christ… Ainsi vous recevrez la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu’est la largeur, la hauteur et la profondeur…avait écrit saint Paul. Et on retrouve cette même conception métaphysique chez les « néo-platoniciens » et les « néo-pythagoriciens ». Alors rien d’étonnant à ce que les Templiers se soient autant attachés à la « symbolique des nombres », ainsi qu’aux conceptions pythagoriciennes en général. D’ailleurs, à ce propos, « l’abacus » du Maître (canne en forme de sceptre) avait à son sommet la croix de l’Ordre gravée sur un disque, rappelant ainsi la canne des « Maîtres constructeurs de Pythagore ».

En outre, les deux cavaliers et leur cheval se référent également à la tripartition en l’être :

  • Spiritus (esprit)
  • Animus (âme)
  • Corpus (corps).

Le nombre trois rappelle bien sûr la « Tétraktys » pythagoricienne, évoquant aussi la Très Sainte-Trinité (le Père, le Fils et le Saint-Esprit).

Le dernier terme de la Tétraktys pythagoricienne (1+2+3+4=10) est représenté par la croix pattée de gueules aux quatre branches égales, symbolisant le martyre par le sang versé, tout autant que la rencontre du Ciel et de la Terre manifestant la vie.

Le Nombre d’Or de Pythagore (1+V5 : 2 = 1,618)² intervenait d’ailleurs dans le tracé de la croix pattée templière, où les branches se dédoublant faisaient ressortir  le symbolisme propre au nombre « 8 », désignant la « Résurrection et la Vie » : c'est-à-dire ici le Christ.

D’ailleurs, le mot « Jésus » avait pour correspondance « guématrique » 888 et le Christ constituait pour les gnostiques chrétiens « la Divine Ogdoade ».

Les Templiers utilisaient parfois également « l’Etoile hermétique » à huit pointes qui désignait la « Pierre Philosophale ».

Le nombre « 9», quant à lui, était constamment présent dans la symbolique templière :

  • Neuf furent les Chevaliers qui fondèrent l’Ordre.
  • Les Commanderies étaient aussi divisées en neuf provinces.
  • Les Chevaliers (en avril 1310) qui remirent un important mémoire en vue d’assurer la défense de l’Ordre à la commission pontificale étaient neuf Frères.
  • Neuf frères encore s’étaient présentés devant le concile de Vienne, et furent incarcérés sans même avoir été interrogés.

Sur le plan ésotérique, le nombre « 9 » suggérait « l’unité ennéade » de  la tradition antique, tant en Egypte qu’en Grèce, manifestant les principales émanations divines engendrant peu à peu la création dans son ensemble.

Toutes ces préoccupations d’ordre symbolique, voire « hermétique », n’échappaient pas aux Templiers, tels qu’en témoignent encore leurs édifices religieux ; que les chapelles fussent en effet de plans octogonal, circulaire ou bien rectangulaire, elles obéissent le plus souvent aux données traditionnelles pythagoriciennes.

Quant aux mystérieux « Gaults » à l’origine de « l’art Gothique », ils avaient été financés par les Chevaliers du Temple dès les débuts de leur Ordre, participant ainsi à l’éclosion de « l’art de Lumière » des cathédrales. Les chapelles proprement « templières » furent toutes dédiées à Notre-Dame, et généralement orientées dans l’axe du levant, au jour de la saint Jean-Baptiste, soit le 24 juin, au solstice d’été.

Ainsi, l’on peut parler d’une architecture templière qui repose maintes fois sur le « 8 », chiffre du Christ, chiffre 8 qui, quand il est positionné à l’horizontal, symbolise l’infini. Le nombre d’or est bien sûr une référence incontournable à cette « géo-métrie » (soit exactement la mesure de la Terre).

Les chapelles octogonales, qui sont une création templière, servaient à la communion du groupe et à l’initiation des nouveaux membres. Elles figurent le passage de la mort à la résurrection, celui des ténèbres à la lumière. L’octogone est la pièce « secrète » du Templier ; par sa fonction, elle ressemble à la chambre du roi de la Grande Pyramide, qui jamais ne fut un tombeau ; elle éprouve la force spirituelle du Chevalier face à la reconstitution de la résurrection du Christ, et sa renaissance.

Tout cela nous laisse penser que la tradition symbolique et spirituelle de l’Ordre voulait qu’un Templier en évolution devait, lui aussi, re-naître tout au long de sa quête divine du Graal.

Aussi intéressant est le rapport de 2-1 que les Templiers pratiquaient. En effet, tout comme les compagnons, et les enfants de Salomon, les Templiers fondèrent leur géométrie sacrée sur le postulat symbolique que le Saint-Graal, contenant le sang du christ, avait été porté sur 3 tables. L’une était ronde, l’autre carrée, et la troisième, rectangulaire, était formée par 2 carrés. Or ces trois tables sont de même surface ! Leur nombre est de rapport 2-1. Ce type de rapport se rencontre également dans les fameuses pyramides égyptiennes. 2-1 est aussi le rapport qui guidait la proportion du Temple de Salomon. Les 3 tables et le rapport 2-1 se retrouvent encore dans les cathédrales.

D’autre part, il n’était pas rare de voir dans les églises templières des représentations de sainte Anne avec sa fille, la jeune Marie, encore enfant, à ses côtés. Or le symbolisme hermétique qui se dégage de sainte Anne suggère la « prima materia » ou le noir minerai, que les alchimistes utilisaient pour la réalisation de leur Grande Oeuvre. On peut en conclure que les Templiers étaient férus d’alchimie et qu’ils se donnaient à cet « art » ! Ce, même s’ils ne devaient, comme nous l’avons vu, aucunement à la « Pierre philosophale » l’obtention de leurs richesses matérielles.

…La lumière d’Allah « en l’homme » est à la ressemblance d’une niche où se trouve une lampe… (Le Coran)

…Ne savez-vous pas que vous êtes un Temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous (Saint Paul, I Corinthiens, III, 16) ?

Déjà, par leur présence à Byzance, les Templiers avaient eu connaissance de « l’alchimie alexandrine », déjà fort développée dans la littérature hermétique rattachée au personnage légendaire d’Hermès Trismégiste. Ce « Corpus Hermeticum » gnostique devait par ailleurs s’enrichir des éléments fournis par « l’alchimie arabe », de par les relations, aussi conviviales et respectueuses, que les Chevaliers entretenaient avec le monde musulman.

C Filiation templière et conclusion

Une Grande Loge unifiée naquit à Londres en 1717 et donna suite, comme nous le savons, aux « Constitutions d’Anderson », publiées en 1723. La Franc-maçonnerie moderne était née. Et selon Paul Naudon, l’Ordre du Temple serait à l’origine de la Franc-Maçonnerie spéculative.

Un récit intéressant fut repris par Cadet de Gassicourt (1798), précisant que d’Aumont et sept autres chevaliers se seraient approchés du lieu du supplice du Grand Maître Jacques de Molay, et, prenant chacun une poignée de cendres, les auraient jetées en direction du palais du Roi, clamant le mot rituel de « Mac…Benach… » en jurant de venger le martyre de leurs frères du Temple.

Tous ces faits, ainsi que le symbolisme ésotérique templier, m’ont permis de faire une analogie, à mes yeux évidente, entre la tradition philosophique et ésotérique templière et nos rituels.

L’image de la Sainte Vierge

Je voudrais terminer ce travail sur la portée universelle des Templiers, dont l’anagramme est « uni-vers-elle ». Mais uni vers qui ? …Et pourquoi ?

Les Pauvres Chevaliers du Christ, à qui on ne peut pas reprocher leur fidélité au Christ, car leur foi était incontestablement sincère (et, surtout, on ne peut leur reprocher leur engagement, notamment lors de la période des croisades), ont en effet porté une adoration sans failles à la Vierge Marie. Leurs pensées, leurs prières, comme leurs chapelles étaient avant tout destinées à la Sainte Vierge, bien sûr car elle est la mère du Christ, mais aussi, et cela me semble important, parce que son amour, son message de charité vers l’homme est sans ambiguïté.

D’autre part, elle est aussi la représentation symbolique de la divinité féminine, que l’on retrouve d’ailleurs dans beaucoup d’autres religions (Déméter, Cérès, Isis, Maia, déesse de la Terre, mère de Mercure, le messager céleste), le mois de mai lui était consacré, et c’est en mai (du latin maius) que nous célébrons la Vierge. C’est aussi en ce mois qu’elle fit son apparition et ses révélations à Fat-ima (dont l’anagramme est « mai »).

Les Templiers rendaient hommage à la Sainte Vierge pour l’ensemble du message qu’elle transmet et lègue aux hommes de bonne volonté ; et les Templiers, en vénérant la Vierge, allaient au devant du Mystère, dans l’objectif de modifier les comportements des hommes et de faire évoluer la société, et surtout ne pas rebâtir sur des bases « pourries ». C’est là manifestement une attitude exactement contraire à celle des théologiens de l’Eglise qui, de façon dogmatique, définissent le « Mystère » comme une vérité inaccessible à la raison, mais que Dieu donne à « connaître » !

Luc (11,52) disait…Malheur à vous, Docteurs de la Loi, parce que ayant pris les clefs de la science, vous n’y êtes point entrés vous-mêmes, mais ceux qui voulaient y entrer, vous les en avez empêchés…

Là, l’avertissement  émis par saint Luc était clair, et les Templiers l’avaient bien compris. C’est pour cela que, comme saint Paul, ils prônaient « l’intelligence », qui signifie très exactement « lire dans la terre », intelligence sans laquelle, disait Jésus, …la foi est bâtie sur du sable… La spiritualité des Templiers, qui est donc en désaccord avec les dogmes de l’Eglise, va dans ce sens, en reprenant ainsi Marc (4,22) l’évangéliste, selon lequel « …il n’est rien de caché qui ne doive être connu… ».

Et puis par rapport à notre société actuelle, ajuterai même, que l’Ordre des Templiers devrait être, pour nous, aujourd’hui un modèle, une source d’inspiration pour notre société, auxquels nos décideurs, qu’ils soient politiques, religieux ou autres...feraient bien de venir s’abreuver car le savoir n’est pas la connaissance, et les Templiers l’avaient bien compris, seul la connaissance est source de sagesse.

Je terminerai volontairement ce travail, comme je l’ai commencé en première page, par la belle et  très explicite devise de l’Ordre du Temple…qui encore une fois se rapproche de la « notre ».

Non nobis domine, non nobis, sed nomini tuo da Gloriam…Amen…« Non pour nous Seigneur, mais pour la Gloire de Ton nom… ».

Ven\ Mai\, J’ai dit

A\ C\

Bibliographie

« La Sainte Bible », Nouvelle Edition Louis Sgond, Trinitarian Bible Society, 1988.
« L’Affaire des Templiers », Le dossier du procès, Georges Lizerand, Axiomes éditions, 1999.
« Les Templiers, Moines et chevaliers de la Lumière », Run Futthark, éditions De Vecchi, Paris, 1998.
« Histoire des Templiers », J.-J.-E. Roy/ Pardès.
« Les Templiers », Régine Pernous, Que sais-je ? 1974.
« Le Combat des Templiers », Pierre Girard Augry, Baudry Editions, 2003.
« Le Bréviaire des Templiers », Pierre Girard Augry, Baudry Editions, 2003.
« Les Templiers et Leurs Mystères », Patrick Rivière, Editions De Vecchi, 1992-1997.
« Enquête sur la France Templière » Christophe Deloire, Le Point, janvier 1999, n 1373.
« Le Petit Robert 2 et 1 », 1984.
« Le Dictionnaire Couleurs », Hachette, 1991.
« La Franc-maçonnerie », J. B., Editions Michel Lafon, 1998.
« La Pendule de Foucault », Umberto Eco, Le Livre de Poche, 1988.
« I.N.R.I., Le Triangle Secret », didier Convard, Denis Falque, Pierre Wachs-Paul, Glénat, 2004.
« Trois Pas Vers l’Infini » L’Initiation Ecossaise, Claude Guerillot, Collection Pierre Vivante, Editions Dervy, Paris 2003.
« L’Ordre de Molay », Pie…Mou…, 2004.
« La divine comédie », Dante, Le Paradis, Edition bilingue GF-Flammarion, 1988.
« Dictionnaire des Symboles Maçonniques », Jean Ferré, Pierre Philosophale, Editions du Rocher, 1997.
« L’Instruction d’Apprenti » Respectable Loge Symbolique l’Echelle de Jacob.
« Encyclopédie Microsoft® Encarta® » 2002. © 1993-2001 Microsoft Corporation.
« L’Ordre du Temple et les Templiers », Philippe Leviez, 19962002, www.acquiweb.com/templiers/gm.thm.
« Ego sum Resurrectio, Apud Dominum », Gregorian Chant for the Dead, Aurira Surgit, A lessio Randon, HNH International Ltd 1995.


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